[Crust] Une pente glissante

Je ne suis pas réellement inquiet car rien de ce que j'ai dit pourrait porter préjudice à l'un ou à l'autre. Ce ne sont que des points d'un jeu que nous avons lancé il y a quarante ans et que nous sommes trop vieux pour cesser de pratiquer, rien d'autre. D'ailleurs, j'ignore si elle la connaît et je ne pose aucune question à ce sujet, ce serait tricher. Et tricher, ce n'est jamais drôle. Je lui souris.

"Ne vous en faites pas, votre établissement est le terrain parfait pour ce genre de manoeuvre. Tout se déroule exactement comme il le faut et mes objectifs sont déjà largement atteints." Je l'ai faite rire, je l'ai faite pleurer, je l'ai même faite s'ouvrir à moi. Je n'avais pas osé imaginer autant en une journée. Celle-ci n'est que bonus.

"Comment vous est venue cette envie d'offrir aux autres" aux riches autres "un endroit de bonheur ?"

J'exagère un peu, comme toujours, dans ma formulation.

Il a l'air satisfait. Et un client satisfait, moi, ça me satisfait aussi. En plus, merde, c'est vrai qu'on s'est donnés du mal pour que tout soit parfait jusque là, alors ça fait plaisir de voir que nos efforts payent. On aime tous ce qu'on fait, mais putain, voir qu'on a pas donné de notre temps pour que dalle, c'est sympa.

- Parfait, alors. J'suis toujours contente quand nos clients sont satisfaits de nos services.

Et là, il me pose une question qui me laisse deux options. Soit je brode en gardant ça sous silence, soit j'm'ouvre un peu à lui et j'ai des chances de l'intéresser. Bon, le choix est vite fait. Ca a l'air d'être un type sympa, même si j'me méfie des apparences.

- En fait, le Crust est seulement la partie visible de l'iceberg. Le père de mon mari tenait un restau sur Renaissance. J'sais pas si vous êtes familier avec certains coins, mais ça pue la misère à plein nez. J'ai passé pas mal de temps là-bas, à bosser pour lui. Quand il est mort, mon mari a revendu le restau pour que je puisse faire construire le Crust, qui est l'établissement que vous connaissez aujourd'hui. C'est vrai que, comme j'vous ai dit, j'aime ça rendre les gens heureux et satisfaire mes clients. Mais une grosse partie des fonds qu'on récolte vont aux miséreux, sur Renaissance et ailleurs. D'ailleurs, j'suis en train de créer ma propre assoc', et y aura souvent des évènements caritatifs ici.

"C'est une dichotomie intéressante." Ouvrir un endroit luxueux pour lutter contre la misère en sachant parfaitement que les bénéficiaires ne pourront jamais s'offrir un séjour dans l'endroit qui les finance. Mais après tout, pourquoi pas. Les salons et les bals ne font rien d'aussi généreux et je ne suis pas de ceux qui discutent les motivations d'autrui. Je pense peu à la misère des roturiers, ni à l'opulence des vraiment nobles. Mon univers, c'est l'armée, mon but, c'est l'Empire. Sa défense, sa grandeur, son honneur aussi. C'est ainsi que je me rend utile à la société qui m'a élevé. Que cela me fournisse un certain confort me parait parfaitement normal, je suis doué, je le mérite. Je suis noble, je le mérite aussi. "Vous devriez créer une sous partie, peut-être dans un des ponts inférieur pour donner un aperçu du luxe à vos familles les plus méritantes ou même en récompense d'un concours payant auprès de la bourgeoisie. Vous ne pouvez pas le faire dans le Crust proprement dit, vous risquez de perdre des clients mais dans un endroit sans communication, avec le même personnel et des services similaires cela pourrait être une idée. Pas que je sois très bon commercial mais enfin, stratégiquement je pense que ça pourrait être intéressant"

Je suis un très bon stratège. Un des meilleurs de l'empire.

J'lui souris. Son idée, en soit, est pas conne du tout. Mais bon.

- Pour le moment, on est plein à craquer, sur le Crust. On a tout optimisé, justement pour pas laisser d'espace inutile et pas utilisable ou utilisé. Donc faudrait faire des travaux ou trouver un moyen d'organiser ça, mais j'veux surtout stigmatiser personne.

