Le fond de l'oeil est... Frais ? [Billy & Dodu-le-stylé]

Il y a parfois des jours où l’univers semble s’aligner. Où la permission de Vako coïncide avec l’anniversaire de son père et un colloque médical à Espoir, où il peut se permettre de prendre une journée avec Aldéric pour se documenter sur un sujet qui n’a pas l’air passionnant mais qui ne peut pas être si terrible non plus. Ce sera leur sortie père-fils-médecins de l’année.
N’oubliant pas qu’il s’agit d’une grande occasion, le jeune homme se prépare avec soin avant de partir. Un coup de tondeuse est passé sur ses cheveux et sa barbe, sa plus belle chemise sobre est sortie du placard, sa boîte à pilules se glisse dans la poche de son grand manteau gris.
Il est prêt à affronter une foule de médecins.

Il s’avère que c’est terrible.
Le petit sac qu’on leur a donné à l’entrée du colloque contient des choses toutes plus bizarres les unes que les autres, dont des pastilles à la moutarde et une paire de lunettes de soleil. Son père disparaît au bout de dix minutes de discussion avec un collègue, lui promettant de le contacter sur son H-Com dès qu’il aura fini de refaire connaissance -donc de picoler avec l’autre homme. Et pour couronner le tout, les conférences sont horriblement intéressantes.
Qui aurait cru que “la protection de l'oeil face aux rayons solaires dans l’espace” puisse être un sujet si soporifique ? Pas Vako, qui pourtant songe à se laisser tomber sur une lame monofilament au bout de la première présentation. Il s’accroche pourtant, imaginant que les exercices qui suivront seront plus intéressants.

Ils ne le sont pas. Le premier est trop facile -disséquer un oeil, vraiment ?-, le second est juste incompréhensible. Lorsque l’organisateur les informe que le prochain sera en groupe de deux, c’est un Vako au bout de sa vie qui va se placer là où on lui dit de le faire, attendant de voir avec quel vieux croulant on l’a appairé pour le module “bien deviner l’indice de protection de vos lunettes”.

Moi, j'ai plus mes yeux biologiques, Dodu le sait bien, lui aussi. J'ai deux prothèses, pas très jolinettes mais bien pratiques, ah ça oui ! La journée passe, c'est bien intéressant pour Dodu surtout. C'est qu'il a les yeux fragiles, lui ! On s'amuse bien, nous, c'est bien rigolinou tout ça. On s'amuse même tellement qu'on manque presque de rater la consigne pour se mettre en groupe ! J'hésite un peu, parce que Dodu et moi on est déjà deux, mais finalement, on décide d'aller chercher un partenaire.

- Sapristouillette, fais pas ton timide Dodu, allez !

Il me donne la main comme un petitou, et il porte deux gros sacs, et moi aussi je porte deux sacs sur mon dos, et ma canne dans ma main libre. Je boitilloune un peu, et puis on voit un petit jeune qu'a ben l'air tout seul et surtout gentillounet, alors on décide d'aller vers lui.

- Bonjour bonjour ! Vous êtes tout seul ? Je suis Billy et lui c'est Dodu, et on cherche un partenairounet pour l'activité, alors si vous voulez bien d'mon assistant et d'moi, on sera ben ravillous !

Je lui souris, et Dodu aussi il sourit. Un grand sourire avec ses dents toutes blanches ! Il va bien nous dire oui, hein ?

- Jeeee…

… Plante. Il plante. Totalement. Face à la femme et à son assistant simiesque, il a du mal à garder un fil de pensées cohérent pendant une petite poignée de secondes et reste donc planté là, bouche ouverte comme un idiot.
Puis il se remet en marche. Une fois la surprise passée tout va mieux. Médecin, assistant, improbables tous les deux avec leurs sacs et leurs apparences. Il leur tend la main presque automatiquement, ses leçons de politesse prenant le relais de sa conscience beaucoup trop en surchauffe.

