Sois un homme, mon frère

"Vous avez bien raison."

Il est attachant, définitivement. C'est dommage qu'il ne souhaite aucun contact physique, au final, car malgré sa gène, sa personnalité est tout à fait compatible avec la sienne, et elle apprécie vraiment sa compagnie, même s'il ne la croit pas. De plus, ça douceur résonne avec la sienne. Dans ces cas-là, l'expérience physique peut généralement être poussée plus loin, être plus pleine et riche, tout comme le reste d'ailleurs. Mais il y a quelque chose de particulier dans l'intimité partagée, lorsque deux esprits parviennent à se trouver. Quelque chose d'unique et de beau qu'elle recherche toujours dans sa vocation. La Compagnonne se demande alors si le jeune homme a jamais connu l'intimité avec quelqu'un auparavant. Son frère avait insinué que non, mais entre le fait que Wynnstan ne souhaite pas mentir à sa famille et celui de leur raconter ce genre de choses, il y a un monde. S'il n'a jamais connu la chaleur d'un autre, peut-être est-ce aussi pour cette raison qu'il craint tant qu'elle le touche? Enfin...

Sa question surprend légèrement Laylia, qui a peu d'habitude à ce qu'on lui pose des questions aussi personnelles. Elle hésite un bref instant, évitant généralement de mêler des choses aussi près de son cœur à son travail, mais dans ce cas particulier, elle ne voit aucune raison dangereuse justifiant de ne pas s'ouvrir à son tour.

"J'ai une famille, oui. Ma fille, Abygaël, ainsi que ma mère, Emilia. Et vous? Outre votre frère aîné, bien sûr."

Ca fait tout petit comme famille... ça doit être tellement bizarre. Puis la petite elle voit sa mère quand ? Et son métier pose pas problème ? Je me suis jamais posé la question. Jamais eu l'occasion faut dire... et ça me semble pas très respectueux de demander.

"Ca doit pas être facile de concilier les déplacements et la vie de famille, vous avez du courage." je commente. "Nous on est quatre. Cathwulf l'aîné que vous connaissez, puis Nynniaw, lui il est dans l'armée, puis moi, puis Sunngifu la p'tite dernière. Et maman. Ni'awtu elle s'appelle." je dis presque comme un défi. Presque... puis les défis de moi, hein, la crédibilité.

Qu'elle s'avise pas de voir un problème dans le nom de maman.

"Et puis si par hasard y a d'autres gens, des oncles ou quoi, on les connaît pas." je conclus. "Après faut voir que Wulf et Niaw se font la gueule, que maman est tellement dépressive que je sais pas quoi faire, et que Sunny bah... c'est la seule fille alors malgré tout y a un p'tit... j'vais pas dire un fossé mais des fois c'est pas facile pour elle d'avoir trois frangins et pas de soeur j'pense."

La Compagnonne a toujours eu beaucoup d'intérêt pour la culture mo'at. Ayant grandir à Vanguard, elle a côtoyer beaucoup de personnes originaires de cette culture depuis l'enfance et, enfant, elle était fascinée par leur langue et fîolklore. Aussi, lorsque Wynnstan lui donne le prénom de sa mère, une étincelle de cet intérêt s'allume dans ses yeux bleus. Son client est donc au moins en partie mo'at? L'envie de lui poser des questions pour en savoir plus est grande, mais Laylia ne souhaite pas paraître indiscrête, d'autant plus que le sujet semble délicat à la façon dont il a prononcé son nom. La brune se contente donc de répliquer simplement :

"Vous avez de la chance d'avoir une famille nombreuse. C'est quelque chose de précieux."

Pourtant, ce qu'il lui avoue ensuite sur les relations dans sa famille semble plus complexe et conflictuel que l'image de la belle famille unie. Pleine de sollicitude mais sans pitié, Laylia demande donc doucement :

"J'espère que les relations entre vos frères s'arrangeront un jour. Pour ce qui est de votre mère et de votre soeur, être présent pour elle ma peut faire énormément en soi."

