Caractère
Faisant écho à son image, Dayanara combine un étonnant mélange de candeur et de rage. Là où les combats ont dessiné sur sa peau des marques indélébiles, les évènements du passé ont ancré sur son âme une colère dévastatrice. Née enfant illégitime d'un père qui ne l'a jamais vue naître et d'une mère qui l'a laissée orpheline à l'âge de sept ans, la jeune femme mène son propre combat pour retrouver ses racines. Elle ne connait qu'un nom, Enguerrand de Cassagnac, ce même nom gravé sur le médaillon que portait précieusement sa mère, souvenir d’un amour perdu.
Elle sait qu'un jour elle le retrouvera, par tous les moyens s'il le faut. Partagée entre l’admiration qu'elle porte déjà à cet homme qu'on lui a dépeint comme libre et dangereux, mais également la rancœur à son encontre pour n'avoir jamais cherché à les retrouver, sa mère qu'il aurait soi-disant aimée, et elle, fruit de leur union pécheresse. Les innombrables questions qui la taraudent depuis enfant n'auront de réponses qu'en étant face à cet homme, son père. Elle s'accroche à cet objectif avec l'espoir qu'il reconnaîtra en elle son propre talent, cette passion commune qui à ses yeux le rapproche de lui, et la pousse à se dépasser toujours d'avantage dans le maniement des lames.
Rendue quelque peu amère vis à vis des hommes, en quête constante d'une figure paternelle de substitution, la demoiselle est loin de se soucier des jeux de séduction et des désirs lubriques du peuple. Rarement en contact avec des individus de son âge, elle n'a jamais connu l'émoi d'un premier amour, et s'en moque éperdument. Vraisemblablement, les hommes affectionnent les filles douces et charmantes aux visages lisses de toute cicatrice, grand bien leur en fasse.
D'un naturel extraverti et vif, elle interagit facilement avec les étrangers et pose un regard curieux sur le monde qui l'entoure. Certains la jugeront impertinente, il est vrai qu'elle porte avec fierté la témérité de l'adolescence. Son honnêteté parfois naïve lui confère un charme particulier, attendrissant, et son caractère effronté ne manque pas de faire sourire. Nul intérêt pour les convenances ou l'étiquette, une âme libre n'a aucunement besoin de courbettes pour se faire entendre.
Et libre, elle l'est. Absolument rien ne peut retenir une Flamme Exaltée de croquer à pleines dents la voie de la piraterie. Suite aux deux années passées sur le sloop "Gladios" elle est intimement convaincue d'avoir trouvé sa voie, son ultime quête, l'aventure d'une vie. L'espace s'offre à elle et elle répond volontiers à l'appel, animée par une passion ravageuse et irrépressible pour le banditisme.
Pourtant, sa hardiesse la dessert. Emportée par la virulence de ses émotions, Dayanara se trouve prise de frénésie dans la bataille, mettant sans considération sa vie en péril mais inconsciemment parfois celle des autres, dans leur volonté de la suivre et de la protéger. Les cicatrices qui marbrent sa peau et le bras cyborg qui remplace son membre perdu en sont la parfaite illustration. D’un tempérament pourtant lumineux et jovial, elle devient meurtrière et acharnée pour des motifs qu’elle seule juge d’importance capitale. Dans le combat comme dans tout ce qu'elle entreprend, Dayanara démontre une obstination proche de l'obsession. La capitulation est pour elle une bassesse inacceptable et elle porte un dégoût assumé pour ceux qu’elle considère comme lâches. La défaite n'est pas une possibilité. La sagesse dont elle est dépourvue lui ferait réaliser que la mort en est une.
