Des jouets par millier [Suu & Hush]

Hush rit à nouveau devant l'air sérieux, et note mentalement la menace des vieilles dames humaines enragées. Il doit bien avouer qu'il n'avait jamais pensé tomber sur ce genre de singularité, un jour. Mais voilà, c'est chose faite. Alors il jette parfois des coups d’œil derrière son épaule, tandis qu'ils avancent en direction d'un repas chaud bien mérité. Il n'est pas réellement inquiet pour les vieilles dames, mais bien pour tous les autres qui pourraient leur tomber dessus. Il a cru comprendre qu'il attire les ennuies comme du sucre attire les insectes.

Mais ils arrivent à la hauteur d'une auberge en étant totalement saints et saufs, et sans avoir croisé âme qui vive - ce qui peut paraître étonnant à une telle heure. Hush regarde le menu affiché à l'extérieur, et fichtre, il ne comprend pas un seul mot noté. C'est avec une expression de grande confusion qu'il se tourne vers Suu et qu'il hausse les épaules. Il... suppose que ça lui va ?

Et dans ses bras, Tobias se met à rire et puis il essaie de reproduire la grimace faite par l'adulte en fauteuil roulant, tirant la langue en faisant un "Nnnnh" distinctif. Hush sourit, attendri par la scène. Puis il se décide à ouvrir la porte, et fait une légère révérence pour inviter Suu à entrer à l'intérieur. Maintenant qu'ils sont là, autant tester les plats... Étranges, proposés par le lieu.

Suu répond à la révérence d’un mouvement de tête supposé dire merci, essayant d’y mettre au moins un peu de grâce. Pas dit que ce soit efficace.

- M’sieur Hush.

On n’a jamais dit qu’il était bien éduqué ou qu’il pouvait faire croire l’inverse, hein. Il est par contre capable de faire face à la civilisation à peu près dignement, de saluer le tenancier qui vient vers lui une fois ses roues rentrées et même de prendre les rênes de la conversation pour éviter à Hush le dérangement.

- Trois personnes, mon... Heu, ami ? Demande-t-il à l’artiste. Son fils et moi.

Ce doit être une auberge pas si pourrie puisqu’on les guide vers un coin tranquille accessible même sur roulettes et qu’on leur tend des menus propres. Il n’y a qu’un problème.
Celui qui fait que Suu attrape de nouveau la main du jeune homme avec lui et lui désigne du menton la table près de la leur.

- Des mamies en embuscade ! Je te l’avais dit !

Hush tient la porte afin que Suu puisse entrer, et il s'engouffre derrière lui. Il n'a qu'une demie-seconde pour observer l'endroit, avant que l'un des serveurs s'approche du petit groupe. Heureusement, la présence de Suu évite à Hush de devoir faire des pieds et des mains pour essayer de se faire comprendre. Il sourit en guise d'approbation lorsque Suu le désigne comme son ami. Ils ne se connaissent que depuis très peu de temps, mais il a l'étrange impression qu'ils se sont rencontrés il y a déjà bien longtemps.

Il se laisse guider jusqu'à la table, et on lui apporte même une chaise bébé pour y poser Tobias. Hush l'y installe et se fige lorsque Suu attrape à nouveau sa main et désigne la table à côté d'eux. Dans un premier temps, il affiche un air surpris. Puis, il comprend, et il a beaucoup de mal à masquer son hilarité. Il sort son carnet et écrit rapidement.

"Mince, j'ai sous-estimé leur puissance... Tu crois qu'elles nous ont suivies ? Ne regarde pas en leur direction, surtout ne regarde pas en leur direction. Peut-être qu'elles ne nous verront pas..."

- Leur vision est basée sur la provocation… ?

Il se concentre sur Hush, comme suggéré, un rire au bout des lèvres qu'il retient tant bien que mal. Des mamies prédatrices, il aura tout vu !

- Je pense que c'est un complot des vieilles si elles sont là. Parce que… Tobias est adorable.

