La mort n'est qu'un nouveau voyage qui commence [Némésis]

Nous sommes le 30 encer 111. Il n'est pas tout à fait dix heures, et je suis penchée au-dessus de dizaines de documents, étalés sur mon bureau. Plus d'une semaine a passé, depuis le drame. Une semaine qui fut mouvementée et déchirante. Je ne me suis guère laisser de temps libre. Les réparations du vaisseau sont, fort heureusement, minimes. Pour autant, nous avons perdu plusieurs membres de notre équipage - et parmi eux, plusieurs de nos officiers. Il a fallu faire des choix, et jusqu'à lors, je ne me suis nullement autorisée à songer à la mort de Nadya. Me voilà obligée de marquer un temps d'arrêt. Je réprime un sanglot, observe la bouteille de rhum posée devant moi - ses jumelles jonchent déjà le sol. Je bois plusieurs gorgées, puis, me lève.

L'heure n'est point aux pleurnicheries. Le Némésis est endeuillé, à l'image d'une trop grande partie de la population de notre système. Qu'importe les autres. Je demeure la capitaine, et en tant que capitaine, il m'a fallu prendre plusieurs décisions primordiales. Je n'ai fait que quelques brèves apparitions depuis que nous avons dressé le bilan de nos pertes. Nadya, ma seconde et promise, mais également mon fidèle maître artilleur - et l'amour de ma fille aînée -, Eugène de Chateaubriand. Mon maître d'abordage, qui tenait ce rôle depuis plus de vingt ans. S'ajoute à ceux-là seize autres hommes et femmes, qui, ce maudit jour, festoyaient en prévision de nos voyages futurs au cœur de l'espace. Et sans cela, sûrement seraient-ils tous en vie.

Seigneur. Je n'ai nullement su dormir depuis l'incident majeur ; l'image que me renvoie le miroir est celle d'une femme de mon âge, éprouvée par la vie et par l'alcool. Plus que jamais, il me semble voir ma mère. D'un geste vigoureux, je frappe le miroir, et il vole en éclat. Le sang coule, mais je suis incapable de ressentir la douleur. Pour autant, je demeure droite et fière. Je suis la capitaine. Une capitaine ne faut pas. Cela est vrai pour moi plus que quiconque. Je prends la peine de me faire une toilette, afin de paraître au mieux devant mes hommes. Ils sont tous plus ou moins endeuillés ; les liens se créent facilement au sein d'un vaisseau, et bien que la mort soit une part importante de nos existences, personnes ne s'attendait à cela.

J'ai demandé à ce que tout le monde se réunisse dans notre grande salle pour dix heures pétantes. Naturellement, il est près de dix heures trente lorsque je me mets finalement en route. Je ne me suis guère préoccupée de mes mains, et à peine des traces qui marquent mon si beau visage. J'ai bu suffisamment pour demeurer brave, mais point assez pour perdre mes moyens. Ma tête me lance douloureusement. Qu'importe. Cela doit être fait. Alors ainsi soit-il. Finissons en une bonne fois pour toutes. Il me semble avoir déjà trop attendu. Pouvait-il seulement en être autrement ? J'inspire profondément et j'entre finalement dans la grande salle.

Chance est mort.
C’est dommage. C’était un bon gars, un bon mécanicien. Il a rien fait d’autre qu’être au mauvais endroit au mauvais moment quand le ciel leur est tombé sur le pif. Il buvait et d’un coup, il est mort.
Ils ont déjà bu pour lui, comme les gars et les filles des autres équipes qui ont perdu quelqu’un sans doute. Et puis ils se sont remis au boulot. Lui ça l’arrange bien, qu’il y aie des deuils à faire, des choses à réparer -un peu-. Ca le laisse moins seul avec son cerveau.

Il ne veut pas se souvenir des événements. S’il pouvait les effacer de sa tête, Suu serait content. Il ne veut même pas savoir ce qu’il y aurait dans ses cauchemars s’il n’était pas trop fatigué pour en faire. Du bruit et des mutants et des champs de bataille sans doute.
Et Chance mort dans sa pinte.

Il a des cernes, des pansements, les lèvres pincées et il attend de savoir ce que va dire la Capitaine. Il fait autant la tronche que le reste de l’équipage dans la grande salle. Cette fois c’est avec les pilotes qu’il est, Dom derrière lui, appuyée sur le dossier de son fauteuil de remplacement. L’autre, il ne sait pas trop s’il veut le réparer maintenant qu’il l’a trahi, il sait juste que celui sous ses fesses est naze et que c’est comme être handicapé là dedans.
Donc il fait la gueule.
Et il attend.