Histoire
30 Natcer 91 ADD - Imperium, planète Tyrion
[...] Isabella s'affaisse sous le poids du désespoir, du remord et de la honte. Recroquevillée contre un corps inerte, ses doigts tremblants agrippent la chemise teintée de pourpre de celui qui fut son frère, aujourd'hui mort pour l'honneur, ce même honneur qu'elle avait bafoué par ses désirs, par sa naïveté, par son amour inacceptable. Son cri se bloque dans sa gorge alors que ses yeux flous se posent sur la silhouette fuyant sous la pluie battante. Une mascarade. Partagée entre sa famille et la passion ardente qui l'avait animée à l'égard d'un être qui aujourd'hui l'abandonnait, elle et l'embryon en son sein. Stupide, sotte, impure. Elle croit entendre des pas précipités, le hurlement de son père, les tirs reconnaissables des agents de la Force Impériale ... Qu'avait-elle fait ?
6 Nocer 99 ADD - Imperium, planète Tyrion
L'homme caresse avec tendresse la chevelure de la gosse, inconsolable. Pauvre Isabella. Elle avait été un sacré bout d'femme, un peu naïve sans doute, mais le cœur sur la main comme ils disent. Répudiée suite à sa mise en cloque par un jeune virtuose de l'épée, jadis son apprenti. Le père d'Isa, ce vieux con, lui avait pourri la vie jusqu'à la foutre dehors. Elle et sa gosse. Déshonneur, qu'ils disaient tous. De son avis, c'est cette famille de pourris qui avait perdu tout honneur.
Enfin bref. Elle portait bien son nom, Isabella, elle était belle comme le jour. Même allongée sur ce lit d'hôpital, le teint blafard et la peau sur les os, elle gardait la beauté de sa jeunesse, de son innocence volée. Un sanglot le sort de ses pensées et il tourne son visage marqué par le temps vers la petite puce qui pleure la mort de sa maman. Bordel, il est trop vieux pour ça.
- Allez viens la p'tiote ...
Les deux quittent la pièce sous le regard curieux d'une infirmière, quel duo incongru, ce vieux roublard qui semblait en avoir vu plus d'une et cette fillette sanglotante à la chevelure immaculée. La femme soupire en jetant un œil au gâteau encore entier sur lequel est écrit, en bonbons colorés, "Bon Anniversaire Dayanara".
01 Odacer 104 - Imperium, planète Tyrion
- Relève toi.
Inspire. Ses bras tremblent. Son cœur se débat frénétiquement dans sa cage thoracique. Sa vision se trouble. Expire. Elle met difficilement un pied à terre et se hisse sur ses deux jambes. Ses muscles sont tétanisés et ses doigts douloureusement crispés autour de l’épée.
- Qu’est-ce qu’tu crois faire ? Te prendre une pause ? Tu penses que t’auras l’temps ? Tu penses qu’ils vont t’attendre ?
Un coup de canne ponctue chaque question, heurtant son genou, sa cuisse, son dos, son épaule. Elle gémit et titube. L’air se fend. Esquive. Son corps chute et roule sur le côté, effleurant l’arme improvisée qui s’apprêtait à la faucher.
- Tu crois qu’ils seront tendres ? Que tu les apitoieras avec ton joli minois ? Ils ne sont pas moi, Daya ! RELEVE TOI !
Ses dents se serrent, elle n’est pas faible, elle ne l’a jamais été. Elle ne plie pas. Devant personne. Plutôt mourir qu’échouer. D’un bond elle s’élance. Vaincre. L’homme a un mouvement de recul, surpris par la soudaineté du geste. Elle profite de cette seconde d’hébétement pour frapper, un coup sec dans le thorax, du pommeau de l’épée. Il tombe à genoux, le souffle coupé. Victoire.
- Personne n'aura pitié de moi. Grince-t-elle, la respiration laborieuse.
Ignacio esquisse un sourire, c’est ce qu’il voulait entendre. Il l’a formée en ce sens, a ancré en elle une volonté sans faille, l’impératif de ne jamais renoncer, une coriacité à toute épreuve. Depuis la mort de sa mère elle a placé des sommets de persévérance dans la maîtrise des lames, et il lui a tout appris, savourant sa curiosité empressée, son don naturel qui n’était pas sans lui rappeler une figure du passé. Parfois l’image d’un certain jeune homme venait se superposer sur celui de la gosse, quelque chose dans leur posture, dans la fluidité du geste.
