Serenata immortale

Allongée sur le divan capitonné, Jadis termine un énième article scientifique anesthésique. Avec un soupir, elle éteint l’écran de lecture et le dépose au pied du fauteuil en cuir ; une antiquité qui lui a coûté un bras mais qui complète son bureau de manière remarquable. Bras croisés sur un ventre au galbe parfait, elle observe les détails du plafond de la cabine. Jadis dispose sans aucun doute des appartements les plus spacieux en dehors de ceux de Jezabel et sa compagne. Pourtant, enfoncée dans les capitons de son fauteuil, elle ne s’est jamais sentie autant à l’étroit. Quelque chose la tiraille, au fond d’elle-même.

Au début, elle a cru que c’était le mal de l’espace. Après tout, cela fait une paire de mois qu’ils voguent dans le vide intersidéral mais maintenant qu’ils sont à l’approche de Tortuga, elle sait qu’autre chose se trame. La jeune femme soupire et ferme les yeux. Le sommeil ne veut pas d’elle mais elle se refuse aux narcotiques. Elle songe alors aux bouteilles disposées au fond d’un caisson sécurisé de sa bibliothèque. L’idée est tentante mais l’absence de motivation plus encore.

Il aura fallu trois coups portés à sa porte pour la sortir finalement de sa léthargie. Dans un sursaut, Jadis s’extrait du fauteuil. D’un simple ordre de sa part, le verrou de la porte saute. Elle se redresse, défroisse les plis de sa chemise tandis que la porte s’ouvre dans un bruit feutré. C’est la silhouette de Nadya qui s’y dessine. D’un coup d’œil, Jadis détecte des signes d’anxiété. Elle s’écarte de son fauteuil pour désigner le bureau et les chaises qui s’y trouvent de part et d’autre. La seconde du Némésis refuse l’invitation du médecin de bord sans un mot. Elle s’est avancée de quelques pas mais reste plantée devant l’entrée, déjà prête à repartir.

Le tiraillement reprend et Jadis sait maintenant qu’il s’agissait d’un pressentiment. Elle n’a pas prononcé un mot pendant les explications - plus ou moins claires et saccadées - de Nadya. D’un signe de tête elle acquiesce et enfile sa blouse. Elle attrape ensuite sa sacoche de médecin et emboite le pas de la jeune femme. La porte de sa cabine se referme derrière elles sans un bruit. Pendant toute la durée de la traversée, elles demeurent silencieuses.

Jezabel est allongée sur leur couchette, le teint aussi pâle que les draps défaits autour d’elle. Ses traits se sont creusés depuis la veille. Maintenant Jadis sait qu’elle n’est pas la seule à mal dormir dans ce vaisseau. Elle bat lentement des paupières pendant qu’elle s’approche du capitaine du vaisseau. Elle s’agenouille auprès du chevet et ouvre sa trousse médicale pour déballer ses appareils de diagnostics en ignorant les deux femmes à ses côtés ; l’une patiente, l’autre observatrice inquiète. En attendant les résultats, elle procède à d’autres examens. Les plis sur son front s’épaississent progressivement. Elle n’aime pas vraiment ce qu’elle apprend.

- T’as vraiment une sale mine, finit-elle par lâcher.

La nuit a ça de particulier qu'elle est interminable au cœur de l'espace ; l'obscurité est devenue une amie qui m'est très chère, et j'aime y plonger corps et âme lorsque mes démons et responsabilités décident de ne me laisser aucun repos. Ces derniers temps, j'ai la santé fragile. Voilà plusieurs semaines que je me sens faible et fragile, comme une enfant encore peu assurée ; cependant, je ne puis me permettre de montrer cette image-ci à mon équipage. Alors je passe davantage de temps dans ma cabine, non loin d'une corbeille capable d'accueillir ce dont mon corps ne veut plus.

Puisque je refuse que mes proches s'inquiètent ou ne me voient en cet état, je me mure dans le silence et une solitude que je qualifierai de confortable - voire reposante. La charge immense que me confère mon rôle de capitaine et les récents objectifs que nous avons fixé, ont permis de m'offrir une échappatoire ; voilà des jours que je prétends être trop occupée pour croiser Nadya plus de quelques minutes par jour. Cependant, ce soir, elle a insisté. J'ai insisté également ; les tons se sont échauffés, jusqu'à ce que ma tension ne faiblisse. Me voilà désormais allongée sur mon lit, les visages inquiets de Nadya et de Jadis bien trop proches à mon goût. Je repousse délicatement l'emprise de ma médecin, et me redresse, jusqu'à m'asseoir sur le bord du matelas.