"Sont en désaccord sur leurs choix de carrière. Et sur qui est le plus responsable de notre situation. Cathwulf pense que c'est l'administration qui a pas voulu nous aider, pas les pirates qui ont mis mon père dans cet état. Du coup... Nynniaw à l'armée... ça coince. Moi j'ai gardé contact mais eux..." Je baisse le nez. "Ma mère et ma soeur je fais ce que je peux pour passer du temps avec elles. Mais on a nos études, avec les miennes je suis beaucoup du côté de Vanguard et... ça fait une trotte. Je peux pas être là souvent, et au prix des communications interplanétaires je peux pas non plus..." Et Wulf me tuerait de toute façon si je dépensais de l'argent à ce genre de choses. "C'est Cathwulf qui passe le plus de temps avec maman mais pareil, il doit déjà passer trente heures par jour dans son rade. Enfin son... bar, taverne, j'en sais rien, le Runny Amber c'est. J'ai jamais fait la différence entre tous ces noms."

Mon élocution va beaucoup mieux depuis qu'elle me touche plus... étrangement. Ca reste pas fameux hein, mais on a repassé la barre de l'incompétence.

Maintenant qu'il est lancé, il ne s'arrête plus et Laylia est heureuse de constater que, bien que le sujet ne porte pas à la détente, au moins il semble vouloir se livrer à elle. En bonne oreille, elle l'écoute avec attention avant de tenter de se faire rassurante tout en le relançant.

"Vos études sont importantes, elles aussi. Souhaitez-vous venir exercer sur Esperanza une fois celles-ci terminées?"

Si oui, il pourra certainement être plus présent pour sa famille, ce qui semblé important pour lui. Si non... prendre du recul sur une situation familiale qui le rend apparement malheureusement n'est probablement pas une mauvaise décision.

"Je pourrai pas. Y a pas d'infrastructures de recherche... pas pour l'instant. On étudie la faune et la flore de Renaissance et même si la plupart des espèces en viennent, la terraformation d'Esperanza est même pas encore finie. Et je vois mal l'UC mettre un labo de pointe en zone neutre, ils sont un peu frileux sur le partage des savoirs. Pis je dois dix ans à l'UC, ils ont financé mes études. Donc... Renaissance et Vanguard, a priori." Je hausse les épaules en regardant au loin dans le soir qui tombe. "J'aurais bien aimé que ma mère vienne vivre avec moi sur Renaissance, pour la changer d'air et tout ça, mais Wulf a pas voulu. Et elle a plus vraiment d'opinion sur grand-chose, ou alors elle la cache vraiment bien, donc je peux pas insister, décemment. Au moins elle a pu venir passer quelques temps avec moi. Ca a pas eu d'effet spectaculaire mais au moins... ça a pas fait de mal..."

Je baisse le nez un peu. Encore cette impression de rien pouvoir faire pour empêcher les miens de sombrer. Mais c'est trop tard pour me réorienter en psychiatrie maintenant. Même pour elle...

"Moi vous savez... même si c'est trop tard pour mon père je veux trouver. Je peux juste pas concevoir ma vie sans ça... j'ai toujours vécu pour ça."

Et quand je pense à "quand j'aurai trouvé" - parce que oui je vais trouver - j'arrive pas à imaginer autre chose qu'un trou noir.

Laylia est touchée par l'histoire du jeune homme. Il n'a rien eu de facile, et son rêve le mène loin d'une famille qu'il tente de supporter moralement sur ses épaules. Elle voudrait l'aider, mais elle se sait limitée. Tout ce qu'elle peut lui apporter, c'est une oreille, une présence, quelques conseils s'il en désire et, peut-être, dés distraction. C'est peu, concrètement, mais elle tente de le faire le mieux possible.

"C'est votre vie et votre rêve, et vous êtes tout à fait légitimes des les vivres comment et là où vous en avez envie. Votre famille est importante bien sûr, mais vous aussi l'êtes. L'un n'empêche pas l'autre. Vous leur offrez votre aide et votre présence lorsque vous le pouvez, mais pour le reste, ils doivent faire leurs propres choix et leurs propres chemin. Il est impossible de porter le fardeau de quelqu'un d'autre à sa place, seulement de l'accompagner et l'encourager. Ne sous-estimez pas ce que vous apportez à votre famille, Wynnstan. Ne vous oubliez pas pour eux non plus."