- Vako, je serais ravi de travailler avec vous. Enchanté. Beaucoup. Hmm.

On se reprend, gros.

- Vous voulez prendre une des tables pendant que je récupère notre incroyââââble, ironise-t-il dans un sourire, sac de lunettes de soleil ?

Dodu et moi, on le sait bien, ah ça oui : les médecins ne sont pas toujours très rigolo. Mais ce jeune médecinet là, il a ben l'air rigolo ! On est très très enchantouillés de faire la connaissance de Vako, ah ça oui !

- Ah nous aussi, bien bien enchantouillés, Monsieur Vako, ah ça oui ! On va prendre une tablounette, on vous attend !

On choisit une table pas trop éloignée, qui a l'air bien solide, et qui a de jolis pieds bleus, alors que toutes les autres ont les pieds rouges. Dodu et moi, on aime bien le bleu ! On pose nos sacs à côté de nous, en laissant une plaçounette pour notre partenairinet, puis je fouille dans le sac pour sortir un sachet de framboisinettes. Dodu se jette dessus, bien sûr ! On ne résiste pas à des framboises, quand on est Dodu !

- Dodu ! Il faut en laisser pour Monsieur Vako, d'accordinou ? Sois poli !

Tel un fier guerrier ancien -un très effacé, très planqué dans son manteau guerrier-, Vako se fraie un chemin jusqu’aux sacs. Celui dont il hérite est d’un vert criard prêt à plus lui décoller la rétine que tous les soleils dans l’espace réunis, mais puisque c’est le sien…

- Laisser de quoi ?

Le contenant est posé sur la table qu’il partage avec son étrange binôme et s’accompagne d’un jeune médecin poliment curieux.
Ou juste très curieux, mais très timide.

- Les lunettes sont dans l’horrible sac. C’est des framboises ?

Ce n’est pas vraiment qu’il en veuille, il ne s’attendait juste pas à en voir un sachet au milieu d’un colloque idiot.

Dodu il a bien compris et il regarde le Monsieur Vako, un peu penaud. Ca me fait sourire, ah !

- Oui, des framboisinettes ! Vous aimez ça ? Dodu est gentil et partageur, mais il a un peu plus de mal à se souvenir qu'il n'est pas tout seul, quand il s'agit de framboises ! Puisque vous êtes notre binôminet, c'est normal qu'on partage ça avec vous, ah ça oui !

Dodu et moi, on regarde bien le sac d'un très joli vert, et Dodu s'exprimouille : il me demande s'il peut ouvrir le sac, ah.

- Vous ne voyez pas d'inconvénieninous à ce que Dodu ouvre le sac pour découvrir ce qu'il renferme, dites ? Dodu est bien impatient ! J'espère bien que les lunettes sont jolinettes !

Vako rajoute très silencieusement à la liste des bizarreries de son -ses ?- binôme le tic de langage. Ca ne le dérange pas vraiment, puisque son père met des gros tous les trois mots lorsqu’il parle, et il trouve même ça… Presque charmant, sur Billy. En tout cas ça l’adoucit si c’était encore possible.

- Elles ont l’air très laides mais vous pouvez y aller, Dodu.

Il n’est pas vraiment sûr que l’animal le comprenne, aussi ajoute-t-il un petit geste d’invitation à sa phrase pour être limpide : les lunettes sont toutes à lui. Le jeune médecin se saisit des consignes de son côté pour commencer à les lire.

- Ils disent qu’il y a dix degrés de protection différentes… Bla, bla, bla, les sponsors… Il faut les classer par ordre. Mais quel ordre ?

Très peu convaincant dans la dangerosité, il foudroie le papier du regard. Sa colère académique est aussi juste qu’un peu adorable tellement il ressemble à un petit animal devant une très très méchante ombre.

- Vous voyez l’ordre dans lequel il faut les mettre ? Je deviens fou ou ils ont juste oublié des bouts ?

