Sur le seuil

09.03.110

A la base, Audrey avait prévue de louer un petit appartement dans son budget, mais son pere s'était mêle de son choix. Qu'elle abandonne un bon poste dans un bon resto de Vanguard, éventuellement. Que sa fille aille s'enterrer faire des burger avec des ex-pirates, à la limite, si ça l'aidait à faire son deuil. Mais qu'elle aille habiter dans un taudis, hors de question. Avec son aide, Audrey louait donc un appartement correct dans un quartier correct de la bulle.

Ce matin, elle s'était levée tôt, plus tôt mème que quand elle bossait. Elle avait prévu d'aller à la salle d'art martial qu'elle avait trouvé afin de s’entraîner un brin, mais soudain, elle entendit un bruit à la porte. Elle activa le visiophone et découvrit...

"Xeth?"

La jeune femme ouvrit la porte pour laisser entrer le Compagnon. Bon sang, il sentait l'eau de Cologne à plein nez... Il avait fait quoi de sa nuit?

Xeth et Audrey avaient été voisins sur Vanguard, Audrey vivant un étage plus haut. Ils avaient vécu une relation de voisinage assez neutre pendant quelques années jusqu’à la mort d'Ophélie. A ce moment là, sans doutes par pitié, Xeth s'était proposé à John pour prendre soin d'Audrey quand le soldat avait du repartir hors planète. Il avait surveillé l'adolescente ravagée, l'avait forcée à continuer, à se nourrir correctement et était devenu une sorte de grand frère. Au début, Audrey lui en avait presque voulu, mais maintenant qu'elle allait mieux, elle était heureuse qu'on l'ai forcée à continuer à avancer, à l'époque.

"Xeth! Tu m'avais pas dis que tu passait sur Hope!"

J’étais épuisé par ma nuit.
Vanné.
Le soleil venait de se lever et avec la saison froide, il avait fini par s’adapter mêmes horaires que moi.
En le voyant poindre tandis que je me tenais sur le pan de la porte Audrey Darand, je pouvais oublier un peu tout ce qui précédait cet instant.
Je levai ma main, pris une grande inspiration et jute avant de frapper…
Un calme étrange, un calme d’habitude.

Toc. Toc. Toc.

Lorsque l’image vidéo s’afficha sur l’écran digital, j’eus du mal à retenir mon air amusé. Les pas qui se ruaient vers l’entrée m’indiquait une chose : Audrey ne me laisserait pas dehors.
Sa tignasse rousse se fit attraper par ma paume à la seconde où elle ouvrit la porte :

« Ça fait longtemps, ‘Evi. »

‘Evi. Gamine.
Du pareil au même… Avec un brin de tendresse qui me surprit moi-même en prononçant ce mot précis.

Les clients sur Hope étaient plus rares, mais bien plus rentables.
La plupart d’entre eux, Corporatistes en majorité, estimait que les services d’un Compagnon, aussi dispendieux pouvaient-ils être, valaient leur pesant d’or.
En entretenant des liens avec ce qui avait jadis été ma terre d’accueil, j’avais eu l’opportunité de créer des affiliations intéressantes pour les affaires, et avec ces affiliations venaient  des clients.
Qu’Audrey s’y soit installée depuis peu était un avantage on ne peut plus considérable pour accepter ces rencontres.  

« Hope, hein?
C’est un choix intéressant. »

Ma main toujours sur sa tête, je souris.

Audrey n'avait même pas pensé à laisser Xeth dehors. Elle lui ouvrit et, tel un missile à tête chercheuse, la main du compagnon alla se poser sur sa tête.

"Trop longtemps, Xeth. Je suis désolée de ne pas revenir sur Vanguard dire bonjour, mais soyons terre a terre, mes horaires de boulot ne me le permettent pas."

Elle le fit entrer complètement et referma doucement la porte derrière lui. Ce ne serait pas ce matin qu'elle irait à l'entrainement. Tant pis. Une autre fois.

"Et ouais... Hope. J'y ai trouvé un poste intéressant, loin de mon poste précédent, mais intéressant. Un peu loin, bien sur, mais ce n'est pas Obscuro non plus."

Elle souris en retour à son ami et d'un geste tendre, elle ôta de son crane la grande main de Xeth. Bon sang ces mains.... A coté, elle avait l'impression de n'avoir encore que des petites menottes d'enfant.

"Tu veux peut être te rafraîchir, ou un petit dej? Ou simplement dormir un peu, tu as l'air épuisé."

Ce dont j'avais besoin?
Dormir, sans l'ombre d'un doute... Mais me laver d'abord.

L'écoeurant mélange d'eau de cologne, de sueur et des résidus de salive sur le sol de ma chemise était suffisant pour m'en convaincre.
Impassiblement calme.
La dernière chose dont j'avais envie c'était d'inquiéter Audrey sur mes précédentes occupations.

Ma main rejoint se réinitialisa sur le côté de ma cuisse.
Curieux, je jetai un regard par-dessus de l’épaule de la rousse.
L’appartement semblait en ordre; sécuritaire.
Le quartier aussi d’ailleurs. C’était ce qui m’avait apaisé le plus.
Si Audrey était en sécurité, c’était un souci de moins… Un souci qui s’agglomèrerait au reste et qui m’aurait agacé plus que je ne souhaitais moi-même me l’admettre.

