Des jouets par millier [Suu & Hush]

- Elle était beaucoup trop bien pour cet univers aussi, ta conteuse ? Si c’est le cas c’est peut-être la même.

Mais quelle sont les chances pour que Dorado soit si minuscule qu’ils parlent tous les deux de Way’si ? Pour le pilote elles sont quasi-nulles, sa remarque tient donc plus du trait d’humour que d’une véritable envie de déterminer s’ils discutent de la même personne.
Comme il n’a pas de réponse pour le dessin puisqu’un sourire ne compte pas, il décide d’occuper Tobias. Le couteau n’est pas une bonne idée, graver n’est pas non plus très sécuritaire, il reste… Il reste quoi oui, d’ailleurs ? Intense réflexion du côté Corporatiste des choses avant qu’il ne place ses deux mains devant l’enfant et qu’il ne se mette à bouger les doigts en rythme avec la chanson de marche qu’il marmonne.

- Un kilomètre à pieds, ça use, ça-

Arrêt, yeux plissés, sourcils froncés. Le dessin semble louche.

- C’est pas Tobias ça…

Incroyable déduction ! Effectivement, les traits sur le papier ont l’air de former un scalp sur un crâne et aux dernières nouvelles, il est le seul du coin à avoir cette coupe de cheveux.

Hush poursuit son dessin, jusqu'à ce qu'il ressemble enfin à quelque chose, et qu'il puisse espérer ne pas avoir trop de retouches à faire. Il est déjà plutôt satisfait de ce qu'il a fait. Ca fera très bien office de photo souvenir. Entre deux coups de crayon, il reste concentré sur les paroles de Suu, et sur ce qu'il fait avec son fils. Quoi que l'homme en dise, une belle complicité s'installe entre l'homme et l'enfant. Une complicité qui ne laisse pas Hush insensible, évidemment.

"Ce n'est pas ma conteuse. Elle s'appelle Way'si."

C'est bien parce qu'il l'aime énormément qu'il se refuse à parler d'elle avec un quelconque possessif. Il ne la possède pas. Personne ne la possède. Elle n'appartient à personne. Plus maintenant. Tous les anciens esclaves ne savent que trop bien à quel point cette liberté est importante, pour ne pas dire primordiale.

Hush sourit lorsque Suu semble prendre conscience du dessin qu'il est en train de faire. Alors après avoir rajouté quelques détails - il ne faut pas être pressé, bien évidemment - Hush finit par tendre son carnet de dessin à l'homme. Le dessin qu'il vient de faire représente Suu et Tobias, dans une scène de jeu des plus attendrissantes. Il ne sait pas ce que l'homme va en penser, mais lui trouve que c'est un très beau souvenir.

Et ça tombe de surprise en surprise. Ce n’est pas que Tobias sur le dessin, c’est la même conteuse dont ils parlent. C’est quoi le prochain truc imprévu, en fait il peut marcher s’il croit très fort en les farfadets ? Juste pour voir, Suu fait l’effort de se dire qu’il y croit et tente de bouger un orteil. Ca ne marche pas. Prévisible mais décevant.

- Ha ben…

Ouais, nan, il trouve pas mieux à dire. L’univers est minuscule, ridiculement petit. La vie est absurde.
Et le dessin est joli. Il plisse un peu les yeux pour mieux le voir, le tient comme s’il s’agissait de quelque chose de très précieux parce que c’est le cas.

- T’as vu, petit ?

Bien sûr qu’il a vu, le carnet est juste devant lui. Le problème c’est qu’encore une fois le pilote ne voit pas quoi dire de mieux.

- C’est… Tu dessines super bien.

Il ne sait pas trop s’il ressemble à ça, en fait, s’il est aussi adorable avec l’enfant sur les genoux, s’il a l’air aussi… Normal. Bêtement normal. Et à l’aise avec un enfant.

- On a l’air aussi mignons que ça tous les deux ?

Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres, celui qui veut dire qu’il n’y croit pas un seul instant mais qui tente le compliment détourné pour faire passer l’idée qu’il trouve l’image touchante.

Dans un premier temps, Hush penche la tête sur le côté, curieux. Ah ben ? Comment ça, "ah ben" ? Il espère avoir un développement de l'idée derrière, puisqu'il ne comprend pas. Il ne note pas pour autant sa question silencieuse, trop captivé par les expressions qu'il lit sur le visage de Suu. Ou en tout cas, les émotions qu'il essaie de lire sur le visage de Suu.

