Cherry wine [Sam]

La demande vient de Tad. Elle n'est pas très exigeante, elle lui fait plaisir, alors il a accepté de s'y plier. Il s'agit simplement d'inviter une jeune femme au restaurant et de laisser venir ce qui peut bien arriver. Il n'y a pas de paiement. Il n'y a pas de rôle à jouer. Il y a seulement une jeune dame brillante qui est un peu trop sérieuse mais qu'il peut apprécier, s'il le veut. Ce n'est pas obligé.
Mais il a envie de le faire. Parce que c'est son ami qui le demande, que la description faite de la dame l'intrigue, parce qu'il veut sortir aussi. C'est aussi simple que ça.

Il attend donc près du quai où est stationné le Liberty que sa compagnie pour la soirée le rejoigne. Ses cheveux sont détachés pour adoucir son apparence, sa barbe est parfaitement taillée. Il porte un pantalon blanc et une tunique grise ridiculement douce au dessus, des vêtements confortables et discrets qui ne disent rien de particulier sur lui. Il n'est pas un Compagnon. Il n'a pas besoin que Sam -elle s'appelle Sam, sa fille s'appelle Serge, Tad a bien voulu lui dire ça- pense qu'il a été embauché pour la détendre. Ce serait malvenu. Et faux. Quoi que ce serait drôle.
Imaginer son très régulier mais très inhabituel amant le vendre à quelqu'un le fait sourire tout seul. Il entend très bien ses justifications sur le fait qu'il ne sait pas vraiment mais qu'on lui a dit que le Compagnon est doué, ses arguments comme quoi il a été recommandé par des amis, son assurance qu'il n'est pas de cette équipe. Ce serait drôle à écouter. Le voilà presque déçu de ne pas avoir été embauché.

La demande vient de Tad. elle n'est pas très exigeante, elle lui fait plaisir, alors il a accepté de s'y plier. Il s'agit simplement de se laisser inviter au restaurant par l'un de ses amis et de passer une bonne soirée. Il s'occupe de Serge, il a choisi un jour où elle n'avait pas de réunion, bref, il a fait les choses bien alors pourquoi pas, finalement. Contrairement à ce que l'on pouvait penser, la jeune mère n'avait rien contre un peu de rigolade de temps en temps. Simplement elle n'en avait pas souvent l'occasion, voilà tout. Et comme elle l'avait choisi et voulu, elle ne s'en plaignait pas.

Pour l'occasion, elle s'était faite jolie, avait lavé et séché ses cheveux d'or blanc qu'elle avait laisser boucler au naturel, avait mis une pointe de noir sur le coin de ses yeux pour les renforcer. elle avait enfilé un pantalon qui lui allait bien, ni trop collant ni trop large, une tunique crème, ajouté un peu de rouge sur ses joues. Sortant du Liberty, supportant avec un sourire quelques taquineries des membres d'équipage, elle repère assez vite l'homme qu'on lui a décrit. Cheveux longs détachés, barbe, pantalon blanc et tunique grise. Elle se dirige vers lui, sûre d'elle, tranquille.

"Rafa Leonson ? Sam." Elle tend la main poliment. La timidité ne fait pas partie de ses défauts. L'arrogance non plus. "Taddeus vous envoie son bonjour." Ou pas, elle ne lui a pas demandé.

Elle tend la main et comme dans une de ces vidéos romantiques qui peuplent les réseaux de Vanguard, il s’incline avec sa grâce habituelle, effleure la paume de la jeune dame, embrasse le bout de ses doigts. Il l’a déjà fait mille fois, rarement avec l’air aussi malicieux.

- Et le secret le mieux gardé de son vaisseau semble-t-il.

Ce n’est pas parce qu’il ne travaille pas qu’il ne flirte pas. Ce n’est pas parce qu’il n’a pas besoin d’être ce qu’on attend de lui qu’il va se priver d’être charmant et soudainement devenir grognon, désagréable, ou simplement moins agréable qu’à son habitude.
Il ne voit donc pas de raisons de cesser d’être une version juste un peu plus chaleureuse de lui-même.

- Il ne m’avait pas dit que j’aurais la chance d’accompagner une personne aussi charmante que toi ce soir.

Ce n’est ni exagéré, ni faux. Sam est tout à fait charmante et il sent qu’il pourrait facilement se laisser fasciner par ses cheveux -ils lui rappellent quelque chose, quelqu’un, qui donc ?

- Il ne m’a pas dit grand-chose, en vérité… Est-ce qu’il ne faudrait pas refaire les présentations pour corriger ses oublis ?

Il lui fait un baisemain - délicieusement désuet et un rien amusant finalement - avant de se laisser aller à un compliment qui la fait rire un peu, sans aller jusqu'à la moquerie mais assez pour détendre l'atmosphère, pour peu qu'elle ait été tendue.

"Si le second du vaisseau est un secret, alors je n'ose pas imaginer ce qu'il en est des véritables trésors que nous avons." Sourire. Elle n'est pas non plus du genre à se défendre quand on lui fait ce genre de déclaration.