- Je vais bien, merci. Je suis simplement épuisée. Une bonne nuit de repos fera mon affaire, voilà tout.

- Ouais...fatiguée, lâche-t-elle sans quitter des yeux les résultats sur l'écran.

Vraiment rien d'engageant. Lentement, son regard remonte vers Jezabel. Les lèvres pincées, elle l'observe quelques secondes avant de détourner le regard en direction de Nadya. L'appareil de prélèvement se met à sonner. Jadis glisse l'éprouvette dans une poche de sa blouse, débranche ensuite les sondes de mesure avant de les ranger rapidement dans son nécessaire médical puis se redresse avec lassitude.

- Sans doute un peu de surmenage mais j'ai besoin de faire des tests complémentaires pour en être certaine.

Elle baisse le regard vers la silhouette allongée. Ainsi prostrée, le teint livide et les traits tirés, elle ne reconnait pas la vaillante capitaine du Némésis.

- Faut que j'analyse tout ça d'abord. Rejoins-moi dans mon bureau d'ici une heure.

Malgré la présence de Nadya, Jadis ne s'est pas embarrassée de la distance protocolaire avec laquelle elle traite habituellement son amie. Même si elle n'a jamais été très proche de sa fiancée, elle ne s'est jamais cachée de son amitié avec Jezabel. Tant qu'elles ne se mêlaient pas des affaires de l'autre...

- Jezabel a besoin de repos cependant, il vaut mieux la laisser seule.

Avant de prendre congé et de quitter la cabine, Jadis se retourne vers cette dernière. Elle rive son regard dans le sien et, d'un ton sans appel, donne ses dernières consignes :

- D'ici là, pas d'alcool ni de somnifères sinon je ne pourrais pas doser de traitement. A dans une heure.

Je l'écoute me proférer ses conseils et m'inviter expressément à venir dépenser le temps que je ne possède nullement en examens médicaux futiles. Il est certain que si la médecin avait été quiconque d'autre que Jadis, je l'aurais envoyé paître sans autre forme de cérémonie. Cependant, j'ai une entière confiance en cette femme, qui me suit depuis longtemps déjà dans mes pérégrinations.

- Tu sais parfaitement que je ne bois jamais d'alcool, dis-je d'un ton presque agacé.

Pourquoi diable ressent-elle le besoin de préciser cela ? J'attends que les deux femmes soient sorties de la pièce pour me redresser. Je me sens encore nauséeuse, et quoi que je ne sois en rien inquiète, cela m'handicape plus que de raison pour les nombreuses tâches qu'il me faut faire. Nadya n'est nullement plus rassurée, et cela me confirme que prendre mes distances avec elle est ce qu'il y a de mieux à faire pour l'heure. Lorsque le moment est venu, je me vêtis convenablement, et me rends jusqu'à l'infirmerie. Je donne un coup protocolaire dans la porte, avant d'entrer dans l'endroit.

- Jadis ? Me voilà. Il faudrait faire vite. J'ai encore beaucoup à faire, et je ne peux décemment pas me permettre de perdre mon temps inutilement.

La porte s’ouvre pour laisser entrer la capitaine du vaisseau. Penchée sur une table de travail, Jadis termine de décoder les résultats de l’analyse. Elle se tourne vers son amie et d’un mouvement du menton accompagné d’un sourire, elle l’invite à s’asseoir face à son bureau.

- Ca tombe bien, je n’aurais pas besoin de faire d’examens complémentaires.

L’invitation n’était évidemment qu’un prétexte. Les résultats de l’analyse sanguine confirmaient ce que la médecin craignait. Elle s’assoit à son tour et s’accoude directement sur son bureau afin de poser sa tête entre ses deux mains. Sans aucune gêne, elle plonge ses yeux dans ceux de Jezabel.

- Les nausées, la fatigue…c’est parce que tu es enceinte, Jez’.