Hush regarde Suu, essayant de déchiffrer les émotions de l'homme. De la surprise ? De la gêne ? De la douceur ? Peut-être un peu de tout ça à la fois ? Ou peut-être rien du tout ? Il ne sait pas. Les gens sont tellement différents face à ses dessins, et Suu l'est peut être encore plus que les autres. Hush le voit sourire, et sa question le laisse pensif quelques instants. Il se décide finalement à récupérer son carnet d'écriture, et prends le temps d'écrire ce qu'il pense.

"Mes dessins reflètent ce que mes yeux et mon cœur voient.
Je vois un beau moment de partage.
Tobias voit de la lumière en toi, et tu lui offres volontiers cette lumière là.
C'est cette beauté que mes yeux voient. Je te trouve beau. Je trouve ce moment beau."

Il sourit doucement, en espérant qu'il s'est fait comprendre.

- Haaaa…

Encore de la pertinence. Merci Suu.
C’est qu’on ne l’a jamais fait très loquace, ça se voit. Il sait lire, écrire et aligner trois mots, c’est déjà bien. Mettre les termes exacts sur ce qu’il ressent est un exercice qu’on ne lui a jamais appris à faire.
Donc voilà, “haaa”.

- C’est gentil ?

D’autres auraient fait des métaphores filées sur la lumière, les yeux de Tobias, le coeur de son père, ou d’autres choses aussi idiotes. Le pilote se contente de frotter l’aile de son nez en marmonnant ses mots avec l’air du type ému qui voudrait se cacher dans un coin une minute et en ressortir calmé.

- J’imagine qu’on est aussi mignon que ça alors. J’ai qu’à m’y faire.

Parce qu’il ne va pas arrêter d'interagir avec l’humain en cours de croissance juste pour ça, ce serait méchant. Non, il va plutôt essayer de noyer le poisson l’air de rien, ça semble mieux.

- Comment tu connais Way’si ?

Hush a la sensation que Suu est à la fois touché et gêné par ce dessin. Peut-être pas par le dessin en lui-même, mais par l'aspect qu'il revêt à l'intérieur. Cela laisse Hush pensif, et il reprend quelques traits, renforçant les ombres naissantes, les contrastes qui illuminent le cœur de l'homme et de l'enfant. Hush est accroupi, assis sur ses talons, perdu dans un endroit que lui seul semble connaître. Il ne relève la tête que lorsque Suu fait mention de Way'si.

Alors, un doux sourire s'affiche sur le visage du mo'at. Il aime Way'si. Femme-douceur, femme-histoire. Il aime l'entendre parler, il aime la façon dont elle regarde Tobias. Il est le premier à apprécier l'étendue de ses talents. Sans elle, le Ni'huan ne serait pas tout à fait pareil. Sans elle, il manquerait un soleil.

"Way'si est ma sœur. Nous naviguons sur le même vaisseau depuis plusieurs mois, maintenant.
Et toi, comment est-ce que tu la connais ?"

Il est curieux, et d'autant plus que Suu a une étrange lueur dans ses yeux, lorsqu'il parle de Way'si. Il semble légèrement différent, comme si... Comme si elle était spéciale, pour lui. Mais il ne sait pas. Il n'en sait rien. Et puisque Suu ne semble pas être du genre à lui faire du mal, cela n'a que peu d'importance, finalement.

- On a regardé les étoiles ensemble.

C’est rien. C’est beaucoup, aussi, surtout.

- Et parlé de plein de choses. Des monstres, de sa Dame, des histoires et des Toor’kraan. Roses.

Ca a l’air absurde dit comme ça… Pourtant ça aussi c’est important, et Suu ne rit pas en se rendant compte de la bizarrerie de sa liste de choses discutées. Tout avait un sens. En a encore un, peut-être, même si dans un autre monde reste ancré bien au fond de ses réflexions. Les choses bougent en lui mais elles le font très lentement.

- Je lui ai chanté un bout d’une chanson parce que je me souvenais pas de tout, du coup il faudra que je la finisse… Un jour. Mais si elle est sur un vaisseau j’imagine qu’il y a peu de chances que ça arrive.

C’est pour le mieux, décide-t-il. Peu importe ce qu’il ressent si rien ne se passe. Et pour ce qu’il en sait, elle pourrait ne rien penser de lui, ça ne l’étonnerait pas une seconde.