"Oh... je m'oublie pas. J'ai pas cette grandeur d'âme." je marmonne.

C'est vrai. La seule chose que j'aie oubliée c'est mon idée de planter des patates. Mais Wulf avait raison quand il disait que c'était bête - pour une fois. Même si moi j'avais raison quand même, les patates ça fait toujours à manger à peu de frais. S'il y a pas de doryphores ou de mildiou ou de...

"Les autres sont grands et font ce qu'ils veulent, mais ma mère est plus en état de grand-chose. Des fois je me demande même si... si elle me reconnaît encore." Un gros soupir m'échappe. "Désolé. C'est pas super joyeux comme discussion. Vous voulez qu'on bouge ou qu'on fasse autre chose ou je sais pas ?"

"Bien. Vous m'en voyez rassuré. Essayez de ne pas trop culpabiliser, alors."

La brune lui sourit doucement, rassurante et sincère, convaincue malgré ses paroles que Wynnstan a une grandeur d'âme bien plus large que ce qu'il croit. D'ailleurs, lorsqu'il s'excuse pour la lourdeur du sujet, Laylia fait un mouvement de la main pour signifier que le sujet ne l'ennuie pas dutout et rassurer Wynnstan.

"Ne vous excusez pas. Je suis heureuse de pouvoir vous écouter, vraiment. Mais marcher est une bonne idée."

Elle lui offre un sourire puis se remet debout, attrapant au passage les déchets de leur repas pour les mettre dans le sac d'emballage afin de les transporter jusqu'à un point de recyclage. Laylia remet ensuite rapidement de l'ordre dans le tissu de sa robe, puis attend Wynnstan pour se mettre à marcher. Cette fois, si elle marche près de lui, elle ne lui prend pas la main. Lorsqu'ils se mettent en marche, elle ajouté, comme pour relancer le sujet :

"Votre mère est donc malade? Si vous le souhaitez, ce serait mon plus grand plaisir de vous mettre en contacte avec certaines de mes connaissances."

"Elle a toujours été discrète. Presque effacée. Mais quand mon père a été... enfin quand il a eu ça, elle s'est retrouvée à gérer cinq personnes toute seule. Cathwulf l'aîné avait que quinze ans... il a aidé comme il a pu. Mal je pense. Mais comme il a pu. Les amis de mon père se sont pas occupés de nous, à part un ou deux. Elle a dû quitter son travail pour s'occuper de mon père et de nous. Et puis je suis parti sur Valenos, Nynniaw s'est brouillé avec Cathwulf et en plus l'armée c'est pas le milieu le moins dangereux du monde, et puis y a deux ans Cathwulf a perdu un bras dans une explosion de moteur de vaisseau, il a eu de la chance de pas y laisser plus. Et enfin mon père est parti. Ca a fini de la casser." Je regarde loin, les couleurs du crépuscule. "Je sais pas si on peut rattraper quinze ans comme ça. Et puis mon frère encore... il aime pas les psys. Il croit que c'est des manipulateurs et des gourous. Et comme c'est lui qui paie..." Y a plus beaucoup de gamins dehors. Les lumières s'allument. "Mais ptet que si ça vient de vous il écoutera ?" J'ose enfin la regarder, presque avec espoir.

La brune sent une boule de tristesse se former dans sa poitrine et elle doit faire un effort pour ne pas reprendre sa main dans la sienne afin de tenter de le soutenir. Elle a toujours été très empathique et sensible aux autres, leur histoire et leurs sentiments. Elle a l'habitude de devoir discossier ses émotions de celles des autres afin de ne pas se laisser envahir, surtout avec sa profession, alors elle contrôle rapidement ce cas-ci, même s'il la touche particulièrement.

