C'est un chasseur et un voleur qui entrent dans un bar [SEBASTIAN FIGUERAO]

- Personne n'a une gueule de pirate. Je les reconnais à leur "aura"...Ça sonne un peu mystique, j'avoue, mais j'ai pas de meilleur mot. Et ton attitude, ta façon de parler et le fait que tu veuilles négocier un deal avec elle me laisse pensez que tu es lié, de près ou de loin, à la piraterie.

J'arrête de marcher et je le fixe intensément. Ma main cybernétique prête à se déployer en garde et ma main organique prête à sortir la machette.

Prêtes, mais pas parties pour. J'hésite encore assez pour ne pas mettre jeter sur lui. Si la patronne a accepté le deal, c'est qu'elle y gagne quelque chose. Et lui aussi il doit y gagner un truc.

Pour être franc, j'ai très envie de me mesurer à lui. Mais la décence et le respect pour la Miss me poussent à vérifier ma théorie d'abord.

Au pire, je passe pour un idiot devant un mec dont j'oublierai le visage d'ici 2 semaines. Et lui le mien.

Non attends, ça non.

Là où je le sens se tendre, j'essaie d'être le plus relaxé possible. Steve est un habitué des grosses bastons. Je peux pas oublié qu'il a foutu plus de vingt poivrots à terre quand j'avais tout juste eu le temps d'en menacer cinq. Au fond de moi, j'ai envie de voir ce dont il est capable... C'est le même sentiment que celui que j'avais lorsque je montais m'entraîner pour les premières fois avec les grands, quand savoir que j'allais me faire botter le cul ne m'empêchait pas de rêver de les mettre à terre. J'en reviens pas... ça fait déjà deux ans que j'ai quitté la Vanguardia...
Je soupire, mais je ne sais pas comment aborder le sujet...

T'as raison, nos deals sont pas les plus légaux du système. Je sais pas ce que te dis ta patronne, mais elle a parfois besoin de marchandises qu'elle ne peut pas se procurer par les couloirs habituels. Et dans ces cas-là c'est vers des types comme moi qu'elle va se diriger. Des types qui peuvent offrir des armes corporatistes à quelqu'un de bien renseigné, par exemple !

La Vanguardia est terminée.

Mais je ne suis pas un pirate.

L'équipage a disparu.

Et t'en fais pas pour ta patronne. Je crois que s'il y a bien une femme qui sait comment tirer son épingle du jeu, c'est bien elle.

Et j'ai un fils à retrouver.

Mon boss, c'est pas le premier auquel elle a affaire ! Mais j'espère ne rien avoir brisé entre vous ?

- Hé, le seul moyen de briser quelque chose entre elle et moi, ce serait de me dire qu'elle est trinitaire.

J'explose de rire si fort que toute la rue nous fixe bizarrement...

- D'accord, admettons que t'es pas un pirate. Mais tu l'as été à un moment, pas vrai ? Ou bien t'as été sur un vaisseau pirate pendant un temps, comme prisonnier ou quelque chose...? Mais comme je te l'ai dis, les pirates, j'ai rien de personnel contre eux. Si tu me disais que t'étais trinitaire, par contre, tu prendrais tellement cher, ha ha !

...

- Rassure-moi, t'es pas trinitaire, hein ?

J'éclate de rire. Ce franc-parler a quelque chose de magique, je vous jure. Et ce rire...

Par Calypso, absolument pas ! Ce que tu vois là est un produit 100% pur bâtard doradien !

Yeux jaunes contre regard brun. Le pire... C'est qu'Oxtorn a l'air sincèrement curieux. Il n'y a pas une once de malice dans ce regard-là.
Et peut-être qu'au fond j'apprécie qu'on me prenne pour ce à quoi j'ai si désespérément essayé de ressembler durant toute ma vie.

Et t'as pas complètement tort : mon père était pirate. J'ai passé une bonne partie de ma vie sur le même vaisseau que lui, le temps de me rendre compte que c'était pas fait pour moi. Et de me faire péter...

Je désigne mon visage du doigt avec un grand sourire ironique.

Tout ça. Alors ? C'est pour venir buter les gens comme moi qu'ils t'ont envoyé moisir sur Dorado ?

Son attitude était claire, pure de tous sous-entendus : je n'avais rien à craindre venant de lui. Ma garde n'était pas baissée pour autant et, appelez ça comme vous voulez pour ce que j'en ai à foutre, j'étais prêt à décamper ou du moins à ne pas me faire abattre comme un rat.

- Ah non, c'était ma décision, ça. J'ai servi 15ans dans les FFUC, mais je me suis amusé que très ponctuellement. Alors pour dézinguer du pirate, du trinitaire ou d'autres genres de personnes qui l'auraient sûrement mérité, j'ai dû me mettre à mon compte. Et Dorado était l'endroit rêvé pour se battre avec ces gens-là. Et tant que j'y étais, autant gagner du fric dans le processus, hé. C'est comme ça que je suis devenu mercenaire. Mais, histoire d'avoir un endroit où crécher et une rentrée d'argent, j'ai accepté de bosser pour Miss RedPantyhose.

Que de souvenirs...

- C'était il y a 5 ans maintenant...Hé, à ton avis, comment s'est passé ma première rencontre avec la patronne. Aller, devine.

