Trust and lashes [Jezabel & Thaddeus]

"La confiance en soi est une vertu des plus primordiales, Jezabel. Montre à l'univers entier que tu as confiance, et personne n'osera jamais questionner ta légitimité. N'oublie jamais : la confiance est la clé" Il est des adages que l'on ne questionne qu'avec le temps et les expériences. Les mots de ma mère ont toujours conservé une place privilégiée en mon esprit. Qu'importe les situations, ils n'étaient jamais loin. Ils m'ont ouvert la voie de longues années durant ; pourtant, peut-être est-ce aujourd'hui ce qui va causer ma perte.

Je ne suis nullement effrayée ; pas même inquiète. Je souris avec une sérénité profonde. Sur mes vêtements jadis immaculés, de larges traînées sanglantes s'abandonnent. Le mien se mêle désormais à celui plus terne des suppôts de l'Unique. Eh bien, s'il existe, qu'il soit témoin lui aussi de cet instant : je ne ploierai point le genou, malgré les promesses de sursis et autres infamies - et certainement pas devant ces hommes.

La journée avait pourtant débuté sous de belles auspices. Le soleil s'était montré généreux jusqu'à la mi-journée ; j'avais alors décidé de profiter de ce merveilleux temps afin de m'adonner à une de ces balades solitaires qui m'aident d'ordinaire à réfléchir. Je me suis certainement perdue dans mes pensées de longues heures durant. Lorsque j'ai relevé la tête, d'épais nuages sombres et menaçants s'étaient alors installés, transformant le monde en un théâtre apocalyptique. Quant à moi, je m'étais enfoncée profondément dans Port Salem. Aussi, il n'est point difficile d'imaginer à quel point il fut facile pour ces hommes de me surprendre.

Ils étaient nombreux, me semble-t-il. Nombreux et organisé. Tout porte à croire qu'ils savaient que je me rendrais en ces lieux. M'attendaient-ils ? Ou est-ce le fruit d'un hasard malheureux ? Qu'importe. Désormais, beaucoup de leurs cadavres jonchent le sol rendu boueux par les caprices célestes. Beaucoup, certes, si l'on prend en considération que je suis seule face à eux. Pour autant, cela ne suffit point.

Me voilà désormais acculée. Plusieurs plaies décorent désormais ma peau. La plupart sont peu profondes. A vrai dire, il n'y en a guère qu'une qui me préoccupe un tant soit peu. Elle trace sur mon flanc une ligne cruelle par laquelle mon sang s'échappe dangereusement. Elle demeure superficielle, mais rendent mes mouvements moins fluides qu'à l'accoutumée. Qu'importe ; il n'y aura point de reddition. S'il me faut mourir ici, alors ainsi soit-il.

Port Salem, Encer 110 ADD.


Port Salem. Définitivement pas ton port préféré, mais tu n'cracheras pas sur l'occasion d'sortir respirer... du vrai air. Pas d'ceux filtré sur des planètes où vous rôtiriez en deux secondes s'il y avait pas de dôme au-d'ssus vos têtes. Autrement, ça parle trop avec l'accent d'la Trinité pour s'balader complètement serein'ment, quand même l'gouverneur s'rait plutôt favorable à la cause pirate.

T'en profite quand même pour t'acheter du tabac et des clopes, manger un morceau avec des amis du coin avant d'te décider à bouger. Il y a cette taverne, perdu dans l'astroport, qu't'aimes bien, autant aller y faire une virée. Enfin, c'était ton projet, mais vu les bruits d'combats qu't'entends, tu fais un détour pour aller voir ça d'plus près. Et c'était une très bonne idée, parce qu'tu reconnais vite la femme seule aux prises avec trop d'hommes pour pouvoir espérer en sortir victorieux. T'as pas besoin d'réfléchir longtemps, tu sors ta lame et t'avances sans hésiter, abattant sans vergogne ta lame dans l'dos du plus près, visiblement pas prêt à être attaqué par-derrière. C'pas réglo, mais eux l'sont pas plus à attaquer ainsi Jezabel Alvarez d'la sorte.

- Ah non ! Vous pouvez ben tous vous battre pour la dame, c'est moi qui r'partirai avec, messieurs ! Trouvez en une autre !