De nombreux hommes sont morts ce jour-là. La majorité était des valeureux que Edward respectait... Surtout son officier, le chef d'abordage. Il allait manquer à plusieurs pour sa rigueur et son esprit de dirigeant... Quel dommage. Étrangement, l'alcool possède de bons effets pour s'éloigner d'un deuil quelconque, mais ceux de plusieurs membres du Némésis. Certes, cela ne faisait pas si longtemps qu'il était là... Mais au moins, il ressentait la même douleur que la perte de ses parents et la perte de l'équipage de la Garde Cornue.

Comme tout le monde, Edward avait rejoint l'assemblée dans la grande salle. La Capitaine avait un message à faire passer et il se devait d'être là pour l'écouter, comme tout le monde. Il se tenait au fond de la salle, près de la porte, le dos contre le mur métallique et la main tenant une bouteille de rhum. Il n'avait pas tant bu. Juste assez pour réduire la douleur, mais pas assez pour paraître comme un débile face à la Capitaine Alvarez.

Les pirates sont en deuil. Ce qui laisse relativement froid le Passeur, son fils a survécu et il s'est assuré que la petite était en vie. Le Vieux ne méritait pas une mauvaise nouvelle de ce genre. Et puis il aime bien la petite, elle parle pour deux et c'est rafraîchissant. Pour le reste… il hausse les épaules intérieurement. La capitaine va certainement être d'une humeur massacrante et pas sûr que sa santé mentale y survive, elle devait se fiancer… ça ne se fera pas. D'autres sont morts, c'est dommage pour le maitre d'abordage, un type posé et intelligent, c'était prévisible pour le maitre artilleur cependant. Tôt ou tard la chance tourne. Il avait tenté de lui faire comprendre, mais les hommes trop fier n'accepte pas souvent les critiques. Les fous encore moins.

Le voilà dans la salle, le dosé posé tranquillement contre un mur, vêtu de noir comme toujours, ses éternels vêtements rapiécés. Il a des dettes désormais, il déteste les dettes. Mais il hait encore plus de perdre… et le mutant a survécu, c'est un échec. Il serre la mâchoire à ce souvenir, il lui faut surpasser les pouvoirs étranges de ces créatures. La technologie est une première réponse, cher par contre. S'entrainer plus, pour tuer avec toujours plus d'efficacité, est une autre réponse. Les funestes pensées traversant son esprit renfrognent son visage, au moins il ne dénote pas avec l'assemblée, mais pour d'autres raisons. Ses rares attaches ayant survécu… il n'a aucune raison d'être triste.

Ça fait plus d'une semaine que ça s'est passé. Plus d'une semaine que beaucoup de ses amis sont morts, des gens qu'elle aimait, qui l'ont vu grandir. Les morts d'Eugène et de Nadya sont les plus difficiles à encaisser. Ils faisaient partie de ses meilleurs amis à bord et Jillian ne réalise toujours pas vraiment la réalité de leur disparition, ni ce que cela implique. Elle se refuse à pleurer ou se lamenter et fait de son mieux pour aider, surtout sa mère, elle en a besoin. Des membres d'équipages sont morts avant et d'autres mourrons plus tard et elle réalise que ça fait partie de la vie de pirate. Tout ça renforce ses doutes sur son avenir et sur ce qu'elle veut vraiment, mais pour l'instant elle se garde bien d'y penser.

Elle attend l'arrivée de sa mère, seule, face à l'équipage. Ils sont silencieux, plus silencieux que d'habitude en tout cas. L'adolescence fixe chaque visage et lance un regard compatissant à ceux dont la tristesse se lit dans les yeux. Sa tendresse et sa douceur sont de vrais atouts dans cette situation et elle en a pris conscience. Elle s'arrêter un peu plus longtemps sur Suu et ressent un sentiment de compréhension, ils ont vécu ces horreurs ensemble après tout. Elle évite le regard d'Enguerrand, son attitude froide la met mal à l'aise dans cette situation.

Soudainement, la porte s'ouvre sur la capitaine, sa mère. Le visage de Jillian s'assombrit, elle peut le voir, Jezabel a encore bu.

Le silence de mort qui plane dans la grande salle la met mal à l'aise. Elle ne se sent pas à sa place ici. Et de toute évidence, elle n'est pas à sa place ici. Contrairement aux autres le deuil n'est pas palpable autour d'elle et, même si elle se sent affligée des pertes subies par l'équipage, elle n'a de lien avec personne pour s'en sentir personnellement impactée.

