Sharp blade, sharp mind [w/Jezabel Alvarez]

Nous progressons à travers le magasin. Plusieurs pièces de tissu attirent mon attention, et j'ajoute également à mon panier du fil, des aiguilles, des boutons en argent joliment décorés. Je laisse également le temps à ma Jillian de regarder ce qu'elle souhaite. Je suis heureuse d'avoir su lui transmettre le plaisir de faire ses vêtements toute seule. Tandis que Jillian papillonne d'une étoffe à l'autre, il y en a une très belle qui attire son attention. Je m'approche, et la touche du bout des doigts.

- Il s'agit de velours. Cette pièce est très belle.

Je suis très légèrement surprise lorsqu'elle dit vouloir se fabriquer une robe. Il est vrai qu'il s'agit là de beaux habits, que je ne porte cependant jamais, par soucis de praticité. Se battre avec une robe, ça n'est définitivement point une idée convenable. Néanmoins, Jillian est jeune, et il existe quelques occasions pour lesquelles elle pourra parfaitement porter une robe ; son anniversaire, les différentes fêtes organisées sur le Némésis, les grands évènements et les sorties.

- Je songe que cela t'ira à merveille. La couleur fera ressortir le bleu de tes yeux et la magnificence de ta chevelure. Il doit être agréable de le porter, et je suis certaine que tu sauras faire une robe tout à fait sublime avec cela. Si tu le souhaites, je pourrais t'y aider. Je dois avoir en ma possession quelques vieux patrons de robe dont tu pourras te servir.

- Merci, mama ! Oh, oui, j'espère qu'elle m'ira et je pourrais alors la portée lors des évènements important. déclare-t-elle en hochant la tête vigoureusement, un grand sourire sur les lèvres.

L'adolescente hoche la tête vigoureusement, heureuse que sa mère approuve son idée une fois de plus. L'idée d'essayer un nouveau vêtement, d'un type qu'elle n'a jamais porté auparavant, l'exalte. Elle découpe suffisamment de tissu pour l'idée qu'elle a en tête, s'arrête quelques instants et en coupe au moins autant, ce tissu est magnifique et il est certain qu'elle essaiera de fabriquer d'autre chose avec celle-ci. Parcourant ensuite les rayons, elle remplit son propre panier du nécessaire de couture manquant à sa collection dont le coton, teint de couleur noire, dont elle avait parlé plus tôt. Une fois le tour du magasin terminé, elle retourne vers sa mère.

- Bien, j'ai tout ce qu'il me faut. annonça-t-elle satisfaite de ses choix.

Son regard se jette dans le panier de sa mère avec curiosité.

- Qu'as tu acheté d'intéressant, mama ?

La bonne humeur de ma fille est contagieuse, il me faut bien l'avouer. Je l'imagine d'ores et déjà confectionner ses nouveaux vêtements, à l'aide des trésors qu'elle ramènera chez nous à la fin de la journée.

- Je n'ai pas le moindre doute à ce propos, chérie.

Nous papillonnons, l'une et l'autre, dans l'ensemble de l'immense boutique. Je dégotte quelques merveilles qui viennent nourrir une inspiration déjà débordante. Bien que mon garde-robe soit plein à craquer, je suis certaine que je saurais trouver la place qu'il me faut afin de ranger ces nouvelles pièces de choix. Nous nous dirigeons vers la caisse afin que je puisse régler la note. L'argent n'a jamais été un souci, aussi n'ai-je pas la moindre idée du coût total de nos paniers. Quoi qu'il en soit, rien ne saurait être trop beau pour mon héritière. Je lui offre un sourire tendre et aimant.

- Quelques étoffes ; de la soie, du coton, entre autres. Du cuir, des boutons et autres bijoux à broder. Enfin, des aiguilles et du fil, ainsi que le nécessaire pour fabriquer de nouveaux patrons.

Je profite de notre passage en caisse afin de discuter avec la vendeuse ; puis, nos paquets en main, nous sortons.

