Etat Major 1

La salle de réunion réservée aux officiers était une grande pièce au centre de laquelle trônait une table ovale percée en son centre d'un projecteur holographique permettant d'afficher des plans et des simulations avec un détail assez impressionnant. Autour, les sièges avaient été pensés pour être confortables en prenant un minimum de place et, sur les murs, en décoration, se trouvaient de nombreuses cartes des différentes planètes du système de Dorado. Il n'y manquait que Providence, remplacée pour l'occasion par un cadre blanc pour en marquer la place. Un jour, ils s'y rendrait et la salle aurait son unité. En attendant... en attendant il y avait du travail.

Arrivé le premier, Jaziel avait veillé lui-même à ce que tout soit exactement comme il le désirait. Les dossiers de chacuns étaient à leurs places avec les informations dont ils avaient besoin, il avait prit soin de séparer Seik'el et Valmont de plusieurs places et mit Ichabod au milieu, au cas où. Les deux Montoya étaient à sa gauche, fille d'abord, père ensuite. Leofstan dans le fond, pour lui permettre de quitter théatralement la réunion si l'envie lui en prenait... les autres placés également en fonction des affinités et des rôles de chacun.

Petit à petit, ponctuels, les hommes et les femmes qui formaient le cœur de l'Iceberg entrèrent dans un calme relatif. L'ordre du jour envoyé à chacun était succint et ne contenait que deux points :

• Préparation tactique des prochains mois
  
• Points à mettre à l'ordre du jour la prochaine fois
  

Une fois tout le monde assit et (à peu près) silencieux, le Capitaine pris la parole.

« Comme vous le savez, les attaques de l'Iceberg sont en général décidées en concertation avec les Maîtres Artilleurs, le Quartier-Maître, les besoins de l'Intendance et des machines, les opportunités et une certaine neutralité dans le choix de nos adversaires. Toutefois, dans les prochaines semaines, non seulement le rythme des abordage va drastiquement augmenter mais nous feront des sélections tactiques, visant principalement les pavillons de l'Union Corporatiste et de la Trinité. Pour ce faire, nous aurons parfois recours à des subterfuges qui pourront nous mener à battre le pavillon de l'un ou de l'autre en fonction des circonstances. Cela veut dire plus de butin, bien sûr, mais également une augmentation des blessés, des besoins en réparation et surtout des entretiens tactiques récurrents. Des questions ? »

Il n'avait pas terminé, tous le savaient mais il était fréquent, pour Jaziel, de s'interrompre au milieu d'un déroulé logique pour s'assurer que tous l'avaient bien suivi. Ici, entre ces murs, les questions étaient autorisées voire encouragées. Si cela avait été devant tout l'équipage, par contre, la question aurait été pure réthorique.

Valmont était présent et se retenait à grande peine de mettre les pieds sur la table. Ça ferait désordre. Il écoutait en silence le Capitaine. Ce n'était définitivement qu'une moitié de discours, pourquoi cette soudaine décision ? Quelque chose les intéressaient plus chez les deux factions en lien ? Plus d'abordages étaient une bonne chose pour lui, mais si c'était juste se mettre à dos deux factions pour le plaisir de le faire, il n'apprécierait que moyennement de laisser tranquille les impériaux, détenteurs d'une technologie bien plus intéressante que ce qu'il pourrait trouver dans les vaisseaux Trinitaires.

Il fixa Jaziel, attendant la suite.

