The end of the dream [Gaël & Raedhun]

La chemise vole dans un coin de la pièce et le souffle de Gaël s'accélère dangereusement. Il réalise qu'il a déjà la tête qui tourne, tout simplement enivré par la vue de celle qui hante ses nuits. Ce n'est presque pas sérieux à quel point cette femme lui fait de l'effet.

Un léger rire lui échappe aux paroles de Raedhun, alors qu'elle repart aussitôt à la recherche de ses lèvres. Il savoure quelques secondes leur baiser puis y met une brève pause, le temps de prendre son visage à deux mains pour mieux la regarder droit dans les yeux. Puis, l’espace d'un bref instant, elle peut le voir réellement, sans barrière, ni masques, ni mensonges.

"J'suis qu'un con. Pardonne-moi."

Puis, comme pour se faire pardonner ou rattraper le temps perdu, il l'embrasse de nouveau. Ses gestes se font alors plus instinctifs que réfléchis, au profit de leurs sens à tous les deux, et il la serre contre lui avec un empressement proche de l'urgence. Il la fait rouler sur le dos, se retrouvant au-dessus d'elle, et en profite pour parcourir sa peau de ses lèvres. Il veut lui faire ressentir les mêmes frissons électriques, la même envie irrationnelle, proche de la folie, qu'elle lui inspire. Il veut tirer d'entre ses lèvres des gémissements de plaisir et qu'elle en perde la tête. Il veut que dans ses bras, elle en oublie ses problèmes, ses inquiétudes et ses obligations. Qu'elle ne soit alors plus qu'elle-même, vibrante et vivante.

Et il rit. Il rit et il m'emporte, là où personne avant lui n'avait su m'emporter. Dans un endroit que j'connaissais pas, qui me donne l'impression d'être en train de crever, et de jamais avoir été aussi vivante. Sa peau devient une drogue, pire et meilleure que toutes celles que j'ai connu jusque là. Mes mains pressantes et audacieuses, douces et sauvages, parcourent son torse, son dos, sa nuque, ses cheveux. Aucun de mes gestes ne semble suffisant pour éteindre ce brasier ardent qu'il a allumé. Et j'suis même pas sûre d'avoir envie qu'il s'éteigne.

Je cherche ses lèvres, encore et encore, comme une putain d'assoiffée. J'le retrouve, et comme la première fois, j'ai l'impression de respirer à nouveau. Mon coeur bat si fort que c'en est ridicule. Merde, pourquoi il bat si fort ? J'ai l'impression qu'il résonne dans toute la pièce, qu'on n'entend plus que ça. Mes mains abandonnent le haut de son corps pour aller à l'assaut de son pantalon. Je n'ai qu'une obsession en tête : le sentir lui, entier et vivant contre moi. Qu'il n'y ait plus que lui et moi, et qu'ensemble, on ne fasse qu'un. Qu'on réduise à néant cette putain de distance, qu'on détruise chaque millimètre capable de séparer nos peaux et nos âmes l'une de l'autre.

- Sale con, je souffle.

Me laisse plus. Me laisse plus jamais. J'sais pas où on va, sûrement droit dans le mur. Mais j'veux plus jamais qu'au me laisses. Tout le reste, on l'emmerde.

Gaël l'aide à finir de se défaire de son pantalon, puis leurs corps entiers peuvent enfin se rencontrer. Il lui semble que sa peau est brûlante, presque iridescente, et un instant il craint que ses mains trop attirées par elle, trop passionnées aussi, ne viennent lui faire mal. Le désir de ne plus faire qu'un avec elle est d'ailleurs presque douloureux, mais Gaël se retient, faisant d'abord glisser ses lèvres contre le cou, puis la poitrine, le ventre et les hanches de la belle. Il continue ses caresses et ses baisers jusqu'à ce qu'il la sente toute entière l'appeler à elle, puis enfin, se donner tout entier à Raedhun.

À ce moment précis, Gaël sait qu'il ne pourra plus reculer. Jusque là, malgré ses paroles et ses gestes, une infime partie de lui considérait toujours pouvoir retrouver la raison au besoin et l'extirper de cette folie. Mais là maintenant, Raedhun vient de lui arracher ce dernier rempart. S'il court à la catastrophe et à sa destruction, alors il y fonce tête baissée. Il espère seulement ne pas l’entraîner avec lui dans sa chute.

Lorsque leurs corps finissent par retomber sur les draps, il fait déjà noir dehors. Alors qu'il tremble légèrement et qu'il retrouve progressivement son souffle, Gaël a l'impression que sa poitrine est pleine de beaucoup plus de choses qu'elle ne peut en contenir. Il vient alors chercher les lèvres de la blonde avec une douceur qui contraste avec sa passion et son désir vibrant d'avant.