- Alors mon amour, où souhaites-tu déjeuner ?

Jillian sort de la boutique un léger sourire sur les lèvres, imaginant déjà à quoi ressemblera la future robe qu'elle va confectionner. Elle rêve quelques instants, imaginant que Miguel la remarquera peut-être dans sa jolie robe et qu'il la fera danser et que... et que... se racle la gorge intérieurement. Elle est tirée de sa rêverie par la question de mama.

- Oh... J'aimerais bien manger dans un endroit nouveau et découvrir quelque chose que je n'ai jamais mangé. annonce-t-elle songeuse, en mettant un doigt sur le bout de son menton.

L'adolescente compte sur Jezabel pour l'emmener dans un endroit d'exception et pour lui ravir les papilles. D'ailleurs... Son estomac gargouille encore.

Je la vois songeuse un instant ; je m'interroge, cependant, je ne fais pas la moindre remarque à ce sujet. A l'inverse, je cherche à trouver l'endroit le plus incroyable pour prendre notre repas, afin de lui laisser un souvenir inoubliable. Je penche finalement pour un restaurant fort étonnant qui propose des spécialités venues d'autres galaxies. C'est un restaurant dans lequel j'avais été plusieurs fois avec ma propre mère, et que j'évitais soigneusement depuis son décès. Il s'agissait du dernier restaurant dans lequel nous avions déjeuner en tête à tête avant qu'elle ne décède. M'y rendre est une épreuve que je me sens, pour autant, prête à relever.

- Je connais un restaurant tout à fait charmant que tu vas adorer, j'en suis certaine.

Main dans la main, nous nous dirigeons vers cet établissement aux allures d'ailleurs. Face à la devanture unique en son genre, je marque un temps d'arrêt.

- Qu'en dis-tu, chérie ?

Les yeux de Jillian sont grands ouverts devant cette magnifique échoppe. Un restaurant au style impérial affichant de nombreuses couleurs et dont la façade annonce un nombre de plats impressionnant dont la jeune fille ne connaît pas les noms de la plupart. Son ventre gargouille de plus belle et on pourrait presque voir de la bave couleur au coin de ses lèvres tant elle a l'air affamée. Elle sautille et trépignant d'impatience s'élance vers la porte lâchant la main de sa mère.

- Oh oui, oui, oui ! Entrons ! Viens ! fait-elle dans un mouvement de la main, toujours sautillante comme si elle avait une envie pressante et en tenant la porte ouverte.

Je demeure pensive durant un temps relativement succinct lorsque Jillian me lâche la main et se dirige vers la porte. Les souvenirs sont nombreux, et ils ne sont guère tous agréables. Fort heureusement, l'enthousiasme de ma fille me réchauffe le cœur. Que ferais-je sans ce soleil qu'elle apporte dans ma vie ?

- D'accord, d'accord, je te suis. Me voilà.

Je la rejoins devant l'entrée et pénètre à l'intérieur du grand établissement à sa suite. L'intérieur est aussi prodigieux et grandiose que dans mes souvenirs. Partout, les décorations sont riches et colorées - en des tons qui rappellent un univers marin -, sans pour autant tomber dans l'excès ; sur un pan de mur entier se trouve un aquarium gigantesque, contenant quelques espèces venues d'un ailleurs que l'on ne connait pas. Ailleurs, l'on compte pas moins d'une dizaine d'aquarium plus ou moins grands, qui recèlent d'autres merveilles. J'attends avec une impatience non dissimulée la réaction de celle qui éclairerait les plus sombres des nuits. D'une main, j'effleure son dos.

- Ne perds jamais ta joie de vivre, mon amour, murmuré-je.

Jillian observe quelques instants sa mère pensive.

- Alleeeeeeeez mama ! s'empresse-t-elle.

Une fois à l'intérieur, les yeux brillants de la jeune fille parcourent la pièce, sa bouche s'entrouvre devant la beauté de l'endroit et elle reste inerte pendant quelques instants. L'adolescente se tourne ensuite vers sa mère.

