Les rouages du destin [John & Mam']

Je fais un geste désabusé.

- Ah ! Parlons-en, de mon équipe. Bien sûr que j'ai une équipe ! Je ne suis pas une pilote d'opérette, je suis une vraie pilote. Une vraie pilote. Ces petits fainéants ne sont jamais là quand on a besoin d'eux ! S'ils croisent ma route, je peux t'assurer qu'ils vont tâter de ma poêle !

Je fais des mouvements d'humeur. Ces petits vauriens ne sont pas payés à rien faire !

- Bon. Malgré tout, je n'ai pas trop à me plaindre d'eux, en règle générale. C'est simplement que le temps passe pour tout le monde. Tu verras ce que c'est de vieillir, mon petit. Mais dis-moi, tu ne chercherais pas du travail toi, par hasard ?

Ben, je ne suis pas spécialement pressé de vieillir, je dois avouer, ce n'est pas qu'elle soit l'exemple de ce que je ne veux pas devenir, c'est plus que j'ai déjà observé ce que l'âge peut faire... En tout cas, elle, elle à l'air plutôt conservé ! Par contre, sa question me surprend un peu, mais en même temps, pas tant que ça.

-Ça dépend du travail, mais comme je l'ai déjà dis, je suis mécano sur un vaisseau et je n'ai pas vraiment envie de quitter l'équipage de celui-ci pour le moment, même pour un travail mieux payé.

Sa réponse ne me plait pas bien, mais je peux la comprendre. Bon, pour être exacte, j'aime bien le fait qu'il soit fidèle à son vaisseau. Les vagabonds qui n'arrivent pas à se décider m'ennuient, et sont souvent doublés de petits vauriens.

- Je comprends, je comprends. Mais si jamais tu passes dans les parages, n'hésite pas à venir faire un tour par ici pour me tenir compagnie, ou rafraîchir ma Titine si jamais je suis moi aussi en train de naviguer parmi les étoiles. Ce qui est plus probable, d'ailleurs, vu le temps que je passe là-haut...

-Je n'y manquerai pas. Je réponds avait entrain, avant de réfléchir à la fin de ses paroles. Vous passez beaucoup de temps là-haut ? Vous travaillez sur un vaisseau ? Je demande tout en levant un sourcil. Malgré son âge, elle travaillerait encore ?

La vieille femme ne peut s'empêcher d'avoir un sourire fier quand il lui demande si elle travaille sur un vaisseau. Elle se redresse même légèrement, au cas où son interlocuteur n'aurait pas la présence d'esprit de comprendre à quel point ce qu'elle fait est important pour elle.

- Oh, je passe la majorité de mon temps là-haut, mon petit. Je suis maître navigatrice, et crois moi, je suis certainement la meilleure de notre galaxie. La vieille mam' est toujours pleine d'énergie !

Et elle compte bien le faire savoir au monde entier.

Maître navigatrice, rien que ça, la surprise peut se lire sur mon visage, hé bien, Dorado est vraiment un endroit exceptionnel, bon, ça, je le savais déjà, mais tout de même... En tout cas, je finis par me reprendre.

- Hé bien, vous êtes vraiment quelqu'un d'exceptionnelle ! J'espère que l'âge ne m'empêchera pas de continuer ma passion. Je dis avec le sourire. Je ne suis juste mécano en fait, je suis Chef Mécano de mon côté. Pourquoi le préciser maintenant ? Peut-être parce qu'elle avait été honnête sur son poste dès le début, en fait, alors autant que je le sois aussi.

Mam' est satisfaite que son activité professionnelle fasse son petit effet, et elle ne cherche pas à le cacher. Il faut dire qu'elle en est fière, de ses talents de pilotes. Talents qui coulent dans les veines de sa famille depuis bien des générations, mais pour lesquels elle a travaillé dur, le temps de toute une vie. De la discipline, de la passion, du travail et de la rigueur : voilà ce qui a fait de Mam' la pilote qu'elle est encore aujourd'hui, malgré son âge déjà avancé.