Oui bon ça va, il n'est pas conteur lui, il improvise comme il peut et c'est pas fou. Mais c'est vrai que le petit humain est mignon, tout comme c'est vrai que les vieilles dames adorent les petits enfants, alors qui sait ? Pas lui.
Et il est aussi plutôt confus par le menu qu'il commence à parcourir. Les noms ne lui disent fichtrement rien. Une “mousse de concombre” ? Qu'est-ce que c'est que ce truc et pourquoi en mettre dans des sandwiches ? Peut-être que le jeune homme doux en face le sait, lui.

- Psssst, Hush. Tu comprends le menu ?

Hush fait semblant de jauger la menace en jetant quelques coups d’œil rapides et discrets - autant que faire se peut. Puis, il regarde son fils, qui dessine calmement sur une feuille que son père lui a fourni pour l'aider à patienter, en attendant que la nourriture arrive. Tobias relève la tête un instant, lance quelques babillements joyeux qui semblent plein de sens, avant de retourner à son dessin. Fataliste, Hush hoche la tête en direction de Suu. Il écrit sur son carnet.

"Tu crois qu'elles sont là pour lui ?! On ne les laissera pas faire..."

Puis il pouffe, et se reconcentre sur le menu, avec la même réaction qu'à sa première lecture devant l'entrée. Il regarde Suu avec un air de profonde incompréhension, pour finalement hausser les épaules et les bras jusqu'à hauteur de sa poitrine. Finalement, circonspect, il pointe une partie du menu qui énonce fièrement "Faux-filet de haricots sauvage". Il lance un regard empli de détresse à Suu, espérant sans doute qu'il sera en mesure de l'éclairer.

- Je vous défend si elles deviennent gâteuses et dangereuses.

C’est dit sur le ton de la plaisanterie mais honnêtement, s’il faut en venir à ce genre d’extrémités il est prêt à le faire. Hush ne lui semble pas être le genre de types qui se défendent très fort ce qui signifie qu’il faut bien que d’autres le fassent pour lui.
Suu se demande soudain comment il ne s’est pas fait bouffer tout cru dans Tortuga. Puis il lâche la question pour celle du repas.

- Qu’est-ce que…. Des haricots sauvages ?

Genre quoi, les haricots courent dans la jungle et ils mordent les traqueurs ? Comment un haricot peut être sauvage, un concombre en mousse, un faux-filet pas en viande ? Qu’est-ce que c’est que ce traquenard ?
Il faut toute la faim du pilote pour qu’il ne se barre pas sur le champ chercher une barquette de frites dans une boutique crasseuse, une option qui lui semble absurdement plus sécurisante que les sandwiches. Même s’il a mangé pire.

- Okay, ça se tente. Les haricots ça peut pas être totalement dégueu. Contrairement aux… Tiens, ça, escargots au beurre. Escargots. Non. On commande au hasard ?

Hush hoche la tête, rassuré par les paroles du pilote - bien que cela soit un jeu entre eux, une plaisanterie, Hush n'oublie pas ses récentes expériences dans Tortuga, et préfère se méfier même de l'être qui semble le plus innocent. Et puis, il hausse les épaules quand Suu lui demande ce que sont des haricots sauvages. Il n'en a pas la moindre idée, et il n'est pas tout à fait sûr de vouloir le savoir. En revanche, il est d'accord pour prendre au hasard. Il hausse une nouvelle fois les épaules, et puis avec un air théâtral, il ferme les yeux, fait tournoyer son doigt au-dessus de la carte, et le fait finalement plonger en direction d'un énoncé. Il le lit avec les sourcils froncés. Tartare de pousses de radis en sauce.

Il regarde tour à tour la carte et Suu, complètement désorienté. Et puis, fataliste, il lève les bras. Va pour ce choix hasardeux dont il ne comprend pas grand chose, à l'image du reste de la carte. Mais bon, il s'y tient, et quand le serveur arrive pour prendre sa commande. Il commande une sorte de purée étrange pour Tobias, en espérant qu'il va aimer. Il ne sait plus quoi faire, face à cette carte de tous les mystères. Et il relève la tête vers Suu, impatient de découvrir ce que le hasard va lui offrir.