"Je suis vraiment désolé d'apprendre cela. J'en parlerais à votre frère alors. Si je puis aider au moins avec ca, c'est la moindre des choses."

Elle lui sourit de nouveau, à défaut de pouvoir tenir sa main, et accroché son regard au sien plusieurs instants afin qu'il prenne toute la mesure de sa sincérité. Lorsque ses yeux bleu profonds se reposent sur la route devant eux, elle remarque qu'ils arrivent près d'une rue piétonne illuminée de lanternes de papier coloré, apparement un marché de nuit qui se met doucement à prendre vie avec la tombée du jour.

Elle est gentille. Elle fait peur tellement elle est belle, mais elle est gentille. Ou elle fait tellement bien semblant que c'est tout comme.

"Non c'est pas la moindre des choses. Vous avez pas d'obligation de rien. Les gens normalement ils hochent la tête et ils souhaitent bonne chance alors si vous proposez de faire plus c'est... pas la moindre des choses. Vraiment."

Merde. J'ai vraiment dit ça. Pivoine le retour. En plus on approche d'un marché nocturne on dirait... j'peux même plus compter sur le début de nuit pour me cacher. Pfff. Wulf a raison quand il dit qu'on peut se fier à rien.

La réplique de Wynnstan la touche personnellement cette fois, et la rougeur vient délicatement teinter ses joues à elle aussi. Puis, elle replace une mêche de ses cheveux derrière son oreille avant de lui répondre.

"Merci. Ce que vous dites me touche beaucoup. Mais je suis sincère. Je crois vraiment qu'aider les autres devrait être naturel. Si je peux faire un peu de bien autour de moi, c'est tout ce qui m'importe."

Nouveau sourire. Elle l'apprécie vraiment, et de plus en plus, définitivement. Il serait de ceux qu'elle souhaiterais garder comme client régulier, mais elle a l'impression qu'il n'a pas dutout ce genre de plan en tête. Leurs pas les entraînent entre les boutiques et stands extérieurs du marché, et couleurs et odeurs emplissent rapidement l'air. Pâtisseries, boissons chaudes, présentoirs pleins de bijoux brillants, fleuriste, vendeur de vêtements colorés... Assez pour s'en mettre plein les yeux.

"Vous voulez arrêter quelque part? Pour un dessert peut-être?"

Non. Aider les autres c'est pas "naturel". C'est pas "normal". Personne le fait. Pour ce que j'en sais, elle va rien faire d'ailleurs. C'est pas parce qu'elle est compagnonne et gentille et belle comme les lunes de Renaissance que hein, bon. J'ai quand même envie d'y croire, même si c'est stupide. Mince. Pourquoi j'aurais pas le droit d'être débile moi aussi une fois de temps en temps ?

Je regarde les étals et je sais pas. Y a des choses. Des jolies choses. Mais je sais pas quoi faire. J'ai pas l'habitude de choisir en fait. Je suis un peu paumé.

"Euuuh..." je me gratte la tête. "On peut commencer par faire le marché puisqu'il est là ? Ca changerait les idées un peu ?"

La brune a toujours l'impression que Wynnstan n'est que peu convaincu de sa sincérité, ou du moins des probabilités que se concrétisent réellement ce qu'elle lui promet de tenter, mais elle est déterminée à lui prouver qu'il peut lui faire confiance. Il semble également divisé entre la prudence et son envie de la croire, et le cœur de Laylia se serre un peu plus à cette idée. Certes, ils ne se connaissent que peu, mais pour être aussi pessimiste, il a certainement dû faire face à beaucoup de mensonges ou d'indifférence dans sa vie.

La contre-proposition qu'il lui fait ensuite chasse ces réflexions et Laylia lui sourit avec entrain.

"Bien sur, excellente idée!"

Ils poursuivent donc leur progression partis les étals, plus lentement cette fois, afin d'observer les marchandises et profiter de l'ambiance joyeuse et festive du marché de nuit. Un vendeur de bin chaud s'approche ailleurs fléaux en les voyant passer, leur tendant deux verres, et Laylia le remercie tout en payant pour eux. Esperanza a beau être toujours une ville sous cloche, la température de nuit est régulée pour être plus fraîche que le jour, et la boisson chaude est la bienvenue.