"S'il n'y a que ça pour vous faire plaisir, et à l'expresse condition que nous commencions à marcher." Ce qu'elle fit donc, vers la sortie du hangard mais ni lentement, ni rapidement, comptant sur l'homme pour se maintenir à son niveau. "Je m'appelle Sam Fitzroyse, je suis seconde sur le Liberty. Thad était un ami de mon père et je le connais plus ou moins depuis toute petite. Et vous-même ?"

A la mention des autres trésors du Liberty, des dizaines de phrases lui viennent en tête. Séductrices, amusantes, chevaleresques, elles sont toutes ignorées pour leur proximité avec ses habitudes de travail. Il n’est pas là en tant que Compagnon, pour cette fois. Il n’est pas obligé de faire tout ce qu’il peut pour ravir Sam. La simple vérité, délivrée de sa belle voix, fera l’affaire.

- Il ne me raconte pas ses secrets professionnels, heureusement pour lui.

Et Rafa en fait de même. Leurs discussions ne concernent que très rarement leurs métiers, ce qui n’est pas un mal tant ils sont omniprésents dans leurs vies.
Là n’est heureusement pas la question. Il ne met en marche presque immédiatement après la jeune femme blonde, s’adapte à son rythme sans mal et lui tend un bras si elle souhaite s’y appuyer. Difficile de totalement oublier ses tendances séductrices.

- Rafa Leonson, Compagnon de la Guilde et éleveur de taureaux lorsque j’ai du temps libre. Thaddeus est un de mes amis d’enfance.

Un de mes premiers crush. Ca l'ennuierait que je le dise à qui que ce soit, ça. Vieux cachottier.

- J’ai lancé des bombes à eau sur d’autres enfants avec lui, mais c’était il y a longtemps. Et… Je ne suis pas là comme Compagnon. Il ne m’a pas embauché pour toi. Il n’est pas mufle à ce point.

Heureusement pour lui, pour le Liberty et pour elle aussi. Des secrets, elle en a sa part et celui qu'elle partage avec le vieil homme pourrait mettre sa petite fille en danger. Elle n'avait cependant jamais pensé que Thad aurait pu parler de choses enfouies avec des inconnus, aussi charmants soient-ils.

A sa présentation, elle haussa un sourcil, surprise. Un compagnon ? C'était évident lorsqu'on le savait, cela se voyait dans ses maniérisme et cette façon qu'il avait d'être à l'aise, de la mettre à l'aise. Mais Thad, ce vieux brigand connaitre une telle personne ? Après tout pourquoi pas, c'étaient des hommes comme les autres une fois leur journée terminée. Elle sourit, appréciant qu'il prenne la peine de mettre les choses au clair.

"Je ne l'ai pas pensé. Oui, j'ai été surprise de le penser ami avec un Compagnon mais ensuite, je me suis rendu compte de mes mauvais préjugés. Et Oncle Thad sait mieux que quiconque que je n'ai pas besoin de procédés de ce genre. Je crois qu'il a simplement voulu me rappeler que je n'étais pas qu'une mère. J'ai une petite fille qui est un amour mais me prend beaucoup d'énergie. Je vous remercie d'avoir accepté de vous plier à son caprice."

Ah, les préjugés... Qui n’en a pas sur chaque sujet, chaque métier, chaque personne. Les Pirates sont des créatures sanguinaires qui n’aiment que la gloire et la richesse; les Compagnons sont des traînés qui n’aiment que la gloire et la richesse. Quel savoureux point commun entre leurs deux occupations.
C’est du coup en bon traîné qu’il ne hausse pas un seul sourcil en entendant Sam affirmer qu’elle n’a pas besoin d’aide sur le plan de la compagnie. Voilà quelque chose que Tad n’a pas fait l’effort de préciser mais qui ne l’étonne pas : elle est belle et elle a ce petit quelque chose indéfinissable, cette aura de calme.

- Je ne me serais plié à rien si je ne l’avais pas vraiment voulu. Tad n’est pas mon employeur, il s’est simplement montré très énigmatique lorsqu’il t’a décrit. Je suis un homme curieux, fait-il avec ses petites rides de sourire qui se creusent près de ses yeux, et il le sait. Je suis ravi de m’être fait avoir.

Qui ne le serait pas, dans sa situation ? Il a une charmante dame au bras et ils se dirigent vers un bon établissement. Il n’y a rien de désagréable là dedans.

- Est-ce qu’un restaurant-cabaret te convient pour oublier les devoirs parentaux ?

Sûrement. Elle ne l'imagine pas faire quelque chose de mauvais gré mais vouloir rendre service à un ami n'était pas forcément chose agréable, surtout dans ce genre de rencontres à l'aveugle. Elle sourit en retour, notant les petites rides et combien cela le rendait séduisant. Allons, elle valait mieux que ça. Elle détourna le regard et le pointa droit devant. S'il utilisait son corps et surtout son charme dans son métier, peut-être n'avait-il pas envie de le faire fonctionner ce soir.