Discrète dans un coin de la pièce, son bonnet vissé tellement bas qu'il en couvre à moitié son regard, elle patiente. La Capitaine a expressément demandé la présence de tous ce matin. Avisant les yeux cernés et les dos voûtés, elle espère un discours encourageant à destination des survivants. Elle croise le regard embué d'un homme qu'elle ne connait pas et abaisse immédiatement le sien avec gêne, se sentant de trop ici.

Cela fait à peine une vingtaine de jours qu'elle a embarqué, les trois quarts de son temps passé dans la salle d'entraînement. Elle y était, quand le Némésis a décollé, sur ordre de Jezabel. A peine a-t-elle eu connaissance de ce qu'il se passait qu'il était impossible pour elle de les rejoindre. Enguerrand et Jillian ... L'impuissance lui sied mal. Il y a comme une odeur de chagrin teinté d'alcool. Qui aurait crû que la détresse avait une odeur ?

Jezabel entre et le silence devient d'autant plus lourd. Respectueusement, Dayanara ôte son bonnet, suivant des yeux la trajectoire de la femme à l'aura sombre.

Les voilà. Silencieux. Le visage morne, le regard éteint. Je suis debout devant eux. Droite, fière. Que me faudra-t-il, afin de sauver les apparences? Je cherche un support auquel me retenir. Je ne trouve que le vide. Il n'y a plus que lui, désormais.

-Mesdames, Messieurs. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que membre de la grande famille qu'est le Némésis, depuis déjà près de cent-dix ans. Il y a de cela dix jours, nous étions cent cinquante-deux âmes. Nous avons perdu dix-neuf des nôtres. Des officiers, des hommes et des femmes loyaux et courageux, qui ont laissé un vide immense derrière eux.

...

-Mesdames, Messieurs. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que compagne d'arme. Nous avons connu ensemble de nombreux combats. Vous et moi, nous avons accompli des hauts faits, coulé plus de navires que beaucoup de nos confrères, répandu le sang et la terreur, débusqué trésors et récolté gloire. Nul capitaine ne saurait être plus fier de ses hommes.

...

-Mesdames, Messieurs. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que Capitaine. Les affronts que nous avons subi ne doivent pas demeurer impunis. Nos morts seront vengés. Nous possédons désormais une nouvelle Némésis, et à notre image, nous ne faillirons point. Entraînez-vous, repoussez vos limites, tenez vous prêts : viendra un jour où ces êtres difformes qui nous ont attaqué se tiendront à nouveau devant nous. Désormais nous traquerons les mutants; laissez-moi vous promettre que lorsque nous en aurons terminé avec eux, il n'en demeurera pas un.

Il connaît ce genre de discours.
C’est des frappes sur les boucliers. C’est des cors qui sonnent. C’est tout ce barouf dans un seul but : lever les troupes, les rassembler derrière un combat. Il veut bien jouer à ce jeu. Il veut bien se laisser porter par le rythme des mots, laisser monter en lui une vague de colère, replonger dans la rage.
Pour Jezabel, pour Chance, il veut bien faire ça.
Traquer du mutant, il peut le faire. Découvrir les crocs en souriant comme une hyène, sentir un ronflement d’approbation lui emplir la gorge, il sait bien d’y prendre. Les tambours de guerre ont toujours marché sur lui.

Enguerrand ne quitte pas son mur. Il est bien là où il se trouve et ne compte pas participer à ce moment d'unité derrière un but commun. Déjà il n'aime pas les capitaines qui boivent, sinon il serait à bord du Liberty. Il rumine donc un peu et se prépare plutôt à la petite discussion qu'il aura ensuite avec Jez. Le deuil c'est quelque chose de normal. Mais un capitaine alcoolique, c'est quelque chose qu'il ne tolérera pas. Accessoirement son fils ne peut pas être élevé par une femme qui boit.

Il soupire et sort un cigare. Le rituel de préparation du barreau de chaise à lieu. Des gestes toujours experts et précis pour découper un bout du cigare et ensuite l'allumer lentement mais surement. La fumée commence à entourer le pirate, il se sent bien ainsi, isolé des autres.

