Partenaires particuliers [Wulf & Rae]

Le fameux Runny Amber. Merde, j'y suis enfin. Dire que je flotte sur sa tête depuis tout ce temps et que j'ai jamais eu l'occasion de venir y faire un tour jusque là. Mais là, j'ai une bonne occasion, et plein de trucs à dire au patron. J'espère qu'il sera là. C'était pas question d'envoyer Rob', ni d'y aller avec lui. J'veux pas que le type se sente agressé, c'est pas le but. Bon, j'aurais peut-être aimé y aller sans Waalan, mais elle s'est pas montrée hyper coopérative. C'est le moins qu'on puisse dire. Mais bref. J'ai pas fait d'efforts vestimentaires. J'suis partie du principe que j'devais être le plus honnête et transparente possible avec lui. Pas envie de démarrer notre relation sur des mensonges et de l'hypocrisie - cette putain d'hypocrisie que je déteste tant. Donc pieds nus, un short ample qui m'arrive pas tout à fait jusqu'à mi-cuisse, un haut sans manche au décolleté plongeant, pas de sous-vêtements. Un chignon sophistiqué sur le haut du crâne, mon collier autour du cou. J'colle un sourire aimable sur mon visage. J'me suis beaucoup entraînée pour l'avoir, celui-là. Aujourd'hui, j'arrive à le faire sans trop de difficultés. Ouais, ça ira.

J'entre dans le RA, pas trop agressive, mais énergique. Y a tout qui va compter. Y a toujours tout qui compte, dans ce genre de relations commerciales. J'm'approche du bar, tranquillement. J'prends le temps d'observer l'endroit. Simple, mais sympa. J'aime bien l'ambiance. Pas étonnant que tant de gens aiment l'endroit et m'en parlent avec enthousiasme. J'm'accoude finalement sur le bar, un bras à moitié bloqué par le putain de poids de Waalan, l'autre qui a réussi à lui échapper. Et j'souris. Comme une conne, certainement, mais j'souris. Au type qui se trouve derrière le bar. J'sais pas si c'est le patron ou pas. C'vrai que j'sais pas à quoi il ressemble, ce con. J'avais même pas pensé à ce léger détail, pourtant putain de primordial. J'connais plein de trucs sur lui, sur sa famille, mais pas son visage. Quelle conne, merde.

- Eh, salut. Est-ce que le patron est dans l'coin, par hasard ?

"C'est moi. Qu'est ce que je peux faire pour vous M'dame ?" Vêtu d'un tablier en simili-cuir protégeant une chemise de bonne laine usée aux épaules et aux coudes sur un jean qui en avait clairement vu d'autres à en croire les taches de cambouis sur les cuisses, Cathwulf sortit de derrière une arcade qu'il bricolait en attendant l'arrivée en masse de ses amis pilotes encore en train de s'entraîner. La machine en question ne voulait plus afficher de vert et les réparateurs coûtant des fortunes, il avait préféré s'atteler lui-même au trifouillage. Il essuya sa main de chair sur le jean en question, mit les tournevis que tenaient celle de métal dans la poche de son jean et examina l'inconnue. Jamais venue. Des jambes comme ça, il s'en serait souvenue. Sans parler du gros serpent. En voilà une qu'on impressionnait pas facilement, clairement.

"Cathwulf Searuweard, pour vous servir. Bienvenue au Runny Amber."

Ah. Le voilà. Grand gaillard roux. Il ressemble à son cadet, tiens. Enfin, à celui qu'j'ai rencontré. J'appuie mon sourire en faisant gaffe que ça fasse pas sourire forcé, quand même. Ca la foutrait mal. Enfin, je crois. J'm'attendais à beaucoup de choses, mais j'dois bien avouer que le cuistot qui a du cambouis plein les mains, ça m'avait même pas effleuré l'esprit. Enfin, même pas peur, j'tends ma main vers lui.

- Enchantée, Monsieur Searuweard.

Ouais, j'appuie sur son nom, l'air de dire, t'as vu comme j'prononce bien ton nom, mon gars ?

- Raedhun Van Haten. Je suis la propriétaire du Crumbs of Stars, un vaisseau restaurant-hôtel en orbite autour de votre jolie planète. Je vous dérange ? J'aimerais parler affaire avec vous. A vrai dire, j'aimerais que vous et moi devenions partenaire.