Le monde pourrait bien cramer dehors que j'm'en foutrais, mais alors royalement. Ses mains, ses gestes, sa peau, son souffle qui se mêle au mien, y a que ça qui compte. Ce type me rend cinglée. J'suis ivre, ivre de lui, de son regard, de ses gestes, de sa façon d'être. J'suis même pas foutue de l'expliquer. P't'être juste parce que merde, ça s'explique pas. Y a pas de mots pour décrire ça. Juste une sensation. Une putain de sensation qui m'emporte et me noie, encore et encore. Une putain de sensation qui fait que tout me parait intensément futile.

Quand on retombe sur les draps, il fait nuit dehors. Il vient m'embrasser, et la douceur remplace la passion et la puissance de nos ébats. Et là, la réalité vient me frapper comme un bon coup de poing balancé dans l'estomac. Il fait nuit dehors. Merde. J'vais être à la bourre. Mon joli petit monde avec juste lui et moi s'effrite dangereusement, et après un dernier baiser, j'm'arrache de son étreinte, à regret. J'ai pas envie de partir. Et déjà que j'avais pas envie d'y aller, à cette soirée, mais alors maintenant...

- Merde. J'suis désolée Diaz, j'dois y aller.

Je vais récupérer mes vêtements qui ont eu largement le temps de sécher depuis ce matin. Merde, que la journée est passée vite... Faut encore que je rentre me changer, et puis que je me rende à l'adresse secrète de la soirée, qu'on va sûrement pas tarder à m'envoyer, d'ailleurs.

Readhun lui glisse entre les doigts et le charme se brise. Pas avec violence, mais plutôt avec cette impression d'irréel qu'a une parfaite goutte d'eau de disparaître en tombant enfin sur la surface d'un lac. Gaël met quelques secondes à reprendre contacte avec la réalité, réalisé le temps passé et les implications des paroles de la blonde. Il se redresse ensuite lui aussi, renfilant son jean sans l'attacher, et attend ensuite sans un mot que Rae ait terminé de se préparer en toute hâte, la suivant des yeux avec un demi-sourire. Il pourrait prendre peur qu'elle disparaisse et ne revienne jamais, mais l'idée ne lui effleure même pas l'esprit. Il hausse donc simplement un sourcil vers elle, ayant remarqué son expression pleine de frustration liée à l'idée de partir, un demi-sourire amusé flottant sur ses lèvres.

"J'connais des gens qui pourraient te rédiger un billet médical pour justifier une mystérieuse fièvre te clouant au lit jusqu'à demain matin, si t'as besoin d'un alibi."

Ne souhaitant pourtant pas la faire se sentir plus mal, il vient vers elle une fois qu'elle a de nouveau enfilé ses vêtements, et ajoute rapidement :

"J'plaisante. J'espère que j't'aurais pas mis trop en retard."

Il l'enlace par-derrière et vient déposer un baiser dans son cou, puis il s’attarde un bref instant avant de la relâcher. Gaël ne lui demande pas où elle va. Si elle veut le lui dire, elle le fera, tout simplement.

L'alibi pourrait presque être tentant, s'il avait une quelconque utilité. Si j'y vais pas, j'vais perdre du fric, et ça va faire tâche. J'suis jamais absente à des soirées de cette ampleur. Jamais. J'termine en vitesse de m'habiller, et je le laisse m'étreindre quelques secondes. J'retiens un soupire de frustration quand il me relâche, et je m'accroupis sur le sol pour récupérer Waalan. Quand elle s'est enroulée autour de moi, j'fais un simple clin d'oeil à Gaël et je sors de la pièce. Mais pas trois secondes plus tard, je reviens et je l'embrasse comme jamais. Et toujours sans un mot, j'me casse de là et je file un peu comme une voleuse. Dehors, il pleut encore.

Je cours sur le sol mouillé, mes pieds nus claquant sur les pavés inondés par des flaques éparses. Je serre un peu les dents. Il me manque déjà, cet abruti. Et maintenant qu'il est plus là, j'sens un espèce de vide étrange. Pourtant, je sais que je retrouverai rapidement la chaleur de son corps et le confort de ses bras. Cette pensée rendra sans doute la soirée moins pénible. J'vais essayer de m'amuser, et j'irais le retrouver. Ouais, j'vais faire ça.