- Wahoooooooooooo ! fait-elle la bouche ronde. C'est magnifique...

Elle tourne sur elle-même avec excitation, rit avec douceur à la remarque de Jezabel et lui sourit de toutes ses dents.

- Jamais.

Puis attrape une main de sa mère entre les siennes et la tire vers l'un des plus grands aquariums. Dedans, il y a toutes sortes d'espèce de poissons et de toutes tailles. Jillian en s'approchant s'éloigne de sa mère et se met à imiter l'un d'eux en riant de bon coeur. Un serveur s'approche d'elle, la mine un peu hautaine.

- Bonjour. Que puis-je pour vous ? son ton est tout aussi hautain et un peu réprobateur.
- Une table pour deux, s'il vous plaît dit-elle en reprenant son souffle et son sérieux.

Je ne puis retenir un rire léger devant le bonheur de ma fille. En cet instant, je me sens profondément heureuse ; même mes souvenirs ne parviennent point réellement à assombrir le tableau. Je me souviens pourtant encore de la première fois où nous sommes venues ici, mes parents et moi. Avant l'arrivée d'Hannabeth ; avant les nombreux malheurs qui ont frappé notre famille ; avant que maman ne perde l'esprit. Elle n'était déjà point démonstrative ni affectueuse, à l'époque. Elle attendait de moi que je me tienne droite en toutes circonstances, sans jamais faillir, sans jamais montrer une once de relâchement. La perfection, l'élégance, la beauté. En entrant ici, je n'avais pu qu'observer de loin les différentes espèces qui évoluaient déjà dans les aquariums, tous bien moins imposants, à l'époque.

Le serveur arrive, visiblement amusé par l'enthousiasme communicatif de Jillian.

- Une table proche de l'aquarium principal vous ira ?

Je lui offre un sourire charmeur.

- Ce sera parfait, merci Monsieur.

Il nous conduit jusqu'à la table, et tandis que je prends place, mon regard est happé par le ballet gracieux des animaux, comme si je les découvrais réellement pour la première fois. Je me reprends néanmoins rapidement, et m'assieds élégamment sur le fauteuil qui m'est destiné. Je prends ensuite la carte que l'on nous tend d'ores et déjà, et je plonge à la découverte de l'exotisme.

Elle n'a ni la grâce ni la tenue de sa mère, même si elle passe son temps à essayer de l'imiter, lorsqu'elle s'oublie son naturel d'enfant naïve reprend le dessus et c'est toujours très amusant à observer. Lorsque le serveur lui tourne le dos pour les guider, elle en profite pour lui tirer la langue discrètement, espérant que mama ne la voit pas. L'aquarium principal est sans doute le plus impressionnant et Jillian en oublie presque sa faim en le voyant. Elle songe qu'il sera difficile de se concentrer sur sa nourriture avec autant d'attraction aussi près d'elle. L'adolescente s'installe, imitant sa mère et le serveur leur tend un menu chacune.

- Désirez vous boire quelque chose ?
- Du jus de framboise, s'il vous plaît. répond-elle avec entrain et sans même réfléchir plus de 2 secondes.

C'est la première idée qui lui vient en tête et elle n'en a jamais bu. Une fois les boissons commandées, le serveur s'éloigne, leur laissant le temps de choisir ce qu'elles vont commander et de leur amener leurs boissons. Les yeux de Jillian parcourent la carte très fournis et elle ne sait vraiment pas quoi choisir.

- On peut dire qu'il y a du choix. Tellement que c'est peut-être la première de ma vie que je ne sais pas ce que j'ai envie de manger. Que me conseilles-tu mama ?

Du jus de framboises ? Voilà un choix intéressant. Je m'apprêtais à commander un cocktail sophistiqué sans alcool, mais puisqu'il en est ainsi...

- Eh bien, deux jus de framboises, s'il vous plaît.