Ouais, j'ai pas envie d'me faire chier à passer par quatre chemins. Au moins, il sait à qui il a affaire et à quoi s'en tenir. Enfin, au moins un peu. J'vais voir s'il est totalement fermé à ça et si ça va être difficile ou s'il nous facilite la tâche à tous les deux en s'ouvrant à mes propositions et à la discussion. Surtout à la discussion.

Si elle dérange ? Bah un peu, elle lui pique de la clientèle quoi avec son truc de luxe en orbite. Après, s'il est vraiment honnête, c'est bien moins pire que prévu mais bon. Il retient un grognement. Depuis le temps qu'elle est là haut, si elle se donne la peine de descendre, c'est probablement pour une bonne raison.

"Ouais, asseyez-vous là, j'vais vous écouter."

Je lui désigne une table un peu à l'écart, non loin de mes sacro-saints livres de comptes dans l'enclave des pilotes que je viens de quitter et j'y allume les lumières de service. Tamisées avec une coloration flamme pour faire plus cosy mais surtout, on y voit. Je fais signe à Sarrazin.

"Tu me fais deux Bienvenus steuplait."

Avec deux pouces en bas pour dire de bien charger celui de l'invité, au cas où ça la rendrait plus compliante. Et puis seulement, je me met en face d'elle.

"Qu'est ce que je peux faire pour vous ?"

Il a pas l'air hyper ravi de cette visite, mais bon, il accepte de m'écouter, c'déjà pas mal. C'est maintenant qu'il va falloir gérer tout ça. J'm'assieds à la table qu'il m'a indiqué. En fait, j'prends mes aises, je laisse Waalan se poser sur mes genoux pour pouvoir m'adosser tranquille au siège, et j'continue d'observer les lieux autour de moi. Enfin, il vient poser son cul sur la chaise en face de moi.

- J'vais pas passer par quatre chemins, Monsieur Searuweard. Vous avez certainement bien d'autres choses à faire, et moi aussi.

Ouais, j'suis du genre à poser mes couilles sur la table tout de suite. T'façon, si le type est pas intéressé, j'pourrais faire toutes les pirouettes du monde, ça sera la même.

- J'ai remarqué avec le temps que nos clientèles n'étaient pas tout à fait les mêmes. Je cible les nobles, les voyageurs, les joueurs, les personnes en quête de sensation surtout. Donc des gens qui viennent souvent de loin, exprès pour aller sur mon établissement. Vous, vous recevez des gens de passage, qui profitent d'être sur Hope pour venir dans votre établissement et qui, de ce que j'ai pu entendre, s'arrangent pour que ce soit le plus souvent possible. Bref. J'veux vous proposer un échange de bon procéder. Mes clients connaissent pas forcément Hope, et j'aimerais mettre votre établissement sur la carte de ceux incontournables à terre.

On va y aller progressivement quand même, hein.

Clairement. Au hasard réparé ces saloperies de bornes qui refusent d'afficher du vert. Ce n'est pas qu'il a une passion profonde pour cette couleur mais enfin, c'est plutôt important dans un truc graphique, le vert. Bref. Il a dit qu'il écouterait, il écoute. Dressé, attentif, les coudes sur la table, une jambe chevauchant l'autre, les mains croisées devant la bouche qui cache la partie basse de son visage. Ben ouais, elle prend tous les riches et elle lui laisse les pirates, super le partage. Il adore les pirates c'est aps la question. La question c'est qu'il n'a jamais été du genre partageur. Déjà qu'on lui a fichu 3 cadets pour lui piquer ses parents alors ses clients, hein, il aimerait bien les garder.

Sauf qu'au final, il est pas con et que ce qu'elle propose...et bien il y avait déjà pensé. Il en avait même parlé à Sarrazin pour lui dire d'aller voir en agent secret si y avait moyen de moyenner des choses. Pas question pour lui de monter et de reconnaitre l'intérêt du truc. Il était trop fier pour ça. Et voilà qu'elle était descendue d'elle-même de sa tour d'ivoire.

"Si elle y est pas déjà, ben vous leur mentez, à vos clients. Le Runny EST un incontournable." Non mais oh ! Cela dit, c'est une proposition intéressante. Reste la douloureuse. "Ca me couterait quoi ?"

- Je l'sais bien, qu'il est incontournable, votre établissement. Croyez bien que ça fait un moment qu'j'dois venir vous voir à ce propos.

Ouais, des années, presque. Mais merde, avec le succès soudain de notre établissement, ma vie perso qui se complique pas mal, la DUST, cette fichue association que j'monte tant bien que mal et le reste... J'ai juste pas eu l'temps.