C'est avec les lèvres encore brûlantes de leur baiser que Gaël regarde Raedhun disparaître. Il reste ensuite quelques instants appuyé sur le cadre de porte avec un sourire heureux flottant sur ses lèvres, puis réalise qu'il est toujours à moitié nu et entre de nouveau dans sa chambre. À l'intérieur, il remet un peu d'ordre dans le bordel qu'ils ont foutu puis passe à la douche. Une fois propre, il descend à l'étage de la taverne. Celle-ci est beaucoup plus animée que plus tôt et il ne réussit que par chance à se trouver une place au comptoir. Sa journée à lui aussi est loin d'être terminée.

Jusqu'aux petites heures du matin, il discutera en payant des verres aux différents pirates et contrebandiers du coin, aidé par l'enthousiasme du propriétaire de l'endroit. Il aura d'ailleurs droit à une remarque pleine de sous-entendus de la part de ce dernier concernant la belle blonde avec qui il est disparu plus tôt. Il ne répondra rien, cachant son amusement derrière son verre avant de faire dévier le sujet vers des eaux utiles à ses recherches d'informations. Ce n'est que vers trois heures du matin qu'il retrouvera le chemin de sa chambre. Comme Raedhun l'avait prédit, ses questionnements et ses doutes se rappelleront alors à lui, face au silence de la nuit, jusqu'à ce qu'enfin la fatigue l'emporte. Il ne dormira que sur une oreille néanmoins, se réveillant au moindre bruit dans le corridor avec l'espoir qu'une silhouette familière vienne frapper à sa porte.

La soirée se passe pas mal. Y a du beau monde, et elle est putain de fructueuse. Je me fais un paquet de fric, et pour sûr que ma réputation est à son apogée. Mais j'dois bien avouer que ma concentration est fragile. J'vois le visage de Gaël à la place de tous ces mecs tordus qui se noient dans mon intimité. Ils sont drogués, et je pompe leur fric avec facilité. Heureusement qu'ils ont pas les idées claires, j'arrive pas toujours à faire semblant comme j'le devrais. Mais apparemment, ça passe.

La soirée se termine un peu avant sept heure du mat'. J'suis morte. La drogue et l'adrénaline de la soirée commencent à redescendre, et j'ai besoin de prendre une douche. Je réfléchis même pas. J'ai pas les capacités pour, de toutes façons. Moi, ma tenue indécente, Waalan et mon sac imposant que j'avais laissé à l'accueil, on prend la direction de l'hôtel de Gaël. J'me fiche bien de l'heure. J'vais sûrement le réveiller. Mais j'ai besoin de lui. J'en ai besoin à crever. Merde.

J'arrive dans l'établissement, je croise personne. J'entends juste du bruit dans les cuisines. Discrètement, je grimpe à l'étage, jusqu'à la porte de Gaël. Là, j'attends même pas. Et je frappe encore moins. J'ouvre la porte, je pose mon sac dans un coin, j'referme la porte derrière moi, et je file sous la douche avec Waalan. J'ai même pas jeté un coup d'oeil au dormeur - s'il dort. Ca attendra.

Gaël ne dort que sur une oreille, aussi lorsque celle qu'il attend et espère entre dans sa chambre, il se réveille aussitôt. Il n'a néanmoins pas le temps de se redresser ou de dire quoi que ce soit que la belle blonde disparaît dans la salle de bain. Il n'en fait aucun cas. Peu importe ce qu'elle a été faire, il comprend le besoin d'une bonne douche après le travail, surtout quand on en rentre à cette heure.

Le brun prend donc le temps de chasser le sommeil en s'assoyant sur le rebord du lit. Il se passe d'abord une main sur le visage puis dans ses courts cheveux sombres aux accents poivre et sel, puis attrape comme par réflexe son matériel pour se rouler un joint de feuilles d'Yäiewt. Il n'allume pas la lumière néanmoins, et ses yeux s'habituent progressivement à l'obscurité. Dans un coin de la pièce, il entend un léger sifflement de la part de Querida et il comprend qu'elle est réveillée elle aussi. Elle semble monter la garde, mais le fait qu'elle n'ait pas montré les dents et sauté sur Raedhun lorsque celle-ci est entrée dans la pièce est surprenant en soi. Elle est si territoriale et protectrice, normalement. Elle doit s'être suffisamment habituée à la présence de la blonde pour ne plus la considérer comme une intruse.

Lorsque Gaël entend l'eau de la douche cesser de couler, il est déjà à la fin de soin joint, qu'il éteint dans le cendrier puis attend patiemment.