« Et le tour du propriétaire ? »

Ça aussi, c’était un moyen de m’assurer que tout allait bien pour elle : observer sans avoir l’air suspect.
Je me rappelais avec un peu trop clairement de l’adolescente qu’elle avait été lors de la mort de sa mère.
J’avais participé extrinsèquement au chagrin qui l’avait ravagé.
Si ma première impression n’était jamais celle sur laquelle je me reposais, je fis tout en mon pouvoir pour apparaître le plus décontracté possible.
C’était bien l’un des seuls avantages d’avoir joué le compagnon aussi longtemps.

Avec un sourire chaleureux, je passai devant elle, sans attendre son autorisation, m’engouffrant dans la première pièce à ma portée :

« Comment t’es-tu retrouvée ici? »

Feindre le détachement : séparer la curiosité affective au prix de l’informative.

Audrey faillit bien se laisser prendre à la décontraction feinte du Compagnon. Il avait certes eu des mouvements un peu flou au départ, ce qu'elle avait interprété comme de la fatigue, mais ça semblait avoir... disparut.

"Oh tu sais… Là, on est dans le salon, comme tu voix, en dehors de ça, y a une chambre, une salle de bain et une cuisine, rien d’extraordin..."

Puis le jeune homme passa devant elle pour aller explorer une pièce qui se trouvait justement être la salle de bain et Audrey eu droit à une bonne bouffée de l'odeur... douteuse qu'il se trimbalait.

"Essais pas de me faire prendre des vessies pour des lanternes, Xeth! Tu pue la sueur et l'eau de Cologne, tu débarques ici au petit matin, donc forcement, tu as bossé toute la nuit. Je refuse qu'on cause plus avant au minimum que tu ai pris une bonne douche et que tu ai mangé quelque chose. C'est mon jour de congé, je ne compte pas sortir de la journée, on a le temps."

Elle entra a son tour dans la salle de bain, une pièce pas très grande, décorée d’un orange vif qui jurait terriblement avec les cheveux de la cuisinière, mais propre et manifestement refaite à neuf depuis peu. Elle ouvrit un meuble a coté de la porte et en sortit une serviette et un peignoir. Quelle mis d’office dans les bras du grand brun.

"Douche toi. Je te prépare quelque chose à manger pendant ce temps."

Sauf.
Audrey sembla suivre mon initiative pour l’espace de quelques minutes.
La visite fût brève, mais juste assez longue pour que j’en vienne à la conclusion que je m’étais inquiété pour rien.
De toute évidence, elle n’était plus la gamine de l’étage d’en-haut…
Chose à laquelle je me faisais difficilement.
Encore plus lorsque je la sentis me pousser une serviette sur le torse alors que je déambulais encore de pièce en pièce…
Enfin avant de me faire cerner dans la salle de bain.

Je levai mon épaule gauche afin de pouvoir renifler mon tailleur.
Mes narines se relevèrent en dégoût.
C’était un fait : je sentais mauvais…
Très mauvais.
J’avais simplement hoché la tête, acceptant son offre d’un sourire malin :

« Cette couleur est horrible… »

Et je claquai la porte, satisfait d’être insupportable…
Avant de serrer la mâchoire une fois seul.  

J’aurais sans doute dû prendre une douche avant de partir de la chambre de Mickael Carillo… Mais l’idée d’être encore là à son réveil avait suffi pour que je m'évapore.
J’avais fini mon contrat, c’était ce qu’il y avait à savoir.

La douche fût longue. .

Je devais faire disparaître toutes les traces de ma nuit.
Audrey n’avait pas tort de me forcer à me nourrir et me laver… Mais en attendant, je me répétais qu’elle aurait mieux fait si elle ne s’était doutée de rien.


Vingt minutes plus tard , je me tenais en peignoir entre le salon et la cuisine à l’observer.
Silencieux.

Horrible? Bien sur que la couleur de la salle de bain était horrible. Mais la critique n’atteins pas Audrey. C'était son propriétaire qui avait refait la pièce avant qu'elle ne loue l'appartement. manque de bol il avait sélectionné une couleur totalement inadaptée à une locataire rousse, mais ça n'avait pas d'importance. La pièce d'eau était confortable et fonctionnelle, c'était tout ce qu’Audrey lui demandait.

Haussant les épaules à cette critique idiote, la jeune femme s'engouffra dans sa petite cuisine ou en une série de gestes assurés, elle entrepris de préparer un bon petit déjeuner au compagnon. Des pancakes. Tout le monde aimait les pancakes. Et elle avait de quoi en préparer.

Vingt minutes, deux piles de pancakes et une carafe de jus d'orange frais plus tard, elle ressentit un regard et se tourna vers la porte pour voir Xeth la regarder en silence:

"Ça va mieux?"

Elle transporta les assiettes sur la table du salon, déjà garnie de couverts et d'une bouteille de sirop d’érable. Elle y posa les deux assiettes et fit signe au Mo'at de prendre place.

"Tu viens souvent sur Hope?"