Mère mo'at, raconte-nous une histoire [Way'si & Croyance]

- Mais je sais pas moi, si c'est des bêtises ça... Je crois pas, mais alors pourquoi il vous font le fouet si c'est pas des bêtises ça ?

Je fronce un peu les yeux et puis moi je m'assois en face de Way'si et je mets ma tête contre mes genoux. Je me sens bizarre, un peu.

- Papa il dit que le fouet c'est pour le bien. Ca aussi c'est un gros mensonge tout moche ?

Pauvre petite. Je regrette soudain. Je n'aurais pas du lui matraquer ainsi ce que font les siens. Elle n'y est encore pour rien. Je me rends compte soudain que ma colère a pris le pas sur mes intentions, que je l'ai blessée peut-être alors que je ne veux que soigner. Je la sais innocente, cherchant même à se renseigner mais ses questions ont réveillé la bête blessée en moi. Je lui caresse les cheveux doucement. Je ne veux pas lui faire de mal. Je ne veux pas être esclave de mon passé.

"Beaucoup de ceux qui fouettent pensent vraiment le faire pour le bien des gens. Ils se disent que ça va les empêcher de recommencer quelque chose de dangereux, qu'il vaut mieux subir une douleur contrôlée par quelqu'un qui aime que d'avoir très mal et d'être blessé par quelqu'un qui ne t'aime pas. Ce n'est pas un mensonge si on croit ce qu'on dit, même si, au final, ce n'est pas vrai. Mais moi, je pense que le fouet n'a jamais fait changer personne d'avis. Ca apprend juste à cacher ce que l'on pense. Ce sont les mots qui font évoluer les pensées. Ton père, je pense qu'il croit vraiment à l'enfer et au fouet, comme moi je crois à la liberté et à la Dame. Il ne te ments pas plus qu'il ne se ment à lui-même. Tu comprends ?"

Ah bah oui, c'est logique ce qu'elle dit.

- Aaaah, d'accord. Mais du coup, c'est pas un mensonge, mais ça laisse juste des marques de la honte et puis ça sert à rien sinon ?

Je baisse un peu la tête, parce que moi, j'en a plein des marques de la honte. Et puis du coup, ben j'ai honte, un peu.

- Moi j'en a plein des marques de la honte. T'en as, toi ?

Des marques de la honte ? Je pense tout de suite aux marques d'esclaves. Certaines par tatouage, d'autre aux fers, dans différents endroits, par différents moyens mais toutes dans l'espoir de retrouver quiconque aurait osé s'échapper. Même si je suis libre, j'ai gardé la Marque du Maître. Un souvenir de ce que je suis. Et pourtant, je sais que je pourrais l'effacer. Mais marquer un être si jeune...qui n'est pas esclave ? Quelle genre de culture fait ça à ses enfants ? J'en suis presque horrifiée. Les coups, déjà, en disaient beaucoup mais ça... je baisse la tête.

"J'en ai une. Sur le ventre. De quand j'étais esclave. Pour dire aux autres que j'appartenais au Maître et qu'il ne fallait pas me toucher sans sa permission. Tu veux la voir ?"

Elle en a qu'une seule ? C'est déjà beaucoup. Mais du coup, elle est esclave et puis elle est libre maintenant. Et puis ça me fait une surprise qu'elle veut la montrer. Je sais pas trop si je veux la voir, sa marque de la honte. Un peu oui, mais aussi, je veux pas que ça la dérange. Alors j'hoche un peu la tête, pas trop sûre de moi aussi.

- Dis... Elle te dérange pas, toi, ta marque de la honte ? T'as pas la honte ? Parce que tu la montres comme ça...

Je regarde autour de moi et puis je m'approche d'elle pour pouvoir lui dire un secret en chuchotant.

- Moi, j'aime pas ça, les miennes. J'ai la honte...

Elle s'approche et j'ouvre les bras pour qu'elle vienne s'y mettre si elle le veut. C'est une petite d'envahisseur, une qui a été élevée pour nous faire du mal et pourtant je ne lui en veut aucun. Mieux, je l'aime. Parce qu'elle pose des questions. Parce qu'elle voit au-delà. Comme Valmont. Ce sont ces trinitaires là qui sont nos meilleurs alliés. Les plus courageux de tous.