Déjà plus ou moins mise au courant par le capitaine du Liberty, Seik'el n'a pas été surprise outre mesure de la convocation. L'annonce officielle lui fait quand même hausser un sourcil. Battre pavillon corporatiste ? Battre pavillon trinitaire ? Brrr. Elle a réfléchi, consulté l'état des comptes et des stocks avant de venir. Le butin fera pas de mal, mais avant de se lancer là-dedans faudra refaire le plein de tout en fonction de l'activité accrue - carburant, provisions, munitions, secours - et même s'ils peuvent se le permettre parce qu'elle est là pour veiller à ce genre d'éventualités, et qu'elle veille à toujours avoir de la marge au cas où, ça va faire mal aux caisses. Elle se contente de hocher légèrement la tête, en silence, pour dire qu'elle a pas encore de question. Il a forcément pensé à ce genre de détails. La vraie grande question, c'est l'objectif de cette opération combinée avec le Liberty. Le changement de stratégie est pas anodin et implique des objectifs inhabituels.

Ichabod s'installe, entre la métisse et le chef mécano... Ce qui ne l'étonne pas et qui ne le dérange pas non plus, même s'il doute qu'il se passe quelque chose entre eux en plein état major de l'Iceberg. Enfin, à moins de vouloir mourir abandonné sur un astéroïde... Ce qui serait leur problème. Il n'aurait pas les pouvoirs de faire quoi que ce soit pour eux, même en tant que quartier maître. Pour sa part, il n'a rien à dire, et reste silencieux en attendant que la réunion commence, se contentant d'un signe de tête pour saluer les gens.

La nouvelle lui arrachera un froncement de sourcil. Puis un haussement de sourcil. Mais il laisse le discours se terminer. Ou se mettre en suspend en attendant d'éventuelle question. Il n'a jamais aimé cette manie de laisser l'opportunité de poser des questions quand la seule qui vient à l'esprit, réside dans le fait qu'il n'a visiblement pas terminé de parler. Mais c'est un des rares défauts de son Capitaine, qu'il a accepté depuis un moment déjà.

Son regard gris reste calmement mais curieusement posé sur Jaziel. Sa main de métal est posée sur la table, sur le dossier qu'il n'avait pas encore ouvert. Et sa voix coupe le silence court qui vient les faire saliver d'entendre la suite.

" Pourquoi un tel changement, Capitaine ? "

Ils restent pour la plupart silencieux, les yeux fixés sur lui, attendant d'en savoir plus. L'interrogation par le silence est l'une des techniques préférées du Capitaine de l'Iceberg qui s'intéresse de voir ses officiers apprendre. Finalement, c'est Ichabod qui endosse le rôle de donneur de réplique. Il est important aussi de laisser une certaine interactivité aux réunions pour empêcher l'auditoire de dormir. Ils apprendront. Il pose tranquillement ses mains à plat sur la table.


« Pour un chargement de Durilium. »

Il laisse quelques bouts de secondes pour laisser pénétrer le potentiel richesse de ces simples mots. Le Durilium. ET la possibilité d'attirer sur l'Iceberg l'attention des Seigneurs Pirates. Mais ça, il préfère ne pas en parler pour le moment, il ne veut pas vendre du vent à ses officiers.

« Dans quelques semaines, l'Iceberg s'alliera provisoirement au Liberty et à un autre bâtiment afin d'attaquer un transport de ce minerai. Le butin sera réparti selon le Code. Afin de pouvoir mettre en place notre stratégie, nous avons besoin d'une tension ouverte entre la Trinité et l'Union Corporatrice. Nous allons donc faire des attaques ciblées dans le but d'augmenter les dissensions. Nous commencerons dans deux semaines avec l'abordage de l'Incognita. »

Une fois encore, il laissa passer un léger silence, assez long cette fois pour de possibles remarques.

Un sourire passa sur les lèvre de Valmont tandis qu'il fit un mouvement de la main. Il laissa s'échapper un sifflement admiratif.

"C'est pas de la petite opération, ça, Cap'taine. Et pas un butin habituel. Les sources sont sûres ?"

Toujours se préparer à une mauvaise information, c'est certain que chez les pirates, on avait pas les moyens d'un centre d'espionnage digne de l'imperium. Valmont ne connaissait que trop bien les trésors officiellement à portée de main, et finalement, pas tant que ça. C'était long et coûteux de travailler sur des dissensions, autant être sûrs de revoir venir l'investissement.