Je prends mon temps, sous la douche. J'en ai putain de besoin. Pour laver tout ce qui s'est passé cette nuit, comme d'hab. Non pas que j'me sente particulièrement sale. C'est plus pour décompresser, et séparer ces soirées du reste. De lui. C'est que quand l'eau s'arrête de couler que j'y pense vraiment. Je choppe une des deux serviettes - celle qui a l'air propre, et je m'enroule dedans. Mes cheveux sont attachés en un chignon haut et désordonné. Je sors de la salle de bain, et je le vois, assis sur le lit, la tête dans le cul.

Sans même faire mine de ralentir, j'le rejoins. J'me fais une place sur ses genoux, et avant d'être totalement assise sur lui, j'plaque mes lèvres contre les siennes. Mes mains se posent sur son visage, et j'le laisse même plus respirer. Mais au bout de quelques secondes, je le relâche et je me lève. Je lui lance un regard malicieux, avant de me diriger vers mon sac.

- J'te réveille pas, j'espère ?

"Juste un peu."

Il ne lui dit pas qu'il l'attendait, mais à la lueur qui brille dans ses yeux, cela doit être évident même pour un aveugle. L'effet lui est étrange d'ailleurs. Comme une vieille habitude retrouvée, à la fois toujours aussi familière, mais étrangement différente, de sorte qu'on ne sait plus comment agir face à elle. Depuis combien d'années n'a-t-il pas attendu le retour de quelqu'un dans son lit ainsi? Depuis Beatriz, soit depuis au moins 25 ans. Bon sang que le temps passe rapidement. Ces deux sensations en contradiction s'effacent néanmoins avec la douceur du baiser, souffler par quelque chose de beaucoup plus puissant.

Gaël se lève à son tour, vêtu uniquement de son sous-vêtement comme seul pyjama, et vient enlacer Raedhun par-derrière. Enfouissant son nez dans le cou de la belle blonde, il prend le temps d'embrasser sa peau et d'en goûter le parfum avant de demander :

"Ta nuit s'est bien déroulée?"

J'me suis à peine penchée en avant que je sens Gaël qui vient et m'enlace par derrière. J'me redresse et je ferme les yeux, profitant de cette étreinte qui me fait un bien fou. C'est dingue c'que ses caresses font pas le même effet que toutes les mains qui m'ont touchées cette nuit. Alors je me tourne pour lui faire face, et je regarde son visage. Je lui caresse la joue, remonte jusqu'à ses cheveux, observe son regard, ses traits, ses lèvres.

- Bof. Elle s'est déroulée.

Je m'arrache à son étreinte pour aller chercher de quoi rouler. Quand j'ai trouvé mon bonheur, j'vais m'asseoir en tailleur sur le lit et j'me fais tranquillement mon pét'. Dehors, le jour se lève déjà. Il fait encore moche.

- J'ai pas réussi à me concentrer. J'pensais trop à toi. Et la tienne ?

Elle semble apprécier ses caresses, alors Gaël n'arrête pas ses baisers dans son cou, la gardant doucement contre lui, mais elle se tourne rapidement pour le regarder. Une barre soucieuse vient se former entre ses sourcils lorsqu'elle lui répond sur le déroulement de sa soirée. Peu importe ce qu'elle a fait, le coeur ne semblait pas y être ou alors l'activité en elle-même n'était pas particulièrement agréable. Il n'ose néanmoins pas poser des questions, ne souhaitant pas l'obliger à se trouver des excuses pour éviter le sujet si elle n'a pas envie d'en parler comme plus tôt.

Il retourne finalement vers le lit lorsqu'elle se détache de nouveau de lui, s'adossant au mur côté oreillers, puis se passe une main sur le visage pour tenter d'en chasser les restes de sommeil qui s'accrochent toujours.

"Pas mal. Mais j'étais distrait moi aussi."

S'il ne sourit pas, la complicité et un brin de malice résonnent dans sa voix. Il se détourne ensuite vers la table de chevet, allongeant le bras pour attraper son briquet et l'allumer en le tendant en direction de Raedhun lorsqu'elle a terminé de rouler son joint. Il sait qu’elle ne trouve jamais son feu. Gaël reste silencieux quelques instants puis ajoute finalement, sur un ton un peu étrange :

"J'suis heureux d'te revoir."

Il me tend son briquet et je le remercie d'un hochement de tête après avoir allumé ma clope. Il est prévoyant. J'savais pas où j'avais encore foutu mon briquet. J'ai passé ma soirée dans les effluves de drogues, à fumer et à piquer les autres ou moi, mais putain, ce que ça fait du bien, ce petit joint de fin de soirées. C'est comme une libération, un truc qui ôte tout le poids de mes épaules.

- Ah ouais ? Distrait par quoi ?

Et je lève un sourcil quand il me dit qu'il est heureux de me revoir. Je prends le temps de tirer deux trois lattes avant de retourner mon regard dans sa direction.