"Je n'ai pas honte parce que ce n'est pas moi qui l'ai mérité. Je la garde en souvenir, pour ne pas oublier d'où je viens. Beaucoup de gens les cachent ou les recouvre avec des tatouage, pour éviter d'avoir honte ou pour oublier et je ne leur en veut pas, c'est normal mais moi je pense qu'on grandit mieux quand on accepte ce qui nous arrive et qu'on essaye de faire avec au lieu d'oublier. Parce que chaque épreuve nous forme. Et le tout, c'est ce qui nous compose et qui fait que nous sommes uniques. J'ai été esclave. Je suis libre maintenant mais je ne veux pas oublier la douleur de l'esclavage. Si un jour, il n'y a plus d'esclave alors j'ajouterais quelque chose à la marque pour la rendre différente. Mais pas avant."

Elle ouvre ses bras, alors moi, je vais dedans. J'aime ça, moi, les câlins, mais y a pas beaucoup des gens qui m'en font. Y a parfois Jean ou bien Alexandre ou Modération et puis Prévoyance aussi. Mais pas trop les autres.

- Ca veut diser que toi, t'en es fière de ta marque à toi ? Tu crois que moi aussi je dois en être fière ?

Ses paroles là elle me fait tout bizarre parce que moi, je crois que je dois avoir honte de mes marques de la honte mais Way'si elle en a pas honte elle, alors moi je la trouve trop cooooool.

- Si je suis grande plus tard, je veux être forte comme toi.

"Je crois que tu dois faire ce que tu penses au fond de toi, peu importe ce que disent les autres sur ce qu'il faut penser. Je crois que dans la vie, on doit être vrai avec soi-même. Ne jamais se mentir à soi pour que ce soit plus facile comme des tas de gens le font mais regarder avec les yeux du coeur, sans faiblesse et accepter sa vie pour ce qu'elle est. On en a qu'une. Il faut la vivre toute entière. Même ce qui n'est pas bon parce qu'on ne pourra jamais savoir dans le futur, ce qui aura été bon ou pas." Je la serre contre moi. Parce que je sais que je ne suis pas si forte, au fond. C'est elle qui est la plus courageuse de nous deux. Moi, je ne fais que vivre selon les préceptes que l'on m'a enseignés. Elle, elle se bat contre son éducation qui était mauvaise.

Il faut vivre sa vie toute entière. Ca, ça me fait un truc au coeur, parce que elle elle sait pas que je vais mourir bientôt, mais moi je le sais et puis elle a raison aussi. C'est pour ça que moi, je suis partie de le couvent. C'est parce que là-bas, et ben je vis pas.

- Ca a pas l'air facile, mais alors je veux bien essayer.

Et puis après le câlin, je lui fais un grand sourire.

- Alors toi tu me montres ta marque à toi, et moi je te montre mes miennes, et comme ça ce sera plus jamais des vraies marques de la honte, mais c'est... Heu... Des marques de la vie !

Non, ce n'est pas facile. C'est une bataille de tous les instants. Le courage ds gens ordinaires. Celui dont on ne fait pas de livre, pas de chanson mais qui transcende. Peut-être que je ferais des histoires pour l'enseigner, ce ne serait pas plus bête et je crois vraiment que c'est un but dans la vie qui mérite d'être suivi. Elle semble le penser aussi. Je lui rend son sourire, la dépose doucement devant moi. Elle ne verra rien si elle est trop près. Et puis, sans pudeur idiote, sans hésiter, je lève le bas de mon haut jusqu'au niveau des seins à peu près. Il est là. En couleur. Un rond noir autour du nombril, comme un anneau d'où s'échappent trois flammèches. Une bleue, une rouge, une verte, dansant sur mon ventre plat au rythme de ma respiration.

"Ma marque de vie."

Elle soulève son tee-shirt et puis elle montre. Je fais des grands yeux.

- Woooooah. Elle est trop belle, la tienne ! A moi !

Et puis là alors, je enlève ma grosse veste en faisant attention à Serge qui sort son bout du museau parce que il sait pas pourquoi je la enlève. Et puis je enlève aussi ma veste verte trop jolie, parce que je peux pas montrer sinon. Et puis après, je me tourne de dos à elle, et puis là, je soulève mon pull et mon tee-shirt dessous, pas tout mais un peu pour qu'elle les voit elle, mes marques de la vie.