"La curiosité tue le chat. Faites attention à ne pas devenir trop félin ce soir" plaisanta-t-elle sans sous entendu mais avec son humour habituel. Parfois, elle perdait un peu les gens avec ses associations d'idées. Elle se devait de faire attention. Par exemple, il la tutoyait, il serait bon qu'elle pense à faire de même.

"Ce sera très bien. Quel genre de musique ou de spectacle propose-t-il ?" Elle n'était pas bégueule mais les filles nues, ça ne l'intéressait que moyennement.

- J’aurai encore huit vies si je suis trop curieux, je ne crains rien. Ne t’en fais pas pour moi.

Sa réponse s’accompagne d’un clin d’oeil ni charmant, ni charmeur, simplement amusé. Il aime déjà beaucoup Sam, mais ce n’est pas comme s’il n’avait pas l’habitude de tomber amoureux toutes les dix minutes, n’est-ce pas ? Il est bien trop plein d’affection, voilà tout. Il ne peut s’empêcher d’apprécier une jeune femme intelligente, à la langue certainement acérée et belle comme le lever de soleil.

- Il n’y a rien de très osé dans ce restaurant.

Il n’a rien contre les personnes en petite tenue, mais… Pas ce soir. Pas en cette compagnie. Est-elle déçue ? Il essaie de le lire sur son visage avant de se reprendre. Il n’a pas à se comporter ainsi, à essayer d’interpréter chaque signal pour être une version plus parfaite mais moins vraie de lui-même.

- Ce sont plutôt des chanteurs, des numéros de cirque, des magiciens… Et de la danse, parfois. Le programme est toujours une surprise. Je me disais qu’un peu d’imprévu serait agréable pour nous deux. Qu’est-ce que tu en dis ?

Elle sourit sans arrière pensée. Si cet homme est un chat, elle doute qu'il lui reste toutes ses vies. Il a l'air bien trop amoureux de la vie pour ça. Elle hausse les épaules. Elle a passé sa vie au milieu des pirates, et rien d'osé ne peut vraiment la choquer. Ce n'est pas ce qu'elle préfère pourtant. Alors pour ce soir, c'est sans doute tant mieux. Elle en rit.

"Qu'est ce qu'oncle Thad vous a dit pour que vous soyez déjà en train d'essayer de me faire lâcher prise ?" plaisante-t-elle, pas dérangée finalement de ne pas contrôler le spectacle. Elle rit un peu, sans se forcer, sans se l'interdire.

"Avez-vous gardé une âme d'enfant pour toujours apprécier le cirque et les magiciens ? Lorsque je vois ma fille s'extasier, je dois vous avouer que j'envie un peu cette capacité à accepter le merveilleux sans se demander comment."

- Est-ce que tu veux vraiment le savoir ? C’était plutôt flatteur pour toi et je ne voudrais pas lui ôter sa couverture d’ancien ronchon, vois-tu…

Ce serait malpoli, n’est-ce pas, de laisser d’autres personnes voir le côté de Tad que celui-ci lui montre ? Il ne voudrait pas mettre en péril sa réputation si utile pour son travail. Sam devra donc se contenter d’un air de mystère, d’un petit souffle amusé, et de son imagination.

- Je pense que je suis resté un grand enfant, oui.

Un peu plus sérieux soudainement, il prend le temps de bien former ses pensées puis ses mots avant de les offrir un peu précieusement à la jeune dame qui l’accompagne.

- A cause de mon métier à mon avis. Je sais à quel point il faut travailler pour faire exister le merveilleux, peut-être que ma capacité à l’accepter venant d’autres s’est développée en échange ? Et puis je n’ai jamais réussi à faire disparaître le moindre Tawtute dans un chapeau, c’est bien une preuve que la magie existe, plaisante-t-il plus légèrement.

Une pensée semble lui venir soudain. D’un pas agile de danseur, il vient se planter devant Sam, interrompant leur marche pour lui prendre les deux mains et la regarder dans les yeux.

- S’il y a un magicien, est-ce que tu acceptes de regarder son numéro sans essayer de comprendre les tours ?

"Vous avez raison, laissons-lui ses mystères." Le compagnon avait la discrétion de son état et Sam n'était pas du genre à creuser là où on ne voulait pas d'elle, service du Liberty excepté. quoi que ce soit, Thad l'avait fait par amour, elle n'en doutait pas une seconde. Leur relation était quasi-filiale et elle était heureuse que ce soit l'homme que son inconnu de père ai choisi pour lui servir de référentiel masculin. Le changement de ton la surprend, elle s'arrête pour le regarder puis sourit à nouveau, d'un sourire sincère qui détend ses traits souvent trop sérieux.

"J'en suis ravie pour vous, c'est une grande force." L'orphelinat avait plutôt tendance à vouloir les faire devenir adultes avant l'heure, même si elle ne s'en plaignait pas. Elle s'arrêta en le voyant devant elle, rougissant à peine de ses mains sur ses épaules. "Je ne peux pas vous promettre que ma première pensée ne sera pas "comment a-t-il fait ça" mais je veux bien faire l'effort de m'arrêter là. Ca vous convient ?"