Et puis j'hausse les épaules.

- Ca vous dérange si j'fume ?

Une clope hein, ça va de soit.

- Par contre, l'idée du concours peut être intéressante. J'organise déjà des soirées de charité, avec les personnes démunies, à terre. J'ai pas autant de temps que j'le voudrais à y consacrer, mais quand mon assoc' sera en place, ça sera plus simple. Et j'organiserai des soirées de charité ici, aussi. M'enfin. J'vais réfléchir à tout ça. J'veux faire un truc propre.

Ouais, faut vraiment que j'trouve le temps de m'en occuper vraiment. Puis, le serveur revient et nous demande si on a choisi. J'commande un thé aux épices - ouais, j'suis sage, pour une fois - et j'relève la tête vers de Golazzo.

"Non, allez-y." Si je devais être dérangé par le tabac, je ne serais jamais devenu Capitaine. Il est du devoir d'un officier que d'écouter longuement pérorer les supérieurs hiérarchiques et leurs barreaux de chaise. Surtout un officier homme, on montre plus de délicatesse envers une femme. Pour ma part, j'aimais le tabac mais n'en fumait que très rarement, refusant de mettre plus à mal ma forme physique. "Je comprends. Je ne suis pas du tout dans le commerce et le loisir mais je m'y connais en évènements mondains et en charité. Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à me solliciter." Je sors un papier, y écrit mon numéro Hcom avec un sourire amusé et un léger brillement de l'oeil. "Je saurais rester nuit et jour à votre service." Pas besoin de faire un clin d'oeil, je pense. Elle m'a compris. Je lui glisse le papier juste quand arrive le serveur. Sans me démonter, je me redresse, commandant un chocolat chaud et une assiette d'assortiment de pâtisseries. Pour le dessert.

Il me donne son accord pour qu'je fume, tant mieux. J'sors ma clope, j'cherche mon briquet, et je lâche un soupire quand j'dois décaler Waalan pour le chopper. Quand j'arrive enfin à l'allumer, j'tourne la tête et j'lâche un gros nuage de fumée avant de lui répondre. Il me propose son aide, et me donne même son numéro. J'suis un peu surprise, et j'le cache pas.

- Ben merci, c'est sympa. Mais faites gaffe à ce que vous proposez, parce que j'suis pas l'genre de femme à hésiter quand on me propose des services. Surtout pour ce genre de trucs. Me faudrait le pouvoir d’ubiquité, actuellement, si j'voulais pouvoir gérer à fond et toute seule tout ce que je dois gérer. Heureusement, j'ai une super équipe et de bons alliés. Mais on est toujours hyper débordés. Alors, j'dis jamais non quand on me propose un coup d'main.

J'lui fais un clin d'oeil et j'prends son papier entre mes doigts.

- Vous êtes vraiment sûr de vouloir faire ça ? C'est à vos risques et périls, vous savez à quoi vous vous engager.

Ma clope entre deux de mes doigts dans une main, son papier dans la même position dans l'autre main, j'le regarde en souriant. Et puis il commande aussi, à boire et à bouffer. Bon, ça devrait pas mettre trop longtemps à arriver. J'espère parce que je meurs de soif, tout à coup. J'regarde de Golazzo. Il est pas mal, vraiment. S'il me fait des avances, pourquoi pas, hein.

"Et je suis le genre d'homme qui dit oui quand il pense oui, non quand il pense non et allez vous faire voir quand il pense qu'il a autre chose à faire. Si vous vous pensez capable de supporter ce genre de remarques, n'hésitez pas, je ne suis que très rarement rancunier et si vous me dérangez trop, je vous le dirais." Je souris. "De plus, ce sera uniquement pendant mes périodes de permission et si je peux m'absenter alors je sais déjà que ce ne sera pas un rythme trop soutenu." Difficile de dire de quoi je parle, moi-même je préfère ne pas me poser la question. "Mais si je peux vous aider dans vos projets, ma foi, c'est avec un plaisir que j'espère partagé."

J'hoche la tête, satisfaite, et j'affiche une petite moue moqueuse.