Une violente quinte de toux le secoue. Son dos se voute alors qu’il peine à reprendre sa respiration. En une seconde, l'enfant est à ses côtés, à genoux prêt de lui, et le dévisage de ses grands yeux whiskey.
- Je suis trop vieux pour ça. Grogne le septuagénaire.
- T'sais bien qu'les tyrans sont éternels.
Leurs rires combinés ont un relent d’amertume. Du haut de ses douze ans, Dayanara n’a jamais cru aux contes de fées.
12 Timcer 107 - Imperium, planète Tyrion
Le soleil est ardent, l'air étouffant. Elle aurait pensé voir plus de monde en ce jour particulier, pourtant seules quelques âmes toutes de noir vêtues s'alignent devant la tombe ouverte. Elle voudrait se sentir triste, désemparée, désespérée, mais ne ressent qu’une froide indifférence. Elle a dû par trop souvent contempler la mort pour s'émouvoir d'un cadavre supplémentaire, particulièrement celui-ci. Son grand père. L'homme qui a renié sa propre fille, la condamnant au travail acharné et à la maladie, et n'a même pas daigné se rendre à ses funérailles. On lui a dit qu'il était la seule famille qu'il lui restait, elle n'a pas cherché à en savoir davantage. Elle cracherait sur sa tombe si personne ne la regardait. Et ils le font. Charognards avides de ragots, de souffrance et de drame. Une enfant illégitime et orpheline, voilà qui alimentera leurs discussions pour les trois prochaines heures, peut-être moins. Ignacio pose sur son épaule une main rendue tremblante par la maladie puis chuchote de sa voix fatiguée :
- Allez la p'tiote, on y va. T'as rien à faire ici.
22 Lucer 109 - Union Corporatiste, à proximité de Valenos - Navire marchand
L'infinité. Devant elle c'est tout un monde qui s'offre, le frisson, l'impossible qu'elle semble toucher du bout des doigts. La liberté dans toute sa splendeur. L'excitation de l'inconnu, de l'aventure et ...
- MOUSSE !
Son sursaut manque de la faire chuter et elle cogne maladroitement son nez contre la vitre où elle était collée. Se frottant le visage d'un air boudeur elle lève un regard hébété vers le colosse qui vient d'hurler son poste.
- Putain mais qui m'a foutu une incapable pareille. Va donc te rendre utile ailleurs gamine ! Grogne le Quartier Maître, furibond.
La jeune fille attrape les produits d'entretiens laissés sur le sol et se précipite hors du pont de commandement, à moitié dérapant sous le regard blasé de l'homme. Cela fait à peine quelques mois qu'elle a embarqué sur le "Monterador" un navire marchand transportant des barres de nutrisoja. Ce n'est pas tout à fait la grande aventure qu'elle avait à l'esprit, mais qu'importe, il était impératif pour elle de quitter Tyrion. Plus rien ne la rattachait à l'Imperium depuis le décès de Ignacio Velasques, son mentor, un an plus tôt. Tout juste âgée de seize ans elle avait fui vers la station spatiale et supplié le premier capitaine venu de l'embarquer à bord, arguant qu'elle était prête à tout pour quitter la planète. Un succès. Vraiment. Les conditions n'étaient à ce jour pas trop laborieuses, pour un peu de bonne volonté et une tolérance accrue à la poussière. De retour à sa tâche, elle empile d’une main mollassonne les assiettes sales du diner.
- [...] Le Passeur, qu'on l'appelait. Un mec peu loquace. Mais un putain de bon soldat.
La jeune fille écoute d'une oreille distraite le discours décousu d'un bougre qui semble avoir connu la guerre, le visage à moitié brulé et une prothèse d'apparence désuète remplaçant sa jambe droite.