Il va falloir aussi annoncer qu'il quitte le navire pour un temps. L'installation des réflexes câblés n'est pas une intervention anodine, de plus il faut un certain temps pour s'adapter… un moment où il sera vulnérable. Mais il reviendra, surtout si le Némésis traque les mutants. L'un d'entre eux est à lui. Son rival, la créature charmeuse et si arrogante qu'elle n'a pas daigné le considérer comme dangereux. Il a un sourire torve soudainement. Mais pour sûr le mutant aura changé d'avis, après tout son cœur n'est pas passé loin de se faire transpercer.

Son visage est sévère et si sa mère a croisé son regard elle sait à quel point sa fille est déçue. Néanmoins, Jillian sait qu'elle souffre et que c'est cette souffrance qui la pousse à boire. Elle ne supporte pas de voir Jezabel dans un tel état de difficulté et lorsqu'elle la voit chercher à coté d'elle Jillian essaie de se lever en hâte avant d'être rappelée par sa blessure. Une douleur aiguë lui traverse le bras gauche, qu'elle porte d'ailleurs en écharpe. Elle se remet au fond du siège et pose sa main doucement sur la source de la douleur. Jadis l'a mise en garde, mais elle ne veut rien entendre, elle aurait pu et peut encore perdre son bras si elle ne le ménage pas. Mais hors, de question d'écouter le médecin de bord pour une fois, elle s'est assez reposée pendant l'année qui a précédé et elle ne veut jamais retomber dans cet état de léthargie qui a été le sien pendant trop longtemps.

Premiers mots, le regard de la jeune femme s'embue, elle oublie la douleur et elle se lève, doucement cette fois, pour rejoindre sa mère et mettre sa main libre dans la sienne. Lors de la deuxième reprise, son regard s'emplit de fierté et elle regarde ses camarades avec ce même sentiment. Ses yeux se closent et elle revoit l'image de leur commandant, cet être magnifique et diabolique à la fois qui leur a échappé et qui doit mourir d'une manière ou d'une autre.

« Entraînez-vous, repoussez vos limites, tenez vous prêts. »
Voilà des mots qu’elle assimile jusqu’au plus profond d’elle. La froide détermination de la Alvarez l’imprègne jusqu’à la moelle. Avisant cette femme, majestueuse dans sa colère et sa conviction, personne n’oserait remettre en question sa place de Capitaine. Daya est admirative.

Elle se fait la promesse de transpercer de sa lame la chaire putride de ces ennemis qu’on lui a décrit. Pour venger ceux qui ont péri, pour satisfaire son Capitaine, et pour donner à la Piraterie tout ce qu’elle a de plus sanguinaire. Les mains serrées sur son bonnet, les yeux de Dayana flamboient. Elle a toujours été guidée par son instinct et sa soif d’aventure. C’est une nouvelle quête qui commence.

Edward baissait le regard dès que les premières paroles sortirent de la bouche de sa Capitaine. Ne fallait-il pas préciser qu'aujourd'hui était un jour très grave et triste pour le Némésis. L'abordeur n'arrivait pas à croire au nombre de pertes que le vaisseau pirate a du faire face. Cela aurait été plus facile à avaler s'il faisait parti de ce groupe de combattants ayant rendu l'âme ? Sûrement.

Edward avait tout de même quelques questions sur qui remplacerait les nombreux postes d'officiers que la frégate a perdu dans cet affrontement. Il fallait tout de même savoir se relever sur ses pieds et venger les frères d'armes. C'est pour cela qu'il resta tout de même concentré au discours de motivation de la Capitaine Alvarez.

Je ne me sens point capable de m'éterniser ici, devant toutes ces personnes endeuillées. Le poids de leur tristesse est bien trop difficile à supporter. La douleur qui est mienne se fait trop vive ; il me faut du rhum, ou qu'importe. Je dépose une main légère sur l'épaule de Jillian.

- Comme je viens de l'énoncer, nous venons de perdre trois de nos officiers. Comme pour tous les autres, un hommage leur sera rendu avant que leurs cendres ou un quelconque avatar de leur personne ne soit dispersés là où ils méritent tous de vivre leur éternité : dans l'espace. Je ne m'attarderai point sur ceci aujourd'hui.

Parce que l'objectif ici n'est guère de faire pleurer dans les chaumières. Seulement d'induire un vent de motivation et une direction à suivre dans le futur. Le Némésis se relèvera. Nous nous sommes toujours relevés.

- Cependant, nous ne pouvons laisser ces postes vacants. Aussi, je nomme Monsieur Edward Butler nouveau maître d'abordage du Némésis. Je nomme Madame Xandra Baas nouvelle maître artilleur. Enfin, je nomme Mademoiselle Jillian Alvarez nouvelle seconde. Les prises de postes sont effectives immédiatement. Des objections ?