C'est vrai que c'est une sacrée histoire, celle-là aussi...

15 ans ?! Il avait donné 15 ans de SA vie pour l'armée coporatiste ?! Pas étonnant que ce soit une aussi grosse brute... Les gars là-bas ne plaisantaient pas. Les rumeurs sur la puissance des corpos foisonnaient chez les pirates, surtout que le matériel dont bénéficie leur bras armé... C'était vraiment pas de la camelotte.

Hum... Laisse-moi deviner... Déjà devait y avoir de la baston. Parce que t'es pas le genre de mec à enchaîner les entretiens d'embauche pour devenir chef sécu des bars de Port Salem, j'me trompe ?

Miss RedPantyhose. La patronne. Ma cliente. Une femme que je n'arrivais pas à cerner, malgré l'après-midi passée en tête à tête avec elle. Je rigole alors qu'une théorie me traverse l'esprit.

Alors... Mon pari, c'est ça : vous vous êtes rencontrés dans les FFUC. Elle t'a défoncé au combat. Et c'est là que t'es tombé amoureux. Alors quand t'as fini ton service, bien après elle, et que t'as vu qu'elle avait un bar dans ce coin paumé, t'as sauté sur l'occasion.

Théorie complètement farfelue, okay... Mais imaginez un peu le potentiel dramatique si jamais elle était vraie !

Même moi je ne pensais pas pouvoir éclater d'un rire plus tonitruant que celui de tout à l'heure. Les passants ont vraiment l'air inquiet. Mais certains me reconnaissent et se rassurent un peu. Un peu.

- Ha ha ha. T'y es pas du tout, blanc-bec. Elle a jamais mis les pieds dans les FFUC. Quand je l'ai vu la première fois, elle tenait déjà ce bar. Quand je suis entré, j'ai commandé à boire comme un client normal. Et à un moment je vois des trinitaires qui sortent du pièce en suivant une Mo'At super bien foutue. Tu sais de qui je parles, héhé.

Un petit coup de coude bien placé dans son bras. Avec ma prothèse cybernétique, je lui est peut-être cassé un truc...Boarf, tant pis. Bon j'en étais où ? Ah oui !

- Ils la collaient beaucoup trop. Et elle fonçait vers le comptoir. Une fois à côté de moi, elle se penche - je te laisse imaginer la VUE - pour attraper un sabre mono-filament et les menacer. Ni une ni deux, ils dégainent leurs armes et commencent à l'attaquer. Le barman reste de marbre et ça m'a intrigué. Après quelques questions, il m'explique qu'elle faisait ça 2 ou 3 fois par semaine. J'ai souri et j'ai plongé dans la mêlée. Quand ils étaient tous au tapis, je lui ai demandé si elle connaissait d'autres trinitaires à tabasser. Elle a ricané. On a bu des bières et elle m'a embauché le soir-même.

HA ! Je savais bien que ça parlerait de baston ! Ces deux-là sont aussi gratinés l'un que l'autre, bon sang...

Y a des mariages qui commencent moins bien que ça, héhéhé... Vous êtes complètement barrés, tous les deux. Et venant d'un ex-pirate, c'est pas des conneries !

Et me voilà arrivé à la navette qui doit me ramener à l'endroit où je crèche. Il est temps de dire au revoir.

Bon, c'était un plaisir de faire la connaissance du fameux "Chasseur de pirates" ! Merci de prendre soin de la patronne. C'est toujours sympa de savoir que la clientèle ne risque pas de s'évaporer de si tôt...

Je cesse de tenir le bras qu'il vient de défoncer joyeusement à coup de coude pour lui tendre la main. Bon sang, je suis sûr que j'aurais un bleu... Quelle grosse brutasse !

Et c'était pas mal de voir un pro à l'œuvre. Encore désolé pour le plafond. Sans rancune ?

Je lui serre la main. Pas au maximum de ma force. Ce blanc-bec va encore en perdre son bras, si je m'acharne dessus, hé.

- Sans rancune, NoseBroke. À la revoyure.

Et le voilà qui décolle.

Sacrée soirée ! Une bonne bagarre, la patronne qui gagne un partenaire commercial et moi un "copain de jeu". Un fils de pirate devenu fixer...? Humm...

Mais alors son mentor c'est son père ? Ou non ? Est-ce qu'elle le sait ? Argh, le mal de tête. Ça m'apprendra à pas suivre les conversations.

Quelques minutes de marche plus tard, me revoilà dans le bar. Les poivrots ont été dégagé. Les employés nettoient le sol et les tables tandis que le barman ramènent de la vaisselle et des boissons de la réserve.

Depuis la rambarde de l'étage du dessus, la patronne me regarde en souriant. Elle retourne dans son bureau en roulant du derrière d'une manière qui se veut univoque.

Elle veut du sexe et je DOIT la rejoindre illico.

Comme je l'ai dit : sacrée soirée !

Avant que j'atteigne l'escalier, un groupe de clients rentre dans le bar et commence à s'étonner de l'état des lieux.

- Mais c'est quoi ce foutoir ? Il s'est passé quoi ? Steve, tu nous expliques ?

hé hé.

- Alors c'est l'histoire d'un chasseur et d'un voleur qui rentre dans un bar...