.... T'en manque pas une, Thaddeus Scherrer, hein ?! Qu'importe, tu t'joins à la mêlée, profitant d'la surprise d'ces hommes sans honneur.

Tout semble perdu, mais au travers de la pluie dense et des nuages épais, une lueur apparaît soudainement. Un homme que je reconnais à sa voix et ses mots avant de pouvoir apercevoir son visage. Thaddeus Scherrer, quartier maître du Liberty. Un bel homme qu'il m'a été donné de croiser plusieurs fois déjà. Cependant, en ce moment précis, ce n'est point son esthétique qui m'intéresse, mais l'efficacité de sa lame. Je profite de cette diversion inespérée pour me remettre en mouvement. Les deux hommes les plus proches de moi décèdent avant d'avoir touché le sol.

Ma blessure au flanc se rappelle immédiatement à moi, dispensant une douleur insupportable dans l'ensemble de mon corps. Je manque de défaillir, mais je tiens bon. Je décide alors de ranger une de mes lames, apposant ma main sur la blessure afin de la maintenir. Je ne puis m'abandonner maintenant. Pas alors que j'ai su tenir jusqu'à lors. Je fais du mieux qu'il m'est possible afin de percer une trouée dans mes ennemis. Il me faut rejoindre Thaddeus. Je vois là mon unique chance de salut.

T'as pas l'niveau d'la Capitaine du Némésis, mais ta longue expérience des combats t'permets tout d'même de donner du fil à retordre à ces agresseurs et d'verser quelques tripes sur l'sol. Tu t'gênes guère pour l'faire, mais faut mieux pas trop traîner avant qu'd'autres s'pointent et prenne l'parti des trinitaires.

Et pour ça, faut r'joindre Jezabel et se sortir d'ce merdier. T'y travailles au fil d'ta larme, pas à pas, c'qu'elle fait aussi, si bien qu'tu finis par pouvoir couvrir c'flanc blesser pendant qu'vous affrontez vos adversaires.

- B'jour, ma dame, j'ose espérer qu'j'vous gêne pas trop dans vos activités.

Il y a cette ruelle, là-derrière où s'reculer pour contrôler l'flot des ennemies. Tu pares un coup vers le flanc, ouvres une entaille sanglante d'un revers.

- La ruelle, juste derrière.

Nous œuvrons ensemble en un but commun, et parvenons finalement à être réunis. Malgré la situation délicate, je lui offre un sourire éclatant.

- Il me faut bien admettre que vous avez un don particulier pour toujours arriver au moment le plus opportun, Monsieur Scherrer.

Je poursuis ma danse mortelle - qui est tout de même moins dangereuse lorsque je ne l'effectue qu'à une main. Monsieur Scherrer indique à juste titre une ruelle que nous pouvons désormais atteindre. Pas à pas, je m'y dirige. Mon attention essaie tout à la fois de me garder active pendant ce combat qui pourrait encore me coûter la vie, et de repérer tous les dangers potentiels qui nous entourent. Ce n'est point là l'activité dans laquelle je suis la meilleure ; cependant, nous parvenons jusqu'à la ruelle, et je dois bien avouer que je me relâche quelque peu, m'appuyant sur les compétences de Monsieur Scherrer.

Magnifique sourire, incongrue dans la situation comme l'sont tes paroles. Tu apprécies, vraiment, tout en lui rendant son sourire.

- Certaines mauvaises langues s'plaisent à dire qu'j'attend toujours l'bon moment, mais c'n'est qu'vils mensonges. J'arrive tout simplement toujours précisément au bon moment. C'est un 6ième sens, un talent, à n'point douter.

Ton sourire dit qu'tu sens qu'tu défiles des sottises, tout comme ton ton léger, un brin taquin. Ça a même l'avantage de déconcerter un brin vos adversaires et quand celui d'vant toi s'écroule, t'en profite pour r'culer dans la ruelle avec Jezabel, la laissant s'reposer un peu sur tes qualités d'bretteurs. La ruelle est vide derrière vous, assez longue aussi. Du moment qu'on vous prend pas à revers, ça devrait aller et réduit considérablement l'nombre d'ennemies à affronter simultanément.