Pifomètre ce sera donc pour eux deux. Inspiré par Hush, le pilote ferme les yeux lui aussi, devant le serveur, et pointe au hasard sur la carte.

- Aspic de légumes d’hiver. Et heu… Mousse de concombres et menthes sur leur pain complet.

Parce que cette satanée mousse est beaucoup trop intrigante et que c’est de la nourriture. Même s’il en a très vaguement peur, Suu refuse de se laisser intimider par des concombres louches. Prendre le taureau par les cornes est sa manière de gérer.
La commande semble en tout cas satisfaire le serveur qui les laisse seuls.
Ce qui donne l’occasion à monsieur Galwaïn de prendre son plus beau faux accent trinitaire pour avoir l’air snob.

- Aspic de légumes d’hiver hon-hon-hon. Je savais pas qu’il y avait des endroits comme ça sur Tortuga. Je sais pas grand-chose de Tortuga tout court.

Et ça le fait un peu froncer un sourcil de réflexion. Il fait un pirate pourri ? Est-ce qu’il perd des points de rebelle parce qu’il ne connaît pas assez ce bout de caillou ?

- Ils font des tours guidés… ?

Ils commandent, et Hush ne parvient pas à se débarrasser de son air légèrement hébété et surtout très confus. Il ne comprend pas cet endroit, il ne comprend pas cette scène, il ne comprend même pas comment ils ont pu se retrouver là. Mince, c'est vrai ça : comment est-ce qu'ils en sont arrivés là ? Hush regarde Suu, Tobias, les grand-mères, le serveur qui s'en va en roulant des hanches comme un vrai mannequin, et il finit par éternuer. Oui, tout ça lui donne envie d'éternuer. A nouveau il hausse les épaules face aux remarques de Suu, mais cette fois, il prend quand même son carnet pour lui répondre.

"A chaque fois que je me promène sur Tortuga, j'ai des problèmes. J'ai failli mourir déjà deux trois fois depuis que je me suis embarqué dans la vie de pirate. C'est un miracle qu'il ne me soit encore rien ar J'ai rien dit, j'avais oublié les dames âgées.
S'ils font des tours guidés, je n'en ai jamais entendu parlé. Est-ce que les pirates sont du genre à faire du tourisme ?"

La lecture que la réponse fait un peu tiquer Suu, qui plante sur les mots autant que la réalité derrière.

- Trois fois ?

Quelque part, ce n’est pas beaucoup.
Sauf que Hush ne semble quand même pas du genre à faire partie des équipes d’abordage, alors finalement peut-être que si. Quoi qu’il en soit trois fois ça en fait clairement trop pour un type aussi gentil et doux.

- Je pense pas pour le tourisme. Ceux avec qui je pilote ont l’air assez blasés pour éviter les visites...

Sauf celles de tavernes. Ca ne compte pas. Il voit mal des hommes et femmes du Némésis prendre le temps de s’intéresser aux villes où ils débarquent -mais s’il est honnête, ce n’est pas spécialement son genre non plus.

- Il faut trouver un vieux loup d’espace qui veuille raconter ses histoires. Pas une vieille dangereuse, par contre… C’est trop compliqué juste pour découvrir Tortuga. C’est pas un bout de caillou qui vaut la peine. Y’a même pas de joli paysage.

Hush hoche la tête, un sourire un peu triste sur les lèvres, et il hausse les épaules, un peu fataliste.

"Oui, trois fois. Dont une fois avec Tobias. Les pirates éméchés n'aiment pas les muets qui les regardent avec intérêt. Ils se sentent trop rapidement insultés."

Puis, Hush semble se perdre dans ses pensées lorsque Suu lui parle d'un vieux loup de l'espace capable de les aiguiller comme il se doit sur Tortuga. Il réfléchit intensément, et puis il hausse à nouveau les épaules en reprenant son carnet d'écriture.