Dodu ne se fait pas prier, et il aime déjà beaucoup bien le p'tit médecin qui s'adresse à lui comme à un individu normal. Dodu bombe même un peu le torse, avant d'ouvrir le sac, et de sortir une merveillationnelle paire de lunettinettes. Il laisse tomber le sac, brusquement tooooootalement absorbé par son nouveau jouet.

- Doucement Dodu ! Il serait bien dommaginou que tu casses notre matériel, olalala !

Le médecin a vraiment l'air tout gentillou, ça oui ! Moi je suis bien contente d'être tombée sur lui, olala ! Il est bien rigolounet, aussi. J'essaie de comprendre la consigne avec lui, alors que Dodu recommence à fouiller dans le sac.

- Peut-être bien qu'il faut voir lesquelles protègent mieux l'oeillinou ? Et que...

Là, Dodu semble avoir trouvé une lampinette sapristouillement forte, dans le sac. Il l'allume et la fait tomber sur le sol, p't'être bien surpris par la luminosité. Elle fait un gros bruit pas très très rassurant. Heureusement, personne ne semble avoir entendu autour de nous.

- Oh... Je crois bien que Dodu a trouvé comment tester les lunettinettes... Mais Dodu, il faut mettre les lunettes devant tes yeux AVANT d'allumer la lampe !

Trop occupé à déchiffrer ces consignes idiotes, Vako rate complètement la lutte de l’assistant simiesque et maladroit contre la lampe puissance solaire. Le choc du luminaire sur le sol le fait sursauter sur sa chaise.

- Unique sa… !

Le juron lui meurt dans la gorge juste après l’éclat initial, même si son coeur continue de battre assez fort pour qu’il aie l’impression de le sentir frapper contre ses côtes. Il a beau servir sur un bâtiment régulièrement pris dans des batailles, le pauvre médecin reste effrayé par beaucoup trop de choses.

- Désolé, je… Hhhhuuu…

Il… ? Il meurt d’embarras face à sa propre réaction. Très bien. Et il noie ça dans le sac vert maintenant, faisant mine d’y chercher quelque chose le temps qu’on arrête de le regarder -ce qui n’est le cas que dans sa tête.
Le temps de reprendre un semblant de fausse assurance, de calmer son rythme cardiaque, et le voilà ressorti de sa fouille avec trois paires de lunettes. Les premières vont sur ses yeux, les autres reviennent à Billy.

- Tenez. Maintenant que la lampe est allumée, autant avoir l’air tous très bêtes et en profiter.

Il est vrai que les immenses verres du modèle aviateur posé sur son nez ne lui vont pas du tout… Mais que sa petite grimace comique va très bien avec pour donner un style humoristique à l’ensemble.

- Oh, bah sapristouillette ! Dodu fais attention, tu fais peur à Monsieur Vako ! Désolée, Monsieur Vako, il ne voulait pas vous embarrassiner, ah ça non !

Puis il nous tend des lunettinettes, enfin, surtout à moi, puisque Dodu a déjà une jolie paire qu'il cherche à poser sur son petit naseau. Moi je mets ma paire devant mes yeux, et puis je fronçouille les sourcils.

- J'dois bien vous avouer que j'ai des prothésinettes à la place des yeux, alors je suis pas bien certainounette que ça va fonctionner correctement, ah ça non ! Attends Dodu, je vais t'aider ! Il faut pas que tu t'abîmationnes tes petits yeuninous à toi. On en fait pas encore, des prothèses d'yeux pour les Dodu !

J'ouvre les lunettes, et je les pose sur le nez de Dodu, puis j'hochouille la tête, ben satisfaite. C'est des ben jolies lunettinettes avec les branches dorées, les verres opaques qui ne laissent plus voire les yeux de Dodu, avec des reflets avec de jolies couleurinettes.