- Mes marques de la vie à moi.

Je connais ces zébrures. Depuis que je suis libre, je les ai vues sur le dos, les jambes, parfois même le visage de mes frères et mes soeurs sur le Penguin. J'ai soigné les plus fraiche et fermé les yeux sur les autres. Malgré ce que m'avait dit la petite, je n'avais pas imaginé que l'on puisse traiter son enfant comme un esclave. Peut-être que dans cette culture, l'enfant n'a pas plus de droits que l'objets ? Et pourtant, ils sont l'avenir des nations, comment une tribu aussi barbare a-t-elle pu être assez avancée pour voyager dans l'espace et défier la Dame ? Cela me dépasse et je n'ai pas le temps de me consacrer à ces questions. La petite a besoin de moi. Je lui souris. "Les tiennes font comme une sorte de carte qui amène au trésor de ton coeur."

Je me tourne vers elle en souriant et sans rebaisser mon pull et mon tee-shirt.

- Woaaaah, c'est vrai ?!

J'essaie de la voir, cette carte aux trésors, mais je vois pas mon dos.

- C'est trop cooooool.

Mais après, j'arrête d'essayer de voir parce que j'ai un frisson. Il fait froid, brrr. Alors je baisse mes habits et je remets aussi mes vestes et puis je frotte mes bras.

- Tu penses vraiment ce que t'as dit, dis ?

"Je pense toujours ce que je dis, même si je dis pas toujours ce que je pense." La nuance est subtile. Et si je sais qu'il m'arrive de déformer les faits dans une histoire ou une métaphore, je suis toujours honnête quant à mon message.

"Mais je suis un être humain et je peux me tromper même si je pense dire vrai alors il est très important que tu te fasses toujours ta propre opinion à toi. Comme tu es jeune, tu vas te tromper parfois mais c'est normal. Tout le monde se trompe. L'important, c'est de rester honnête avec soi-même." Mais je me répète et ça, c'est un crime pour une conteuse.

"Tu m'as posé des questions auxquelles je n'ai pas encore répondu, tu veux que je le fasse maintenant ?"

Aaaah, c'est compliquéééé ce qu'elle dit encore. Je réfléchis très fort.

- Tu penses toujours ce que tu dis... Mais tu dis pas toujours ce que tu penses... Ah, ça y est, j'ai compris ! Et, pourquoi tu dis pas toujours ce que tu penses ? Moi aussi, je dis que la vérité, je suis pas une grosse menteuse toute moche ! Rester honnête avec soi-même, c'est quand tu te dis toujours la vérité à toi ?

Moi, la vérité, je l'aime pas toujours, parce que c'est pas gentil, des fois. Et puis y a aussi des trucs vrais que je les comprends pas. Alors c'est bizarre.

- Oh ouais ! Je t'aime bien, toi. T'es gentille, et t'es jolie aussi. Et puis surtout de chez surtout, tu réponds à mes questions, et ça, c'est trop coooool. Papa, il dit que je suis trop curieuse, alors je lui demande pourquoi je suis trop curieuse, et après ça le met tout rouge et là, il me fait les marques de la hon... De la vie. Ooooh.

Moi, je crois pas que je suis beaucoup en colère, mais je sais pas trop.

- T'es souvent dans la colère, toi ? C'est parce que t'es triste aussi, que t'es pas contente et que tu penses des trucs pas gentils ?

Et puis je réfléchis pour l'histoire du cadeau.

- Ben tu dis pas alors c'est pas du mensonge. Les vilains mensonges tout moches, c'est si tu diras que c'est beau alors que c'est moche. Moi, si c'est moche, ben je crois que je va dire que c'est moche. Moi je pense que c'est pas parce que un truc il est moche que c'est pas bien. Ben regarde ! Serge, il est moche. Hein Serge, pas vrai que t'es moche ?! C'est un gros vilain rat tout moche et puis même que il sent pas bon, même si je le lave plein de fois. Et puis pourtant, moi je l'aime, même si il est moche, alors c'est pas grave quand c'est moche. C'est pas ça qui est le truc de l'important, c'est quand c'est dans ton coeur à toi que c'est ça, l'important.

