Sharp blade, sharp mind [w/Jezabel Alvarez]

La perspective de quitter le Némésis a éveillé Jillian aux premières aurores du matin artificiel. Son lit est déjà fait au carré, et elle est apprêtée pour se rendre sur Hope. Elle a ajouté à son accoutrement habituel un petit ruban rouge qu'elle a noué autour du col de sa chemise blanche et a attaché sa tresse à l'aide d'un fil de fer fin, on fait avec les moyens du bord quand on est pressée. Mam lui a promis qu'elle passerait la journée toutes les deux et qu'elle avait une surprise pour elle. Une telle idée met la jeune fille dans un état d'excitation au-dessus de ses normes habituelles qui sont déjà bien plus hautes que la moyenne des autres humains qu'elle connait. L'adolescente est si extatique qu'elle pourrait en rire et en pleurer en même temps.

Avant de se lancer à la recherche de Jezabel, Jillian sort son journal de sa cachette et le glisse dans la poche intérieure de son manteau. Elle l'emmène toujours avec elle lorsqu'elle quitte le Némésis pour deux raison : d'abord elle ne veut pas que quelqu'un tombe dessus s'il fouille dans ses affaires et aussi parce qu'elle veut l'avoir à portée de main si jamais elle doit dessiner quelque chose d'incroyable lors de ses excursions.

Et la voilà partit dans les couloirs du Némésis à demi-sautillante, un grand sourire sur les lèvres et saluant tout ceux qui croise son passage sans commune mesure. Elle arrive sur le pont en une poignées d'enjambés et fait un scan rapide de la pièce, du regard avant de s'arrêter sur celle qu'elle recherche et de courir vers elle avec entrain.

« Maaaaam ! »

Spoiler:

Il est encore fort tôt lorsque je dépose ma plume sur mon bureau. Une partie de ma nuit a été consacrée à diverses activités indissociables de ma qualité de capitaine. Ma journée, sera, quant à elle, consacrée à ma fille. Je souris en songeant à cette perspective fort agréable, et je me lève. Après avoir vérifié que j'étais parfaitement apprêtée, je décide de rejoindre le pont afin de m'entretenir avec certains de mes hommes quant à l'organisation de la journée, en attendant l'éveil du plus merveilleux de mes trésors.

Lorsque j'entends enfin sa voix retentir dans la grande salle, mon sourire se fait radieux. Je me tourne vers elle et ouvre grand mes bras pour l'accueillir, et j'en profite pour l'admirer. Je ne saurais pas même expliquer par des mots à quel point je suis fière d'elle, ni à quel point je l'aime.

- Bonjour, ma chérie. Ta nuit a-t-elle été reposante ? Es-tu prête ?

Jillian saute dans les bras accueillants de Jezabel. Elle s'immerge complètement dans son étreinte et se laisse bercer par son parfum. Quand elles sont ainsi, le temps semble s'arrêter l'espace de quelques instants. L'étreinte fini par se rompre et Jillian lui rend son sourire en la fixant dans les yeux. Elle hoche la tête rapidement et d'un air satisfait puis fait un tour sur elle même pour montrer qu'elle est apprêtée pour l'occasion.

« Et toi ? »

Puis elle semble interloquée un instant. Elle s'arrête et tourne son regard dans tous les sens autour de sa mère semblant cherché quelque chose puis scan de nouveau le reste de la pièce rapidement de l'oeil. Elle siffle et sort une friandise de la poche de son manteau qu'elle vient tapoter au sol en faisant des bruits avec sa bouche pour appeler le petit animal.

« Kay ? Elle ne vient pas avec nous ? »

Son visage se trouble légèrement à cette idée. Elle adore Kay et la connaît depuis aussi longtemps qu'elle puisse se rappeler et cette animal étant toujours collé à sa mère, il est difficile de les dissocier l'une de l'autre pour Jillian.

Je souris, réellement heureuse d'avoir l'opportunité de passer du temps avec ma fille.

