Prenez un ticket - Felipe de Golazzo

Un papier était agrippé au siège du médecin de bord, avec son écriture à l'évidence. Visite médicale du nouvel arrivant : Felipe de Golazzo, Maître artilleur. Dossier sur l'ordinateur. Autre problème : Intoxication alimentaire ?

Léo habillé et parfaitement opérationnel tira un peu sur son uniforme pour bien l'ajuster et arracha le papier. Ses yeux roulèrent de mot en mot jusqu'à se poser sur le matériel informatique. Boisson énergétique en main, il s'enquit auprès de l'un de ses infirmiers qu'aucun membre de l'équipage n'était venu durant sa nuit en présentant un trouble quelconque. Fort heureusement non, on le rassura, et il put rejoindre son office. Il posa sa tasse, sorti des comprimés et en avala un. "Bonjour l'univers ! Avant que je n'oublie." Léo posa le mot près de sa main, et commença à régler quelques papiers. Il aimait commencer par ces tâches et éviter de les faire traîner, afin de ne pas se laisser distancer par l'administration.

La pièce était vraiment propre. Pas de traces sur le sol, le bureau ou le matériel étaient nettoyés tous les jours. Une armoire médicale sous clef était au fond de la pièce, contenant les médicaments courants (beaucoup étaient entreposés dans la zone de stockage pour ne pas surcharger son peu d'espace). Le reste du matériel était dans des tiroirs ou encastrés. Fonctionnelle, le médecin pouvait attraper la quasi-totalité de ce dont recelait la pièce en moins de 3 secondes. Un point bien confortable pour son principal occupant.


Le temps défilait et l'heure du rendez-vous approchait. Léo alla chercher dans l'entrepôt à côté de sa salle les fournitures qui servaient à contrôler les sens et le cardio des patients. Il ne s'en était encore jamais servi ici, et juste retirer cela des griffes du gestionnaire des stocks se révéla éprouvant. Au final il put tout installer pour éviter de faire perdre son temps au Maître-artilleur qui allait bientôt débarquer. Pourquoi ces rendez-vous étaient si tôt le matin ? Et pourquoi dois-je me lever aussi tôt moi-même pour peaufiner tout ça ? ... ... ... Ah ouais, je suis insomniaque. J'ai pas vu ma tête aujourd'hui, j'espère... Et la suite se devine plus sur son visage épuisé que dans le fil de ses pensées.

Désormais prêt à lire le dossier de son patient de bon matin, il s'assit en face de son écran. Il alla chercher le dossier déjà existant qu'on lui avait transférer la veille, à l'arrivée de l'artilleur. Il n'avait accès qu'aux informations médical, bien sûr, et commença à chercher tous les antécédents, toutes les maladies déclarées qu'il avait bien pu incuber, et autres détails qui pourraient lui faire savoir à qui il aurait à faire.

Il est plus tout jeune ce gaillard, ça fait des pages avec les annotations.

Ces mots glissèrent de sa bouche à voix basse, alors qu'il survolait le dossier pour se faire une idée de la longueur à lire. Mais alors qu'il entreprenait finalement sa lecture, un infirmier lui annonça la présence de l'intéressé.

Embrigadé depuis des années, n'ayant pas connu beaucoup d'autre chose que l'armée impériale, j'en connaissais les formalités par coeur, dont celles de la visite médicale d'embarquement lors d'une nouvelle affectation sur un vaisseau. Que je sois sorti d'hôpital militaire quelques mois à peine auparavant, que j'aie été jugé bon pour le service actif juste après ne voulait rien dire. Une nouvelle affectation signifiait une visite d'entrée auprès du médecin de bord, un certain Docteur Dool d'après les dires de l'adjudant qui m"avait fait visiter les lieux.

Il était tôt et pourtant le j'étais réveillé depuis plusieurs heures déjà. J'avais petit déjeuner, étais passé à la salle de sport pour mon entraînement matinal, sans trop forcer car je pressentais un test à l'effort lors de la visite. Puis, j'avais pris une douche, enfilé un uniforme d'intérieur constitué d'un treilli et d'une chemise large de travail, sans veste mais à manche longues. J'étais passé voir comment s'en sortait mon fils pour son premier jour et étais encore à l'heure pour mon rendez-vous médical.

Je glissai un oeil à ma montre, attendis que les secondes rejoignent la minute exacte et frappais trois coup à la porte.