Serge, il sort sa tête de la poche parce que il a reconnu son nom et puis il regarde Way'si.

"Ca m'arrive. Quand je vois que mes frères et mes soeurs souffrent et que je peux rien faire alors je suis parfois en colère contre les gens qui les font souffrir et parfois, quand on est fâchés, on l'est aussi contre des gens qui n'y sont pour rien. C'est normal, c'est humain mais ce qui est encore plus humain c'est de l'accepter et de tenter de ne pas se laisser prendre par ces émotions." Les animaux sont plus simples. Ils expriment leur mauvaise humeur et oublient. Mais avec la mémoire et la conscience, l'homme ne peut pas en faire autant et il doit donc refréner ses pulsions et aller au delà. La mémoire et la conscience sont des fardeaux que Calypso nous a donnés pour nous rendre plus forts et je travaille chaque jour à la rendre fière de moi. Un mouvement dans la poche de l'enfant attire mon attention. C'est un rat. Je lui souris. "Serge n'est pas moche parmi les rats. Il est bien nourri, il a les yeux brillants et il est en bonne santé. Un autre rat pourrait très bien trouver ton serge très beau. Beau et moche, ce n'est pas universel. C'est comme les marques de honte et les marques de vies. C'est ce que nous en faisons qui les rendent belles ou moches."

Je la regarde parce que je suis beaucoup surprise. Moi je suis pas trop en colère, sauf quand Modération elle me dit que ma musique de la maison elle casse les oreilles et que du coup elle me casse mes trucs que je fais pour faire de la musique. Mais là, Way'si, elle parle d'une autre colère plus triste que moi encore. Parce que c'est de la colère pour sa famille qui a mal et puis qui sont traités comme des n'animaux par des trinitaires comme moi. Alors moi, j'espère qu'elle est pas fâchée tout rouge contre moi.

- Eh, t'es fâchée contre moi, toi ?

Et puis je prends Serge dans mes mains et il me fait des chatouilles avec ses moustaches, alors ça me fait rigoler.

- Ah d'accord. T'as vu Serge, elle te trouve beau Way'si ! J'le sais que y a pas tout le monde qui a peur de toi, t'as vu. Mais dis Way'si, si y a quelque chose de beau, ben on peut dire wooooah c'est beau, alors si y a quelque chose de moche on peut dire que c'est moche aussi, non ?

"Non, Axi'la, je ne suis pas fâchée contre toi du tout." Au contraire, c'est une petite qui Voit. Une qui pose des questions et s'interroge. Comme Valmont. Peut-être, plus tard, deviendrait-elle un phare, comme lui. Je ne sais pas encore très bien ce qui fait briller ou non les gens. "On peut le dire mais parfois, ça peut faire du mal à l'autre. Dans ce cas, il faut réfléchir à si cela est utile à la personne devant nous de lui donner un avis sincère ou s'il vaut mieux, pour ne pas le blesser inutilement, de dire autre chose de vrai qui puisse lui faire plaisir. Les mots tu sais, peuvent souvent blesser autant que les coups. Ca ne t'es jamais arrivée d'avoir mal dans ton coeur pour des paroles que certains ont dites ?"

- Eh, pourquoi tu me appelles toujours axila ? Ca veut dire quoi ?

Ca, ça me fait froncer fort les yeux. Je m'appelle Croyance moi, d'abord ! Et puis après, je pense à ce qu'elle dit.

- Les mots ils sont des armes alors ? Moi, je sais pas. Moi, j'écoute pas quand papa ou maman il dit des trucs pas gentils. Parce que je suis jamais comme il faut pour lui. Et puis on est toujours pas assez bien pour quelqu'un, non ? Alors ben, si on écoute quand les gens ils disent et ben après on pleure toujours, non ?