Et toujours elle paie. Et toujours elle est belle. Et maintenant avec les lumières orangées du marché dans la nuit qui tombe elle est encore plus belle. Et moi je dépasse tout le monde ou presque d'une tête et je sais toujours pas où me mettre ni où mettre mes mains. Autour du verre c'est un bon début.

Et puis en voyant un vendeur de roses éternelles je m'arrête pour regarder, curieux. C'est des vraies. Ils ont remplacé l'eau à l'intérieur par un mélange à base de glycérine, mis les fleurs dans des petits bacs en verre avec un peu de sable et de décors, et hop, trente crédits. J'arrive pas à décider si je trouve le procédé génial pour les amûrs éternelles à la guimauve (et le marketing et les bénéfices), ou un peu glauque parce que c'est une sorte de perversion de la Nature et même pas pour un truc utile.

L'intérêt de Wynnstan semble attiré par un fleuriste, aussi Laylia l'enjoint à se rapprocher des étals en le faisant elle même.

"Voyons celui-ce de plus près."

L'homme et la femme qui tiennent l'endroit semblent heureux de voir des clients potentiels, et aussitôt l'himme s'approche de Laylia pour lui faire la description de leur méthodes et procédés. La brune écouta avec attention, ses yeux s'arrêtant sur les différentes roses qu'il lui présente, appréciant leur beauté et leurs couleurs vives. L'une attire particulièrement son attention de par sa simplicité et la pureté de sa teinte rouge vif, mais l'homme l'attire plus loin vers les compositions extravagantes de roses multicolores.

Ca a l'air de lui plaire. De l'intéresser en tout cas. Je la vois se pencher sur une rose rouge. Elle est belle c'est vrai. Mais elleest tellement plus belle. Je dois tellement avoir l'air ridicule à côté, dans mon costard de location, à serrer les mains sur un pauvre verre de vin chaud comme un awäk sur son grain de maïs.

Le vendeur, pas fou, a bien compris qui tenait les cordons de la bourse, ou alors peut-être la bonne vieille tactique "faire craquer madame et faire payer monsieur" je sais pas, ça serait à demander à Wulf tiens, et l'emmène sur les trucs bling-bling et certainement atrocement chers, du coup je me retrouve seul face à la vendeuse. Pour faire passer l'idée de faire une énorme connerie, ou peut-être pour trouver le courage de la faire je sais pas, je liquide mon demi-verre cul sec.

J'ai rien compris à ce qui s'est passé mais quand madame Mercè revient j'ai un sac en papier dans les mains, un teint assorti au logo de l'étal, sûrement de la fumée qui sort des oreilles et l'air d'un awäk dans les phares d'un speeder.

"Euh... je... hm ?" j'essaie. Avec un succès criant faut bien le dire.

Je tends le sac un peu comme s'il était soudain devenu brûlant, en essayant de sortir un sourire crédible, pas trop niais.

Trente crédits putain.

Et le pire ? Aucun regret. Enfin à part que j'aurais préféré qu'elle flashe sur une rose blanche.

Lorsque le vendeur la libère enfin, Laylia revient vers Wynnstan qui a repris une couleur pivoine. Elle fronce alors légèrement les sourcils, inquiète, mais avant d'avoir pu lui poser la question, le rouquin lui tend un sac. Surprise, elle le prend avec précaution et son regard s'accroche un moment au visage de son client comme pour tenter d'y trouver une réponse avant d'ouvrir le sac... et de voir la rose rouge qu'elle a trouvé si jolie plus tôt. Elle sait qu'il n'est pas riche, qu'il était réticent à leur soirée et, surtout, qu'il n'était absolument pas obligé de lui faire un cadeau. Touchée, ses propres joues passent à une teinte rosée et elle relève la tête vers lui avec un large sourire.

"Elle est magnifique, merci."

Laylia franchis la distance qui la sépare de lui puis, doucement, dépose une main sur sa joue et se lève sur la pointe des pieds pour venir déposer un simple baiser sur les lèvres de Wynnstan.