Elle plisse les yeux sans arrêter de sonder ceux de son amie.

- Ca tu dois le savoir, j’imagine…

Après tout, elle n’en était pas à son premier coup d’essai.

- La question la plus épineuse, que je me sens obligée de te poser, c’est : qui en est le père ?

De toute évidence, Nadya n’avait rien à voir dans cette conception...

Je suis de prime abord soulagée lorsqu'elle m'annonce qu'il n'y aura point d'examens supplémentaires. Ils sont pour moi une immense perte de temps que je ne saurais me permettre que pour des situations extrêmes. J'ose croire que Jadis l'a parfaitement compris au fil du temps, et qu'elle en tient compte lors de nos rencontres. Voilà que, sans d'autres formes de procès, elle m'annonce que je suis enceinte. Le choc est tel que je demeure coite plusieurs secondes durant, avant de rire affectueusement.

- Tu dois faire erreur, Jadis. Être enceinte à mon âge relèverait du miracle... Ou peut-être bien de la malédiction. J'ai toute confiance en ton jugement et en tes fabuleuses capacités médicales ; cependant je crains que nous assistions ici à ton premier échec.

Cependant, je demeure perturbée par ce diagnostique improbable. Mon état ne ressemble nullement à celui dans lequel je me trouvais durant mes deux premières grossesses. Et pourtant... Quelques détails alimentent un doute que je ne parviens nullement à écarter tout à fait. Comment cela aurait-il pu arriver ? Avec qui ? Mon ventre est encore si plat que je doute être enceinte depuis plus de quelques semaines. Cependant, mon état de faiblesse à commencer il y a bien plus de temps que cela... Aussi, mon regard cherche à nouveau celui de Jadis, attendant désespérément qu'elle m'annonce qu'elle s'est fourvoyée.

Haussement de sourcil, Jadis n’est pas bien sûre de suivre son amie. Plutôt qu’un froncement de sourcils contrarié, elle lui répond d’un sourire désabusé. Visiblement, la surprise est partagée.

- J’aimerais pouvoir me tromper, Jez’, j’voudrais bien te dire que ces machines, elle désigne d'un geste de la main le laboratoire portatif déployé sur la table derrière elle, ne sont pas vraiment fiables.

Elle marque une pause, la mine soucieuse. Comme à son habitude, dans ce genre de situation, elle plisse les yeux et se mord l’intérieur de la lèvre.

- En dépit de ton âge et du fait que ta fiancée n’ait pas l’appareil requis pour ce genre de miracle, tu es enceinte. La fatigue, les nausées...même les changements d’humeur, ce ne sont que des conséquences de tes premiers mois de grossesse.

Evidemment, elle pourrait enchaîner sur la série de questions habituelles pour ce genre de situation. Elle pourrait se renseigner sur l’identité du géniteur ou même demander ce qu’elle compte faire vis-à-vis du foetus, être en devenir. Pour l’heure, Jadis se contente d’observer son amie et d’attendre qu’elle digère l’information.

Malgré mon scepticisme, Jadis ne revient pas sur ses mots ; à l'inverse, elle m'assure une nouvelle fois qu'aucun doute n'est permis. Je sens mon cœur se serrer, et l'espace d'un instant, le monde tourne autour de moi. La réalité perd de sa consistance, mon corps devenir faible et incapable de supporter le poids de cette nouvelle. Ma main heurte le premier support à proximité capable de me soutenir, et j'entreprends laborieusement de m'asseoir - faute de quoi j'aurais tout bonnement chu sur le sol.

- Seigneur, soufflé-je.

Un millier de pensées se battent dans mon esprit, et leurs bruits insupportables ne me sont guère d'une grande aide pour réfléchir. Comment cela a pu se produire... Et par-dessus tout...

- Comment ai-je pu ignorer cela... Oh Seigneur... Oh Seigneur.

Le silence s'installe encore un instant, et un sanglot, unique, secoue ma poitrine. Mon poing serré couvre ma bouche, étouffe le son. A nouveau, je sens le vide s'ouvrir sous mes pieds, et s'emparer de moi avec un appétit vorace.