"Ca veut dire...c'est difficilement traduisible. C'est quelque chose de petit, et qui dégage une vibration rouge. Mais pas le rouge vif de chez vous, un rouge comme un écureuil ou un awäk par exemple. Le rouge de l'intelligence et de l'énergie qui va loin. C'est le nom que mon coeur te donne. Parce que Croyance, ça veut dire quelqu'un qui accepte ce qu'on lui dit sans chercher à savoir non ? Alors, je trouve que ça ne te va pas comme nom. Toi, tu cherches. Tu fouilles. Tu demandes. Et c'est bien." Et d'ailleurs, elle est déjà repartie dans d'autres questions. Elle est vraiment vive et elle représente les petits rongeurs de renaissance, toujours à chercher une graine de savoir ici et là, jamais vraiment au repos. "Tu écoutes ce que je te dis et pourtant, je ne te fais pas pleurer non ? Il y a des gens qui sont bienveillants dans le monde. Pas beaucoup, mais un peu et pour ceux-là, pour ne pas rater leur message, j'écoute toujours tout le monde."

C'est bizarre, ça. J'suis pas rouge moi. Mais elle dit que c'est un rouge intelligent et de l'énergie qui va loin alors c'est pas si mal, en fait. Ca me fait sourire, même.

- Ah d'accord. Alors t'as le droit de m'appeler encore comme ça, j'aime bien. Mais moi, j'aime bien aussi Croyance, parce que ça veut dire que ben, je crois en des choses, et ça, c'est trop cool. Parce que si tu crois en rien, ben c'est super triste !

Ben c'est vrai, je crois pas n'importe quoi moi, mais bon.

- Ah oui, c'est vrai ça. Mais moi j'écoute quand on est gentil avec moi. Regarde, je t'écoute toi que tu dis que je suis gentil. Mais après c'est toi qui doit choisir ce que tu crois ou pas, et puis ce que t'entends pour de vrai et puis non. Moi c'est comme ça que je fais, parce que Pierre-Georges il est gentil avec moi et il me dit que je suis douée et puis intelligente, il me le dit ça. Mais papa il dit que je suis embêtante et que je suis un poids, alors ça, j'écoute pas trop. C'est bien comme ça, non ? Et il dit aussi que j'ai pas le droit de jouer avec les garçons, pas le droit de grimper sur les toits, pas le droit de faire la musique, pas le droit de garder Serge, pas le droit de faire ci ou ça, blablabla...

Je lève les épaules sur le ciel.

- Je sais pas... J'ai l'habitude que je fais des trucs mal, mais c'est tellement tout le temps mal que je sais pas si c'est vraiment mal ou pas. A la maison, j'ai le droit de rien faire. Parce que je suis une fille, alors faut que je sois sage, que je me tais, que j'apprends le ménage, la cuisine et puis à m'occuper des enfants aussi. Et normalement, je devais être mariée dans trois ou quatre ans, quand je sera une femme, et puis avoir des enfants, plein d'enfants, et faire ma vie comme ça. Faut obéir au mari, et puis aux aînés, et puis à papa et maman, et puis au prêtre, et puis à mère Thérèse, et puis à Soeur Louise aussi, et puis aux autres. Faut juste toujours obéir et puis se taire. Tout le reste, c'est interdit. J'essaie, hein ! C'est vrai ! Mais j'arrive pas.

Je baisse un peu la tête et puis je lève encore les épaules vers le ciel. Je suis un peu triste, je crois.

- C'est pas gentil ou méchant, mais moi je veux pas que ma vie c'est juste prier, dormir, manger, prier, manger, dormir. Moi je veux voir le monde, et puis découvrir et puis rencontrer des super-héros trop cool comme toi ! C'est méchant de pas vouloir obéir ou toujours écouter quand les adultes il veut pas que je vis ?

"Non, ce n'est pas méchant." Ma voix est toute douce, un peu triste. Comment peux-ton traiter ainsi sa jeunesse ? Comment se faisait-il que personne avant Calypso ne se dresse contre une telle culture ? Pouvait-on survivre autant en réprimant les originalités et les créations qui font la force d'une civilisation ? Je ne comprends pas comment ils en sont arrivés là, pourquoi, et comment ils ont pu réussir à atteindre une technologie aussi supérieure à celle de mon peuple avec une mentalité pareille. Si les femmes portent des enfants, si leur instinct est de les protéger et les soigner, elles sont bien plus que cela. "Sais-tu où tu vas dormir cette nuit si tu ne trouves pas ta soeur, Ax'ila ?"