- J'suis pas partie longtemps, ni loin, pourtant. Mais ouais, c'est cool.

Menteuse. Il t'a manqué toute la soirée, et même vidée de toute ton énergie, t'as préféré marcher plus longtemps pour le rejoindre. Putain, quelle conne. J'termine mon joint en silence, et je l'écrase dans le cendrier avant de me poser à côté de lui, la tête sur son épaule. Waalan dort déjà, dans un coin de la pièce.

- T'es un con, Diaz.

Et puis là, contre son torse, je sens juste son odeur et son coeur qui bat dans sa poitrine. M'en faut pas plus pour que je m'endorme petit à petit.

Gaël sourit, amusé, puis rétorque avec humour :

"Oh, t'aurais du voir, j'ai croisé une magnifique blonde aujourd'hui, avec de ces yeux qu'on peut pas oublier. Et elle a pas voulu quitter mon esprit du reste de la journée."

Alors qu'il prononce ces mots, il n'a d'yeux que pour elle. Il ne répond d'ailleurs pas à la phrase suivante de Raedhun, après qu'il lui ait dit être heureux de la revoir, se contentant de laisser son regard parler à sa place. Peu lui importe qu'elle n'ait été loin de lui que quelques heures, elle est revenue. Elle est revenue vers lui et le sentiment que cela lui procure ne peut s'exprimer en mot.

La blonde termine de fumer puis vient enfin le rejoindre. Gaël tire la couverture afin de les recouvrir tous les deux puis la prend dans ses bras. La tête de son amante ainsi posée sur son torse crée un poids rassurant et confortable tout en lui permettant de déposer un baiser sur le sommet de ses cheveux à l'odeur familière. Lorsque Raedhun le traite de con, Gaël sourit puis ferme les yeux.

"Je sais."

Bercé par la respiration régulière de la femme, l'impérial retombera lentement dans le sommeil, cette fois bel et bien sur ses deux oreilles.

Les jours passent. J'suis de plus en plus fatiguée des soirées qu'j'enchaîne à un rythme de malade dans les environs, mais à chaque fois que je retrouve Gaël, c'est comme rejoindre un petit bout de paradis pour lequel on vendrait volontiers son âme et même tout le reste. Ce soir-là, c'est encore aux bras de Gaël que j'pensais pendant la soirée. Ah putain, s'il m'avait vue. J'avais sorti le grand jeu. Longue robe de soirée avec un décolleté qui descendait jusqu'à sous mon nombril, avec des talons d'au moins dix bons centimètres. J'suis sûre que ça l'aurait rendu fou. Mais c'est pas lui que ça a rendu fou, ce soir.

C'est un autre gars, un peu trop déchiré pour comprendre que c'était pas une bonne idée de me toucher sans mon autorisation. Heureusement, c'pas un type trop important, mais bref. C'est parti en bagarre, et c'est pas moi qui en ai le plus souffert. Mais ce connard, il m'a bien ouvert la pommette, et j'ai plusieurs bleus, dont un au visage qui risque de mettre un peu de temps à partir. Le maquillage fait des miracles, j'aurais pas de mal à le cacher. Heureusement. Mais en attendant, j'me retrouve comme une conne dans ma chambre d'hôtel alors que je devrais être avec Gaël. Putain, fais chier. J'peux pas me montrer comme ça devant lui. J'espère qu'il va pas s'inquiéter. J'lui ai dit "à tout à l'heure", en partant, et c'est le premier soir où je reviens pas vers lui.

Le temps passe rapidement, entre ses soirées de travail et ses nuits avec Raedhun. Gaël commence d'ailleurs à manquer de sommeil, n'ayant pu bien dormir les derniers jours suite à l'arrivée d'un nouvel équipage pirate à Port Salem. Ceux-ci détiennent plusieurs informations intéressantes sur les activités illégales dans un coin du système auquel il n'a que peu accès, il n'a pu laisser la chance passée et n'a donc dormi que trois heures par nuit depuis une bonne demi-semaine.

C'est donc avec un soupire de soulagement qu'il se laisse tomber sur son lit, ce soir-là, au petit matin. Raedhun n'est toujours pas là, mais il n'est pas rare qu'elle finisse de travailler en même temps ou après lui, alors il ne s'en inquiète pas. Néanmoins, alors qu'il tente en vain de trouver le sommeil et que les minutes se transforment en heures toujours sans nouvelles de la blonde, une certaine angoisse le prend au ventre. Raedhun est entièrement libre de faire ce qu'elle veut, quand elle veut, mais il n'est pas dans ses habitudes de lui dire qu'elle le rejoindra pour ensuite ne jamais se pointer.