Je profite de l'instant de répit que l'homme m'offre afin de reprendre mes esprits. Ce moment est pourtant bref ; il n'est point question que je laisse Monsieur Scherrer seul face à mes propres ennemis - même si les Trinitaires seraient probablement ravis de mettre la main sur Thaddeus Scherrer, n'est-ce pas. Je fais quelques pas en direction du fond de la ruelle afin de nous trouver une voie à emprunter ; à peine ai-je aperçu un passage que je me tourne en direction de Monsieur Scherrer.

- Je ne doute en rien de vos talents ; cependant, il me semble judicieux de savoir quand se retirer de la valse.

Il arrive de nouveaux hommes, et je doute que nous puissions leur tenir tête. Cependant, si je ne puis l'aider à se battre à cause de l'étroitesse de l'endroit, je ne l'abandonnerai point.

Tu pares, serre les dents quand une lame trace une ligne dans tes vêtements pour mordre la chair. C'est rien d'ben grave, mais ça fait pas plaisir. T'imagines déjà la tête qu'va tirer Billy quand tu vas passer la voir avec tes éraflures et tu souris en coin. D'autres types arrivent et malheureusement, t'es pas éternel.

Ta lame plonge dans une épaule, t'en évite une qui allait ouvrir ton flanc et jette un rapide regard vers Jezabel.

- Assurément. La foule s'fait trop compacte pour y prendre vraiment plaisir. Si vous avez un plan, j'vous suis, ma chère.

T'en profite pour déjà reculer vers elle, espérant qu'elle ait, en effet, un plan, parce qu't'es quand même mal placé pour en monter un toi-même, juste en c'moment. Et qu'tu comptes ni finir aux mains d'ces grenouilles de bénitier, ni mourir sous leurs lames.

J'attends que Monsieur Scherrer recule progressivement, lorsqu'il est suffisamment proche de moi, je fais basculer une pile de caisses. Cela m'arrache un cri, sous le coup de l'effort. Seigneur qu'elles sont lourdes ! Il est certain qu'elles feront leur effet suffisamment longtemps pour nous permettre de prendre un peu d'avance. Je me permets d'attraper le bras du quartier maître pendant un bref instant, afin d'initier un mouvement en direction de l'ouverture que j'ai décelé. Je le lâche cependant rapidement, puisqu'il me faut poursuivre la compression de ma blessure si je ne veux point perdre l'esprit. Je m'engouffre la première dans le passage, qui nous éloigne de la place dans laquelle j'ai failli vivre mes derniers instants.

T'es presque aussi surpris que vos adversaires quand Jezabel pousse la pile d'caisses entre vous avec un cri. Tu lui lances un regard inquiet avant qu'elle n'te tire vers la ruelle et tu tardes guère à suivre l'mouvement sans pour autant rengainer ton épée. Au besoin, faut qu'tu assures vos arrières, mais ça t'empêche pas d'courir à la suite d'la blonde.

Calypso, faites qu'ils vous rattrapent pas. Ça tourne une fois ou deux avant qu'vous puissiez déceler une artère animée, une occasion d'vous y fondre et d'perdre vos assaillants qui doivent pas être bien loin derrière vous.

- Une fois dans la foule, ils devraient avoir du mal à nous r'trouver.

Et il y a intérêt, parce qu'tu vas pas courir jusqu'au port, t'en est pas capable !

J'hoche la tête sans faire le moindre commentaire. Je ne me sens guère capable de courir encore longtemps, quoi qu'il en soit. Il me semble avoir déjà suffisamment tenté le destin pour aujourd'hui ; inutile d'en faire davantage. Il est rare que je me balade avec mes deux épées en terres civiles. Pour autant, je les avais avec moi aujourd'hui. Il est également rare que je croise Monsieur Scherrer lors de mes escales. Quelles chances y avait-il pour que nous soyons à proximité à cet instant-ci ? Je l'ignore.

Lorsque nous rejoignons finalement la foule, le souffle me manque et mes poumons hurlent. Cependant, je suis vivante, et je ne m'arrête point d'avancer. L'on fait peu attention à nous, le ciel soit loué. Je ralentis cependant le rythme afin de me calquer sur celui des badauds. Je ne me fais guère d'illusions pour autant : je suis couverte de sang, à l'instar de Monsieur Scherrer. Il est probable que nous attirions rapidement le regard de curieux.