L'homme s'incline légèrement, s'éloigne et puis je me replonge à la découverte de la carte. Il est vrai que le nombre de choix est faramineux. Les noms n'évoquent pas toujours des éléments connus, aussi, est-il difficile de s'y retrouver. Lorsque Jillian me demande conseille, je lui souris et je pose ma carte devant moi.

- Eh bien... Etant donné que je m'aventure ici pour la première fois depuis fort longtemps...

Le serveur revient avec nos boissons en cet instant. Il demande si nous avons fait notre choix. Avec une lueur amusée dans mon regard, je demeure les yeux plongés dans ceux de Jillian.

- Oui, réponds-je. Surprenez-nous. Sans fromage de quelle sorte que ce soit pour la Demoiselle, et vous avez carte blanche pour moi.

Il s'incline à nouveau, reprends les cartes et disparaît aussi rapidement qu'il est arrivé, visiblement peu impressionné.

Ah le fromage, le fléau de Jillian. Elle n'a jamais aimé ça, et ce, depuis sa plus tendre enfance alors quand mama fait cette petite précision, elle acquiesce en souriant, mais n'est pas réellement surprise de la prévenance de celle-ci. Son jus de framboise posé délicatement devant elle, servit dans un de ces verres à cocktail avec un long pied, des glaçons et une paille rose, la blonde ne résiste pas plus de quelques instants avant de commencer à siroter son verre. Le goût est sucré et rafraîchissant, suffisant pour attendre son repas.

- Ce jus est vraiment délicieux. Tu penses qu'on pourrait en trouver pour en avoir sur le vaisseau ?

Comme à son habitude, elle est toujours curieuse d'en savoir plus sur la jeunesse de sa mère et une question lui vient.

- Tu es déjà venu ici avec mamie Erzsébeth ?

Tandis que ma fille sirote son jus de framboises et l'apprécie, je suis, encore une fois, attendrie par la douceur et la pureté qui émane d'elle. Je porte à mon tour ma paille à mes lèvres, aspire le nectar sucré et agréablement acidulé.

- Oh je songe que cela est tout à fait possible, mon amour. Je me renseignerai afin d'en trouver. Il est vrai que celui-ci est succulent.

Cependant, la question de ma Jillian vient noircir ce tableau pourtant parfait jusqu'à lors. Je repose mon verre et sourit tristement sous l'afflux des souvenirs.

- Oui. Elle aimait beaucoup cet endroit, tout comme ton grand-père. Nous y allions fréquemment, presque deux fois par an, à une certaine période.

- Je suis désolé mama... Je ne voulais pas te rendre triste...

Jillian ne connaît pas vraiment les raisons de cette tristesse, mais elle arrive à la lire derrière le sourire de sa mama. Plus curieuse qu'empathique quand même, elle se permet une question sur son grand-père dont elle n'a presque jamais entendu parlé, contrairement à sa grand-mère dont elle connaît la légende par cœur.

- Je... Comment il était mon grand-père ? bégaie-t-elle maladroitement.

Ai-je réellement l'air si abattue que cela ? J'essaie tant bien que mal de me reprendre. Je ne souhaite point que ma fille songe qu'elle est coupable de cela, de quelque façon que ce soit.

- Ce n'est rien mon ange. Tu n'es en rien fautive de cela.

Lorsqu'elle évoque son grand-père, je prends le temps de siroter mon jus de framboises. Que puis-je lui dire ? Il y a tant d'éléments que je ne souhaite pas lui révéler... Je soupire.

- Ton grand-père...

Nous a abandonné. Il a été la cause de la déchéance de ta grand-mère, il l'a laissée me blesser plus que tu ne le sauras jamais. Il a préféré une abomination à son héritière. Il est mort sans que je ne puisse jamais lui dire au revoir.