- Elle n'était guère de bonne humeur ce matin ; néanmoins, si tu poursuis ton appel accompagné de ses friandises favorites, je suis certaine qu'elle ne résistera guère bien longtemps.

Ces derniers temps, Kay n'est pas réellement en forme ; il n'est guère rare de la voir se terrer dans le coin qui lui est réservé, et de refuser d'en sortir. J'avoue ne pas avoir eu le temps de m'en préoccuper davantage ; néanmoins, je garde un oeil sur elle et ses activités. A peine ai-je ces pensées que je vois Kay arriver vers moi en sautillant, arborant toujours, elle aussi, un air outrageusement arrogant.

- Tu vois ma chérie, je te l'avais dit. Nous sommes parés, désormais.

Et après avoir récupéré Kay pour la poser sur mon épaule, nous prenons la direction de la sortie.

Elle sourie ravie et hoche la tête avec entrain. Puis attrape la main de sa mère et l'accompagne à travers les couloirs du Némésis pour quitter le vaisseau. Elle est très heureuse d'avoir un moment seule à seule avec elle, à part les entrainements, c'est assez rare ces derniers temps.

« Je pourrais avoir un Kihitui moi aussi mam ? »

Avoir son propre animal de compagnie c'était son rêve depuis un moment et elle ne se rendait pas nécessairement compte qu'elle était peut être encore un peu trop jeune pour ce genre de responsabilité. Elle profitait de cette instant pour réitérer sa demande auprès de sa mère qui avait dû lui refuser plusieurs fois déjà.

Elles arrivèrent rapidement sur le pont d'embarquement. Jillian s'arrêta un instant lâchant la main de sa mère et contemplant quelques instants Hope. Elle se tourna ensuite vers elle.

« Où va-t-on ? »

Je suis ma fille, ravie par son enthousiasme débordant et son énergie inépuisable. Je ne saurais être plus heureuse qu'à ses côtés : elle est réellement merveilleuse.

- Un jour, chérie, tu auras un animal toi aussi. Ne sois pas si pressée de devoir avoir des responsabilités ; cela viendra bien assez tôt. Néanmoins, je te promets d'y réfléchir. J'espère que tu y songeras de ton côté aussi : avoir un être vivant sous sa responsabilité exige parfois quelques sacrifices qu'il faut être prêt à faire.

Je sais, pourtant ; je sais qu'il lui faudra tôt ou tard apprendre les responsabilités et leur dureté. Je sais fort bien qu'en tant que future capitaine, ce n'est guère lui rendre service de la protéger ainsi. Et j'en souffre, pour sûr. J'en souffre, cependant, je ne saurais faire autrement. Avant d'être celle qui me succèdera, elle est ma fille. Et pour cela, il y a nombre d'épreuves que je souhaite lui éviter, aussi longtemps qu'il me sera possible de le faire. Je la regarde tendrement, certaine que je ne pourrais la protéger encore fort longtemps.

- Que penses-tu de n'avoir nulle destination ? Marchons simplement là où nos pas nous guiderons ; découvrons ensemble la beauté de cet endroit, profitons de cet instant privilégié, juste toi et moi.

Je lui souris, lui caresse la joue, et je glisse mes doigts entre les siens pour entamer notre balade.

- Y a-t-il une activité que tu souhaites que l'on fasse ensemble ?

La jeune fille écoute sa mère, immobile, un peu déçue encore une fois. Mais globalement, elle comprend et est heureuse et un peu excité à l'idée de savoir que sa mère va y penser. Elle hoche la tête lentement pour acquiescer, mais elle sait déjà que c'est tout réfléchit pour elle. Être prête ? Elle l'est depuis un moment, Jezabel l'y prépare justement. S'occuper d'un animal, c'est un pas de plus vers les responsabilités et ça Jillian ne s'en rend pas vraiment compte, un jour elle repensera peut être à ce moment et regrettera la petite fille innocente sous l'aile de sa maman qu'elle était.