- Je sais pas ben ce que vous en pensez, Monsieur Vako, mais je trouve que ces lunettes vont sapristouillement bien à Dodu ! J'irais même jusqu'à dire qu'il les porte mieux que n'importe qui d'autre dans la salle, ah ça oui !

Des prothèses pour animaux, mais c’est bien sûr ! L’idée semble occuper l’intégralité de la boîte crânienne de Vako, qui se retrouve à formuler des hypothèses, à imaginer des tests, à faire plein de choses qui ne sont pas tester des paires de lunettes idiotes pour un colloque intéressant en compagnie d’une personne… Sympathique. C’est bien Billy qui sauve la journée, aussi retourne-t-il son attention vers elle.
Et vers son assistant qui porte, il faut l’admettre, parfaitement les accessoires. Un sifflement admiratif échappe au médecin.

- Oui… Honnêtement il a l’air d’être né pour porter des lunettes. Dodu, vous êtes superbe comme ça. Vous pourriez faire des couvertures.

Puis il se retourne vers la drôle de femme à qui il offre un sourire qui pourrait rendre utile la protection solaire en sus de ses prothèses tant il est éclatant.

- Les vôtres aussi vous vont bien !

Ce qui est parfait avec cette affirmation, c’est qu’il ne peut plus passer pour autre chose que le chiot enthousiaste qu’il est tout au fond de lui. Ca n’a heureusement pas l’air de le déranger beaucoup.

- Est-ce que… Mon père a réussi à échapper à cette conférence, est ce que vous voulez bien que je prenne une image de nous trois et de nos merveilleuses lunettes de travail pour lui envoyer ?

Le plan est, bien sûr, d’insulter Aldéric par la même occasion. Billy n’a pas besoin de le savoir.

Dodu a l'air tout fier, et je sais bien qu'il aime beaucoup le médecin, ah ça oui ! Moi ça me fait un peu rigolouiller, et puis, c'est ben vrai que Monsieur Vako a une belle énergie, ah ça oui ! Je rougis même un peu quand il dit que mes lunettinettes me vont bien, olalalaaaaaa. Et puis, il me demande s'il peut prendre une photo pour son papa, et là, je suis bien surprise, ah ça oui !

- Ah, heu... Oh... Oui, heu oui ! Qu'est-ce que tu en penses Dodu ?

Ce qu'en pense Dodu, c'est qu'il s'est déjà levé pour se rapprocher du jeune médecin, tout en tenant les lunette de soleil sur son visage. Et moi, ça me fait fronçouiller les sourcils, et je mets mes mains trop grandes contre mes hanches. Dodu me regarde, l'air de pas bien comprendre, et ça me fait éclater de rire. Quel coquinou, ce Dodu !

- Je crois bien que Dodu aussi est d'accord pour être pris en photo. Alors, votre papa est médecin, c'est bien ça ? Ca doit être sapristouillement chouettissime, d'avoir un papa pour nous apprendre la médecine ! Non ?

Pour faire une photo avec Dodu il faut être un peu plus près du sol. Vako descend donc s’asseoir sur ses mollets pour se rapprocher de l’assistant à lunettes venu le rejoindre.

- Merci, Dodu, pour votre accord.

Le jeune homme lève le menton pour continuer de parler à l’autre médecin en attendant qu’elle les rejoigne. Malgré l’assurance qu’ils sont l’attraction principale du reste du colloque -impression fausse, les autres sont occupés avec leurs propres sacs- et le besoin de fuir cette sensation désagréable, il ne se cache pas dans un coin pour se faire oublier. C’est un bel effort.

- Ca serait plus sympathique s’il n’était pas si prompt à me menacer de coups de botte parce que je ne range pas les produits au même endroit que lui…

Réalisant soudain qu’il va faire croire qu’Aldéric est un horrible personnage, il tente de se rattraper hâtivement.