- J'aime bien les hommes directs, qui savent ce qu'ils veulent.

J'vais finir par oublier que c'est un client et me lâcher complètement, si il continue comme ça. J'l'aime bien, ce type. Il me ferait presque oublier le temps que je suis en train de perdre et la tonne de conneries que j'ai à faire encore. J'fous ma clope entre mes lèvres, plie soigneusement son papier en deux, et le glisse dans mon décolleté. Pour une fois qu'il descend pas jusqu'au nombril, j'en profite. J'ai des petites poches exprès là, pour foutre ce genre de trucs. Au cas où, t'sais. Et quand j'ai fini, j'donne un petit coup à l'endroit où j'garde le num' de Golazzo. Puis, j'crache ma fumée par le nez.

- J'vous appellerai, alors. J'suis assez directe pour le dire, si jamais ça m'ennuie d'avoir les services de quelqu'un. Si j'voulais pas d'votre aide ou de votre présence, vous le sauriez déjà, croyez-moi.

Pour ça, elle sera servie. Le chocolat arrive vite, le thé et les gâteries avec. Je sais que c'est encore du sucre mais ce week-end, j'ai décidé de ne pas faire attention à mon régime. Sur le Cerberus, on mange vraiment trop mal. Je ne comprends pas comment l'équipage fait pour supporter ça. Personnellement, j'ai énormément de mal.

"Payez moi en gâteaux et en gâteries et nous serons quittes." Je souris à nouveau, me demandant si elle va rebondir sur mes bêtises ou si elle en a assez.

J'termine ma clope, l'écrase dans le cendrier qu'on nous a apporté, et presque dans un même mouvement, j'ramène ma tasse de thé vers moi. Et lui, j'le quitte pas des yeux, certainement un peu provocatrice.

- Vous êtes exigeants, pour quelqu'un qui prétends offrir son aide. Mais 'parait que j'suis aussi douée pour faire les gâteaux que pour faire les gâteries, et il se trouve que j'aime en faire.

J'porte doucement ma tasse à mes lèvres, sans le quitter des yeux. Je lâche un rire sec, mais amusé.

- Dites-moi. C'est parce que vous vous ennuyiez à regarder se dérouler notre superbe tournoi d'échecs ou parce que vous rêviez que je vous vois sous la douche, que nous en sommes arrivés là ?

Je ris à ses provocations, lui offrant un clin d'oeil absolument impénitent. Si elle croit m'impressionner, j'en ai vu d'autres mais je dois avouer adorer ces jeux de séduction, et les bêtises qui vont avec. Parfois, j'ai l'impression de les aimer presque autant que l'amour proprement dit. C'est comme ça. Et mon fils a l'air au moins aussi joueur que moi.

"J'étais très sérieusement à ma seconde séance de sport quotidien. Mia me sonnera pour la finale et elle n'a pas besoin que je l'applaudisse à chaque mouvement de pièce. J'avais plus ou moins l'intention de faire une sieste après ma douche" petit sourire en coin même si ce que je viens de dire est parfaitement vrai, pour une fois "histoire d'être en forme pour le grand final ce soir. C'est que mon amie peut-être fatiguante parfois." Sous entendu voulu, une fois encore. Mais en vérité, j'accuse mon âge et les veilles intempestives, alors que mon horloge interne me refuse du sommeil après l'aube, fatiguent mon organisme. J'ai de plus en plus souvent besoin de piquer un somme dans la journée. Ou de me coucher tôt. Ou de rattraper les jours de permission. En bref, je me fatigue plus vite et pas seulement en sport. "Croyez-moi, lorsque je rêve de vous voir sous la douche, elle est chaude et nous sommes seuls." Nouveau sourire et brillement de l'oeil alors que me vient une nouvelle idée stupide. "D'ailleurs, vous voulez vérifier que celle de ma cabine fonctionne correctement ?"

- Ah ouais ? Vous faites deux séances de sport par jour ?

Tu m'étonnes qu'il soit aussi bien gaulé. Ou alors... Il est sacrément en forme, l'bonhomme. J'me surprends à rire vraiment sincèrement, cette fois, et pas seulement en un pauvre sursaut à la con.