« Oui ! Laissons-nous guider ! »

Intérieurement, elle pense se souvenir que mam lui avait promis une surprise, un cadeau d'anniversaire en avance peut-être ? Elle avait imaginé qu'il puisse s'agir d'un animal, mais visiblement cette option est exclu. Pour l'instant, elle ne se préoccupe pas de ça. Elle sourit en sentant la douche caresse de sa mère puis emboite son pas main dans la main, lui faisant confiance quant à leur destination "aléatoire". Et au même moment, comme pour répondre à la question posée son estomac gargouille bruyamment.

« Hm... Un petit déjeuné ? » ricane-t-elle de sa voix douce et légère d'enfant.

Je note un moment son air désappointé ; néanmoins, elle se reprend rapidement, et semble à nouveau teintée de cette douce joie qui lui colle si bien à la peau. Nous marchons un court instant, avant qu'elle ne manifeste son désir de prendre un petit déjeuner.

- Excellente idée, chérie. Tous les plus grands de ce monde débutent leur journée par un copieux petit déjeuner. Je connais une adresse qui, je pense, devrait te plaire.

Jillian a hérité de mon amour pour la nourriture, cela est certain. Il faut dire qu'en tant que femmes actives, il est nécessaire que nous aillons de l'énergie disponible afin de faire de notre mieux. Et en tant que capitaine, impossible de faire moins bien que la perfection. Main dans la main, nous marchons un moment, avant que je ne nous arrête devant une large échoppe.

- Nous y voilà. Buffet à volonté, sucré et salé. L'on trouve plus ou moins tout ce que l'on souhaite. Cela te convient-il ?

Toujours main dans la main, elle suit sa mère à travers les rues de Hope. Elle adore cet endroit, et l'apprécie d'autant plus alors qu'elle partage ce moment avec sa maman. Bientôt, une forte odeur de nourriture vient à ses narines alors qu'elles abordent un quartier de restauration de la ville. Jezabel les guide jusqu'à l'entrée d'une large échoppe. Les yeux pleins d'étoiles et la bouche pleine de salive Jillian hoche la tête rapidement.

« C'est parfait ! »

Elle ne peut attendre et tire sa mère à l'intérieur. Le buffet à volonté est gigantesque, elle lâche sa main et se jette sur celui-ci prenant tout ce qu'elle peut sucrer comme salé. Du bacon, des œufs, des tartines de confiture, des pancakes, des donuts, des viennoiseries. Jillian se sert également une tasse d'une boisson chaude et sucré dans laquelle elle ajoute du miel. Lorsqu'elle a fini de se servir la jeune fille, trouve une table et s'y installe avant de commencer à se gaver comme si elle n'avait pas mangé depuis une semaine. La qualité de la nourriture du Némésis est bonne, mais là, on est littéralement à un autre niveau. Jillian ne peut s'empêcher d'émettre des bruits plaisirs quasiment à chaque boucher.

« C'est délicieux mam ! Merci ! » dit-elle la bouche pleine d'un délicieux donut.

Les manières à table n'ont jamais été son fort, sur un vaisseau de pirates ce n'est clairement pas ce qu'on attend d'elle de toute façon. Même en tant que fille du capitaine.

Jillian me tire à l'intérieur, et aussitôt, elle se dirige vers le buffet pour se servir avec tout ce qui passe à proximité de sa main. Je l'observe une ou peut-être deux secondes avant de la rejoindre, le sourire aux lèvres. Je suis plus contenue, plus distinguée, quand bien même je comprends fort bien la motivation de ma fille. Tout a l'air absolument succulent. Je me serre avec davantage de modération, prenant une part de tarte aux framboises, une de tarte à l'abricot, une au chocolat. Je me sers ensuite une grande tasse de thé vert aux agrumes, et je vais rejoindre Jillian à la table sur laquelle elle a porté son dévolu. Je souris encore en la voyant s'empiffrer comme si elle avait été privée de nourriture pendant plusieurs années.