Je balaie la foule du regard, le regard dur.

Des objections ? A quoi ? Aux nominations qui ne vont pas vraiment le toucher, à envoyer ceux qui sont morts dans l’espace maintenant qu’ils sont froids et partis ? Il n’y a pas de raisons de lever la voix.
Suu se contente donc de s’appuyer au dossier de son fauteuil et de profiter de la main ferme que Dom pose sur son épaule comme pour le rassurer.

Enguerrand reste stoïque. Il n'est pas vraiment concerné par tout ça. Les mutants sont un ennemis certes, et il compte bien mettre les compteurs à zéro avec l'autre bellâtre qui s'est enfuit. Mais en attendant sa vie va continuer. Jillian en second, un truc de pirate ça encore, jamais la Légion n'autoriserait ce genre de connerie. Mais bon les pirates survivent c'est bien que la méthode n'est pas complétement débile. Et une fois encore ce n'est pas son problème, ça fera toujours une second qui lui cherchera pas des noises, c'est toujours ça de pris.

Il tire sur son cigare et augmente le nuage de fumée qui l'entoure. Il n'aime pas perdre son temps dans ce genre de rassemblement. Pas quand le capitaine n'a pas la flamboyance de son ancien capitaine. Elle démérite pas pourtant, elle est engagée, belle et tout particulièrement dangereuse. Mais c'est pas pareil. Elle n'allume pas d'étincelle particulière en lui.

Son silence est solennel et elle écoute avec respect prête à rendre un dernier hommage aux officiers perdus tragiquement. Jillian a besoin de cela pour tourner la page et elle n’est probablement pas la seule. Elle regrette que sa mère ne s’attarde pas sur la question, ce sujet est probablement aussi important que le reste pour l’instant. L’équipage ne pourra pas faire son boulot correctement tant que la question restera sur le tapis et elle non plus d’ailleurs. Sa main sert plus fort celle de sa mère pour se donner du courage, pour retenir les larmes.

Mais Jezabel enchaîne. On ne pourra pas lui reprocher de ne pas être dans le concret et dans l’action puisqu’elle annonce immédiatement le nom de ceux qui remplaceront les officiers manquant. Lorsque Jillian entend son nom, son cœur rate un battement, peut-être même deux. Elle lâche la main et elle sent l’air être chassé de ses poumons. La surprise est sans doute lisible sur son visage et impossible maintenant d’effacer le naturel de sa réaction, elle est étonnée, plus qu’étonné elle est effarée, effrayée. Comment pourrait-elle reprendre la place de Nadya après toutes ces années ? Mais la question qui la taraude le plus c’est de savoir pourquoi est-ce que sa mère ne lui en a pas parlé au préalable.

La jeune blonde reprend sa contenance pour le moment, mais n’a aucune intention de laisser ce choix de fermer et compte bien rouvrir la discussion en privé avec sa capitaine.

Les mots du Capitaine n'appellent à aucune objection, son intonation est aussi tranchante qu'une lame. Avec un sursaut, Dayanara lance un regard à Jillian, capte la surprise dans son regard écarquillé. Son avis que c'était pas prévu.

Elle fait la moue, un peu incertaine de la décision. Jillian n'a pas la force de sa mère. Ca vaut pour le physique comme le mental. Mais c'est la décision de la Capitaine, et Daya, aussi méfiante soit-elle à son sujet, lui accorde toute sa confiance pour les décisions relatives au Némésis. Après tout, ça fait que trois semaines qu'elle est là. S'il y a bien quelqu'un qui doit fermer sa bouche et se contenter d'hocher la tête, c'est bien elle. Aussi s'y applique-t-elle. Brave soldat.

Edward leva la tête avec une légère stupéfaction sur le visage. Visiblement, il ne s'attendait pas forcément à être dans la liste des prétendants à ce poste. Il croyait que plusieurs de ses frères d'armes pouvait endosser le rôle et il ne savait pas réellement pourquoi on lui avait assigné cette responsabilité. Éventuellement, il devra parler avec la Capitaine de ce sujet...

Pourtant, Edward n'émit aucun commentaire, restant silencieux et suivant simplement la direction de son Capitaine, se disant que bientôt, le vaisseau pirate pourra vivre de meilleurs jours...

En d'autres circonstances, certainement aurais-je pris du plaisir à laisser planer ainsi le silence. Mon regard les transperce, à la recherche de la moindre bribe d'hésitation ou de contestation. Cependant, rien ne se produit.