- J'crains fort de vous avoir privé de votre unique chance de survivre à votre soirée, alors. Ceci dit, vous venez très certainement de me priver des deux heures de sommeil que j'aurais pu m'accorder en fin de soirée. Alors on est quitte, hein ?

Et j'hausse les épaules, essayant de retrouver mon sérieux.

- Ah, parce que vous faites ce genre de rêves ? Et bien vous êtes vraiment trop exigeant, Monsieur. Sans vouloir me vanter, j'crois qu'on a pas besoin d'eau chaude quand une femme comme moi est dessous. Quant à la solitude... C'est très surfait.

J'sors une seconde clope, que je prends le temps d'allumer avant de reprendre.

- Mais bon, puisque j'suis patronne d'un établissement de luxe, qui se targue de pouvoir réaliser tous les rêves de ses clients - et surtout les plus exigeants d'entre eux, alors va falloir que je réfléchisse sérieusement à tout ça. J'plaisante pas avec ma réputation.

J'crache ma fumée sur le côté.

- J'aurais accepté votre invitation à venir tremper mes habits pour la deuxième fois aujourd'hui avec grand plaisir, mais malheureusement, j'vais vraiment manquer de temps pour me sécher, et si j'fous de l'eau dans les couloirs, ça risque de créer des accidents.

Deux séances de deux heures. Cardio, musculation, combat. Je vois bien que mes performances ont baissées alors, si je ne force pas bêtement, je maintiens mon rythme. Le sport, c'est ce qui vous sauve ou vous perd. Or je n'ai pas l'intention d'y passer tout de suite. J'ai encore des choses à faire. Pour la grandeur de l'Empire. Au final, qu'y-a-t-il d'autre dans la vie ? De sérieux je veux dire car j'y vois plein de choses agréable. Je hoche donc la tête à sa question, réfléchissant à ma vie que j'ai dédiée à l'Empire presque depuis ma naissance. Heureusement, les badineries de la jeune femme me rappellent à l'instant présent avant que je n'aie eu vraiment le temps de me perdre dans mes pensées. J'ai un sourire amusé. Elle a l'air vraiment intéressée. Et elle est vraiment jolie en plus de ne pas être idiote et d'avoir du répondant. Je déteste les dindes. Si je veux juste un joli corps, j'ai ce qu'il faut chez moi.

"Une autre fois, peut-être." fais-je d'un ton aimable sans réelle déception. Ce week-end, je le dédie à Mia. Et même si je n'ai pas l'intention de la mettre dans mon lit, je me vois mal m'amuser avec une autre femme alors que j'ai tout prévu pour la rendre elle, heureuse. Ce serait presque de la tromperie. Je vide à moitié mon chocolat chaud, puis essuie ma moustache avec la serviette. "Vous avez des rêves de douche en groupe, Madame Van Haten ?"

Une autre fois. Ouais, peut-être. J'sais plus trop si on plaisante ou pas, mais j'm'en bats les ovaires si fort que même si j'avais voulu avoir des gosses, j'suis sûre que ce serait mort, maintenant. Mais bref. J'bois mon thé, j'cache qu'à moitié mon amusement quand il se fait une double moustache option chocolat chaud, j'me dis que ça lui va même pas si mal que ça.

- Moi ? Vous rigolez. Tout le temps. Pourquoi est-ce que vous croyez que j'traine devant les douches communes de la salle de sport, franchement ?

J'éclate de rire, franchement devant une telle absence de fausse pudeur enrobé d'un bel humour. Vraiment une rencontre sympathique cette femme. "Moi qui croyait naïvement que vous travailliez. N'en jetez plus, s'il vous plait ou je vais finir par croire que vous avez saboté les douches exprès pour avoir ce petit apparté avec moi." Ou comment renverser les rôles par De Golazzo. Une longue tradition familiale.

Il rit, et c'est sympa. J'aime bien ce genre de moments un peu décontractés avec des clients qui comprennent l'humour et qui hurlent pas au scandale dès que ça parle de cul, même s'ils viennent de la Haute. J'fais une grimace gênée, et j'passe une main dans mes cheveux.

- Et merde, j'suis grillée.