- Bon appétit, chérie. Tu m'as l'air affamée.

Avec des couverts, je commence à découper délicatement ma première part de tarte, et je mange en silence.

- De rien mon coeur, je suis heureuse de voir que tu te régales.

Je trouve que le moment est fort adéquate pour lancer une conversation quelque peu sérieuse avec elle.

- Dis moi, Jill. Que penserais-tu de passer un peu davantage de temps avec moi, notamment lors de missions officielles ?

Jillian mâche plus lentement quand elle voit sa mère commencer à manger et ses gestes se font plus lents, prenant conscience progressivement de l'image qu'elle doit renvoyer en mangeant de la sorte. Quand sa mère évoque la possibilité de partir en mission officielle avec elle, l'adolescente s'arrête net et son visage s'illumine. Elle tente de suivre le ton un peu plus sérieux de sa mère, et attrape ses couverts en essayant de l'imiter et de manger avec beaucoup plus de délicatesse ses œufs au plat et son bacon. Néanmoins, ça reste impossible pour elle de réfréner l'excitation dans sa voix et dans ses gestes, elle en pleurerait presque.

« Oh oui ! Ce serait génial ! Ça fait un petit moment que j'y pense aussi... »

Un petit moment ? Plutôt des mois. En fait, probablement depuis que son entraînement à commencer à s'intensifier. Elle se sent prête à donner plus pour le Némésis et pour la fierté de Jezabel.

« De quel genre de mission parle-t-on ? » se risque-t-elle.

Espérant secrètement qu'elle pourrait aussi participer à tout type de mission même des missions potentiellement dangereuse. On peut toujours rêver. Elle imaginait que cela lui permettrait de passer encore plus de temps avec sa mère, mais aussi accélèrerait grandement son apprentissage, en plus de l'attrait interdit qui attire souvent la plupart des adolescents - dont Jillian n'était pas différente.

Je suis amusée par l'attitude de Jillian ; cependant, je fais au mieux pour n'en rien laisser paraître. Elle semble mettre un point d'honneur à agir à ma façon - à la façon dont les Alvarez agissent. Ma mère était fort sévère sur ces points, et il s'agit d'un choix de ma part que de ne pas l'infliger à mon tour à mon enfant. Je ne regrette en aucun cas l'éducation reçue, cependant, je ne puis qu'observer les ravages que cela a pu causer au sein de notre famille. Je songe un instant à Hannabeth ; il n'est cependant guère le moment d'en parler avec Jillian. Je caresse l'espoir qu'il ne soit jamais le moment de lui en toucher mot.

- Il s'agira principalement de missions qui engagent diplomatie, négociation et administration. Il est temps que tu prennes conscience des aspects techniques du poste que tu seras amenée à reprendre.

Je refuse, pour l'heure, de la mettre en danger d'une quelconque façon. La plupart de ces missions ne se font qu'à bord du Némésis, ou dans des endroits sécurisés.

Diplomatie et négociation ça a l'air cool, pour l'administration le seul nom est boring. J'imagine que ça fait quand même partie du travail de capitaine et qu'il faut que je passe par là. Et même s'il me semble possible de déléguer ce genre de tâche à l'intendant du vaisseau, le capitaine doit toujours avoir l'œil sur toutes informations concernant son navire. Si mam le fait, je dois le faire aussi. En plus, elle me fait confiance pour l'assister dans ces tâches alors je dois donner le meilleur de moi-même. Pour le danger, on verra plus tard. Le sourire ne quitte pas mon visage, cette nouvelle me rend très heureuse.

« Et je pourrais t'aider ou seulement observer ? »

Mon esprit songe un moment à la responsabilité que cela implique et je l'accueille avec une grande joie. À vrai dire, j'étais en demande de responsabilité. Après tout, je deviendrais la plus grande capitaine que le Némésis ait connu et ferait honneur à mes prédécesseurs, Calypso m'en soit témoin.