- C'est pas votre argent qui m'intéresse. Il s'agirait d'un échange de bons procédés plus que la vente d'un service. Ca vous coûterait rien, si ce n'est de la pub pour le Crust dans votre établissement, contre de la pub pour le Runny Amber dans le Crust.

Ouais, j'vais pas faire payer ça. Le but c'est qu'il me ramène des clients. J'm'en fous de son fric à lui. J'en ai certainement bien plus que ce type. Au final, j'y vais doucement. J'ai pas mal de trucs à lui proposer niveau partenariat et services, mais j'ai pas envie qu'il se braque, le bonhomme.

Ouais ben t'es pas v'nue. Pensa le tavernier sans se laisser amadouer par ces belles paroles. Une fille qui se balade avec un serpent, de base, il se méfiait. Et puis elle en montrait trop. Toujours s'inquiéter quand une gonzesse commence par montrer ses seins c'est souvent qu'elle a autre chose en tête que la gaudriole.

"J'sais pas, on a pas du tout la même clientèle comme vous le faisiez remarquer et autant les votres seront bienvenus à s'encanailler chez nous, j'pourrais veiller à ce qu'il ne leur arrive rien, autant je suis pas sûr du contraire. J'ai pas franchement la clientèle la plus sage de Hope, au cas où vous ne le sauriez pas."

Qu'il y ait des pirates au RA était un secret de polichinelle et les autorités fermaient doucement les yeux sur ce fait à grand renfort de back-shish.

"J'veux bien faire votre promotion, pas de soucis mais je ne saurais être tenu pour responsable des possibles dégâts ou désordres causés par des gens qui viendraient de chez nous." Il réfléchit un peu. "C'est quoi votre support pub ? Affiche ? Flyers ? Spot animé ? J'ai un écran mais je ne l'allume pas souvent, en général les gens font leur propre ambiance ici, enfin j'peux vous faire ce que vous voulez. J'peux même vous faire un burger et/ou un cocktail à votre nom mais ça, c'est une autre négociation, ça rentre pas dans l'échange de bon procédé que vous proposez tout de suite. C'est plus cher."

J'lui souris.

- Vous en faites pas pour la sécurité de mon établissement. J'doute que vous ayez le genre de clients prêts à faire plusieurs heures de trajet pour trouver quelque chose qu'ils ont ici, au Runny. Et entre vous et moi, notre système de sécurité est bien en place. Faut bien ça pour réussir à accueillir des pirates et des corsaires, des esclavagistes et des mo'ats, des corporatistes et des trinitaires, sans qu'ils commencent à s'entretuer joyeusement.

Ouais, ça, il le sait pas, et personne d'extérieur le sait, mais on est quand même une bande de trafiquants de drogues... J'crois que niveau sécu et défense, on a ce qu'il faut, et surtout, j'crois que ça fait longtemps qu'on a pas eu peur d'une bande de pirates. Heureusement que j'ai pas ramené Rob'. J'suis sûre qu'il se serait marré. Après il parle de sa façon à lui de remplir sa part du marché. Un burger et un cocktail au nom du Crust ? Putain, ça, ça en jette.

- On a des spots animés, et également des flyers. Nos clients viennent souvent nous demander conseils pour des activités sur le Crust ou sur Hope. Vous ferez partie de notre liste de conseils. Mais puisque vous en parlez, passons aux autres négociations, Monsieur Searuweard.

Ouais, parce que j'ai pas fini, hein.

- Pour tout vous dire, j'aimerais que notre partenariat ne s'arrête pas à l'unique échange de publicité. Est-ce que vous avez des ambitions pour votre établissement ?

"Ouais mais si vous m'abîmez mes habitués ou que vous leur rendez Hope impossible à cause des figures officielles, ça va pas faire mon bonheur voyez. Donc faudra trouver le juste milieu." Il est difficile de faire cohabiter les officiels et les pirates corsaires, il en sait quelque chose. D'ailleurs, malgré les pots de vin conséquent qu'il échange, il y a peu de vrais civils au RA. Pas mal de pilotes (mais ce ne sont que d'autres sortes de pirates, il le sait bien), quelques neutres qui s'en fichent et viennent pour la nourriture mais sauf besoin, les officiels mettent rarement les pieds dans la taverne. Une sorte de pacte d'ignorance qui convient à tous. Quant aux corsaires, ils savent ne pas voir.