Inquiet et vaguement énervé contre lui-même de ne pas avoir réussi à s'endormir, l'impérial se relève et attrape son HCom. Puisqu'ils sont sur la même planète, il peut facilement la rejoindre, aussi il lui écrit les simples mots suivants :

/ Hey, bella. Est-ce que tout va bien?

J'ai commandé d'la glace. Un gros seau de glace. Pour mon visage surtout, mais y a un endroit sur mon ventre qui me fait bien mal aussi. Putain le con, mais le con. Waalan me quitte pas. Elle a eu peur, elle aussi. J'la caresse, ça m'apaise aussi. Et là, mon h-com vibre. Ca me fait sursauter, et pendant un moment j'hésite à même pas regarder. Mais après, j'me dis qu'c'est peut-être Gaël... Bingo. J'reste conne devant son message, pendant longtemps. La glace a le temps d'arriver, alors j'pose mon h-com, j'prépare de quoi appliquer la glace sur les endroits qui me font mal, et j'retourne devant ce message. Putain, c'pas compliqué pourtant. Y a que huit foutus mots dans ce putain de message à la con.

/ Ouais.

J'envoie le message, j'balance mon h-com sur le lit et j'me reconcentre sur ma glace et mes douleurs. Mais putain, pourquoi j'me sens si mal, là ? Merde. J'soupire, je reprends le h-com.

/ J'ai eu un léger souci au travail, rien de grave. J'suis rentrée à mon hôtel, j'avais pas le courage d'aller jusqu'au tiens.

... J'avais pas le courage d'affronter ton regard. J'avais pas le courage de t'expliquer. J'avais pas le courage de me montrer à toi dans ce foutu état. Merde. Ca devrait être simple, mais là, ça me brise les ovaires tellement fort qu'ça fait des miettes d'ovaires qu'on pourrait jeter aux oiseaux, tiens.

La réponse met un moment à arriver. Gaël tente de se convaincre qu'elle est simplement occupée ou dort déjà, qu'elle aurait pu tout bonnement être trop fatiguée pour le rejoindre et est rentrée à son hôtel. Il ne doit pas s'en faire pour si peu, c'est surement la fatigue qui le fait angoisser pour rien. Mais lors qu’enfin un message de Raedhun lui parvient, ce dernier lui fait froncer les sourcils plutôt que de le rassurer. Il la connait suffisamment maintenant pour savoir que ce genre de réponses simples et d'apparence détaché cache toujours quelque chose. Il hésite néanmoins à insister. Si elle ne souhaite pas lui parler... Un deuxième message arrive à l'écran. Sa décision est alors prise en deux secondes.

/ J'arrives.

Gaël sort du lit et saute dans ses vêtements. Querida, qui avait profité de l'absence de la blonde pour se coucher au pied du lit, s'étire en bâillant avant de sauter au sol, comprenant par habitude qu'ils vont bouger. L'homme attrape le minimum nécessaire, ferme la lumière derrière lui et quitte son auberge en direction de l’hôtel de Raedhun dans les quartiers plus huppés de Port Salem. Si cette dernière ne souhaite pas le voir, elle a amplement le temps de lui écrire de rester chez lui.

Il dit qu'il arrive. Ben ouais, évidemment. Tu t'attendais à quoi pauvre conne ? Qu'il dise "Ok bonne nuit" ? J'prends mon h-com dans les mains, j'commence à rédiger un message pour lui dire de pas venir. Au moment d'envoyer, j'hésite. Putain. A quoi bon, de toutes façons ? C'est hors de question que j'me prive de Gaël et des jours qu'il nous reste à cause d'un pauvre connard demeuré qui peut pas maîtriser ses pulsions. Alors j'laisse tomber mon h-com sur le lit, je soupire, et j'vais dans la salle de bain pour essayer de me rendre un peu plus présentable. Il sera pas là dans longtemps. J'le connais, Diaz. A tous les coups, il était déjà parti avant même d'avoir envoyé son message pour dire qu'il arrive. J'me regarde dans le miroir, je grimace.

- Putain, la gueule que t'as, ma pauvre fille.

L'entaille et le bleu sur la joue sont vraiment pas beau. Ca me donne un air encore plus sauvage, ceci dit. J'grogne, entre le rire et le désespoir et je mets de l'eau glacée sur mon visage. J'attache rapidement mes cheveux, mais j'vais pas me re-maquiller. Pas avec la soirée que j'ai passé, et même pour Gaël. T'façon, faut être réaliste. A moins de ressembler à une poupée en plastique, j'arriverai pas à faire partir ça. Et j'aurais toujours ce regard épuisé. Merde, j'fais vraiment peine à voir.