- Mais il est adorable dans le fond ! Et c’est un bon médecin, un excellent chirurgien qui sait ce qu’il fait, je peux en témoigner ! Il est juste un peu bourru… Il ne me bat pas. Je vous promets qu’il ne me bat pas et que c’est un bon père et un bon professeur.

Ha tiens, maintenant il a l’air mortifié. Billy va croire que sa cicatrice vient de son père, forcément, alors que c’est faux.

- N’allez pas lui dire que je le fais passer pour un sadique, pitié...

Je vois Monsieur Vako qui se confondouille en excuses et qui se perdouille un peu lui-même dans ce qu'il dit et ce qu'il voulait dire. Olala, sapristouillette ! Je dois bien faire des efforts pour ne pas éclater de rire. Nom d'une biscottinette, voilà qu'il a l'air bien embêté ! Je me lève pour aller les rejoindre pour la photo, boitouillant sur ma jambe trop courte, et puis je lâche un petit rirounet tout de même, parce que je le trouve bien adorable comme ça, Monsieur Vako.

- Olalaaaaa, ne vous en faites donc pas mon petit monsieur ! Dodu et moi on n'aime pas bien jugeouiller les personnes sans les connaître, ah ça non. Et votre papa, on ne trouve pas bien que vous le faites passer pour un sadique, ah ça non. Même les meilleurs papa ont leurs défauts, c'est bien normal. Mais ça reste un papa, alors vous avez pas bien besoin de vous expliquer !

Je m'abaissouille autant que je le peux avec mon dos qui me fait un peu mal, oh ça oui.

- Pourquoi est-ce qu'il n'a pas voulu venir ici avec vous, votre papa ?

Décidément trop chevaleresque pour ce monde de brutes, Vako tente autant qu’il le peut d’aider l’autre médecin à se mettre au niveau de la photo.

- Il a moins de défauts que d’autres pères...

Que celui avec lequel il partage son code génétique, par exemple, mais ce ne sont pas les affaires de Billy. Il tend son HCom devant eux pour cadrer à peu près correctement l’image.

- Là il est… Il a croisé un ami et il s’est enfui avec lui. Ils doivent être en train de manger du poisson frit en papotant alors que moi je travaille. Je vais le priver de gâteau, ça lui apprendra à abandonner son enfant !

Les sourcils du jeune homme se froncent de fausse colère. Dans le fond il trouve ça très bien qu’Aldéric s’amuse en son jour d’anniversaire, que ce soit avec ou sans lui, et il ne lui en veut pas un seul instant.
Ca ne l'empêche pas de vouloir l’insulter par message.

- Dites “ouistiti” !

Pour les sourires sur l’image, oui. Il n’a pas trouvé mieux comme expression idiote.

Il est bien gentil, il fait ce qu'il peut le petit Monsieur pour que j'ai pas trop trop à me pencher sur le sol, c'est que c'est bien difficile pour moi, ce genre d'effortinous. Il a l'air faussement fâché contre son papa, et ça me fait sourire un tantinet.

- Vous avez l'air bien proche de votre papanou, ça fait chaud au cœur, ah ça oui !

On a bien voyagé, Dodu et moi. Assez pour savoir que des mauvais papa, il y en a sapristouillement beaucoup.

- OUISTITIIIIII !

Je sais bien que de toutes façons, je serai pas jolinette sur la photo, mais c'est pas bien grave. Ca fait bien longtemps que c'est plus très important, ah ça non. L'important, c'est de faire plaisir à Monsieur Vako et puis lui rendre service, et peut-être bien que ça rendra son papa de joyeuse humeur aussi, ah ça oui ! La photo prise, je me redressouille bien vite.

- Alors, comment elle est cette photo ? Dodu est très photogénique, ah ça oui ! Une vraie star, Dodu, pas vrai ?!

Je rigole bien, en attendant de voir la photo.

- Vous êtes médecin depuis longtemps, dites ?

- Dodu est effectivement magnifique.