« Je suis prête mam et je ne te décevrais pas. Ça m'honore que tu me penses prête. »

Je finis rapidement ce qu'il reste dans mon assiette et bois mon infusion d'une traite, dommage qu'elle ait refroidi son goût se marie parfaitement au reste de mon repas. J'hésite quelques instants à aller me resservir. Il serait peut-être plus respectueux d'attendre la fin de notre conversation et de voir si mam se ressert aussi.

Je prends le temps de terminer ma seconde part de tarte et de bien entamer ma dernière avant de siroter mon thé.

- Oh, je suis certaine que tu ne me décevras pas.

Je perds un instant mon sourire, pose ma tasse et affiche un air sérieux et solennel.

- Ta grand-mère était grandement convaincue que l'apprentissage passe avant tout par l'agir. C'est ainsi qu'elle m'a élevée, et si je ne me suis pas permise de reprendre chacun de ses principes pour ton éducation, j'ai décidé de suivre ses traces, désormais. Dans ce domaine, tout du moins. Ainsi, je te laisserai agir ; tu réussiras ou échoueras, et tu agiras en conséquences.

Je pose une main sur la table, tout en demeurant le regard fixé dans le sien.

- Néanmoins, je demeurerais à tes côtés, les premiers temps, pour te soutenir et t'apporter mon aide si tu en ressens le besoin. Aussi, tu n'effectueras guère les tâches les plus délicates. Pour le moment, du moins. Souviens-toi qu'en tant qu'apprentie, les erreurs sont salvatrices et te forgent plus encore que tes réussites. Souviens-toi encore davantage que lorsque tu seras capitaine, tu n'auras guère le droit d'en commettre ne serait-ce qu'une seule.

Et voilà qu'elle se lance dans un grand discours. J'adore quand elle fait ça, c'est la seule personne que je pourrais écouter parler pendant des heures sans dire un mot. Surtout, quand elle parle de ma grand-mère ou des anciennes capitaines du Némésis. Leurs histoires sont passionnantes et elles sont des exemples du devoir de capitaine. Pendant que maman me parle de mon éducation, je hoche la tête, comme à mon habitude lorsque j'écoute avec attention, mais intérieurement, je sens une étrange sensation me tenailler. Elle me donne enfin des responsabilités et j'en suis infiniment heureuse, mais en même temps une pression supplémentaire alourdi ma poitrine. J'ai peur, de ne pas être à la hauteur et de la décevoir. Mon sourire s'efface petit à petit et ma main vient se placer dans la sienne en quête de réconfort.

« Je ferais de mon mieux, je donnerais tout ce que j'ai. »

Et j'espère que ça suffira. Mon regard affiche de la détermination de façade, mais aussi une pointe d'inquiétude. Mais après tout, ça ne sera pas si difficile pour mes débuts, elle sera à mes côtés pour m'aider si besoin et les erreurs me serviront à m'améliorer. Je n'ai rien à craindre de celle-ci, pour le moment. Je me racle la gorge, fixant l'assiette de mam.

« Permission de me resservir, capitaine ? »

Mon ton est volontairement beaucoup trop formel et un sourire espiègle réapparaît furtivement sur mon visage.

A nouveau, un sourire doux vient éclairer mon visage. Tandis que je la regarde, je me sens envahie d'un amour que je ne saurais pas même décrire, et encore une fois, je me dis qu'il m'aurait été impossible de vivre sans elle. Mon unique regret est, encore et toujours, l'absence pesante de Jayn et le mystère qui règne autour de sa disparition.

- Je n'en doute pas, mon coeur. J'ignore si je te le dis assez, cependant, sache que je suis extrêmement fière de toi, chérie.

Et mon sourire devient amuser devant son air solennel.

- Permission accordée, Mademoiselle Alvarez. Il me semble qu'il s'agit de la raison de notre présence, n'est-ce pas ?