- Ma demande va certainement vous paraître fort étrange ; connaissez-vous un lieu paisible et sécuritaire non loin d'ici dans lequel nous pourrions reprendre nos esprits avant de rentrer au port ?

Tu ralentis avec soulagement une fois parmi les badauds, calquant tes pas avec celui d'la foule comme d'la femme qui t'accompagne. Ça te permet d'chercher ton souffle et tu ranges ton épée avant d'paniquer un civil ou d'vous attirer d'autres ennuies.

La question d'Jezabel te tire un léger sourire et tu hoches d'la tête.

- Ouep, j'connais un endroit. Suivez-moi, nous y seront vite.

Et tu la guides à deux rues d'là, pour entrer sous un p'tit toit et dénicher sans mal la clef cachée afin d'ouvrir la porte.

- Après vous...

Une fois la blonde à l'intérieur, tu la suis et refermes derrière vous, barrant au passage la porte.

- C'est chez un ami. Il travaille sur ces heures-ci, mais j'y suis l'bienvenue. Il faudrait voir à panser cette plaie, non ?

Tu lui indiques son flanc qui semble porter la blessure la plus préoccupante du lot.

Quel homme surprenant. Je songeais qu'il serait plus délicat que cela de trouver un endroit paisible en plein cœur de Port Salem ; que nenni. En un tour de clefs, nous voilà abrités à l'intérieur d'une demeure, là où les soldats de l'inquisition ne pourront venir nous chercher. J'observe l'endroit avec attention, cherchant tout de même à repérer les entrées ou sorties potentielles - portes et fenêtres.

- Eh bien ; vous savez choisir vos amis, Monsieur Scherrer.

J'entre plus avant dans l'endroit, chaleureux et rustique à la fois. J'en oublie presque la blessure que je presse toujours avec force. Aussi, lorsque Monsieur Scherrer me le rappelle, je me tourne en sa direction avec un sourire.

- Je crois que cela s'impose, en effet. Je peux tout à fait m'en charger seule si nécessaire ; cependant, je ne refuserai guère un peu d'aide de votre part si vous êtes à l'aise avec ce type de pratiques. N'y voyez là aucun abus de ma part, bien entendu. Cela va certainement vous sembler idiot, mais ma poitrine m'empêche de voir correctement l'endroit de mon corps qui a été atteint.

- J'vous cacherai pas qu'c'est fort pratique.

Et depuis l'temps et les escales, tu connais peu d'ports qui n'abritent pas quelques amis d'confiance. Les carnets d'contact, c'est vital et il est fort mal avisé d'ne pas chercher à s'en constituer un. La situation présente l'montre bien. Tu t'avances à sa suite dans l'idée d'aller récupérer la trousse d'premier soins qui s'trouve dans la salle d'bain, mais ses paroles t'arrêtent un instant. Loin d'toi l'envie d'l'envoyer se soigner devant un miroir.

- C'n'est pas un souci, j'vais vous aider. J'ne vous laisserai certain'ment pas vous vider d'votre sang, ma dame !

Et tu vas récupérer la trousse d'premiers soins pour la ramener à la cuisine, l'ouvrant sur la table. Elle a l'mérite d'être bien fournie, tu laisseras d'quoi rembourser c'que vous aurez prit.

- C'est quand vous voulez.

Il semble tout à fait ravi de m'aider, et cela me sied. Les coupures superficielles reçues ici et là rendent certains de mes mouvements plus délicats qu'à l'accoutumée. Il s'éclipse un instant, avant de revenir avec une trousse de premiers soins. Cet endroit est réellement une bénédiction. Je retire les fourreaux de mes épées, les abandonnant sur le sol pour ne point risquer de tâcher quoi que ce soit avec le sang qui macule mes effets personnels. Délicatement, j'entreprends de déboutonner ma chemise autrefois blanche, qui termine pliée sur une table. Mon débardeur connait un sort similaire. Me voilà donc vêtue de mon pantalon et de mon soutien-gorges à dentelles, face au quartier-maître du Liberty.