- Welp. L’univers est trop grand quand il faut en traverser les champs de bataille mais il est minuscule quand c’est pour rencontrer les gens.

Et ça, ça le fait rire. C’est une bonne chose qui le rend heureux.
Peut-être parce que ça veut dire qu’il pourra croiser Way’si plus souvent que son pessimisme le croit.

Hush l'écoute avec une grande attention - attention qu'il n'est pas très souvent capable de déployer, mais il semble que cette fois soit une exception. Suu semble être un autre homme, lorsqu'il parle de Way'si. Il y a cette étincelle qui brille, si près de son cœur. Hush sourit avec la douceur qui lui colle à la peau.

"Pourquoi est-ce qu'il y aurait peu de chance ? Je suis sur le vaisseau de Way'si, et toi aussi tu es sur un vaisseau. Et pourtant, nous nous sommes rencontrés. Si tu veux, tu pourras nous accompagner tout à l'heure, lorsque nous rentrerons."

- On peut ?

Si Suu était vraiment une hyène, il aurait eu les oreilles pointées en avant, la truffe humide et l’oeil brillant. Puisqu’il n’est que très humain, il se contente de la partie “yeux humides de joie”.

- C’est… Gentil. Mais…

Parce qu’il y a un “mais”, toujours, sauf que celui-là n’est pas totalement sans raisons. Pour une fois qu’il peut poser une objection décente, il ne va pas s’en priver.

- … Je l’ai croisée tout à l’heure. Chez le marchand d’os. Je vais la laisser tranquille sur son vaisseau pour cette fois et je garde la proposition pour le prochain coup de chance, ça te va ?

Suu a l'air sincèrement heureux quand Hush lui propose d'aller voir Way'si, mais il décline presque aussitôt. Le mo'at ne peut pas s'empêcher de se sentir un peu triste pour cet homme gentil et doux avec les enfants qui s'empêche pourtant d'être heureux. Finalement, l'artiste sourit. C'est un sourire sans joie mais avec une douceur infinie.

"Comme tu le souhaites.
Mais alors, je veux que tu prennes ça.
Pour patienter jusqu'à la prochaine fois."

Et maintenant qu'il a vraiment terminé son dessin, il détache la feuille de son carnet, l'observe un instant. Il ouvre son carnet à une autre page, une page qui représente Way'si, et puis il tend les deux feuilles à Suu.

- Hein ? Quoi ?

Qu’il prenne ça quoi ? Les feuilles ? Qu’est-ce qu’il va faire avec…

- Oh.

Le dessin de lui et Tobias. Celui qu’il n’a jamais vu représentant Way’si. Oh, en effet, c’est la seule réaction qui puisse valoir la peine d’exister face à ce cadeau.
Il regarde les deux oeuvres, en admire les petits détails qui n’existent que vu de près, les partage avec l’enfant toujours sur ses genoux. Puis il s’en détache pour reposer une attention très grave sur l’homme face à lui.

- Merci. Je vais les garder précieusement.

Sa main se tend entre eux pour des présentations qui sont certainement en retard mais indispensables.

- Au fait... Suu Galwaïn. Je suis ravi de te connaître.

Cette fois, la réaction de Suu parait un peu moins énigmatique aux yeux d'Hush. Il sait que son cadeau lui a fait plaisir, et il croit aussi savoir que les sentiments de Suu à l'égard de Way'si n'ont rien d'anodin. Il espère que, si leurs âmes sont liées, elles sauront faire en sorte de se trouver, peu importe les difficultés qui pourraient se mettre sur leurs chemins. Lorsque l'homme tend sa main et se présente enfin, Hush ne retient pas une expression de surprise. Il sourit finalement, et tend sa main à son tour afin de serrer celle déjà tendue. Chose faite, il reprend son carnet d'écriture.

"Je m'appelle Aäsh'an Kame, mais tout le monde m'appelle Hush."

Il a déjà présenté Tobias. Il se rend compte qu'avec tout ça, il en a oublié ses sculptures initiales. Il reprend le bout d'os qu'il sculptait, le fait tourner entre ses doigts, et le montre à Suu avec un sourire, comme pour lui faire remarquer qu'ils ont oublié.

Il lit le nom sur le papier. Promis, il le lit avec attention même, mais… Comment est-ce que ça se prononce ? L’accent sur le “a” c’est pour quoi, il rallonge la lettre, il en fait un truc bizarre, il la mange de frustration ? La dernière option semble la plus réaliste.