Léo n'avait pas vraiment eut le temps de lire le dossier, foutue paperasse... Profitant de la ponctualité légendaire de tout médecin qui se respecte, il fit la sourde oreille quelques minutes avant de réagir, temps qu'il employa à la lecture en diagonal du dossier, et surtout des éléments récents. Il se releva enfin de son siège, et alla ouvrir par lui-même la porte pour accueillir son patient. Il fit un grand geste, tenta un sourire chaleureux, et s'exprima.

Ah, bonjour monsieur de Golazzo, vous êtes ponctuel ! Je vous en prie, entrez.

Le docteur se poussa afin de laisser entrer le patient et referma la porte en adressant un signe de tête poli à l'infirmier. Regagnant sa chaise, il en présenta une à Felipe.

Asseyez-vous officier. Alors, votre visite médicale obligatoire. Tout va bien aujourd'hui ?

J'entre donc et m'assied sans me faire prier sur la chaise que l'on me présente. Le médecin au premier abord ne m'inspire rien de particulier, un homme banal dans un cadre banal. Je me demande s'il a lu mon dossier ou s'il vient aux nouvelles comme le font souvent les praticiens qui n'ont pas le temps matériel de se renseigner correctement. Les minutes d'attente ne m'ont pas été longues. Je souris.

"Tout va bien, je vous remercie. Et vous-même, Docteur Dool ?"

Léo, en face de Golazzo, attira son clavier vers lui et fit défiler les antécédents dudit dossier. Beaucoup de blessures ayant laissées des cicatrices apparaissent ici et là. Il se gratta sa barbe passablement rasée et répondit.

Je vais bien aussi, ma foi. Je vais reprendre les points majeurs de votre parcours médical avec vous si vous le voulez bien, et on fera les quelques tests ensuite. Dooonc... Felipe de Golazzo, 55 ans, entre nous vous faîtes jeune pour votre âge, et vous êtes notre nouveau Maître artilleur. Jusque-là, tout est bon ?

Le médecin tapota sur son clavier, puis attendit la réponse, à l'affût du moindre signe qui pourrait l'alarmer sur la santé de son patient.

"Tout bon. Je suis marié, un fils Danilo qui a seize ans." Je souris. Si je fais moins que mon âge, j'en ressens parfois tout le poids des ans. Surtout quand je me retrouve face à un médecin si jeune. On ne devrait jamais être soigné par un docteur qui a l'âge d'être votre fils. C'est trop perturbant. "Je suis également interfacé, si cela est d'une quelconque utilité dans votre dossier."

Léo fit défiler le suivi médical qu'il avait sous les yeux en hochant de la tête aux réponses de Felipe, avec un sourire léger.

"Vous êtes père ? Mes félicitations, officier. Et je vois sur le dossier qu'on m'a transmis que vous êtes interfacé, en effet. Avant de commencer les tests de base, contrôle de l'ouïe, de la vue et de votre cardio, j'aurais juste besoin de cocher les cases de ma fiche de renseignements."

Le médecin marqua un temps, ne voulant pas avoir l'air de pressé son patient ou d'être trop envahissant. Mais de Golazzo ne semblait pas nerveux déjà, c'était bon de voir quelqu'un venir le trouver pour une question de routine et non parce que malheur était arrivé.

"Est-ce que vous fumez, buvez ou avez des antécédents dans ces domaines, monsieur de Golazzo ?"

Félicitations un peu datées qui prouvent bien qu'il n'a pas encore rencontré mon polisson de fils aîné. Ce n'est que partie remise et cela me fait sourire. J'adore mon fils. Seulement il me ressemble un peu trop pour son propre bien. Et il a malheureusement été très mal élevé par sa mère. Je suppose que j'en porte aussi un peu la responsabilité.

"Je bois modérément de temps en temps mais nullement de façon régulière. Je ne fume pas et n'ai jamais fumé, je n'ai jamais pris de drogue, légale ou illégale autre celles prescrites par les médecins en cas de blessures."

"D'accord, un verre de temps en temps, ce n'est rien de mal. J'aurais même tendance à dire au contraire ! Ça entretient le moral ! Vos blessures, transition toute trouvée pour la suite de ma fiche. Est-ce que vos blessures vous font souffrir, même un peu ? Et suivez-vous un traitement actuellement ?

Léo tapota rapidement sur le clavier et reporta son regard sur l'officier. Ses pensées se lisaient presque sur son visage, il pensait à son fils. Rien de bien sorcier à deviner, mais Léo eut la curiosité de se demander s'il pensait à lui en bien ou en mal ? Mais aucune question médicale ne pouvait justifier une telle curiosité, alors il se fit une raison, et attendit les réponses de Golazzo.