Je ne vois point à quoi ressemble mes blessures. J'ai cependant la mauvaise surprise de découvrir une seconde coupure au niveau de mon ventre. Celle-ci saigne à peine, contrairement à la première. Néanmoins, je suis tout à fait persuadée que tout cela aurait pu être bien pire. Je m'en sors tout à fait convenablement, au vu de la situation délicate qui s'est présentée à moi.

- Ces hommes ne savaient pas même manier leurs lames... Cependant, sans vous, je ne serai plus de ce monde à l'heure actuelle. Aussi manqué-je à tous mes devoirs : je vous remercie du fond du cœur pour votre aide.

Elle retire chemise et débardeur pour finir en fort joli soutien-gorge devant toi. Tu n'peux guère manquer la coupure fine sur son ventre qui aurait pu avoir des conséquences terribles pour autant qu'la lame ait mordu un peu plus profondément dans la chair.

Ces hommes n'savaient peut-être pas manier leurs lames, mais vous êtes passé proche d'la catastrophe. Ce qui n't'empêche pas d'adresser un sourire à Jezabel alors qu'elle t'remercie.

- C'est un plaisir, ma dame. Ça aurait été une terrible perte pour la piraterie d'vous perdre.

Et c'est la sœur d'Sunshine. Elles se sont raccommodées, c'est pas pour s'perdre si vite. Tu prends des compresses désinfectantes, ouvrant l'emballage en approchant, lui tirant une chaise pour l'inviter à s'y asseoir... Et chose faite...

- Ça risque d'être un brin désagréable.

Et tu entreprends d'nettoyer la plaie sur son flanc avant d'faire rapidement d'même avec celle sur son ventre, puis d'récupérer compresses et bandes pour panser l'tout, appliqué à la tâche.

Inutile de prétendre que je ne suis pas terriblement flattée par ses paroles - bien qu'elles me semblent être tout à fait justifiées et véridiques.

- Eh bien ; voilà de bien belles paroles, Monsieur. Je vous remercie pour votre sollicitude.

Je m'assieds sans un mot, en demeurant tout de même droite et élégante, tandis que Monsieur Scherrer prépare le matériel afin de désinfecter les plaies. Un sourire amusé éclaire alors mon visage.

- Plus désagréable que lorsqu'une lame monofilament vous fend le flanc, voulez-vous dire ?

Cependant lorsqu'il applique le produit, je serre les dents. Après près de cinquante ans à me retrouver affublée de blessures parfois presque mortelles, cela m'est toujours aussi douloureux. Cependant, je demeure immobile et silencieuse afin de le laisser désinfecter les plaies comme il se doit. Il est vrai que trop de pirates décèdent après avoir contracté une infection due à des blessures mal soignées. De toutes les morts qui me sont envisageables, celle-ci fait certainement partie des moins glorieuses.

- Avez-vous été blessé également, Monsieur Scherrer ?

- C'est tout naturel, ma dame.

Tu souris à ses paroles, lui décoche un clin d'oeil avant d'répondre et d'procéder.

- Probab'ment pas, mais après s'être fait fendre le flanc, pas de doute qu'on s'passerait bien d'se rajouter du mal.

Jezabel Alvarez à l'mérite d'pas broncher, si c'n'est qu'une tension qui s'glisse dans sa mâchoire. Or t'es pas sans savoir qu'ça fait un fichu mal d'chien, c'genre de blessures à désinfecter et comme tu n'doutes pas une seconde qu'elle ressente tout autant la douleur que l'commun des mortels, autant dire qu'la Capitaine du Némésis est aussi digne qu'brave.

Ça n'l'empêche pas d's'enquérir d'tes propres blessures, te tirant un sourire alors qu'tu appliques la compresse avant d'passer les bandes autour d'sa taille pour garder le tout correctement serré et éviter qu'elle ait à s'tenir l'flanc jusqu'à son vaisseau. Oh, t'es clair'ment pas un professionnel, c'pas un travail d'cochon, mais tu serais pas étonné qu'le doc du Némésis préfère rajouter quelques points ou bandes de rapprochement, c'dont tu disposes malheureusement pas ici.

- Superficiellement. Vous en faites pas pour moi, ma dame.

Chose faite, tu t'redresses pour ranger l'tout.

- Quelque chose à boire ?

Ça n'vous ferait pas d'tord, tiens.