"Peut-être qu'on pourrait demander au serveur, ou au gérant d'ici s'ils connaissent un endroit où on peut trouver un vieux loup de mer ? On va goûter à leur nourriture étrange, alors ils nous doivent bien ça."

Attends, on agresse vraiment Hush dans la rue ? La seule chose qu’il trouve à répondre à ça est aussi simple que vulgaire.

- Bah. Les pirates bourrés sont cons.

Oui, ça personne n’en doute. Les gens ivres de manière générale sont dangereux et imprévisibles, alors si on rajoute la Flamme et la stupidité qui va avec dans l’équation… Ouais. Ca donne des types qui cherchent des poux au gars le plus aimable qu’il aie croisé de sa vie.
Ca donne aussi un Suu très déterminé à faire en sorte qu’au moins une escapade de l’artiste face à lui se finisse bien. Il devient donc -dans sa tête seulement- un genre de chevalier-servant pouilleux prêt à faire le tour de la station avec lui. Ils sont bien faux-époux pour des vieilles, on est plus à ça près.

- Je lui demande quand il revient. Et au pire… J’ai un HCom, je peux demander à mes collègues du pilotage s’ils ont des idées pour trouver un vieux monsieur sympa qui fait des tours du coin.

Et c’est… ? Mais oui ! C’est un sourire gentil sur la truffe du pilote, juste pour Hush !

Hush rit encore, de ce rire silencieux qui le laisse avec un sourire béat un peu idiot sur les lèvres. Il rit devant la sincérité et la spontanéité des mots de Suu. Les pirates bourrés sont cons. Et puis il hausse les épaules, avec un air faussement grave.

"Cons et dangereux. Mais c'est un peu de ma faute. Je ne fais pas exprès, mais je dois les déranger."

Et puis Suu sourit, et Hush l'écoute attentivement. Il lui parle de collègues pilotes potentiellement capables de leur trouver un guide touristique pour faire une virée des coins les plus surprenants et atypiques de tout l'astéroïde. Tobias a l'air enchanté par l'idée. En tout cas, il babille avec force, et tape ses petites mains sur la table devant lui.

"Je crois que Tobias te dit que c'est une excellente idée. Plus on a de pistes, et plus on a de chances de trouver ce que l'on cherche."

Il a l'air profondément convaincu par ce qu'il écrit.

"Et si on ne trouve pas de vieux monsieur expert en Tortuga, on pourra essayer d'y aller au hasard. Je ne suis pas trop mauvais en orientation."

Mais là, il a faim.

En fait c’est triste, que Hush pense que les agressions sont de sa faute, ça le fait juste grommeler.

- C’est pas de ta faute s’ils sont tarés.

La faute à l’agresseur, toujours. Et puis Hush est bien trop doux pour pouvoir être en faute où que ce soit.
Il n’y a qu’à le voir regarder son fils, observer sa manière d’écrire avec conviction, pour savoir qu’il a autant de tort en lui qu’un chiot.

- Alors ce sera un appel et au pif sinon. Merci pour le support, Tobias, je trouve aussi que c’est une bonne idée.

Et comme le petit ne doit rien comprendre du tout, il a aussi le droit au pouce levé du remerciement.
Il disparaît dès que le serveur revient avec les plats en équilibre miraculeux sur ses bras et qu’il se met à les annoncer d’un ton ampoulé tout à fait digne du concept de haricots sauvages. La répartition des assiettes faites, il s’en va, laissant Suu regarder son aspic comme s’il s’agissait d’un serpent.
C’est gélatineux.
C’est bizarre.

- Hmmm bon appétit ?

Poussée du couteau sur le blob. Il gigote. C’est presque drôle.

- Hey Tobias, regarde...

Rebelote pour le gigotage.