"J'ai un reste de traitement si besoin pour ma dernière opération au niveau du coeur il y a quelques mois, il s'agit d'un cicatrisant d'après ce qu'on m'a assuré. Vous devriez l'avoir dans le dossier, c'était un médecin militaire. J'ai quelques os anciennement cassés qui râlent quand le temps est humide, ce qui est heureusement assez rare dans l'espace. A part ça, je me porte comme un charme."

Cette dernière opération, pourtant, n'était pas des plus anodine. Il avait fallu ouvrir juste à côté de l'aorte pour retirer un bout de métal qui se baladait là et risquait de la trancher sans préavis juste pour le plaisir d'un coup bas. Le morceau, lui, s'était logé suite à une explosion du côté des canons sur mon ancien bâtiment. Nous avions vaincu au final - évidemment - et j'avais gagné une nouvelle médaille...et une tentative de l'Etat Major de me coincer derrière un bureau. Par chance, j'avais réussi pendant ma convalescence à les convaincre que je serais plus utile ici.

Le son du clavier résonna dans la petite pièce du local médical, et Léo appréciait les réponses claires de son interlocuteur. Un trait courant chez les vieux militaires, d'ailleurs.

"D'accord, je vois ça en dernier sur votre dossier, Excusez-moi, je lis en même temps... ... Sacrée affaire." La surprise se lisait sur son visage. "Le traitement me semble bien. Si vous manquez de médicaments, n'hésitez pas à m'en avertir. Que vous vous portiez bien un soulagement à entendre pour un médecin !"

Le doc' se gratta la barbe, et était plutôt admiratif de voir le tonus apparent de l'officier, après toutes ses blessures, ses faits d'armes, et sa courtoisie.

"Oui, vos collègues m'aiment bien en général." Réponds-je avec un rire amusé de sa réaction. On m'a plusieurs fois dit que j'étais un homme solide. Tout comme on s'exstasie devant ma forme. Ce qu'ils savent moins c'est l'entrainement draconien auquel je m'astreins pour garder ma forme physique. Je vois, moi, à quel point l'âge diminue mes capacités. Je n'ai plus l'endurance d'avant. Des jeunes moins entraînés me mettent au sol. Je compense par la technique et l'entrainement. Quatre heures de sport quotidiens, ça vous rajeunit un homme, surtout s'il n'a jamais arrêté de se maintenir en forme. "Un esprit sain dans un corps sain, voilà qui devrait être le crédo de l'armée impériale"

Le médecin en était presque jaloux ; Il avait beau avoir 20 ans de moins, l'officier semblait plus actif et avoir une forme physique éclatante. A la dernière remarque de celui-ci, il afficha un sourire agréable et dit avec une innocence dans la voix :

"Ah je ne vous le fais pas dire. Si seulement cela pouvait être aussi simple. Mais si tout le monde était sain, je n'aurais plus de travail ! Bien, je ne vois rien d'anormal entre vos dires et le dossier. Je vais vous faire tester l'ouïe, appareil classique. Vous portez le casque sur les oreilles, et vous me dîtes quand vous entendez un son et de quel côté."

Léo sorti la machine qu'il avait été chercher avant l'arrivée de Golazzo et le déposa précautionneusement sur la table, mettant le casque en évidence devant le patient.

"Quand vous êtes prêt, je lancerai le test."

J'attrape l'appareil et le pose sur mes oreilles sans remarquer la jalousie que j'avais éveillée chez mon jeune vis à vis. Il avait l'air fatigué, certes, mais les médecins ont toujours l'air maladif pour moi. Je m'étais donc contenté de sourire à sa blague sur son travail et était prêt à présent à indiquer un côté lorsque j'entendais un son. Mon ouïe avait un peu baissé depuis mes vingt ans sans pour autant représenter encore un réel handicap. J'entendais bien, simplement pas TRES bien. Et la vigilance avait toujours été le point faible de mes entraînements. Un bon artilleur est souvent soumis à de fortes explosions. Les acouphènes sont monnaies courante dans mon métier.

Le test commença donc sous l'aval du capitaine, et le médecin observa et nota les résultats. Ils étaient bon pour un homme de son âge et de sa profession. Rien d'alarmant apriori. Léo alla au bout du test, malgré que son patient ne déclarait plus entendre les derniers bips à peine audible, et fit signe à ce dernier de retirer son casque à la toute fin.

"Vous avez une ouïe normale pour quelqu'un de votre âge, c'est pas mal. L'audition est valide, on va passer à la vue. Vous connaissez sûrement, mais je vous le répète au cas où, mais vous allez porter un casque sur les yeux, des formes vont apparaître plus ou moins grandes et distinctes, et il faudra me dire ce que vous voyez. Ce sera affiché en même temps sur mon écran, me montrant ce que voyez, à côté de l'image en bonne résolution."