Quant à moi, je sirote tranquillement mon thé. Nous ne sommes guère pressées, et pour une fois que nous avons le temps de profiter l'une de l'autre, je n'ai pas la moindre intention de gâcher cela.

- En prime, je dirais qu'il te faut prendre des forces si tu veux survivre à une journée avec ta très chère mère.

Le fait qu'elle me rappelle sa fierté m'entoure une nouvelle fois de confiance, de chaleur et de douceur. Je n'ai besoin de rien d'autre au monde que de son approbation.

« Effectivement. Je n'avais pas songé à cela capitaine. »

De nouveau, j'utilise ce ton exagérément protocolaire, une blague mère/fille que nous jouons souvent, mais pas devant l'équipage qui risquerait de se sentir moqué. Ma permission accordée, je retourne au buffet me servir. J'y mets moins de quantité cette fois, mais plus de qualité. Des tartines de confiture essentiellement et une tasse d'un thé vert qui a l'air délicieux. Puis je retourne m'asseoir en face de maman et recommence à manger, sans la moindre délicatesse cette fois. Le thé est incroyable aussi, et il me faut, à vrai dire, très peu de temps pour dévorer tout ce que j'ai été recherchée au buffet à volonté.

« Et maintenant dans quelle aventure nous lançons nous ? »

J'espérais que nous allions faire les boutiques, acheter de nouveaux vêtements me plairait pour célébrer mes nouvelles responsabilités. Peut-être aussi enfin avoir mon propre HCOM serait cool.

Je souris paisiblement, détendue et heureuse de profiter de cet instant avec ma fille. Tandis qu'elle termine sa seconde assiettée, je prends le temps de finir ma tasse de thé. Ainsi, nous terminons notre petit déjeuner en même temps. Lorsqu'elle me demande ce qu'il est prévu pour la suite, je me contente d'un sourire mystérieux, et je vais régler notre addition. Je demeure silencieuse jusqu'à ce que nous sortions du restaurant.

- Que songerais-tu si je te proposais d'aller flâner dans les boutiques ? Puisque nous sommes à terre, autant en profiter pour voir d'autres merveilles et faire quelques achats, n'est-ce-pas ?

Je conserve le même sourire mystérieux figé sur mes lèvres.

- Si cela t'enchante, je connais une fort belle galerie de magasins où tu trouveras forcément ton bonheur, quel qu'il soit.

Une galerie de magasin, le rêve, mes yeux se mettent à briller. Cette journée avec maman est parfaite, je ne voudrais être nulle part ailleurs au monde.

« Oh oui ! Je pensais à de nouveaux vêtements justement ! »

Enfin... C'est elle qui paye, je n'ai pas encore d'argent à moi. J'espère qu'elle me laissera faire des folies. Mon esprit se perd dans de multiples idées de capes, de chemises et de pantalons. Je regarde mon manteau, c'est vrai que j'aimerais avoir quelque chose de plus personnel, mes vêtements ressemblent beaucoup aux siens. Ça ne me déplaît pas, j'aime beaucoup sa manière de s'habiller, mais j'aimerais bien avoir quelques vêtements dans un style à moi.

« Je voudrais acheter du tissu pour les fabriquer moi-même... Si tu es d'accord. »

Je me lève, attendant qu'elle avance pour lui emboiter le pas. Repus de mon petit déjeuné, mon pas est plus lourd qu'habituellement, j'ai peut-être un peu trop forcé en me resservant une deuxième fois.

En silence, tandis que je souris encore davantage, j'émets le souhait que ma Jillian ne perde jamais la joie de vivre et l'émerveillement qui brillent en elle, et qui illuminerait sans mal la plus sombre de mes nuits. Nous marchons ensemble, et elle me conte son désir de fabriquer ses propres vêtements. Je dois bien avouer que je ne saisis pas tout à fait ce désir-ci, néanmoins, je m'efforce de laisser libre cours à ses besoins. Il est primordial, à mes yeux, qu'elle puisse s'exprimer en tant qu'individu à part entière.