- Hush. Noté.

Ou alors il fait ça oui, il prend le nom qu’il peut dire sans galérer même si ça ne lui plait pas. Ca ressemble un peu trop au diminutif filé parce qu’on n’arrive pas à dire celui qui est le vrai à son goût. C’est pas comme s’il avait le choix malheureusement.
Il rend donc le carnet.
Reprend son propre bout de bois en rigolant un peu.

- On est pas très concentrés. Tu… Tu devrais pas toucher à ça, Tobias. Ca coupe.

Et voilà donc Suu lancé à sculpter comme il peut en tenant le couteau haut au dessus de sa tête, hors de portée de l’humain miniature.

- Je crois que je vais réussir à rien.

A part à se mettre des copeaux dans les yeux, peut-être, et encore.

Après quelques secondes de tentative, l'artiste doit bien se rendre à l'évidence. Il n'arrivera à rien, lui non plus. Il sourit et repose sa piètre sculpture pour attraper une nouvelle fois son carnet.

"Moi non plus.
Tu as faim ? Peut-être qu'on pourrait aller manger un morceau."

Ce serait toujours mieux que de rester là, accroupi par terre, à essayer de faire quelque chose qu'ils savent perdu d'avance. Non ? En plus, le ventre d'Hush commence à lui envoyer de sérieux signaux comme quoi il faut qu'il se nourrisse... Et Tobias ne refuse jamais rien, quand il s'agit de nourriture.

Suu hoche la tête affirmativement tout en rendant le carnet. Va pour manger, il est un peu dans le même genre que l’enfant : un repas ne se refuse jamais même s’il n’a aucune idée d’où ils pourraient aller.
Enfin, c’est Tortuga. La moindre taverne à peu près propre devrait convenir.

- On peut. Tu peux reprendre Tobias ?

Il pourrait tout à fait rouler avec le petit humain sur les genoux mais il ne veut pas. Il risquerait de tomber, et puis lui n’est pas une poussette améliorée, et juste… Non. Il a déjà accepté de prêter ses genoux, c’est un effort monumental pour un type aussi mal embouché que lui, il ne faut pas trop lui en demander.

Hush hoche la tête. Il prend le temps de ranger les affaires de Tobias et les siennes, dans son gros sac. Il vérifie qu'il n'a rien oublié, puis, il attrape Tobias d'une main et le soulève dans les airs avant de venir le plaquer doucement contre son torse. Le petit garçon rigole, mais il regarde Suu, l'air de dire qu'il voudrait y retourner. Le papa assied son fils sur ses épaules, le maintenant fermement à l'aide d'une main. Il ne peut plus vraiment écrire pour le moment, mais il fait une minuscule courbette accentuée d'un moulinet avec sa main libre, invitant Suu à montrer le chemin. Il espère que l'homme connait mieux que lui ces rues malfamées. Il espère aussi qu'ils n'auront pas de problèmes... Hush a toujours des problèmes, quand il vient sur Tortuga.

En avant alors. D’une impulsion des bras dynamique, il se met en branle pour guider Hush et son fils dans les rues de Tortuga en essayant de trouver un établissement qui puisse convenir à un enfant. C’est pas parce que lui se contenterait de la première taverne sans marche à l’entrée que c’est le cas de tout le monde.
Ils se baladent donc au milieu des pendards locaux et Suu finit par se laisser rattraper pour être au même niveau que l’artiste avec qui il se déplace. Il a l’air beaucoup trop gentil. Quelqu’un risque de vouloir lui chercher des crosses. Il faut que quelqu’un -par exemple un petit pilote spécialement hargneux- prenne soin de lui.

Et ça ne rate pas. Forcément, ils ne peuvent pas juste se balader pour trouver un coin où manger ! Il faut qu’ils tombent sur le gang de grand-mères louches du coin, quatre vieilles dames autour d’une table et un gros chien dégoûtant qui dort en dessous, bloquant presque la rue et gloussant en voyant Tobias. Le pilote aurait honnêtement préféré que ce soit des voleurs. Il aurait pu en planter un ou deux, le reste aurait battu en retraite, voilà.
Là ils sont fichus. Déjà la première mémé se relève de son siège de jardin en fixant le gamin.

- Ignore-les, gronde Suu entre ses dents. Ignore-les et avance sinon on va devoir goûter des biscuits...