Le temps de taper un message à son père pouvant se résumer à “je suis avec des gens plus aimables que toi, vieux crapaud, tu as intérêt à revenir avec un bon repas si tu veux être pardonné”, puis celui d’envoyer ledit message, et voilà qu’il revient avec l’écran du HCom tendu à Billy pour lui montrer l’image. Il est évident que les lunettes de son assistant volent la vedette à tout le reste.

- Vous voyez ? Votre sourire est très bien aussi.

Mentir c’est mal, il ne peut donc pas dire que l’autre médecin est très jolie sur la photo, mais il peut sincèrement dire du bien de son sourire tout en ayant l’air heureux lui aussi.

- Ca fait sept ans que j’aide mon père... Mais que deux ans que j’ai mes propres patients ? Wow.

Ca fait si peu de temps que ça ? C’est étonnant, il aurait l’impression qu’il est sur le Vanguardia depuis beaucoup plus longtemps… Ce doit être le manque de lumière naturelle, décide-t-il avant d’abandonner ce train de pensée pour reprendre les instructions qu’il ne lit pas.

- Et vous alors ? Vous avez l’air plus expérimentée que moi, quand même. Vous aussi Dodu !

Et étrangement ça ne le dérange pas d’être plus débutant dans son travail qu’un chimpanzé.

Dodu bombe son torsinou, et moi je sens bien le rouge qui monte à mes joues. Olala, qu'il est gentil ce Monsieur Vako...

- Vous êtes très bien vous aussi, ah ça oui...

Heureusement, il change de sujet et parle de son expérience professionnelle avec son papa et je suis bien impressionnée, ça oui. Il a l'air bien jeuninou, et pourtant, il fait de la médecine depuis sept ans... Wouaaaah !

- Eh bah, ça fait déjà un petit moment que vous faites, oh ça oui ! Sept ans c'est pas rien, ah ça non ! Et vous travaillez où, Monsieur Vako ? Votre papa a son cabinet ?

Plein de questionninettes un peu indiscrètes, mais rien ne l'oblige à répondre s'il ne veut pas, ah ça non. Et puis je regarde Dodu qui fait toujours le fier avec ses lunettes, et c'est vrai que ça lui va sapristouillement bien !

- Nous, eh ben... J'ai commencé à étudier la médecinette il y aaaaaa... Vingt-cinq ans, déjà. Et j'ai eu mon diplôme sept ans plus tard, mais depuis ma première année, j'étais l'assistante personnelle du chirurgien qui dirigeait l'école. Et puis ça fait une quinzaine d'années que j'ai mes patients à moi, et... Un peu plus de douze ans que je travaille avec Dodu ! Fiouf, le temps passe bien vite sapristouillette !

Je me rends compte que je fais des grimaçinettes en calculant tout ça. Olala...

Il rougit. Oui, sept ans ce n’est pas rien, c’est agréable de se sentir encouragé. Surtout par une femme qui a commencé la médecine alors que lui n’existait même pas, qui a commencé à avoir ses patients alors qu’il apprenait encore à jouer correctement du piano.
Il la regarde avec beaucoup d’admiration. Il la trouve formidable, voilà, c’est pensé mais le jeune homme est trop poli pour oser dire à haute voix ce qu’il pense.

- C’est incroyable ! Vous êtes impressionnante, Billy, et vous aussi Dodu.

Ou alors peut-être qu’il est assez enthousiaste pour dire un tout petit bout de sa pensée.

- Vous vous entendriez bien avec mon père… Professionnellement. Je pense. Heu… Parce qu’il est passionné par son travail lui aussi, il a beaucoup plus d’expérience que moi, vous pourriez… Attendez.

Les instructions sont déchirées sans pitié aucune et de sa plus belle plume, Vako inscrit au dos de la feuille l’adresse du cabinet d’Aldéric ainsi que son nom. Il tend ensuite la carte de visite improvisée à l’autre professionnelle.