...

Elle s'était dit qu'elle ne le toucherais plus sans encouragement de sa part, et avait cru comprendre que son geste en était un. S'est-elle trompée à ce point? Elle qui sait pourtant si bien lire les autres et ce genre de situations? Pour elle, le baiser était une façon de dire merci et d'exprimer plus simplement ce qu'elle ressentait que les mots, et elle en avait envie. De plus, si le sexe n'a jamais été tabou dans sa vie, les baisers le sont encore moins. Elle sait bien que ce n'est pas le cas de tout le monde, mais pour que cela le fasse réagir ainsi...

La brune, inquiète devant le manque de réponse de Wynnstan, tente alors de trouver son regard sans y parvenir.

"Wynnstan? Vous allez bien? Je suis désolé si je n'aurais pas dû..."

...

...

...

"..."

...

"Non non... ça va. Euh."

Ouais ouais ça va. Je crois. Je sais pas. C'est euh. Ouah.

"J'm'y attendais pas, juste. Du coup euh..."

Tu parles. Je savais que la rose rouge c'était piégeux. J'le savais.

"Euh... hrm. Désolé ?"

Il est si troublé que Laylia a du mal à identifier ses émotions. Le choc et là gène, sûrement, mais a-t-il apprécié? Est-il fâché? Voudrait-il qu'elle recommence ou qu'elle n'ai jamais eu ce geste pour lui? Elle même confuse, elle sourit néanmoins pour le rassurer.

"Ne vous excusez pas pour ca, tout va bien. Mais est-ce que... était-ce agréable?"

Ils sont toujours près du stand de roses, mais suffisamment à l'écart de celui-ci et de la foule pour être isolés et avoir un peu d'intimité. Une idée traverse alors l'esprit de la Compagnonne et elle hésite quelques secondes avant d'ajouter doucement une seconde question.

"Était-ce la première fois que vous embrassiez quelqu'un?"

Bah techniquement j'ai encore embrassé personne moi hein, c'est elle qui euh. Voilà. Puis je sais pas moi si c'était agréable ou pas, j'étais trop occupé à buguer.

Faudrait ptet...

...naaan.

Je hoche juste la tête, un peu penaud. Chiot crotté.

C'est donc ca. La douceur remplace l'inquiétude sur les traits de Laylia et sa main restée contre sa joue vient délicatement le caresser du pouce.

"Vous n'avez pas à en avoir honte."

Si elle a principalement pris le rôle d'amie avec lui jusque là, quelque chose change maintenant dans son attitude, sa posture, sa manière de le regarder et même sa voix. Elle est passée maître dans l'art de séduire et puisqu'elle a l'impression que Wynnstan n'a pas pu l'apprécier à cause du choc et le regrette, la Compagnonne approche de nouveau son visage du sien. Lui laissant tout l'espace pour qu'il puisse se retirer s'il n'en a pas envie, elle lui murmure alors :

"Aimeriez-vous recommencer?"

...

...mékeskelfé ? Professeur Gardenia qu'elle est belle, qu'elle est bleue, qu'elle a les mains chaudes. Et moi j'ai pas l'habitude d'avoir le cerveau aussi vide. Où ils sont passés tous mes neurones ?

"...j'ai jamais été très doué pour les travaux pratiques." j'm'entends dire.

Aussitôt, j'ai envie de me filer des claques. Ouais, je sais pas où ils sont mais ils ont tous déserté. Tous. Sauf le taré congénital de la famille, visiblement... qui en a profité pour se réveiller. Parce que ouais j'ai bien envie de réessayer. Mais ça serait mal. Et pas bien. Et... et je sais pas pourquoi je fume toujours pas des oreilles. Et j'ai les foies. Et quoi que je fasse de toute façon ça va être catastrophique. Je vais être totalement ridicule. Enfin c'est déjà fait et ça tue pas... la preuve... mais mais mais...

...

...pourquoi j'ai ma main sur la sienne sur ma joue ? Oskouuur.