- ... Eh bien. Je n'ai que peu à te raconter à son sujet. Nous n'étions pas proches, lui et moi. C'était un homme... Très beau. Grand et fier, toujours tempéré. Lorsque j'étais enfant, ta grand-mère et lui formaient un couple très équilibré, un duo éclatant. Tout cela s'est dégradé avec le temps, puis il nous a quitté.

Jillian sent Jezabel hésitante et prise par une émotion dont elle n'arrive pas à capter l'origine. L'emmener sur cette pente était une mauvaise idée et elle regrette immédiatement sa question. L'évocation de son grand-père lui avait lever un sourire enjoué, l'adolescente aurait aimé en savoir plus car elle en a si peu entendu parlé mais le moment ne semble pas venu.

- D'accord. simplement d'accord avec un peu de gêne dans la voix, rien d'autre à ajouter.

Un silence gêné s'installe entre elles alors que les plats ne sont pas encore arrivés. Si en parler est difficile maintenant, peut-être qu'elle pourra en parler plus tard. Pour détendre l'atmosphère et décrocher un sourire à sa mama, Jillian sirote son jus de framboise le plus bruyamment possible avec sa paille.

Je me perds dans mes pensées ; l'image de mon père demeure, puissante et emprunte d'une violence qui assombrit considérablement mon humeur. Il savait quel serait mon destin ; il n'a rien fait. Il a préféré Hannabeth à moi, à nous. Il a préféré la déchéance de toute une famille à l'équilibre. Puis, je reviens à moi lorsque j'entends le bruit caractéristique des bulles qui éclatent. Je souris tendrement devant la tentative de ma Jillian afin de me changer les idées. Ma propre mère m'aurait violemment réprimandée pour de tels écarts de conduite. Délicatement, je pose une main sur celle de ma fille.

- Pardonne-moi, mon amour. Cet aspect de notre histoire est fort complexe. Je te promets que tout te sera révélé lorsque le moment viendra. Il m'est encore trop complexe d'évoquer tout cela. Pour autant, ta curiosité est tout à fait légitime, aussi n'as-tu absolument rien à te reprocher. Entendu, chérie ?

Je tâche d'être rassurante ; je ne souhaite point qu'elle se sente coupable pour cela. Nos plats arrivent enfin - ou plutôt devrais-je dire déjà - et avec eux, les ultimes bribes de tensions s'envolent.

- Oui, je comprends mama. dit-elle, le sourire revenu sur ses lèvres.

L'adolescente sent sa mère plus adoucit et elle se sent rassurée, elle n'est pas encline à lui révéler la vérité pour le moment et Jillian le comprend même si sa curiosité en est encore plus piquée. La blonde place la main dans celle de sa mère. Tout te sera révélé lorsque le moment viendra, elle garde cette pensée pour plus tard. Tandis qu'elle finit de siroter son jus de framboise, leurs plats arrivent enfin.

- Pouvez-vous me servir un autre verre, je vous prie ? demande-t-elle en tendant son verre vide.

Puis son regard se penche vers la belle assiette qu'on a placé devant elle. Le plat est bien présenté, une belle pièce de poisson blanc sur lequel des tomates cuites, d'autres légumes ont été superposé avec une sauce rouge à la tomate probablement, le tout parsemé d'herbes en tout genre et accompagné de riz blanc disposé parfaitement dans l'assiette. Malgré, le coté chic et gastronomique du restaurant la portion est plus qu'honorable et l'adolescente baverait presque devant son assiette.

- Ça a l'air délicieux s'exclame-t-elle en lançant un sourire ravis au serveur avant qu'il s'éloigne.

Elle attend qu'il s'éloigne de quelques pas.

- Bon appétit maman.

Puis s'attaque à la nourriture armée d'un couteau et d'une fourchette.

Je suis bien heureuse de voir le visage de ma fille se radoucir ; elle recouvre son sourire, et n'a visiblement en rien perdu son appétit. Elle quémande même un second verre de jus de framboises. Bien. Je n'aurais en rien souhaité gâcher cette journée mère-fille, d'autant plus précieuse qu'elle est fort rare. Le serveur dépose une assiette devant moi ; ce qu'il m'annonce comme étant une purée de légume, accompagnée d'une tourte au poisson et à la tomate. Je le remercie, attrapant délicatement mes couverts lorsqu'il nous quitte.