- C’est l’adresse de son cabinet. J’y suis lorsque j’ai des permissions, je travaille sur un vaisseau.

Dont il va taire le nom avec soin. Avec sa tête de bon garçon, on croira qu’il travaille sur un bâtiment de croisière et ce sera parfait parce qu’il n’a pas envie d’expliquer ce qu’il fait sur un vaisseau corsaire sous pavillon impérial.

Dodu et moi, on rougit bien, oh ça oui ! Sapristouillette, ces beaux compliments sont si choupinous... Olalalaaaaaa ! Je baisse un peu la tête, gênouillée par tant de gentillesse et puis son regard qui brille comme ça, oooooh... Si on m'avait déjà regardouillé comme ça... Mais non, jamais !

- Oh, je... Oh...

Je n'arrive pas bien à articullouiller d'autres petit moninous que ça, oh ça non. Et puis, Monsieur Vako nous parle de son papa, il dit que je m'entendrai très bien avec lui et que c'est un sacré médecin, lui aussi ! Moi je veux bien le rencontrer, surtout si... S'il est aussi charmant que Monsieur Vako. Ooooh... Il me donne l'adressinette du cabinet dans lequel il travaille, et puis parfois, Monsieur Vako y est aussi. Je prends précieusement le bout de papier à deux mains, et je regarde la jolie écriture de Monsieur Vako. Oooooooh...

- Je... Ooooh... Merci, merci, Monsieur Vako. Vous avez souvent des permissions, sur votre vaisseau ?

Je ne lui posouille pas trop de questions sur le vaisseau en question, parce que j'ai bien l'impression qu'il ne veut pas trop trop en parler, et moi, je peux bien comprendre ça. Moi non plus, j'ai pas très envie de parlouiller de mon vaisseau, parce que la dernière fois, ça ne s'est pas bien passouillé, ça non!

- Il a une spécialité, votre papa? Dodu et moi, on travaille beaucoup avec des herbes, mais on fait de la recherche et de la chirurgie, aussi!

- Hmmm, pas vraiment ? Mais des fois je profite d’un ravitaillement pour aller chez mon père.

Il annonce ça avec un petit air de renard fourbe, le Vako, en chuchotant comme si c’était un secret beaucoup plus grave.

- Si vous avez un cabinet à terre, peut-être que je pourrais passer vous voir aussi !

Dans son esprit plein de lumières et débordant de curiosité il ne pourrait qu’y gagner, apprendre des choses nouvelles. L’idée se confirme lorsque Billy lui parle d’herbes et de recherches. C’est fantastique ! C’est intrigant ! Ce sont des choses que lui ne fait pas et il ne peut qu’y voir une opportunité fabuleuse.

- Il est spécialisé en… Heu.

Comment dire poliment qu’Aldéric recoud des idiots et opère des crétins ?

- Chirurgie d’urgence. Il fait aussi dans la chirurgie réparatrice et si on lui demande gentiment, la réassignation sexuelle. Mais il préfère les urgences.

Ce qui n’est finalement pas très intéressant aux yeux de l’enfant Montagne trop habitué au cabinet de son père. L’herboristerie, par contre, voilà quelque chose de nouveau !

- Est-ce que vous travaillez depuis longtemps avec des herbes ? J’ai jamais eu l’occasion d’étudier le sujet. Ca doit être passionnant.

Beaucoup plus que les histoires de lunettes de soleil, oubliées depuis quelques temps.

- Dodu et moi aussi, on travailloune aussi sur un vaisseau ! Avant ça, nous, on était médecins itinérants, ah ça oui ! Mais on a une petite maisounette sur Renaissance, ça oui. On vous invitera là-bas, si vous voulez ! Nous on sera bien heureux, sapristouillette.

Dodu et moi on le regarde un peu surprisou.

- Réassignation sexuelle ?