- Il n'y a pas de raisons que tu ne le puisses pas. L'âge comme les limites que l'on s'impose sont dans la tête, mon chou. Dans trente ans et plus tard encore quand nous nous reverrons, j'espère bien que tu seras toujours chef mécanicien, et que tu emmerderas tous ceux qui auront pu te dire que tu es trop vieux pour faire ce que tu veux ! Pire ! Trop vieux pour savoir ce que tu veux !

Non, Mam' ne doute pas un seul instant qu'elle sera encore là dans trente ans. Elle ne redoute pas la mort, et l'accueillera avec amitié lorsqu'elle arrivera. Mais elle sait qu'elle a encore beaucoup à accomplir.

Elle n'a pas l'air de vouloir lâcher et compte bien profiter de la vie le plus longtemps possible, on dirait bien.

- Je compte bien continuer le plus longtemps possible et je ne laisserai ma place qu'à plus compétent que moi, ce que je n'ai pas encore croisé pour le moment !

Je buvais encore une gorgée de café avant de poser la tasse et de me tourner vers le speeder.

- Bon, j'ai deux trois trucs à finir et ce sera parfait.

Je me remettais alors au travail, le gros du travail était fait, mais il restait quelques petites choses à faire et à tout remettre bien en place.

Mam' aimait voir la flamme briller dans le regard des petits jeunes - ô, pas la flamme pirate, elle n'en était pas capable ! Non, la flamme du désir, la flamme de la fougue qui vient avec la jeunesse, qui emporte les jeunes âmes vers les plus belles des aventures, les plus beaux des projets ! Mam' regardait toujours avec une grande bienveillance tous ceux qui avait la passion, et le désir d'accomplir de grandes choses dans leurs vies. Elle aimait voir la jeune génération comme des travailleurs acharnés, prêts à reprendre le flambeau d'un monde qui, elle ne le disait que trop souvent, allait bien mal !

- Prends donc ton temps, mon petit. Je vais attendre ici... Sur cette chaise-là. J'aime regarder les petits jeunes comme toi poursuivre leurs passions. Ca me met du baume au cœur !

Je prends mon temps, même si j’ai globalement terminé mon travail, ce n’est pas le moment de se presser et de mal remonté le tout, ou autre, car même si ce n’était pas de mon fait, je me souviens encore parfaitement de ce qui est arrivé à mon bras droit, après tout, comment oublié ça ? Tout à coup, un détail que je n’avais pas vu plutôt m’interpelle, comme quoi, j’ai bien fait de prendre mon temps. L’une des pièces est usée plus qu’elle ne devrait, ça ne nécessitera pas une grande intervention, c’est une pièce assez commune, je vais me contenter de la changer.

Je me redresse donc pour étudier les outils et autre que j’avais ramenés de l’atelier. La pièce que je cherchais s’y trouvait, comme quoi, j’avais été bien inspiré d’en prendre une. Je me retournais alors à nouveau en direction du speeder et réglais le problème. Alors que j’avais presque terminé, toujours en travaillant, je posais alors une question.

- Je me rends compte que je ne connais toujours pas votre nom. Moi c’est John.

Mam' observait le jeune homme aller et venir, avec toute la confiance qu'elle voulait bien accorder à un inconnu qui touchait à l'un de ses biens les plus chers. Si elle avait eu le moindre doute, il est certain qu'elle l'aurait envoyé paître depuis déjà bien longtemps. Mais il avait l'air de prendre son travail très au sérieux, et elle ne doutait pas qu'elle allait retrouver sa vieille machine flambant neuve. On l'avait pourtant mise en garde plus d'une fois sur les arnaqueurs qui pouvaient profiter d'une vieille dame comme elle. Pourtant, avec son fort caractère et sa poêle qu'elle maniait comme personne, il était difficile d'envisager que quiconque puisse avoir ne serait-ce que l'envie de tenter l'expérience avec elle. En tout cas, c'est ce dont elle s'était persuadée quand la jeune femme fougueuse et élégante qu'elle avait été autrefois avait progressivement changé en cette Dame âgée qu'elle était maintenant.

- Enchantée, John. On m'appelle Mam'. Dis moi, mon petit, je viens de te voir faire quelque chose d'inhabituel sur mon speeder. Tu n'essaierais pas d'abuser de la crédulité d'une vieille dame, n'est-ce pas ?