Suu guide Hush et Tobias dans les rues de Tortuga. Le mo'at n'est pas tranquille, et cela se ressent sûrement. Il jette des regards frénétiques autour de lui, essayant d'anticiper le moindre danger. Quand Suu attire son attention sur un groupe un peu plus loin, Hush sent son coeur qui accélère dans sa poitrine. Alors, quand il réalise que la terrifiante menace est un groupe de grand-mère a l'air affable, Hush se sent décontenancé. Tellement décontenancé qu'il fait tout sauf les ignorer. Pourquoi une telle réaction ? Il ne comprend pas, il...

- Comme il est mignooooon ce petit ange... Et toi, comme tu es mignon aussi...

La mémé pince la joue d'un Hush qui ne comprend pas vraiment ce qui se passe, et qui lance un regard perdu à Suu.

- Comment est-ce qu'il s'appelle ? Et toi, mon grand ?

Elle se tourne vers Suu.

- Oh, et toi ? Un couple de papa, comme c'est adorable !

Mais il n’est pas en couple avec Hush ! Elle est tarée la mamie ! Ils ont l’air d’avoir élevé un enfant ensemble ? Absolument pas. Non mais.

- On est pas…

Oh. Le regard perdu de l’artiste allume un truc en Suu, un genre d’instinct de protection un peu idiot qui le fait se rapprocher du Mo’at comme s’il voulait le défendre.

- Suu. Hush, fait-il en pressant aussi gentiment qu’il sache le faire la main dudit Hush dans la sienne, mais il est timide.

Si elles veulent croire qu’ils sont un gentil petit couple de papas et pas deux gars qui ne se connaissent même pas depuis un jour, qu’elles le fassent donc, il pourra prétendre être possessif pour les faire dégager.

- On était juste de passage pour aller au restaurant, on voulait pas vous déranger. On est juste pas du coin alors on s’est un peu perdus. Hm ?

La question inarticulée c’est donc pour l’autre homme et assorti avec une légère traction vers l’avant, l’air de dire “on se barre maintenant”.

Hush ne comprend définitivement rien à ce qui est en train de se passer. La grand-mère parle, et lui qui a un profond respect pour les aînés, il l'écoute, et s'apprête même à la suivre. Il est interrompu par Suu qui lui prend la main, et qui le tire légèrement vers l'avant. Il le regarde avec une étrange sensation au creux de son ventre, et puis il se laisse porter par le mouvement. Il offre un sourire désolé à la grand-mère, serre Tobias contre lui et ne cherche pas à retirer sa main de celle de Suu. Il se sent simplement confus, et l'attitude de Suu ne l'aide pas à se sentir moins... Perturbé.

Le problème, c’est qu’on a fait plus pratique pour avancer sur roues que de le faire en tenant une main et que ça frustre très très fort Suu de ne pas pouvoir simplement se carapater avec Hush à la remorque. Il aurait préféré pouvoir juste laisser les petites vieilles derrière dans la poussière, garder près de lui l’artiste à protéger de leurs doigts tout ridés sans avoir à choisir entre rouler droit et le tenir.
Du coup il s’engouffre dans la première ruelle adjacente venue et s’y arrête, l’oreille tendue pour s’assurer qu’ils ne sont pas suivis.
Il faut croire que les mamies sont une menace pour sa survie.

- Désolé, c’était…

Hop, on rend sa main à Hush, monsieur Galwaïn. Merci.

- C’était des vieilles.

Une grimace se peint sur son visage.

- Mais j’aurais dû te demander avant de te choper la main. Pardon.

Hush ne comprend toujours rien. Mais vraiment rien du tout. Il suit Suu absolument aveuglement, Tobias - visiblement en proie à la même incompréhension que son père - contre son torse. Il récupère sa main, et il la regarde un instant, incrédule. Et puis, contre toute attente, Hush se met à rire. Un éclat de rire totalement silencieux, d'où ne sortent que des soupirs - l'un des seuls sons qu'il soit capable d'émettre - mais dénué de toute méchanceté ou moquerie. Il rit tellement que Tobias se met à rire lui aussi, et que le grand mo'at sent une larme naître au coin de ses yeux. C'est d'ailleurs le regard larmoyant et un sourire béat affiché sur son visage qu'il fixe à nouveau Suu. Là, comme ça, Hush a l'air heureux. Profondément heureux. Il prend son carnet.