Suu n'est pas le premier à lui dire ça. Qu'il n'est pas fautif. Que personne n'a à lui faire ce qu'on lui a fait. Mais c'est plus fort que lui. Toutes ces années, il a dû jouer un rôle. Un rôle qui lui demandait d'être à la fois présent et invisible. Un rôle qu'il ne veut plus jouer, et qu'il ne peut plus jouer. Aujourd'hui, sa présence est perçue. Il n'est plus seulement un objet de décoration, mais un être vivant, qui dérange parfois. Quelque part, ça lui va mieux que tout ce qu'il a pu vivre auparavant.

Hush sourit quand Suu s'adresse à Tobias. Il trouve l'homme très attachant, et Tobias est toujours très heureux quand on s'adresse à lui. S'il y a bien quelque chose qui pourrait lui manque, c'est ça. Il doit être stimulé par la parole pour mieux apprendre et combler les petites lacunes qu'il peut avoir. Quand le serveur arrive avec les plats, Hush est toujours aussi perplexe. Il regarde celui de Suu qui semble vivant, et il ne sait pas bien s'il trouve ça amusant ou... Terrifiant. Tobias choisit pour lui et se met à rire aux éclats en voyant le blob gigoter. Hush rit aussi, avant de se pencher sur sa propre nourriture.

Après un dernier regard entendu à Suu, il prend une première fourchette, fait mine de se boucher le nez, et la met dans sa bouche, avec un air beaucoup trop théâtral.

Ca fait rire Suu, la théâtralité très forcée, le nez bouché. C’est tellement de trop que c’en devient génial. Entre deux ronflements étranges de la gorge qui sont sa manière d’étouffer son hilarité, il prend une bouchée de l’aspic.
Et il s’arrête.
Il se fige comme un lapin pris dans des phares, totalement perdu, à la limite de simplement recracher le plat.

- C’est…

Il mâche. C’est un effort. Il avale. De sa vie, il n’a jamais rien gobé de plus difficile à faire passer.

- … Dégueu, murmure-t-il pour ne pas être entendu par le personnel. Et toi… ?

Hush fronce les sourcils, essaie de déterminer quels sont les goûts qui passent dans sa bouche. Sans succès. Il est très perplexe, égaré aussi. Il ne comprend définitivement rien à cette cuisine-là, et il n'est pas sûr de pouvoir y faire quoi que ce soit. C'est simplement hors de sa portée, peut-être. Certainement, même. Et la réaction de Suu ne l'aide pas à y voir plus clair dans tout cet océan de bizarreries. Cependant, il a du mal à retenir le fou rire qui le reprend en voyant l'air déconfit de Suu.

Hush repousse son assiette vers Suu pour l'inviter à goûter, en haussant les épaules. Puis, piquer par la curiosité, il tend sa fourchette vers la gelée étrange et "dégueu" de Suu. Avec un regard en direction de l'homme, il prend une bouchée de cet étrange truc qui vient visiblement de très loin. Il fronce les sourcils, grimace, regrette son geste. Il met une main devant sa bouche, et instinctivement, il éloigne toute la nourriture de devant Tobias. Puis, il écrit.

"Je crois qu'on est tombés dans un piège laissé là par les grands-mères pour punir notre affront."

Pas très enthousiaste mais tout de même courageux, il prend une petite portion de la chose dans l’assiette de Hush. Une grande inspiration. Il se lance à l’eau pendant que l’autre homme écrit dans son carnet.
Et…
Et ce n’est pas si horrible en fait…
C’est même plutôt bon, malgré son incapacité à dire ce qui est dans la nourriture. Les goûts vont bien ensemble. Il en reprend donc un peu.

- Tu crois que c’est ça ?

Ils doivent un peu avoir l’air de conspirateurs, maintenant que Suu se penche sur la table pour marmonner discrètement.

- Il faudrait trouver un moyen de les mettre en déroute sans avoir à finir les plats… Tu veux qu’on retente de s’enfuir super vite en se tenant la main ? Je veux juste finir ton assiette avant, j’aime bien.

