Les rouages du destin [John & Mam']

Après ma rencontre avec la petite Elena, me voilà tout à fait guillerette et satisfaite par ma journée, forte en émotions, en vitesse, et en victoires. J'ai laissé la petite jeune fille avec son frère, et c'est une Mam' nostalgique qui prend le chemin inverse, afin de retourner en coulisse. Je songe à Thaddeus, mon petit frère disparu depuis tant d'années. Mes pensées s'égarent également à l'intention de mes parents, puis de feu mon époux. Prétendre qu'ils ne me manquent jamais serait mentir. Cependant, j'aime croire qu'ils m'attendent et que bientôt, nous nous retrouverons tous. Et si ce n'est pas le cas, au moins aurais-je vécu sans jamais me sentir seule et privée de leurs existences. Cette fois-ci, je n'ai que peu besoin de me servir de ma poêle. Les hommes et les femmes qui jonchent mon chemin s'écartent d'eux-mêmes.

Je prends tout à fait mon temps pour descendre les escaliers et travers les circuits, jusqu'aux garages gardant l'un de mes trésors les plus précieux : mon speeder. Je loue un box afin qu'il puisse demeurer en sécurité lorsque je ne l'utilise pas. Malgré mes années de courses, je ne pratique que très peu la mécanique, et surtout, je le fais bien mal. Il est hors de question que j'abime mon speeder, alors je fais toujours appel à un mécanicien spécialisé afin d'avoir un travail de qualité.

Les courses de speeders, ça fait un moment que je ne suis pas allé en voir. Depuis ma rencontre avec Conrad en fait, ça fait plus d'un an maintenant, alors j'ai profité qu'on fasse une escale sur Hope pour aller y faire un tour. J'ai assisté à plusieurs courses, certaines plus intéressantes que d'autres. Quand ce fut fini, j'ai décidé de prendre le chemin des garages, j'avais bien envie de voir si je ne pouvais pas m'arranger avec un autre mécano pour bosser un peu sur un speeder ou au moins regarder.

J'arrive devant mon bébé, et il n'y a pas le moindre mécanicien en vue.

- Rooh, où sont donc passés tous ces idiots incapables ! C'est leur travail, et ils ne sont jamais là quand on a besoin d'eux... C'est tout de même un monde ! Comment est-ce possible que personne ne s'occupe de toi ? Ma titine, ma pauvre titine... Tu mériterais bien d'avoir quelqu'un rien que pour toi, d'être chouchoutée à plein temps... Et il n'y a personne... Je vais te trouver quelqu'un, ne t'en fais donc pas.

En arrivant du côté des garages, j'entends quelqu'un qui semble se plaindre de quelque chose quoi ? Je ne sais pas, je n'entends pas de là où je suis. Je me dirige alors vers l'origine des plaintes pour trouver une femme qui semble assez âgée, il n'y a personne d'autres dans les parages.

-Bonjour. Vous avez besoin d'aide ? Sait-on jamais et puis, c'est peu courant de trouver une femme de son âge dans un endroit comme celui-ci.

Je râle pendant un petit moment avant qu'un jeune garçon n'arrive enfin à ma rescousse. Je mets mes mains contre mes hanches, les sourcils froncés.

- Ah, tout de même ! Vous trouvez normal de faire attendre une vieille dame ?

Je lui souris tout de même, parce qu'il est le seul qui a daigné venir me voir.

- Enfin, peu importe. J'accepte ton aide avec grand plaisir mon garçon. Je n'y connais pas grand chose en mécanique, et mon speeder est vieux et capricieux. Il lui faut beaucoup de soins et de douceur. Mais les mécaniciens qui l'ont à leur charge habituellement ont visiblement décidé de me faire faux-bond ! C'est tout de même un monde...

-Heu... D'accord. Je réponds à la femme en m'approchant. Ça serai son speeder ? Et les mécaniciens l'ont abandonné ? C'est peut-être pour moi l'occasion rêvée de bosser sur un speeder, mais je pense qu'il vaut mieux être honnête.

-J'ai de bonnes connaissances dans le domaine, mais je ne bosse pas ici. Mais si vous y tenez vraiment, je peux quand même jeter un coup d’œil.

Je le regarde d'un œil inquisiteur. Des bonnes connaissances dans le domaine ? Il ne travaille pas sur les lieux ? Mmh. Je pose une main protectrice sur ma Titine.

- J'apprécie ton honnêteté, mon petit. Qu'est-ce que tu fais dans la vie, si tu ne travailles pas ici ? Et pourquoi est-ce que tu traines autour des garages ? Ce petit joyau est mon trésor. Tu comprendras que je ne laisse pas n'importe qui y mettre ses mains.

Tout à coup, elle est méfiante et ça peut se comprendre. Je ne rechigne alors pas du tout à lui répondre.