"Je ne savais pas que les femmes âgées de ton peuple étaient si effrayantes. Merci de nous en avoir sauvés.
Et c'est ok pour la main.
Tu es sûr que tu ne veux pas goûter un morceau de gâteau cuisiné par ces dames ?"

Quoi qu’est-ce que- ? Pourquoi il rit ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Ca a pas l’air d’être contre lui, alors Suu laisse juste passer, confus à son tour sur la raison de l’hilarité. Au moins, Hush a l’air bien. Les larmes de rire lui vont pas si mal.
Le pilote récupère le carnet, lit l’explication de la crise dessus… Et répond en se marrant lui aussi.

- Oui j’en suis sûr ! Ca va être sec comme un caillou !

Non, vraiment pas de gâteaux de petite vieille pour lui. Mourir étouffé par un sablé serait vraiment trop ridicule.

- Et puis elles étaient à deux secondes de demander à voir ton alliance ou la mienne. Tu veux pas ça. Ou les conseils pour faire durer tes relations, t’occuper d’un enfant, faire ta lessive et je sais pas quoi d’autre. Elles sont horribles, nos vieilles, je sais pas comment sont celles d’ici mais d’où je viens il faut s’en méfier.

Il plisse un peu ses yeux, amusé.

- Et leurs gâteaux sont pires.

Hush se sent heureux, en cet instant. Il est avec son fils et avec un inconnu très gentil et plein d'esprit... Et il affiche un sourire béat, presque niais, tant il se sent bien. Les paroles de Suu n'aident pas à calmer son hilarité. Il finit par capituler en levant une main, l'air de dire "C'est bon, t'as gagné, pas de vieilles dames pour nous". Il sèche ses larmes de rire avec le dos de sa main libre. Il en profite pour jeter un coup d'oeil derrière lui, s'assurant que les femmes âgées ne les ont pas suivis. Il écrit ensuite, en souriant toujours.

"Alors on peut dire qu'on l'a échappé belle.
Bon, est-ce qu'il y a des endroits où nos pouvons manger sans risquer de nous faire terriblement attaquer par des femmes âgées et leurs horribles biscuits secs ?"

- Ca je sais pas… Elles seraient fichues de se tenir en embuscade. Des dangers.

Mais absolument pas ! C’est pas un peu fini les bêtises, Suu ?
Si. Allez, en avant, vers une taverne et sans regimber. Il laisse la main de Hush tranquille cette fois, se contente d’un petit geste de menton pour dire qu’il part dans la direction générale de par là-bas. Ils trouveront bien de quoi manger à un moment.
Là par exemple. Ca a l’air propre. L’enseigne dit que c’est une auberge, il y a des chances que ça diminue le nombre de pochtrons. Il y a une plante en pot à l’entrée. Tous les signes sont au vert. Que dit le menu ? Qu’il est trop haut. Zut.

- ‘te va ?

Il relève le regard vers l’artiste et en profite pour tirer la langue à Tobias, histoire de le faire rire.

- Et toi, petit humain, tu en dis quoi ?

Hush rit à nouveau devant l'air sérieux, et note mentalement la menace des vieilles dames humaines enragées. Il doit bien avouer qu'il n'avait jamais pensé tomber sur ce genre de singularité, un jour. Mais voilà, c'est chose faite. Alors il jette parfois des coups d’œil derrière son épaule, tandis qu'ils avancent en direction d'un repas chaud bien mérité. Il n'est pas réellement inquiet pour les vieilles dames, mais bien pour tous les autres qui pourraient leur tomber dessus. Il a cru comprendre qu'il attire les ennuies comme du sucre attire les insectes.

Mais ils arrivent à la hauteur d'une auberge en étant totalement saints et saufs, et sans avoir croisé âme qui vive - ce qui peut paraître étonnant à une telle heure. Hush regarde le menu affiché à l'extérieur, et fichtre, il ne comprend pas un seul mot noté. C'est avec une expression de grande confusion qu'il se tourne vers Suu et qu'il hausse les épaules. Il... suppose que ça lui va ?

Et dans ses bras, Tobias se met à rire et puis il essaie de reproduire la grimace faite par l'adulte en fauteuil roulant, tirant la langue en faisant un "Nnnnh" distinctif. Hush sourit, attendri par la scène. Puis il se décide à ouvrir la porte, et fait une légère révérence pour inviter Suu à entrer à l'intérieur. Maintenant qu'ils sont là, autant tester les plats... Étranges, proposés par le lieu.