Sous les paroles du médecin, Jezabel vacille tandis que son visage perd de sa superbe. Une main sur le dossier de la chaise la plus proche, Jadis la voit se décomposer en l’espace de quelques secondes. Elle se penche en avant et lutte intérieurement pour ne pas se lever. Elle voudrait la rejoindre, lui prêter main-forte, la réconforter même. Mais elle connait les frontières de leur amitié et, plus encore, les besoins de Jezabel. Impuissante, elle se contente de la fixer d’un air contrit, son regard exprimant pour lui seul la douleur qu’elles partagent en cet instant.

- Personne ne s’y attend vraiment…

Elle se mort la lèvre intérieure. Sa formation de médecin l’avait préparée à surmonter les opérations les plus périlleuses. En revanche, lorsqu’il s’agissait d’aborder ce genre de situations, elle ne valait pas mieux qu’un autre. Jadis inspire, rassemble ses esprits, durcit sa pensée.

- A ton âge, une grossesse est surprenante, certes, mais pas improbable. En revanche, elle sera infiniment plus risquée que les précédentes. Si…

Elle marque un temps d’arrêt et déglutit. Sa voix a bien failli la trahir. Sourcils légèrement froncés, elle dévisage son ami sans rien lui montrer de ses propres failles.

- Si tu souhaites garder l’enfant. Il n’est pas encore trop tard pour se raviser. On arrive près de Tortuga, ce sera l’occasion pour moi de commander le matériel dont j’aurais besoin pour pratiquer l’intervention.

La violence de la nouvelle n'aurait su me laisser de marbre ; j'ignore comment les prochains mois vont se dérouler. Je ne saurais oublier que l'individu qui a attenté à la vie de ma Jillian est toujours parmi nous, sur le Némésis. Souhaitera-t-il également arracher la vie de ce petit être qui croît en moi ? Certainement. Il me faut m'y préparer, et plus que tout, je ne pourrais donner aucune occasion à quiconque de s'en prendre à moi de la sorte. Jamais je ne serais cette femme faible, cette capitaine lâche, cette ombre qui s'oublie et s'abandonne.

Mon regard se durcit lorsque Jadis me parle d'intervention ; de la détermination et une pointe de rage passent dans mes yeux de glace, tandis que je me redresse et que je recouvre ma posture droite et fière usuelle.

- Comment oses-tu seulement me proposer cela, Jadis ?

Je n'ai que faire de ses intentions ; aussi hautes soient mes appréhensions, je ne saurais tolérer ces propos. Si Jadis ne m'était pas si chère, il est certain que j'aurais eu bien plus de difficultés à me contrôler.

- Tu sais pertinemment à quel point j'ai souffert de la perte de ma première fille. Jamais je ne serais capable de mettre fin à la vie de la chaire de ma chaire.

Je m'adoucis, abaissant mon regard en direction de mon ventre, que je caresse tendrement.

- Comment pourrais-je encore m'admirer dans le miroir en ayant empêcher ce petit trésor de pousser son premier cri ? soufflé-je doucement

Jadis saisit à retard l’origine de l’ombre qu’elle aperçoit dans le regard de Jezabel. Mâchoires serrées et visage imperturbable, elle encaisse le choc. Aussi inattendue que l’orage, l’accalmie revient sous le coup d’un ton aussi tendre qu’une caresse. Le médecin fronce les sourcils, perplexe mais point surprise. Si elle n’est jamais passée par l’étape de la maternité elle-même, elle n’en ignore pas les particularités. C’est d’une voix faible, presque un murmure, que la jeune femme poursuit.

- La grossesse sera compliquée, Jez. Souviens-toi des précédentes justement...tu n’as plus le même âge, ton corps va devoir encaisser davantage.

Il n’y a aucun jugement dans sa voix, seulement la sollicitude d’une amie à l’égard d’une situation délicate.

- Il y aura des moments où tu devras accepter de ne pas pouvoir endosser pleinement ton rôle de capitaine.

Consciente d’avancer sur des charbons ardents, Jadis enchaîne sur un autre sujet.

- Le père est-il à bord du vaisseau ?

Plus tard, aussi, se poserait la question de Nadya. La seconde du Némésis n’était de toute évidence pas au courant.