Après cela, je demeure silencieuse jusqu'à ce qu'il termine de me prodiguer les premiers soins. Jadis se chargera fort bien de regarder cela plus en profondeur, et de faire en sorte que ces marques ne soient plus même des souvenirs d'ici quelques mois. Peu de cicatrices sont visibles sur mon corps ; la plupart ont disparu grâce à d'excellents soins. Non pas que j'ai reçu beaucoup de blessures si l'on prend en compte le nombre de combats menés.

Lorsqu'il termine, j'effleure le bandage. Cela m'a tout l'air d'être un travail convenable. Je m'essaie à quelques mouvements prudents. Je puis tout à fait me mouvoir avec aisance. Cependant, il me faut faire attention à tous gestes trop brusques qui impliqueraient mon bras gauche. Quant au reste, tout me semble aller pour le mieux.

- Si vous avez autre chose que de l'alcool à me proposer, ce sera volontiers, Monsieur.

Même en de telles situations, je ne m'autorise point la moindre goutte d'alcool.

- Dites-moi Monsieur, votre ami ne posséderait-il point du vinaigre blanc ? Les tâches de sang sont encore fraiches, et je ne puis décemment point sortir vêtue de la sorte.

J'observe mes vêtements autrefois immaculés, désormais rougis et dégageant une forte odeur de fer. Seigneur, que je puis aimer cette senteur ! Cependant, nous sommes toujours éloignés du port. S'il me faut faire profil bas, ces tâches rendront forcément l'entreprise délicate.

Tu la regardes bouger, ça semble aller. Tant mieux. Et à ses paroles, tu souris en coin et prends connaissance de c'qu'il y a dans l'frigo, les armoires... Avant d'énumérer à voix haute.

- Café, thé, jus d'fruit, eau...

Il a l'mérite d'être pas trop mal fournis. Quant au vinaigre blanc, tu cherches, mets un moment... Ah !

- Ah, oui. Caché juste là.

Tu sors la bouteille pour la poser sur la table.

- C'est l'désagrément des vêtements blancs, quand bien même ils vous vont fort bien. J'vais tout d'même voir s'il y aurait pas une cape qui traîne. J'laiss'rai un mot et des crédits à mon ami.

Oh, il devrait pas faire trop la tête, surtout contre l'histoire d'l'aventure qui vous à fait atterrir chez lui.

Monsieur Scherrer fait un hôte tout à fait formidable.

- Un thé sera parfait, je vous remercie.

Je prends possession de la bouteille de vinaigre blanc, et lui offre un nouveau sourire empli de charme.

- N'ayez crainte, Monsieur ; si nous disposons d'un peu de temps devant nous, je puis vous garantir que ces tâches-ci auront disparu avant que nous ne repartions. Vous imaginez bien que mes vêtements demandent un soin tout particulier... Les tâches de sang sont courantes dans notre milieu, n'est-il pas.

Sans attendre davantage, j'asperge les tâches du liquide, non sans me délecter de la beauté et de la profondeur de la couleur qui glisse désormais entre mes doigts. Seigneur, que je puis aimer cela. L'odeur m'est également fort agréable. Je m'affaire quelques minutes seulement autour de mon débardeur puis de ma chemise, avant de les abandonner ainsi dans le lavabo.

- Bien, il nous faut attendre désormais.

Je n'ai plus guère que mon pantalon noir, mes bottes et mon soutien-gorge blanc à dentelles qui couvre ma peau. Je ne me sens nullement gênée pour autant.

Tu acquiesces et sors la bouilloire pour y rajouter l'eau et la mettre sur le feu. Son sourire n't'échappe pas, t'laisse pas non plus indifférent.

Jezabel Alvarez laisse-t-elle vraiment qui que ce soit indifférent ?

- L'temps n'est pas un souci. Mieux, il laissera l'temps à nos enquiquineurs d'se résigner dans leurs recherches.

Ton regard s'pose une seconde sur les vêtements abandonnés dans l'évier, puis tu te tires une chaise pour t'y asseoir, fronçant légèrement les sourcils avec un vague grommellement quand l'accoudoir vient frotter juste contre une de tes coupures, la rappelant à ton bon souvenir.