- Soit. Je ne vois pas le moindre inconvénient à ce que tu fabriques tes propres vêtements. Je demeurerai néanmoins présente pour t'apporter mon aide, si tu en ressens la nécessitée.

Nous arrivons en vue de la fameuse galerie. Je m'y engouffre avant elle.

- Tu iras choisir librement ton tissu, un peu plus tard. Pour l'heure, je possède un projet qui, ma foi, te plaira certainement.

Je laisse le suspens s'installer un instant.

- Te souviens-tu de notre conversation, et notamment de mon désir de t'offrir davantage d'autonomie et de responsabilité ? Cela passe, à mon sens, par un achat primordial et pourvu de sens.

Nous arrivons devant l'armurerie que j'avais d'ores et déjà repérée.

- Il est temps pour toi d'acquérir ta première lame.

Ça fait longtemps qu'elle m'aide à faire mes vêtements et que je la vois coudre les siens, je ne pense pas avoir besoin d'aide pour fabriquer les miens, elle m'a appris suffisamment pour que je puisse me débrouiller. Je me garde bien de lui dire néanmoins, c'est vexant de faire remarquer ce genre de chose et puis on ne sait jamais. Je me contente de hocher la tête en souriant, ravie qu'elle me donne son accord. Je l'écoute ensuite attentivement tandis que nous marchons dans la galerie dont elle m'avait parlé. C'est différent du reste d'Esperanza, beaucoup plus propre et plus commercial. C'est bizarre.

Je retiens mon souffle lorsqu'elle me parle d'un projet pouvant me plaire, trépignant d'impatience. Je hoche la tête toujours pour acquiescer sans l'interrompre et devant l'armurerie je comprends avant même qu'elle ne finisse sa phrase. J'attends quand même pour ne pas l'interrompre, tout en sautillant et...

« Une épée à moi ?! WOUUHOUUUUUUUUUUU ! »

Ma joie éclate de manière démesurée, je me mets à sauter et tourner sur moi-même en hurlant sans prendre conscience que nous nous trouvons dans une rue et que des gens doivent m'observer, interloqués par la scène. Mais je m'en fiche j'ai une épée. J'arrête de bouger et me retrouve face à mam, refrénant quelques sautillements restant de mon explosion de joie.

« Merci, merci, merci mam ! Je te promets que j'en prendrais grand soin, je la nettoierais tous les jours et je ferais attention ! »

Je laisse à Jillian l'opportunité d'exprimer l'entièreté de sa joie et de son excitation, tout en la fixant avec un sourire amusé. Je croise les bras sous ma poitrine, et je renvoie un regard mauvais à tous ceux qui nous fixe un peu trop longtemps.

- Eh bien, eh bien. J'ose espérer que tu n'auras guère ce genre d'élans de joie lorsque tu auras une lame entre les mains. Ce ne sont point des jouets ; il serait fâcheux que tu éborgnes les mauvaises personnes, n'est-il pas ?

J'entre alors dans la boutique, qui dénote avec le reste de la galerie. Cette boutique-là demeure présente depuis des dizaines d'années. Plusieurs dizaines - voire centaines - de modèles sont exposés, et reluisent en attendant de trouver un propriétaire digne de ce nom.

- Il ne s'agit pas de n'importe quelle boutique, Jillian. Il y a plus de trente ans de cela, je franchissais ces mêmes portes en compagnie de ta grand-mère.

Je flâne dans les allées, en observant les lames qui s'offrent à nous.

- Ecoute, Jillian. Une épée ne se choisit jamais avec les yeux, mais toujours avec le coeur. D'une manière certaine, une épée converse avec toi. Alors écoute. Ecoute ce qu'elles ont à partager avec toi.