Du durilium ? Merde alors ! Les crédits défilent à une vitesse vertigineuse derrière ses iris brillants, au moins aussi stimulés par le bénéfice possible - même si ça se revendra pas n'importe où, à n'importe qui - que par la possibilité que l'Union Corporatiste mette une raclée à ces ordures de Trinitaires. La question - et son accent - la fait redescendre sur terre. Elle imagine pas le Capitaine se lancer dans une opération de cette envergure sans des renseignements parfaitement fiables. Contrairement à d'autres, c'est pas le genre à risquer sa peau et celle de l'équipage pour des chimères. Deux semaines avant la première attaque, ça laisse le temps de se ravitailler. Tout ça... ça va faire mal. En plus se faire passer pour des Corporatistes ou des Trinitaires - brrr - en restant crédibles, ça implique de tout régler au canon, de se priver des femmes et des Mo'ats pour rester crédibles lors des abordages... ou de pas faire de prisonniers. Dans le premier cas difficile de se réapprovisionner dans les soutes du vaincu, dans le deuxième et le troisième les pertes seront plus sévères. Dans tous les cas, il faudra des réserves.

"C'est quoi le but des tensions exactement Capitaine ? Une diversion ?"

De son point de vue, ça risque aussi de renforcer l'escorte du transport, justement. Sinon quoi, désorganiser les routes commerciales ? L'obliger à prendre un autre itinéraire ? La tactique c'est pas vraiment son point fort, surtout à cette échelle.

Ichabod n'a jamais été un pro de la tactique. Sans éducation, il a tout appris à la dure sur un vaisseau pirate et s'il n'en est pas plus bête qu'un autre, s'il sait comprendre les sous-entendus d'un Capitaine cherchant à faire des manœuvres de diversion et des alliances rentables, il n'est pas du genre à planifier ce genre de chose lui même à moins qu'on le lui demande. Pour l'heure, il est là pour analyser ce que cette tactique aura comme influence sur le comportement de l'équipage. Jaziel de Nieves ayant toujours été un Capitaine mystérieux, et si son équipage n'en est pas moins conscient, il sentait des heures supp à devoir répondre à leurs inquiétudes arriver. Mais le nom du Liberty calma tout de même ses pensées. Conrad Stackborn n'était pas forcément très connu dans le monde de la piraterie, mais lui l'avait connu alors qu'ils étaient ados... Un peu.

Il laisse la parole aux autres, jetant un regard à Valmont et sa question, doutant que leur Capitaine se lance dans un tel combat sans une source digne de ce nom.

L'intérêt sembla réveiller les officiers qui se mirent à poser des questions. Intéressant de voir que Valmont s'intéressait aux sources plutôt qu'à des considérations techniques. Il apprenait. Et Seik'el, elle, se positionnait du côté tactique pur. C'est ce qu'il aimait dans son noyau. Un groupe de gens qui pensaient au delà de la case de leurs positions respectives. Il attendit que le silence revienne dans la salle et reprit.

« L'opération est pilotée par le Liberty, les sources que j'ai viennent de lui. Je lui ai demandé de se renseigner sur le type exact de galion que nous aurons à affronter afin que nous puissions adapter l'Iceberg en rapport. Il pourrait vouloir profiter de l'attaque pour se débarrasser de nous. Je ne le pense pas dans cette optique. C'est un Capitaine confirmé qui tient à son équipage aussi je lui fais raisonnablement confiance. »

Cela ne voulant pas dire qu'il n'allait pas faire son possible pour protéger son vaisseau avant tout en cas de coup dur, évidemment. Surtout si le Nemesis était dans les parages.

« Le but des tensions est d'occuper les corsaires et les militaires des deux camps afin que ceux-ci nous laissent le champs libre. Une guerre ouverte serait dommageable au commerce et pourrait changer les habitudes des chargements aussi nous devons bien doser notre opération. C'est notre mission pendant que le Liberty va aux informations. »

Il regarde le groupe, curieux de voir s'il y a d'autres questions avant de poursuivre avec l'Incognita.