Et j'me penche vers lui, en regardant autour de moi. Sur le ton de la confidence, j'parle plus bas.

- Ca servirait à quoi d'être la patronne, si c'était pour bosser ?

J'me redresse et je souris, avant de claquer dans mes mains.

- Bien, ça suffit les conneries. Si vous goûtez pas à ces pâtisseries, j'saurais jamais lesquelles vous aimez, et j'vais être emmerdée quand je vais devoir payer vos services.

"Madame, oui, Madame !" réponds-je de mon plus beau ton militaire, me redressant, bien droit, après m'être penché pour écouter ses messes basses, ma bêtise résonnant dans le restaurant. Merde, j'ai pas pensé à ma voix. Et bien tant pis. Je ne rougis pas devant les regards surpris, me servant simplement de la première pâtisserie qui passe. J'aime bien manger. J'aime d'autant plus manger que la nourriture sur le Cerberus est -on ne le dira JAMAIS assez - au mieux excécrable. Je la pose dans une petite assiette, bien élevé, et la coupe en deux pour regarder dedans (une vieille habitude de gamin curieux de ce qu'il y a DEDANS les choses) avant d'en prendre une moitié que je trempe directement dans mon chocolat chaud. Gourmand ? Moi ? Et l'on s'étonne de mes deux séances de sport quotidiennes ?

"C'est très bon." fais-je, la bouche pleine, exprès pour exagérer le côté gamin mais sincèrement tandis qu'un arôme de canelle et d'épices me chatouille le palais.

J'peux pas m'empêcher d'être surprise. Putain, ce type est vraiment pas un militaire comme les autres. P't'être même que j'me serai pas barrer de chez mes parents, si j'avais connu un gars comme lui, et si ça avait été mon promis... Enfin bref, nan, faut pas que j'pense des trucs comme ça. Même avec un mari sympa, drôle, décontracté et mignon, y aurait eu un tas de soucis qu'on aurait pas pu régler sur place.

Tout l'monde nous regarde, et j'souris, redresse le menton pour faire comme si j'étais bien plus importante que je n'le suis vraiment. Il gâche un peu l'effet avec sa façon singulière de bouffer sa pâtisserie, mais j'trouve ça mignon. Il le trempe dans le chocolat, et ça goutte avant d'atterrir dans sa bouche. J'prends ma tasse de thé et boit trois grosses gorgées. Le temps d'cacher l'hilarité qui monte.

- Ravie que ça vous plaise.

D'une manière totalement éhontée, j'attrape la moitié de gâteau qui reste dans son assiette. J'ai l'impression de redevenir une gosse, avec lui. J'le mets dans ma petite assiette, le coupe encore en deux avec mon couteau, et dévore le petit quart. Puis, j'prends le temps de me lécher les doigts, en hochant la tête d'un air satisfait.

- Ah putain, j'avoue que c'est bon, ces trucs-là.

J'hésite à lui revoler le dernier quart. Vraiment. Et puis, au dernier moment, je décide d'être galant. Je termine mon chocolat (avec des miettes au fond), essuie à nouveau ma bouche, vide mon verre d'eau pour me laver la gorge et étouffe un bâillement.

"Madame," fais-je solennel, "ce n'est pas que votre compagnie m'est désagréable, ou que ces friandises ne soient délicieuses mais, comme le disait un grand général de l'Empire, il est temps que mon sommeil me dorme et puisque je n'ai pas su vous convaincre de m'y accompagner ce tantôt, je vous prie de bien vouloir me donner mon congé, avec promesse de nous revoir avant longtemps."

Je ne suis pas peu fier de ma tirade...et je commence à être vraiment fatigué.

J'me retiens de justesse de siffler devant sa tirade. Mais alors vraiment de justesse.

- D'accord. Reposez-vous bien, soyez en forme pour ce soir, et me cassez pas une autre douche. Y a des moyens plus simples pour me faire accourir si jamais vous n'y tenez plus et vous avez absolument besoin de me voir.

J'lui offre un clin d'oeil, et je me lève, prête à retourner au boulot.

- Ce fut un plaisir, Monsieur.

Et puis j'tourne les talons avec Waalan sur le dos, et je m'éclipse par la porte des employés.