On connait pas bien tout ça, ah ça non. Mais on voudrait bien qu'il nous en parle plus, ça c'est sûr de chez sûr. Nous, on est pas bien des chirurgiens réparateurs, oh ça non. Mais ça nous intéresse bien, oh ça oui de chez oui !

- Eh ben... Nos parents à nous, ils vivent sur Hope, pas bien loin d'ici. Et puis ils travaillent dans la terraformation, enfin, moins qu'avant, quand même. Mais moi, j'ai grandi en aidant mes parents là-bas, alors j'ai appris à me servir des plantes quand j'étais toute jeunette ! Et puis aujourd'hui, tous les médicaments que je fabricouille sont à base de plantinettes. Je pourrais bien vous en parler pendant des heures et des heures, ah ça oui !

Il pourrait être invité ? Mais c’est fabuleux ! Il lui faut une dizaine de répétitions de “tu es un adulte, tu ne sautes pas dans les bras des autres médecins” pour que Vako arrive à calmer l’envie de se lever et de prendre, donc, Billy dans ses bras pour la remercier. Rien que de songer à l’échange de connaissances auquel il pourrait participer, il se sent débordant de bonheur. Le plaisir d’apprendre n’est pas une simple figure de style chez monsieur Montagne-Le Grandier.

- Je serais ravi de vous entendre en parler pendant des heures !

N’aurait-il pas oublié de répondre à une question ? Si, absolument, mais ce n’est pas vraiment l’endroit pour discuter de ce genre d’opérations pense-t-il.
Pour discuter tout court.
Un regard à droite, un autre à gauche pour s’assurer que le reste du colloque est trop concentré sur les essayages de lunettes, et il reprend son air conspirateur.

- Ca vous dit de vous échapper avec moi et de parler ailleurs qu’entourés de vieux monsieurs à moitié aveugles qui portent des verres solaires ?

Je suis bien contente de voir que Monsieur Vako a l'air joyeusinou à ce point ! Moi aussi, je suis bien bien joyeusinette. Il faut bien dire que se faire des nouveaux copinets et pouvoir parler de médecine encore et encore, ça, ça me plait bien, ah ça oui ! Et Dodu avec ses lunettes de soleil est bien content, lui aussi, ça oui ! Sapristouillette, ce qu'on est contents ! Et puis, Monsieur Vako nous propose de nous enfuir tous les trois de cette conférence qui prend bien des allures ennuyeusounettes. Je gloussine avec une main devant la bouche, et puis je regarde Dodu, comme si on s'apprêtait à faire des bêtisettes follement excitouillantes ! Je récupère discrétouillement mes sacs et Dodu m'aide, bien entendu. Mais il tient toujours ses lunettinettes sur son nez, et il a pris le sac de goodies dans ses mains. Il a l'air d'aimer ça, ah ça oui ! Je m'approche de Monsieur Vako, ma canne en main, mes sacs sur le dos, et je chuchote tout bas :

- On vous suit, Monsieur Vako... Ils regardent tous ailleurs, il faut en profitouiller !

L’image de l’assistant animal avec ses lunettes sur le nez et ses sacs sur le dos a quelque chose de terriblement touchant qui fait très gentiment sourire Vako. Il ne se moque pas, à aucun moment, il trouve simplement Dodu à la pointe de la mode et adorable avec ses protections solaires.

- Ils ne nous verront jamais partir.

Il est bien entendu évident que la disparition de celui qui doit être le plus jeune membre de la bande de médecins, accompagnée de celle d’une femme avec une canne et un singe, passera inaperçue. Il sont aussi discrets qu’une centaine de casseroles attachées à l’arrière d’un speeder.
Mais ça ne le dérange pas. Il présente poliment son bras à Billy, lève le menton, et se dirige d’un pas tranquille vers la sortie.

- Une glace dans un parc, ça vous irait ?

Parce qu’il connaît un excellent glacier pas si loin. Il y emmène parfois ses… Amies. On va dire amies.