- Bon appétit à toi aussi, mon amour.

J'entame mon plat en silence, dégustant les saveurs nouvelles qui se répandent en ma bouche.

- Alors, chérie. Y a-t-il une autre activité que tu désires faire lorsque nous aurons terminé notre repas ?

Bien qu'elle commence à se jeter sur la nourriture comme une affamée - qu'elle est - elle reprend avec plus de retenue au fur et à mesure de la découverte de ces nouvelles saveurs.

- Ce restaurant est vraiment déliiiiiiiiciiiiiiieux. s'exclame-t-elle, veillant à vider sa bouche avant de parler.

Elle réfléchit en mangeant son riz, quasiment grain par grain pour mieux l'apprécier et en émettant un Hmm de réflexion autant que de satisfaction devant son assiette.

- Pourquoi pas un bain ? J'ai envie d'un bain chauuuuuud.

L'enthousiasme de Jillian me ferait presque oublier mes nombreuses hésitations ; peut-être était-ce le bon choix, tout compte fait. Les souvenirs attachés à cet endroit sont vifs et bien plus douloureux encore que je ne l'avais craint. Cependant, le moment mère-fille que nous sommes en train de partager redonne à ce lieu autrefois tant aimé ses couleurs d'antan.

- Je suis ravie que tu apprécies, chérie.

L'idée du bain chaud est une excellente idée. Voilà qui sera parfait, si l'on veut poursuivre dans la lancée de notre journée, et se détendre ensemble. Parce qu'aujourd'hui, il n'y a plus guère qu'elle et moi. Le reste n'a pas la moindre importance. Jillian grandit si vite que j'ai parfois l'impression d'avoir manqué certaines étapes primordiales, trop absorbée par le rôle de capitaine qu'il me faut honorer. Je me console parfois en songeant qu'elle ne manque de rien, et que son enfance fut certainement plus heureuse que celle de nombre d'autres personnes.

- Un bain chaud, dis-tu ? En ce cas, il me semble connaître l'endroit idéal. Tu seras si détendue après cela que je te garantis que tu n'éprouveras point la moindre difficulté à t'endormir en rentrant à la maison.

Nous finissons nos plats, et l'heure des desserts s'en vient. Je choisis, pour ma part, un ensemble de délices sucrés, présentés sous un nom aussi alambiqué qu'intriguant.

- Encore un nouvel endroit ? s'excite-t-elle à nouveau. Mieux que le bain habituel ? ses yeux s'agrandissent à cette perspective.

Elle songe à la dernière fois où elles ont eu l'occasion d'aller prendre un bain en dehors du Némésis et où elle avait été si relaxée qu'elle s'était presque immédiatement endormie dans l'eau chaude. Elle était sortie de l'eau la peau rouge et toute fripée. Même si ça faisait un moment, ça avait été une belle journée, comme celle-ci.

- J'espère que je ne m'endormirais pas comme la dernière fois...

Jillian laisse échapper un petit rire en y repensant puis s'empresse de terminer son repas, exaltée par l'idée d'un bain. Elle commande pour dessert un milk-shake à la framboise.

- Pour compléter ce repas framboisé.

Leurs desserts arrivent assez rapidement et Jillian écarquille les yeux devant le dégradé de couleurs et de douceurs sucrées du dessert commandé par Jezabel. Elle a du mal à caché son envie et regretterait presque son choix du milk-shake à la framboise.

- Dis mama... est-ce que... tu as vraiment encore assez faim pour manger tout ton dessert ? demande-t-elle en regardant négligemment son milk-shake qui ne lui fait plus autant envie et en se triturant les doigts.