Le chemin entre son auberge et l’hôtel de Raedhun prend à pied normalement une vingtaine de minutes. Il le fait en quinze. Gaël ne sait pas ce qui entre la formulation étrange de ses réponses ou son attitude différente de d'habitude l'inquiète autant, mais quelque chose au creux de son ventre lui dit que quelque chose ne va pas. Mais son instinct se trompe peut-être. Si ça se trouve, la fatigue le rend paranoïaque et il débarquera chez Raedhun commun un con, inquiet alors qu,elle n'a eu qu'une trop grosse pile de paperasse à gérer aujourd'hui.

Cette pensée ne le fait pas ralentir ses pas néanmoins. Better safe than sorry, comme disent les vieux Corporatistes, non? Il préfère donc de loin s'en faire pour rien que de laisser Raedhun toute seule si elle ne va pas. Et puis, même si elle n'a eu qu'une simple mauvaise journée sans soucis grave, au moins il sera là pour elle. Avec ce qu'ils sont désormais l'un pour l'autre, même sans mot pour le nommer réellement encore, cela fait littéralement parti de ses définitions de tâches. Plus qu'un rôle même, il VEUT être là pour elle.

Il n'est venu qu'une fois à l’hôtel avec Raedhun, celle-ci venant plutôt le retrouver à son auberge, mais l'homme à l’accueil le reconnait et le laisse entrer malgré l'heure tardive. Gaël se retrouve donc rapidement devant la porte de la blonde et frappe deux coups.

Ca toque. Deux coups. C'est Gaël. Déjà, putain ? J'fais quoi, j'lui souris ? J'lui hurle d'entrer sans bouger ? J'vais lui ouvrir et j'le laisse se décomposer devant moi ? Merde, j'en sais rien, moi. D'habitude, quand il arrive ce genre de merdes, Rob' est trop loin pour intervenir sur le coup, donc une fois sur deux, il est même pas au courant, ou il se contente d'un "Oh ça ? C'est rien, t'inquiètes.". Mais Diaz, c'est pas Rob'. En même temps, j'pourrais lui mentir à Gaël. Lui dire que j'suis tombée. Que j'ai eu un accident. Ce s'rait pas faux.

Et puis merde. J'm'avance vers la porte, je l'ouvre, et puis sans même laisser le temps à Diaz de l'ouvrir, j'vais coller mes lèvres contre les siennes. J'ai toujours pas de plan, mais j'me sentais pas le coeur à le faire attendre, alors qu'il s'est dépêché pour arriver jusque là et qu'il est sûrement inquiet. Ou il a juste envie de baiser, j'sais pas. Bref, j'l'attire dans la chambre je ferme la porte derrière nous, et là j'le lâche, mais je lui tourne le dos aussitôt.

- Ca va, Diaz ? Tu veux boire un truc ?

J'essaie de lui parler normalement, mais mon coeur bat étrangement vite. Je sais pas comment il va réagir, et je sais pas ce que je vais pouvoir lui dire pour qu'il y croit. Surtout avec les blessures que j'ai partout, et surtout sur le visage et mes cernes.

La porte s'ouvre et la blonde le surprend en venant s'emparer de ses lèvres. Dans leur baiser, Gaël ne peut s'empêcher de sourire légèrement, lui rendant son étreinte, quoi que toujours vaguement inquiet. Néanmoins, lorsqu'ils se séparent, le demi-sourire de Gaël s'efface aussitôt que ses yeux se posent sur les blessures de Raedhun et son regard s'assombrit. La porte se referme derrière eux et la blonde joue la comédie comme si tout était normal, lui tournant le dos comme pour lui cacher ce qui est pourtant évident. La colère froide qui l'avait saisit à la poitrine en voyant ses blessures s'étend alors comme un poison dans ses veines.

À sa question, le brun ne répond rien, avançant plutôt prudemment dans la pièce derrière elle. Dans sa tête, les réflexes d'une vie entière de travail dans l'ombre se mettent en place. Retrouver quelqu'un sur Salem n'est pas un problème pour lui. Faire disparaître des évidences et garder l'anonymat non plus. Celui qui a fait ça l'ignore, Raedhun aussi, mais c'est loin d'être une bonne idée d'allumer cette flamme noire dans le coeur de Gaël Diaz.

Au bout d'un moment de silence, lorsque l'impérial comprend que Raedhun ne se retournera pas d'elle même vers lui, il demande s'implement, d'une voix grave et calme, dénudé d'agressivité, mais définitivement moins chaleureuse qu'à l'habitude.