Conrad ? Pourquoi pas. Valmont considérait le capitaine Stackborn comme fiable au niveau du code. Ils étaient tout les deux flammes exaltées, la trahison n'était pas parmi leurs lignes de conduite. Il croisa les mains devant lui et commença à calculer mentalement les manières existantes de prendre un galion -souvent extrêmement coûteuse même avec une bonne hacker-. Une grimace passa d'elle même sur son visage.

Il croisa les bras et écouta ce que le Capitaine avait à dire pour la suite. Pas de questions pour sa part.

Hm. Elle a pas de raison rationnelle et logique de douter de la fiabilité des sources du capitaine du Liberty ou de ses intentions... mais quand même, pour ce qu'elle en sait elle aurait préféré que la source soit plus proche du Capitaine. Une confiance "raisonnable", somme toute...

Pas d'autre question de son côté, elle se contente donc de hocher la tête en réponse aux explications.

Il ne peut s’empêcher, pendant le discours du Capitaine, d'être un peu pensif tout en écoutant. Conrad Stackborn était un de ces vrais pirates, de ceux qui ont " la flamme ", la vraie. Il n'avait jamais été du genre à chercher la réputation à tout prix - et c'était un point qu'il appréciait chez son vieil ami. Aujourd'hui, il semblait passer à des choses plus sérieuses. Pour le gain, ou pour autre chose ?...

Il hoche lui aussi simplement la tête, pour faire signe qu'il a compris autant que pour signaler qu'il n'a pas de question jusqu'ici. Ca fait longtemps qu'il n'a pas revu Stackborn. Il ignore peut-être même sa présence sur le Liberty. Mais c'est un pirate avec qui il a apprécié combattre, jeune. Il est bien curieux de voir un jour prochain comment il a évolué dans ce domaine.

Plus de questions. Bien. On passe au problème suivant. Jaziel appuie sur un bouton et le shéma d'un vaisseau de transport de marchandise apparaît en 3D au centre de la table. « Notre première cible s'appelle donc l'Incognita. Il s'agit d'une base de transport marchand mais modifié pour de la cargaison vivante et possédant un arsenal assez semblable à celui de l'Iceberg. Ne vous fiez pas à son nom impérial, il s'agit bien d'un pavillon trinitaire spécialisé dans le transport d'esclave. Sa route est prévue pour passer juste là, dans deux semaines. » Autre image, celle d'un passage assez étroit peu connu des pirates car peu souvent emprunté par les gros vaisseaux, la menace de nuages de débris étant très importante. Il change d'image pour celle d'une vedette de nettoyage de l'UC.

« Vous avez ici l'Iron-k. C'est une vedette corporatrice qui vient une fois par décade environ attraper ce qu'elle peut de déchets en métal pour les transformer. Elle appartient à un groupe autonome de jeunes gens qui revendent ensuite les matières premières au gouvernement mais elle est dirigée par le petit-fils de quelqu'un d'important. Elle passera au point de rendez-vous la veille de l'Incognita. »

Il inspire.

« Le plan consiste, dans les grandes lignes, à intercepter et détruire l'Iron ainsi que la totalité de son équipage Puis, un pilote indépendant que j'ai engagé se fera passer pour l'Iron ayant des problèmes matériels. Au moment opportun, il fera diversion et tentera de désactiver au mieux les armes de l'ennemi. Des questions ? »

Valmont leva la main.

" Comment le pilote désactivera les armes ennemies ? Hacking ? Mise hors service ? "

Car si c'était le pilote qu'il connaissait, il ne se souvenait pas l'avoir vu pratiquer quoique ce soit en lien avec des système de sécurité outra vaisseau.