- L'Code pourrait être écrit en lettre d'sang qu'ça n'm'étonnerait pas, ma dame. Vous êtes bien courageuse d'porter c'couleur.

T'y préfères les couleurs sombres qui taisent l'flot des blessures, mais la Capitaine devant toi, n'semble rien craindre, annoncer d'part la couleur d'ses vêtements qu'personne n'saurait les salir, c'qui est bien sûr faux, puisqu'elle est à présent fort peu vêtue devant toi, ses vêtements traité au vinaigre blanc dans l'évier.

Assise devant la table, je croise élégamment mes jambes, en une position toujours très à mon avantage. J'acquiesce lorsqu'il mentionne les trinitaires qui ont osé attenter à ma vie, mais j'esquisse tout de même un rictus agacé.

- Ces hommes ignorent tout de la bienséance. S'attaquer ainsi à une femme seule est une honte. Ne guère parvenir à l'abattre est encore plus déshonorant. Qu'importe mon nom, mes exploits ou mon talent. Ces hommes ne méritaient point de prendre ma vie.

Cependant, son discours quant au sang et mon courage provoque un rire sincère, succinct mais doux.

- Est-ce du courage ou un amour inconsidéré pour le risque ?

Je ne suis nullement la plus attentive des femmes que porte ce monde ; néanmoins, je ne demeure point aveugle face aux signes de douleur que montre Monsieur Scherrer. Je me redresse alors.

- Seigneur, où avais-je la tête ? Ôtez votre haut, Monsieur Scherrer. Je vais, à mon tour, observer les blessures qui sont les vôtres. Inutile de discuter ; je ne vous laisserai point vaquer sans m'être assurée qu'il ne s'agit que de coupures superficielles.

- J'salut la quantité d'ressource impliquée, mais certainement pas l'niveau d'celle-ci. Un peu d'méfiance s'rait peut-être ben pas d'trop, j'imagine qu'même ces hommes peuvent apprendre.

Et quelle leçon qu'la leur aujourd'hui ! Tu t'félicites toujours d'être arrivé au bon moment, sans quoi, la femme en face d'toi s'rait probablement plus morte qu'vive.

Son rire agrandit ton sourire, plutôt heureux d'provoquer pareilles réactions d'sa part.

- Peut-être un savant mélange des deux. Personne n'saurait l'reprocher.

Tu lui adresses un petit sourire complice. Ah ça, non, tu n'saurais pas lui reprocher une seconde ! La suite t'prend légèrement au dépourvu alors qu'tu marques un léger temps d'arrêt avant d'secouer légèrement la tête.

- C'trois fois rien, ma dame.

Mais tu enlèves ton haut d'bonne grâce, laissant apparaître quelques estafilades sans grandes conséquences, bien que celle sur ton flanc n'rechignerait pas face à un peu d'amour.

Il retire son haut sans se faire prier, malgré ses paroles qui minimisent encore ses blessures. Je m'approche doucement de lui, observant son torse bien taillé. Je l'effleure avec douceur, retraçant le voyage des estafilades sans jamais les toucher.

- Eh bien, trois fois rien qui mérite de l'attention, Monsieur Scherrer. Restez ici, ne bougez point.

Je me détourne de lui, rompant le contact de mes doigts sur son torse ; je m'en vais chercher la trousse de secours abandonnée à peine plus tôt, ainsi qu'une bassine d'eau tiède et un torchon propre. Puis je reviens à ses côtés. Je dépose le tout sur le sol, et je m'agenouille devant lui en prenant garde à ma propre blessure. Je lève un instant mes yeux vers les siens, avant de prendre le torchon, de le plonger dans l'eau, et d'entreprendre de nettoyer le sang qui macule le torse de l'homme. J'essore le tissu lorsqu'il est imprégné, puis termine mon œuvre.

- Vous ne songiez tout de même point que j'allais vous laisser vous en tirer à si bon compte après ce que vous avez fait pour moi, n'est-ce pas...

Je m'arme du désinfectant, non sans un sourire satisfait sur mes lèvres.

- Cela risque d'être un brin désagréable, susurré-je.

Puis, avec des gestes lents mais efficaces, j'entreprends de désinfecter chacune de ses plaies, et particulièrement celle qui fend son flanc.