Je demeure muette lorsqu'elle m'énonce l'évident - que, pourtant, j'aurais préféré ignorer. Il est vrai que mes grossesses ont toutes étaient fort délicates, et malgré ma grande santé et ma forme exceptionnelle, il me faut m'attendre à ce que les prochains mois soient compliqués à vivre. A vrai dire, à la réflexion, ils le sont déjà. Voilà plusieurs semaines maintenant que la maladie s'est emparée de moi, et que je me sens faible. Mais pourrais-je l'avouer ? Non, jamais. Jezabel Alvarez n'est nullement faible. Aussi, je souris à Jadis.

- N'aie crainte ; tout ira pour le mieux. Peut-être n'ai-je plus guère vingt ans ; cependant, l'âge m'a offert une toute autre force. Je parviendrais à mener à bien cette grossesse, et cet enfant vivra et fera honneur à mon nom.

Ma décision est prise, et rien ne saurait me faire revenir sur mes mots. Mon ton est sans appel. Malgré le lien qui m'unit à Jadis, je n'accepterais nullement qu'elle remette ma parole en doute.

- Non. Pour l'instant. Il viendra lorsque je lui aurais annoncé la nouvelle.

Du moins, osais-je l'espérer. Enguerrand de Cassagnac - parce que le père ne pouvait être autre que lui - était un homme solitaire et peu habitué à suivre autre voix que la sienne. Par le passé, j'avais déjà eu l'occasion de discuter avec lui, et de solliciter sa présence parmi nous. Il faut dire qu'il s'agit d'un combattant extraordinaire, et quiconque parvient à posséder une telle force sur son vaisseau possède aussi un avantage indéniable.

Jadis plisse les yeux et acquiesce. Elle ne peut que conseiller Jezabel, en aucun cas émettre des décisions pour elle.

- C’est ton choix et je le respecte, Jez. Je serais là tout le long, en cas de besoin. On fera en sorte que cette grossesse aille à son terme et que tout se passe bien.

Elle sourit doucement. Ses pensées dérivent déjà sur les préparatifs et les commande de matériel qu’elle devra faire quand le vaisseau aura atteint leur destination. Elle doit se préparer. Peut-être même réviser quelques bases sur la médecine obstétrique. Machinalement, elle pince sa lèvre inférieure entre ses doigts.

- Tu as encore du temps avant que ça se voit de toute manière. Suffisamment pour voir comment tu voudras annoncer tout ça aux gens concernés.

Elle lève un sourcil, intriguée par les derniers propos de son amie.

- Il viendra sur le vaisseau...et il y restera tu penses ?

Jadis n’avait aucune idée de l’identité du père. Certaines rumeurs courraient, assurément, sur la capitaine du vaisseau et ses conquêtes charnelles mais elle ne s’y était jamais intéressée.

Je me radoucis lorsque Jadis m'assure qu'elle fera le nécessaire pour que tout cela se passe au mieux. Seigneur, pouvais-je être plus heureuse et malheureuse à la fois ? Pouvais-je envisager qu'un tel cadeau du ciel s’abattrait sur moi ? Voilà qu'il me faut accepter que la situation puisse être terriblement catastrophique et infiniment belle tout à la fois. Qu'y a-t-il de plus beau qu'être maître de la vie - ou de la mort ? Qu'y a-t-il de plus laid et de plus douloureux que de voir la chaire de sa chaire se désagréger sous nos propres yeux ?

En guise de première réponse, j'hoche la tête - sans, néanmoins, revêtir l'assurance insoluble des jours heureux. Les paroles de Jadis sonnent juste ; j'ai en ma possession encore quelques semaines qui me serviront de préparatif. Comment m'assurer que l'assassin ne passera pas à l'acte d'ici-là ? Il me faut voir Hannabeth ; elle seule pourra m'aider dans une elle situation. Elle seule doit être mise au courant, pour l'heure. Elle et le père de l'enfant.

- Je l'espère, Jadis. Au moins jusqu'à ce que l'on retrouve l'assassin qui a attenté à la vie de ma Jillian. Tant qu'il se tiendra à mes côtés, fous devront être ceux qui me défieront. Je souhaite que tu demeures aux aguets, Jadis. Personne ne touchera à un seul de mes cheveux, ni à un seul cheveu de mes enfants sur mon propre vaisseau. Nous sommes ici chez moi, et je refuse de m'y sentir éternellement menacée.