Des esclavagistes. L'espace d'un instant, la métisse qui n'était qu'attentive présente soudain une irrésistible ressemblance avec un félin hérissé prêt à bondir. Un instant seulement, elle reprend vite une attitude plus convenable - seul son regard brûle plus qu'avant, et ses mains sont encore un peu crispées sur la table.

"Vous comptez bien libérer les esclaves Capitaine ?"

Et pas, genre, les sacrifier pour qu'ils divulguent rien sur la véritable nature de leurs sauveurs ou autre considération tactique. En temps normal elle aurait pas posé la question, mais là, vu les intérêts en jeu, il pourrait estimer que c'est un sacrifice nécessaire. Alors c'est une question rhétorique, posée sur le ton de l'évidence, mais il lui faut absolument la réponse.

Le menton pensif d'Ichabod se posera sur sa main de métal fermée dans un poing d'acier qui, quelques uns sur l'Iceberg peuvent en témoigner, a un crochet assez redoutable à elle seule. Mais pour l'heure, c'est juste un repose tête.

Le regard calme du Quartier Maître observe les schémas, et les vaisseaux qui seront les acteurs (et victimes) principales de la première partie du plan de De Nieves et Stackborn. Il ne manquera pas le sursaut de Seik'el et l'interrogation légitime de Valmont. Pour sa part, il n'a pas de question, juste un peu de pitié pour les membres d'équipage de l'Iron-K... Qu'il chasse vite d'un mouvement qui lui est presque automatique, celui de se gratter doucement la joue de ses doigts métalliques. Pensivement. En attendant les réponses aux questions et donc en tournant ses yeux gris tempête sur le bloc de glace qui est leur Capitaine.

Il n'aurait pas eu tant besoin de poser la question, mais il comprend les motivations de la mo'at tout à coup sur le qui-vive.

Valmont d'abord, leva la main et reçu la parole.

« Je lui ai laissé carte blanche quant aux moyens. J'avais proposé les armes mais il semblait avoir une autre idée. Nous avons convenu d'un code au cas où sa méthode ferait long feu et, dans ce cas là, nous organiserons l'abordage de manière moins frontale. Dans tous les cas, ordre est donné au pilote indépendant de rester assez proche de la carlingue ennemie pour affoler ses senseurs et ses officiers et nous devrions dans tous les cas profiter de l'effet de surprise. »

Puis, comme par un mouvement de balancier, ce fut le tour de Seik'el pour une question totalement différente. Le premier s'intéressait à la technique, la seconde à l'humain et il avait besoin des deux pour fonctionner.

« Evidemment. Libérer les esclaves trouble l'économie trinitaire. Nous les relâcherons dans un astroport Corporatiste. A eux ensuite de les intégrer dans son système ou de les renvoyer sur Renaissance. Dans tous les cas, un apport soudain d'affranchis mettra à mal leur système ultra administratif ce qui ne peut qu'agacer les hautes sphères. Cependant, nous ne pourrons pas leur proposer une place sur le vaisseau et cela voudra dire, évidemment, maintenir l'illusion Corporatrice jusqu'au dépôt de nos invités. Ainsi, s'ils parlent, ils corroboreront la version que nous voulons véhiculer. »

Il fit une nouvelle pause, répondant aux autres questions au fur et à mesure jusqu'à s'assurer qu'il n'y en ait plus.

« Valmont, Seik'el, Ichabod, avez-vous des requêtes de personnel ou de matériel ?»

Valmont croisa ses nains sur l'un de ses genoux tandis qu'il réfléchissait. Les abordages étaient monnaie courante lorsqu'on est pirate, Sei'kel savait déjà quelles étaient ces demandes dans ces cas là et rien dans le plan ne changeait véritablement.

" Le plan devrait demander peu de ressources de mon côté s'il est correctement exécuté. La liste habituelle des abordages devrait suffire, composant de soudure, réserve de crysta... Je ne vois pas de demande particulière."