« Oui, je ne blesserais personne... Pas, involontairement, je veux dire... »

Le but d'une épée, c'est quand même de blesser. On n'en parle pas beaucoup, mais je me doute bien que ça ne sert pas qu'à me défendre et qu'un jour, j'aurais à tuer quelqu'un. Cette idée serre mon cœur, mais j'essaie de ne rien en laisser paraître savourant au maximum ce moment.

Quand elle évoque mamie mon esprit reconstruit la scène de ma jeune maman entrant dans la même boutique en compagnie sa compagnie et achetant sa première épée. J'ai l'impression de marcher dans ses pas et cette pensée m'éblouit. Mon sourire ne veut plus se décrocher de mes lèvres. Je la suis dans le vieux magasin silencieusement. Buvant chacune de ses paroles.

Je dois choisir ma lame ou elle doit me choisir. Si ce n'est pas une question de vu, je ferme les yeux et j'écoute littéralement dans un premier temps, mais je n'entends rien de particulier. J'ouvre les yeux à nouveau et attrape une première épée. Une belle lame, parfaitement équilibrée, quoi qu'encore un peu lourde, bien que cela ne me gêne pas avec l'entrainement que j'ai reçu, mais je ne ressens rien de particulier alors je la repose. J'en attrape une seconde, puis une troisième puis une quatrième avec le même effet. Ce sont pourtant toutes de très belles armes, et je comprends pourquoi les Alvarez ont choisi cette boutique plutôt qu'une autre. Je m'agace un peu.

« Je ne comprends pas... »

Tandis qu'elle essaie les lames l'une après l'autre, je l'observe, la tête haute, concentrée sur chaque geste qu'elle effectue. Il ne fait pas le moindre doute qu'elle sera une femme et une capitaine formidables. Elle me ressemble énormément, et tout à la fois, elle possède sa propre essence ; là où les responsabilités et la grandeur guidaient déjà chacun de mes gestes lorsque j'avais son âge, je perçois chez elle la fougue que l'on dit trouver dans la jeunesse.

- Patience, Jillian. Il y a des centaines d'épées regroupées en ce lieu. Espérais-tu réellement trouver l'élue au premier essaie ? Ecoute, Jillian. Cesse de te contenter de ce que tu vois et du poids qu'elle pèse entre tes mains.

Tandis que je lui parle, je prends une belle épée entre mes mains, et je fais avec quelques gestes lestes mais toujours contrôlés.

- Tu ne pourras te battre de la même manière avec chaque épée ; elles possèdent toutes leur âme. Et lorsque tu auras trouvé celle qui résonne avec toi, tu auras la sensation qu'elle fut conçue uniquement à ton usage.

Patience. J'écoute ses conseils avec la plus grande attention. Ma mère est l'un des meilleurs capitaines de l'univers et je sais devoir suivre son exemple si je veux un jour être à la hauteur de mon rôle. Mon regard déterminé se pose dans le sien et je hoche la tête d'un seul mouvement précis. J'écoute, avec mon cœur et me laisse guider vers la prochaine épée cette fois. Je vais trouver l'épée dont l'âme se rapporte à la mienne.

« Celle-ci. »

Ma main se pose sur le manche d'une lame légère. Je la soulève sans problème et je sens une connexion se créer à travers la paume de main et jusqu'à mon cœur. Je le sens, cette épée est la mienne. Je me recule un peu, dans un magasin d'épée, on peut s'attendre à ce que les couloirs soit aussi large pour faire des mouvements avec l'arme que l'on souhaite tester. Je la fais tournoyer avec précision autour de moi et enchaine quelques passes seules dans la ligne du couloir.

« Oui, je le sens. »

J'affiche un sourire satisfait et lève les yeux vers maman avant de parcourir l'épée du regard du pommeau à la pointe. C'est une belle épée, sûrement un peu vieille, son design est très classique, mais à ses propres particularités, la garde est droite avec quelques décorations descendantes autour du pommeau. La lame est d'une longueur standard et le métal semble être fait d'un alliage, car elle est malgré sa taille assez légère.