"Qu'est-ce qui s'est passé?"

Merde. Il reste silencieux trop longtemps, il a pas l'air content. J'passe une main sur mon visage, grimaçant quand mes doigts effleurent les blessures sur ma joue. J'souris quand même, j'essaie au moins d'être rassurante. En vérité, j'me sens doublement mal. Déjà parce que j'ai définitivement pas envie qu'il sache la vérité, et ensuite parce que j'suis pas hyper rassurée par le ton qu'il prend. J'm'inquiète pas pour moi, hein, je sais qu'il me fera rien. Juste... j'veux pas qu'il se mette dans la merde. Alors j'me retourne vers lui, enfin. J'souris pas, j'suis aussi naturelle que possible. Pas simple, il me fait perdre tous mes moyens, ce con.

- De quoi ?

J'touche ma joue, j'ai l'impression qu'il me transperce avec son regard. Y a encore un peu de sang qui reste collé sur mes doigts. Trois fois rien.

- Oh, ça ?

J'sais pas si c'est hyper crédible. Surtout que l'autre connard m'a blessée à trop d'endroits pour que ça puisse passer pour une simple chute. Quoi que, j'peux essayer la chute dans les escaliers. Ouais, allez.

- Un accident. C'est rien, t'inquiètes pas. J'ai un peu trop bu, j'suis tombée dans les escaliers. J'te serre un whisky, ça t'ira ?

Avant qu'il me réponde, j'me retourne et j'commence à le servir. Merde, putain, pourquoi ça m'fait cet effet là de lui mentir, à lui ? c'pas comme si c'était la première fois que j'déblatérai des conneries.

Gaël reste silencieux de nouveau, cherchant le regard de Raedhun pour y accrocher le sien. Ses iris ne laissent d'ailleurs aucun indice qu'il a cru l'explication de la blonde. Il ignore d'ailleurs sa question. Sa voix, quant à elle, est un peu plus douce que précédemment lorsqu'il reprend finalement, quoique toujours infiniment calme et grave.

"J'ai été impliqué dans suffisamment de bagarres pour savoir à quoi ressemblent les blessures d'après match, Rae."

L'homme s'approche alors prudemment d'elle, ignorant encore dans quel état d'esprit l'agression l'a laissée, et il vient doucement poser la main contre la sienne, l'enjoignant à déposer la bouteille de whisky. Il vient alors de nouveau chercher ses yeux verts et cette fois, sa voix est définitivement plus douce et proche de celle qu'il a normalement lorsqu'ils ne sont que tous les deux. Des notes d'inquiétude filtrent même au travers.

"Qui t'a fait ça? Laisse-moi t'aider, s'il te plait."

Sa main libre se lève alors vers le visage de Raedhun, s'arrêtant à quelques millimètres de sa peau un instant pour lui laisser le temps de se retirer si elle le désire, puis vient doucement effleurer le contour des blessures pour en prendre la pleine mesure. Les ecchymoses, les coupures, le sang séché... La colère brûle dans sa poitrine, mais il s'efforce de rester calme. C'est Raedhun qui compte là maintenant, l'autre ordure peut attendre.

Merde. Putain, il pouvait pas être crédule ? On aurait bu un coup, on se s'rait calés dans le lit, on aurait pas baisé mais j'aurais juste été dans ses bras. Comment tu veux que j'mente à ce gars, là ? A ce regard ? Putain, ce regard. Il va me rendre dingue, ce con. Merde, merde, merde, fais chier ! Il caresse mon visage, je frissonne quand ses doigts effleurent mes blessures, et j'ferme les yeux un instant. J'soupire.

- Merde, tu fais chier, Diaz.

J'm'arrache à ses doigts, et j'vais m'asseoir sur le lit, les genoux repliés contre ma poitrine. J'regarde le mur du fond. N'importe quoi pour pas le regarder lui, quand... Putain, c'est sûr qu'il va se casser quand il saura, mais j'peux pas lui mentir. Merde, fais chier, j'aurais dû lui dire de pas venir. Quelle conne.

- Tu peux pas m'aider. Y a rien à faire pour ça, ni pour le reste. C'est les règles du jeu quand on est moi et qu'on a ma putain de vie. J'bosse, et parfois, ça se passe mal. J'connais les risques, et j'y retourne à chaque fois. Parfois, on me traite comme de la merde, parfois, on me fait du mal. J'm'en fous, c'est pas important. Ce soir... Un des gars... Un client. Il était stone, il est devenu violent. Il m'a bien niqué la gueule, Waalan l'a mordu. Ca va lui passer l'envie de recommencer. Y a personne qui peut me baiser impunément.