Seik'el a compris depuis longtemps, depuis le premier jour, le premier instant où elle a vu les yeux de glace du Capitaine, qu'il libérait pas les esclaves par conviction, parce que c'était bien, ou simplement par pitié. Des convictions, du sens moral, des sentiments... il en a certainement, le Capitaine, mais c'est pas ça qui le fait agir. Il y a toujours une autre raison, qu'il lui a donnée très vite. L'utilité. C'est peut-être le seul point sur lequel elle pourrait oser émettre un désaccord profond envers la politique de Jaziel de Nieves, mais ici, maintenant... qu'importent les motifs, tant que le résultat est là : les siens, libres, enfin, et les Trinitaires anéantis. Elle hoche la tête aux explications, silencieuse, rassurée et frustrée. Ca sera pas facile de laisser partir tous ces gens sans rien révéler de la véritable nature de leurs sauveurs, sans leur permettre de rester à bord. D'un autre côté... l'Union Corporatiste croulera peut-être sous les demandes, c'est peut-être le but, mais tout vaut mieux que rester aux mains de ces monstres à visage humain.

"Il faudra du surplus de vivres et - je pense, Docteur ? - de matériel médical. Pas sûr que les stocks des esclavagistes suffisent. Donc une escale au moins, pour compléter les stocks en fonction des besoins des collègues."

Elle dit pas "la prochaine fois Capitaine, prévenez-nous avant qu'on décolle, ça facilitera le réapprovisionnement", et ça s'entend pas dans sa voix, mais elle le pense très fort.

Les abordages sont monnaies courantes, en effet. Même si l'envergure est bien plus grande cette fois-ci, et l'enjeu bien plus important, il ne faut pas sous estimer le poids des alliés dans la bataille à venir... Le Quartier Maître réfléchit lui aussi. Si c'est plutôt au maître d'abordage d'évaluer le niveau de ses hommes en terme de combat, il a noté certains points depuis les derniers recrutements... Cependant, il attend un moment avant de prendre la parole, après avoir laissé le temps à Idayo de le faire ou non.

" Je peux aider à entraîner certaines des nouvelles recrues avant le grand jour. Autant que tout le monde soit préparé, et pas uniquement les équipes d'abordage. "

Le Capitaine connaît son point de vue là dessus. Tout le monde doit être capable de se défendre un minimum sur ce navire.

Augmentation de blessés. Le doc’ n’était pas particulièrement ravi d’entendre ça, mais bon, fallait pas devenir médecin en chef sur un vaisseau pirate si c’était pour râler au nombre de blessé. Les bisounours, c’était trois galaxies plus loin. Il laissa les autres poser leurs questions. Adepte du silence, il faisait confiance à son capitaine et n’allait pas remettre en cause ses décisions, même si un sourcil arqué indiqua sa surprise. C’était pas un plan ordinaire, pas un butin ordinaire. Bon, c'était prometteur dans l'ensemble.

Il profita à l’intervention de Seik’el de lever la voix.

– J’veux le plein du matériel médical. Vous avez tendance à vous faire facilement très mal.

Il ajouta, après quelques secondes de réflexion :

– Puis, j’veux vot’promesse que vous allez faire gaffe au moins un peu. Pas que j’aime pas mon boulot, mais j’aimerai éviter de recoudre des potes qui sont revenus en pièces détachées.

Toujours fidèle à lui-même, sous son air grognard, le doc’ tenait à chacun d’entre eux, même les plus chiants. Il retomba dans son silence de vieux ours ronchon.

Il note tranquillement les demandes des uns et des autres. Quelques promesses grognées répondent à la demande du Docteur alors que d'autres l'ignorent. Les débats continuent un peu plus longuement, chacun commençant à faire sa liste de course à la volée, comme souvent, ou discutant déjà des risques. Après un bref rappel à la confidentialité envers l'équipage jusqu'à l'annonce officielle, Jaziel termina ses notes, se leva et laissa ses officiers à leurs plans sur des comètes.