- Bien. La cérémonie d'Adieu pour nos compagnons perdus aura lieu ce soir à 20h pétante, au niveau du sas. En attendant, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une excellente journée.

Je leur offre un ultime regard qui signifie très clairement que je ne souhaite pas être dérangée avant la cérémonie. Puis, je quitte la pièce. Il me semble comprendre que Jillian souhaite me parler, malgré mes exigences en terme de tranquillité. Eh bien, soit.

Ca s’est joué à rien, sa sobriété. Il a commencé par un “non” quand les pilotes lui ont proposé de passer la journée dans le poste à se mettre mal, parce qu’il voulait faire une sieste et revenir vérifier que le Némésis finirait pas dans un astéroïde pendant que les autres picolaient.
Puis il a rêvé. De Chance. D’autres choses.
Et quand il a mis les roues dans le poste de pilotage, il a attrapé la première bouteille libre et l’a descendue aussi vite qu’il le pouvait sans simplement tout vomir. Il sait que c’est idiot. Il en a parfaitement conscience. Mais l’alcool a toujours été une bonne béquille et c’est ça ou attendre juste à côté d’un sas, prêt à en finir. S’il boit, il vit.
Il rit même. Il a chanté avec les autres, fait des blagues, parlé fort, été idiot et plus proche d’une version plus jeune de lui qu’il ne l’a jamais été sur le vaisseau. Il a même fait les yeux doux à deux-trois personnes.

Suu est donc bourré comme un coing avant la cérémonie. Il n’a pas fait l’erreur de ramener une bouteille à des adieux ou de sentir la vinasse mais son regard se balade dans le flou, son attention vacille et s’éteint trop régulièrement pour qu’il soit sobre. Avec de la chance, ce sera suffisant pour ne pas rêver encore de putain de Chance quand il ira rouler sur son matelas après tout ça.

Elle a été surprise quand les gars du pilotage lui ont proposé de venir à leur petite beuverie. Pas vraiment sûre d'y avoir sa place, mais contente d'être un peu intégrée, plus que parmi les portes de prisons de l'abordage. C'est grâce à Suu, pour sûr, tout le monde l'apprécie ici. Le fait qu'elle soit l'apprentie de l'apprenti en a fait rire plus d'un, aussi.

Elle a les joues déjà un peu rouges et ricane doucement aux blagues grasses des autres quand l'apprenti pilote à roulettes entre dans la pièce. Elle lui fait un sourire timide de loin, continue à siroter son punch. Il a l'air un peu pâle, et vu comment il descend la bouteille, un peu mal aussi. Elle comprend.

Quand il vient plaisanter avec elle l'air plus tout à fait frais, et qu'il lui glisse un sourire un peu différent de d'habitude, elle s'éclipse nerveusement à l'écart de l'agitation. Un peu gênée par son coeur qui martèle sa cage thoracique et ses paroles qui deviennent balbutiements. Elle continue à l'observer du coin de l'oeil, quand même. Remarque ce même manège avec d'autres. Elle se renfrogne en finissant son verre ... et un autre, et encore un autre.

Elle est dans les premières à attendre pas loin du sas, un peu avant 20h. Elle espère que ça se finisse vite. La journée a été suffisamment pesante. Et puis elle a le coeur lourd, pas pour les mêmes raisons.

Jillian a bien du mal à masquer ses émotions, encore sonnée par l'annonce. Elle suit sa mère à la trace, aussi proche que son ombre et compte bien avoir une conversation avec elle sur ce qu'elle vient d'annoncer à l'équipage sans lui en parler avant.

Spoiler:

Enguerrand regarde les membres d'équipage et constate que la Jez est suivi par sa fille. Il ira lui parler après. En attendant il se dirige vers la salle d'entrainement. C'est bien encore le seul endroit où il se sente à sa place. Il commence rapidement un entrainement qui ne demande pas d'effort physique particulier mais beaucoup de concentration. Il se contente de regarder les mouvements d'un robot de combat. Des mouvements qu'il a réglé sur une vitesse surhumaine. Il entraine ses yeux à les suivre, il doit percevoir des vitesses supérieures alors il se concentre.

Il ne voit pas le temps passer et lorsque son HCom sonne pour lui rappeler que l'heure approche il cesse son entrainement. Il est temps de rendre hommage aux défunts. Dans le lot il y a des types bien, des salauds et des imbéciles. Il ne fera pas de différence. Une fois mort ce sont tous des pirates perdus pour la cause.