-Je suis mécano sur un vaisseau. J'oublie bien sûr volontairement de dire sur quel vaisseau et je ne précise pas non plus que je suis chef mécanicien, même si ça ne change pas grand chose. Et si je traîne dans le coin, c'est que je profitais d'une escale sur Hope pour observer quelques courses et surtout les speeders je dois avouer.

- Sur un vaisseau, dis-tu ? J'imagine que je peux te laisser regarder, en ce cas. Depuis combien de temps est-ce que tu exerces ton métier, mon chou ?

Je me pousse sur le côté pour le laisser passer, mais je reste près de lui et observe chacun de ses faits et gestes avec une grande attention.

- Depuis combien de temps est-ce que tu exerces ton métier, mon garçon ? Non pas que je remette en doute tes compétences, bien entendu.

-Je dirai depuis un peu plus d'une dizaine d'années. A quelques années près c'est ça, bien sûr, je ne compte pas les "petits" changements que j'ai eu au milieu comme des changements de métier.

Elle me laisse passer, je m'avance alors pour commencer à observer son speeder, d'abord de "l'extérieur", après, il me faudra voir comment c'est à l'intérieur. Par contre, elle m'a reposé exactement la même question là, non ? Elle radote, enfin, ce n'est pas grave.

-Ça fait plus de 10 ans que je fais ça, mais je suis passionné par la mécanique depuis plus longtemps encore, j'ai 34 ans, mais ça doit au moins faire 20 ans que je sais ce que je veux faire. Enfin, nous ne sommes pas ici pour parler de moi, mais de cette dame. Dis-je tout en désignant d'un signe de tête le speeder. Puis-je vois ce qui se cache sous ses jupes ? C'est parti, ma passion parle pour moi... Je compare ce speeder à une femme ? Ben... Oui... J'en ai jamais eut dans ma vie, donc bon...

Je m'estime satisfaite par sa réponse, claire et bien détaillée. Je souris à nouveau lorsqu'il parle de ma Titine comme d'une Dame. Une vieille Dame, comme moi. Nous avons bien vécu toutes les deux, et toujours ensemble. Je glousse à l'entente de sa demande.

- Oh, je te trouve bien entreprenant, mon garçon. Mais je t'en prie, vas-y. Sois doux avec elle. C'est une vieille Dame un peu capricieuse, mais j'y tiens comme la prunelle de mes yeux.

Je souris à sa réponse.

-Je ferai attention, ne vous inquiétez pas.

Sur ces belles paroles, je commence mon inspection plus poussé, de l'extérieur, je n'ai pas vu quoi que ce soit de vraiment gênant. Je me demande ce que me réserve le reste. Je pense que j'en ai pour un petit moment, plus si quelque chose a besoin de réparation. Parfait. Quoi ? J'aime bien faire ce genre de chose, alors être sur un vaisseau c'est parfait, mais travailler sur un speeder, c'est pas mal non plus, c'est juste pas la même envergure et les mêmes enjeux.

-Elle a qu'elle âge ? Je demande ça, car selon ce que je trouve, ça sera plus ou moins normal.

Il a l'air d'être un bon garçon. Je lui confie bien plus volontiers ma Titine qu'à d'autres vauriens plus rustres et sans une once de bonnes manières. Je reste debout près de lui, observant minutieusement le moindre de ses faits et gestes. Non pas que je sois réellement capable de détecter l'incompétence ou les erreurs à l’œil nu. Mais peut-être bien que mon simple regard suffit à être dissuasif. Quand il me demande son âge, une vague de douce nostalgie se pose sur mes vieilles épaules.

- Plus de soixante ans, déjà. C'est que le temps passe bien vite. De mon temps, c'était ce qu'il se faisait de meilleur sur le marché.

Soixante ans ?? Hé ben... Ça doit être un modèle de collection alors depuis le temps. Néanmoins, malgré son âge, il est en parfait état. Je continue mon inspection en silence, cet engin est magnifique, il a de belles choses sous le capot.
Je finis par trouver quelque chose qui a besoin de mes compétences, rien de bien grave, mais je ne peux pas laisser ça là pour autant, ça pourrait conduire à des dommages plus importants. Je sors alors la tête du speeder et je pars à la recherche d'outils, il doit bien avoir dans le coin, non ? Sinon, j'ai toujours mon bras qui doit contenir ce qu'il me faut.

- J'en prends grand soin. Elle et moi, nous avons vécu de sacrées aventures.

Je me remémore ces belles années où nous courrions face à des champions désormais entrés dans l'histoire. Mon mari et moi avons passé d'heureux moments à bord. Il y a toujours un peu de lui, à l'intérieur. Je suis néanmoins sortie de mes pensées par une agitation soudaine du petit mécanicien.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as vu quelque chose, mon petit ?

-Oui, je cherche quelques outils, j'ai remarqué quelque chose qui a besoin d'être arrangé. Vous ne sauriez pas où les mécanos cachent leur matériel ici par hasard ?

On sait jamais, peut-être qu'elle sait. Ça m'arrangerai, mes outils, c'est plus des outils de secours qu'autre chose, même s'ils pourraient parfaitement faire l'affaire, je pense.