Hush ouvre de grands yeux interrogateurs et hoche la tête. Oui, il croit bien que c'est ça. Quelle autre explication y aurait-il à cette situation absurde ? Il est encore plus étonné et à la limite de l'hilarité quand il voit Suu piocher dans son assiette avec un grand engouement. Eh bien, au moins, ils n'auront pas tout gaspillé. Hush n'aime pas ça, le gaspillage. Mais là il doit bien avouer que les deux pauvres bouchées qu'il a pris font des choses bizarres dans son estomac. Il fait mine de réfléchir quelques instants à la proposition de l'homme, avant de jeter un regard discret derrière lui.

"Elles nous épient, je crois... La fuite semble être une bonne solution."

Discrètement, il prend Tobias, le rattache contre son torse. Hush a totalement poussé son assiette de devant Suu. Une bouchée de plus et ce ne sera pas joli à voir, il le sent.

La dernière bouchée sera donc celle de Suu, que finit de se remplir un peu l'estomac avec les haricots sauvages et blablabla-truc-pompeux. Il ne prend même pas le risque de goûter aux sandwiches. Il fait par contre attention à bien laisser assez de crédits pour le repas et le service sur la table histoire de ne pas faire un fourchette-baskets, puis il tend sa main à Hush.

- Juste au cas où ?

Hush n'hésite pas la moindre seconde. Juste au cas où. Il attrape la main de Suu, et se lève. Son autre main tient fermement Tobias contre son torse, même s'il est déjà solidement attaché et qu'il ne peut pas tomber. Il est reconnaissant à Suu d'avoir payer ce fiasco qui leur a servi de repas. Et pourtant, il n'est pas très difficile, Hush. Il est même plutôt du genre à se contenter du peu qu'on veut bien lui offrir. Il n'a que peu de souvenirs des moments où il a souffert de la faim, durant son enfance et son adolescence. Les années avec Marjolaine ont eu ça de bien qu'il était nourri correctement.

Enfin, tant pis. Il a le droit de ne pas aimer, et malgré son horreur du gaspillage, il vit cette petite liberté comme une victoire. C'est donc avec le sourire aux lèvres et la main de Suu dans la sienne qu'il quitte l'établissement pompeux. Le désavantage de cette fuite anticipée est qu'ils n'ont pas pu demandé au serveur s'il connaissait un vieillard suffisamment familier avec Tortuga pour être capable de leur indiquer des endroits sympas à visiter. Et puis maintenant, Hush a les deux mains prises, donc il ne peut même plus communiquer convenablement avec Suu. Mais il n'a pas besoin de ça. Il sourit à l'homme en fauteuil, et lui indique une direction à emprunter. Au pire, ils se perdront ensemble. Quelle importance ?

Il est plutôt content que Hush aie pris sa main. Il n’y a pas trop de raison pour ça, ou elle n’est pas très importante et le résultat est de toute façon très simple : Suu est satisfait. Il sourit légèrement en se dirigeant vers la sortie, les doigts de l’artiste entre les siens, de la chaleur contre ses mitaines.

- Par là ? Okay.

C’est parti pour par là, il n’y a pas l’air d’y avoir une repère de vieilles dames juste devant.
Il va plus lentement à un seul bras pour avancer mais ça ne le dérange pas. Et il est hors de question de lâcher sa prise -étonnamment douce- sur l’autre main.

- Hey, Tobias, tu veux nous guider ? Si ton père veut bien.

Parce que pourquoi pas ? Ca peut lui faire plaisir, quitte à avancer au petit bonheur la chance autant faire confiance au tout petit humain.

Hush se sent bien. Et pour la première fois depuis qu'il est libre et pirate, il se sent même en sécurité à Tortuga. Il a l'impression que rien ne pourrait lui arriver. Rien de mal, tout du moins. Il se sent à l'abri. Et sans en être totalement conscient non plus, une part de lui sait que la présence de Suu à ses côtés n'y est pas pour rien. D'autant plus maintenant qu'ils marchent main dans la main, en toute innocence. En tous les cas, pour Hush, c'est tout à fait innocent, pour le moment.