Le docteur repoussa un peu la machine pour l'audition, et tendit des sortes de lunettes connectées à son ordinateur par un fil.

"Et sinon, vous venez d'où comme ça, officier ? dit-il sur le ton du médecin qui cherche toujours à faire la conversation.

"Avalon." Je n'ai jamais caché mes origines. Avalon n'est d'ailleurs rien de spécial, une jolie planète dans un système sympathique au coeur de l'Empire. Ni pouilleuse, ni richissime, un endroit où avoir de la terre signifie vraiment quelque chose. Où mon frère ainé a charge d'âmes. Un endroit policé, agréable, joli, avec une faune et une flore pas totalement corrompues par la technologie sans pour autant avoir la dangerosité sauvage de Renaissance. Bref, Avalon. "Et vous docteur ?" relance-je poliment tout en me pliant volontier au test de vue, là encore normal pour un homme de mon âge.

Le médecin enregistra les résultats. Bon mais sans plus. Ce soldat était bien entretenu, il fallait l'admettre. Du moins, il s'entretenait bien. Les muscles qui se dessinaient sous l'uniforme n'échappèrent pas au médecin, et ça allait sûrement être prouvé avec un petit test à l'effort - Mais serait-ce vraiment nécessaire ?

"Oscuro pour ma part. La vue a l'air bonne. Vous semblez en bonne situation physique et mentale. Votre dossier est complet et j'ai déjà la plupart des informations. Je ne pense pas que vous faire courir sur un tapis de course ou vous faire souffler dans un tube sera utile. Vous faîtes de l'exercice, monsieur ?"

Léo se détacha un peu de son bureau, montrant une attitude plus relâchée. Voir quelqu'un comme cet homme, en bonne santé était un plaisir dont il voulait profiter. Son corps ne lui hurlait pas de se mettre en danger pour l'aider, et ce calme, ce manque d'anxiété était un bonheur à saisir. Merci.

"Quatre heures par jour." En général, c'était à ce moment là que les docteurs se mettaient à être surpris avant de me rappeler qu'à toute chose modération est bonne et tout le toutim. "Cardio, endurance, musculation, combat à main nue et à armes blanches." En plusieurs fois. Deux heures le matin puis une heure dans la journée et une le soir. Ou deux le soir. Parfois trois, parfois cinq, je n'étais pas non plus accroché à mon planning au point d'en oublier le travail, au contraire. Et puis le sport ne m'avait jamais empêché de réfléchir. De toute façon, je n'avais pas le choix si je voulais faire reculer le moment où l'état major m'enfermerait dans un bureau, ou pire, à la retraite.

Et c'est ainsi que Léo se rendit compte qu'il ne faisait pas de sport, en comparant sa situation à celle d'un gars en âge d'être son paternel et qui pourrait lui mettre une raclée sans se fatiguer. Il commença à écrire sur son rapport de la visite qu'il était parfaitement apte au service avec un air dépité, un sourire figé sur le visage.

"Bon... Si c'est comme ça, je pense vraiment qu'on va se passer du test d'endurance. Un esprit sain dans un corps sain, n'est-ce pas ? Essayez de ne pas devenir trop perfectionniste à l'avenir. En tout cas, vous êtes largement au-dessus des gens que je croise. L'Impérium et le Cerberus ont de la chance de vous avoir. Bienvenue à bord, Maître artilleur !"

"Merci Docteur ! Je vous promet de faire mon possible pour que vous n'ayez pas trop de travail avec moi." Je souris. Au vu de mon dossier, il n'est pas difficile d'imaginer que je ne suis pas l'homme le plus prudent du monde en combat. Même si le fait que je sois toujours vivant à mon âge est quand même la preuve que je ne suis pas non plus fan des risques inconsidérés. Je me lève, lui tend la main. "Ce fut un plaisir, n'hésitez pas à venir discuter un jour au mess de façon moins formelle."

Léo se leva à la suite de Felipe, serrant sa main avec entrain. L'enthousiasme du capitaine et son air confiant était rassurant et plaisant à voir; il était évident pour le médecin qu'il pourrait plus facilement tenir parole que d'autres, quant à sa prémonition de moins le faire travailler.

"Ce serait un plaisir pour moi de vous revoir dans un cadre plus agréable. Peut-être nous croiserons nous un jour en salle de repos. Ce fut un plaisir de faire votre connaissance."

Le médecin s'apprêtait à raccompagner Felipe vers la sortie, à moins que ce dernier ne désirait s'entretenir d'une dernière chose avec lui.