- Les gars l’admiraient pas mal, tu m'étonnes ! Une vraie machine de guerre le type. Jamais vu quelqu'un d'aussi doué à la lame. Mais l’était pas du genre à fraterniser. Un solitaire dans la Légion, peu commode.
Le type fait claquer sa jambe de métal contre la rambarde où il est adossé, face à lui un autre costaud hoche la tête sporadiquement, l'air de s'en foutre comme de sa première clope.
- [...] Il est pas resté longtemps, quelques années. On dit qu'il est sur Dorado maintenant. J'sais pas c'qu'il y fout.
Une quinte de toux le coupe dans sa tirade, réveillant son compagnon de beuverie. La jeune fille ricane de l’absurde de la situation. Bande d'ivrognes.
- Tu parles de qui ?
- Mais bordel, écoute un peu ! J'te cause de ce fou d'Enguerrand, Enguerrand de Cassagnac !
La vaisselle se brise sur le sol.
18 Velcer 111 ADD - Dorado, à proximité d'Oscuro - "Gladios", sloop pirate
Du sang. Encore du sang, cette odeur métallique reconnaissable entre toutes. Le sol est glissant, les tripes béantes de l'équipage couinent sous ses pieds. Vaincre. La jeune femme danse au milieu des corps, les lames ondulent autour de sa silhouette et fendent l'air, meurtrières. Esquive. La lame ennemie heurte son mollet plutôt que son ventre, elle retombe au sol souplement, assène le coup fatal. Victoire.
L'ensemble de son corps est douloureux, son œil droit s'est clôt sous l’épaisseur de l'hématome, ses cheveux blancs sont poisseux de sang. La liberté a un gout de miel. Une main lourde s'abat sur son épaule et la force à se retourner.
- Putain d'inconsciente ! J'avais dit REPLIEZ-VOUS ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas là dedans Daya ?!
La voix est tremblante, pleine de rage contenue, d'inquiétude, aussi. Sa vision est trouble, elle se rend compte seulement que son souffle est erratique et qu'elle peine à rester debout.
- On ne pouvait pas faire demi-tour.
- Espèce de petite conne, QUI donne les ordres, dis-moi QUI !
- Vous, Capitaine. Laisse-t-elle échapper dans un souffle.
L'homme l'empoigne par le col, la soulève pour l'approcher de son visage menaçant au regard glacial. L'équipage survivant est silencieux, tous ont la tête basse. La colère du Capitaine est justifiée. Plus que justifiée. Bon nombre sont tombés en choisissant de la suivre dans la mêlée plutôt que d'écouter les ordres de celui qui fait loi ici. La bataille fut rude, un vrai fiasco pour être exact, mais tous se sont sentis animés par cette étincelle, cette volonté inébranlable partagée avec la détentrice d'une Flamme Exaltée. Cet élan d'invincibilité estompé, ne reste plus que l'horreur, des rangs de moitié décimés, le deuil des compagnons, des amis pour certains, perdus au combat.
- Je ne peux plus te garder Daya. Tu me défies par tes actes. Tu sais que je ne te veux aucun mal, tu sais que je tiens à toi, tous t'apprécient ici, plus que de raison. Mais c'est la fois de trop. Si je laisse passer, c'est ma crédibilité qui sera mise à l'épreuve... Je suis désolé.
La tirade s'est faite dans un murmure, presque un souffle. L'échange est resté secret de tous si ce n'est des deux concernés, l'un exaspéré et meurtri, l'autre désolée et résignée. Dayanara prend une grande inspiration, tremblante.
- Faites ce que vous avez à faire. Je l'accepte et le comprend.
L'homme soupire, secoue la tête, et énonce d'une voix claire, audible pour tout l'équipage rendu attentif par l’appréhension.
- Dayanara de Aguirre, pour tes actes et le manquement d'une des règles premières du Code, je te condamne au bannissement.