Me voilà fort amusée par les réactions toujours pétillantes de ma fille. Oh trésor, ne perds jamais cette joie intense qui illuminerait les nuits les plus sombres.

- Oh encore bien mieux que le bain habituel, mon ange. Je suis certaine que cela te plaira.

J'entame à peine mon dessert que je remarque le regard empli d'envie de ma fille. Elle me questionne quant à mon appétit, et bien qu'il m'aurait été tout a fait possible de terminer mon assiette - tout à fait délicieuse - je pousse l'assiette en sa direction avec un sourire doux.

- Régale-toi, chérie. La gourmandise n'est plus bonne, à mon âge.

Il s'agit-là d'un mensonge éhonté. Je n'ai jamais eu besoin de faire attention à ma ligne, et je ne compte certainement point commencer aujourd'hui. Cependant, c'est une façon tout à fait convenable d'inciter Jillian à terminer cette assiette fort colorée.

Lorsqu'il ne reste plus rien et que nous avons terminé, repues, je règle l'addition et nous sortons de ce restaurant qui vient de recouvrer une place honorable au sein de notre famille. Le spa n'est guère éloigné de là, aussi, nous ne mettons que quelques minutes à nous y rendre.

- Nous y voilà, chérie.

Sans se faire prier et sans relever le mensonge, l'adolescente engloutit le reste du dessert en quelques bouchées avant d'essuyer le coin de sa bouche avec délicatesse.

- J'espère qu'on aura l'occasion de revenir. s'exclame-t-elle en sortant, tapotant son ventre plein.

Pendant le trajet à pied jusqu'au spa elle traîne d'ailleurs un peu du pied et somnole. Sa mère lui signalant qu'elles sont arrivées, Jillian reprend un peu de vigueur et se précipite vers l'entrée, la tirant derrière elle tant elle hâte de se mettre dans l'eau chaude. Elle adore vraiment cet endroit.

- Bonjour ! Nous voudrions prendre un bain ! lance-t-elle à un volume plus élevé que nécessaire.

Si l'enthousiasme de ma Jillian se calme, il semble que ce ne soit que temporaire. A peine sommes-nous arrivées devant le spa que je la vois courir et quémander un bain. Je ris sincèrement, heureuse de voir qu'elle possède encore l'énergie nécessaire à ce que nous terminions cette journée en beauté. Je m'approche d'elle et du responsable qui attend au comptoir, avant de poser une main légère sur l'épaule de ma fille.

- Nous prendrons la formule complète pour cette après-midi, je vous prie.

L'homme acquiesce, sort son carnet et je paie avant qu'il ne nous guide à l'intérieur. Il nous explique rapidement où se trouve les bains (eaux thermales, eaux chaudes, froides, boues, à bulles, à vagues...), le sauna, le hammam, les jacuzzi, et précise que nous avons chacune un massage d'une demie-heure prévu dans la formule. Lorsque nous avons fait le tour du propriétaire, il nous abandonne devant les vestiaires avec deux serviettes chacune et des chaussures spéciales pour nous balader entre les différents bassins. Il précise qu'aucun vêtement n'est toléré à l'intérieur.

- Eh bien. Voilà de quoi occuper une partie de notre après-midi, n'est-ce pas, mon ange ? Par quoi souhaites-tu commencer ?

Trépignant d'impatience, Jillian peut à peine attendre que l'homme les guide et leur montre les différentes possibilités. Elle rentre directement dans les vestiaires en répondant à sa mère.

- La bouuuuuue, je veux prendre un bain de boue ! C'est tellement agréable !

Trépignant d'impatience, Jillian peut à peine attendre que l'homme les guide et leur montre les différentes possibilités. Et enroule nonchalamment la serviette autour de son corps nu et, sans attendre que Jezabel soit prête, cours à toute vitesse vers le bain de boue provoquant des regards surpris et indignés des quelques autres clients présents. En gloussant joyeusement elle défait la serviette d'un mouvement et se jette dans la boue chaude, ce qui en projette dans tous les sens.