Quand Suu demande à Tobias de les guider, le visage d'Hush s'illumine, à l'instar de celui de l'enfant. Le petit garçon babille et gesticule, attaché contre le torse de son père. Et puis il rit, et montre une direction avec sa main - impossible de dire s'il s'agit d'un pur hasard ou d'une réelle volonté de sa part. Mais la question ne se pose plus lorsque, au détour d'un coin de rue, ils tombent nez à nez avec... Un magasin de jouets. Comment est-ce que Tobias a pu savoir ? Et qu'est-ce que ça fiche au beau milieu de Tortuga ?

La main tenue est innocente, bien sûr. C’est agréable, pratique aussi, et c’est avec une absence totale d’arrière-pensée que Suu tient Hush à côté de lui. Le léger côté “papas en balade avec leur fils” lui passe tellement au dessus de la tête qu’il pourrait toucher le soleil.
C’est donc, encore une fois, en toute innocence qu’il rit aux gesticulations de Tobias. Il ne se fait pas prier pour suivre la direction donnée.
Et arrivé à destination, il se gondole en voyant le magasin de jouets.

- Hé ben, tu sais ce que tu veux.

Il n’y a aucun doute dans la tête du pilote que ce n’est pas une coïncidence. Si ce n’est pas parce que l’enfant connaît le coin c’est juste le destin, ce qui est tout aussi valable.

- T’es sûr qu’il connaît pas la carte de Tortuga ?

La question est pour le père qui se fait très gentiment pousser à la hanche pour que la taquinerie soit complète.

- Je crois qu’on a plus qu’à rentrer de toute façon… C’est obligé. C’est la règle.

Hush ne pense plus à rien d'autre qu'à l'instant présent. Il se sent bien, et il sourit même un peu idiotement sans trop savoir pourquoi. Il rit silencieusement devant l'entrain de son fils, et se dirige en direction de la boutique de jouet aux côtés de Suu. Quand Suu lui demande si le petit ne connait pas la carte de Tortuga, Hush hausse les épaules en penchant la tête sur le côté d'une façon théâtrale, l'air de dire : "il faut se rendre à l'évidence et accepter que c'est une possibilité".

Et puis sans plus de cérémonie, Hush lâche la main de Suu pour tirer la porte et fait une petite courbette pour l'inviter à entrer dans la boutique. Ca sent le bois et la poussière. C'est coloré et c'est joli. Partout, il y a des tas de machins pas toujours identifiables qui attirent les yeux ou les mains. Tobias est parfaitement éveillé, et il s'agite dans tous les sens pour que son père l'approche de tout ce qui fait briller ses petits yeux d'enfant.

Hush le détache alors de son torse et le porte à bout de bras pour le faire flotter vers un premier bac rempli de peluches colorées et souriantes. Le petit garçon rit et regarde Suu, en essayant vraisemblablement de converser avec l'homme à roulettes.

Il faut avouer un truc : c’est plutôt mignon les enfants. Enfin celui-là est plutôt mignon, ceux du reste de l’univers il n’en sait foutre rien et ça ne l'empêche pas de trouver Tobias relativement adorable.
Ca ne dérange donc pas Suu d’entrer dans la boutique et de suivre la petite famille de Hush entre les présentoirs. Il jette un coup d’oeil, constate que c’est coloré partout, se désintéresse de l’affaire. Priorité peluches.

- Ouais ?

Mais que veut bien dire le mini-humain… Hm. Décision au hasard, il veut de l’aide dans le choix d’un animal en fausse fourrure. Le pilote se penche sur le soucis avec beaucoup de sérieux.

- Je suis pas très convaincu par le singe, Tobias.

Il a l’air débile. Il faut mieux.

- Le Kao est assez banal.

Mais il le prend dans une main et de l’autre il attrape…

- Une hyène ! Qu’est-ce que t’en dis ?

Et Suu d’agiter les deux animaux pour voir lequel est le mieux.