- Oh, oui, bien sûr. Ca fait plus de cinquante ans que je traîne dans le coin, mon petit. Tu te doutes bien que plus rien n'a de secret pour moi. Suis-moi, je vais te montrer.

Et sans le regarder davantage, je chemine vers l'un des entrepôts. Ma canne claque régulièrement sur le sol, et nous ne tardons pas à arriver devant une petite porte que j'ouvre.

- Et voilà mon chou. Il y a tout ce dont tu as besoin, par ici.

Elle sait où on peut trouver des outils ? Parfait, je la suis alors. Une fois arrivé, j'observe la pièce à laquelle elle m'a amené.

-Merci !

J'entre alors faire mes "courses". Une fois que j'ai récupéré tout ce qu'il me faut, je retourne auprès du speeder de la dame et je me mets au boulot.

Je le regarde faire sans trop faire de commentaires. Je n'ai pas très envie qu'il soit distrait, et qu'il risque d'abîmer ma Titine. En revanche, il faut bien que je m'occupe les mains en attendant qu'il termine son œuvre. Au départ, je reste derrière lui, suffisamment proche pour pouvoir regarder absolument tout ce qu'il fait, même si je n'y comprends rien.

- Je vais nous faire du thé, mon chou. Tu aimes le thé ? Ou peut-être préfères-tu le café ?

Je n'attends pas réellement sa réponse pour me diriger vers une table dans le fond du hangar. Je garde toujours le nécessaire pour le thé ou le café par ici. On ne sait jamais, n'est-ce pas ?

-Un café s'il vous plaît ! Je réponds sans même me retourner. Je continue de bosser, je ne me presse pas, après tout ça serait bête de faire une connerie non ? Enfin bref, je suis dans mon élément et c'est tout ce qui compte.

Bien, il semble concentré sur son oeuvre, et loin de moi l'idée ou l'envie de l'en détourner. Je veux qu'il soit l'homme le plus concentré du monde, tant qu'il touche aux précieuses pièces de ma compagne de vie. Je ne sais pas bien ce que je ferai si elle venait à rendre l'âme. Je crois que ça me toucherait plus que de perdre certaines personnes de mon entourage. La mort d'un être humain fait partie de la vie. Mais ma Titine, elle en a vu d'autres ! Je ne pourrais pas me résoudre à la remplacer. Et si elle venait à me quitter un jour, je crois bien que ça marquerait la fin de mes courses. Alors je prépare un café au jeune garçon qui a la bonté de m'aider, et je lui apporte la tasse fumante accompagnée de petits gâteaux.

- Et voilà pour toi, mon petit. Tu rends un fier service à une vieille dame, sache-le. Est-ce que tu participes aux courses, de temps à autres ?

Lorsque le café arrive, je continue un petit ce que je suis en train de faire, avant de me redresser pour prendre ma tasse. Il ne me reste plus grand chose à faire normalement.

-Il n'y a pas de soucis, je dois même vous avouer que j'espérais pouvoir travailler sur un speeder aujourd'hui. Sinon, je ne participe jamais aux courses, pour tout dire, je ne viens pas souvent ici, j'aime bien regarder, mais moi ce que je préfère, c'est la mécanique qu'il y a derrière.

Me voilà bien surprise.

- Ainsi, tu te baladais sans but en espérant que quelqu'un te demande de l'aide pour son speeder ? Eh bien, on dirait que c'est ton jour de chance ! Je suis ton opposée, mon chou. J'ai toujours adoré le pilotage sous toutes ses formes. Mais la mécanique et ses tâches d'huile... Non, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. Je pourrais piloter ces engins les yeux fermés, mais je suis bien incapable de mettre mes mais à l'intérieur de leurs ventres.

-Ouais... Ça peut paraître un peu con en effet. Je dis avec le sourire, avant de rependre. Il faut de tout, sans pilote pas de mécano et sans mécano pas de pilote. Bien sûr, c'est une image. Par contre, ça fait que je me pose une question, j'espère qu'elle ne sera pas trop indiscrète, mais depuis le temps que vous pilotez, vous n'avez pas une petite équipe à vous pour s'occuper de votre speeder ?

Je fais un geste désabusé.

- Ah ! Parlons-en, de mon équipe. Bien sûr que j'ai une équipe ! Je ne suis pas une pilote d'opérette, je suis une vraie pilote. Une vraie pilote. Ces petits fainéants ne sont jamais là quand on a besoin d'eux ! S'ils croisent ma route, je peux t'assurer qu'ils vont tâter de ma poêle !

Je fais des mouvements d'humeur. Ces petits vauriens ne sont pas payés à rien faire !

- Bon. Malgré tout, je n'ai pas trop à me plaindre d'eux, en règle générale. C'est simplement que le temps passe pour tout le monde. Tu verras ce que c'est de vieillir, mon petit. Mais dis-moi, tu ne chercherais pas du travail toi, par hasard ?