"Okay. Euh. J'ai pas trop de flyers, et j'ai pas fait de spots animés mais on peut trouver un moyen pour faire ce genre de trucs je suppose; Je me renseignerais sur les coûts de ce genre de choses. Jusqu'ici, on n'a fait que le bouche à oreille et ça nous suffisait bien. On est pas trop branchés tourisme quoi. J'vais y réfléchir avec mon comité de direction" mot pompeux pour désigner Sarr et Minipouce "pis on r'viendra vers vous comme ils disent." Ouais. J'en parlerais ptet à Wynn aussi, ça pourrait l'intéresser de voir qu'on fait dans le légal et il s'y connait en administratif.

"Vous connaissez beaucoup de gens qui n'en ont pas, de l'ambition pour leur établissement ? Vous avez quoi en tête ?"

J'souris encore.

- Vous en faites pas pour ça. On a cassé personne, jusqu'à présent. J'vous propose pas un partenariat pour qu'on devienne ennemis. Vous en faites c'que vous voulez, mais j'ai certainement pas de mauvaises intentions à votre égard.

J'hoche la tête pour signifier que j'suis d'accord avec son blabla sur la comm'. Ca, c'est un truc avec lequel mon beau-père m'a bien emmerdée, mais aujourd'hui, j'm'en sors pas trop mal, donc c'est bien, finalement.

- Entendu.

Et j'souris à sa remarque.

- Beaucoup, j'dirais pas, mais y en a. Enfin bref. Y a quelques temps, une cliente et bonne amie est venue me proposer un nouveau genre d'activité, pour agrandir mon commerce. Pour faire court, elle m'a demandé de créer un service qui permettra à un vaisseau de n'importe quelle faction et origine de "louer" les talents de mes cuistots, pour donner un peu d'bouffe décente à un équipage, et apprendre aux mauvais cuisiniers d'l'espace à servir autre chose que du nutrisoja à répétition.

J'prends le cendar au centre de la table comme une autorisation à fumer. J'sors ma clope, j'l'allume, je crache ma fumée.

- Cette proposition m'intéresse beaucoup. Y a rien de mieux pour gagner en prestige et en notoriété. L'ennuie, c'est qu'on a de plus en plus de monde au Crust, et que tous mes cuistots - moi y compris - sont absolument débordés. Alors j'ai envie de créer tout ça, mais de servir d'intermédiaire entre les bons cuistots et les vaisseaux qui en réclament.

Mouais. Il veut bien la croire. Tant qu'il n'a pas de raison de croire le contraire. Il continue à la regarder, impatient qu'elle lui dévoile la vraie raison de sa venue parce que là, ils ont beaucoup parlé mais rien décidé encore. Bon, par sa faute à lui beaucoup mais hey, s'il était de bonne foi, ça se saurait.

"Du coup je me priverais d'un cuistot à moi et ça vous donnerait à vous de la notoriété ? Comment ça marche ?"

Je souris plus, maintenant. On entre dans le vif du sujet, faut pas se planter. Enfin, s'il refuse, ce sera tant pis pour lui. Mais merde, ça me fera chier aussi.

- Vous n'y êtes pas. Comme je vous l'ai dit, le Crust servira simplement d'intermédiaire. J'me charge de trouver et recruter les bons cuistots qui auraient l'envie d'aller se balader gratos dans l'espace pour faire ce qu'ils aiment et ce pour quoi ils sont doués. Les cuitsots, eux, ils sont bien payés, et ils récoltent la gloire pour leurs établissements. Et nos clients sont contents du Crust pour la qualité du service offert, et donc hésitent pas à faire appel à nous pour ça et autre chose. Tout l'monde est gagnant dans cette affaire. Et j'force personne à adhérer. Je viens vous voir parce qu'il parait que vous avez les meilleurs burgers de la galaxie, et que j'ai entendu suffisamment de gens dire votre nom en soupirant d'extase pour savoir que c'est pas que des rumeurs. J'goûterai moi-même, si ça vous gêne pas hein, mais j'suis pas super inquiète.

"Sarr ! Deux corpos spéciaux." Une serveuse amène les cocktails faits par mon compagnon, moins bon que les miens mais selon mes recettes et donc excellents. Je pousse le verre vers elle, réfléchissant.

"Okay. J'en parlerais à Minipouce, ma cuistote. Ca pourra lui faire des vacances. Elle a fréquenté des bâtiments étoilés et fait une grande école de gastronomie, du diable si je sais ce que ça fait. Cela dit, elle épluche les patates comme personne."

Il dit ça sur le même ton bougon mais on peut sentir la fierté percer derrière, et une pointe d'affection. Audrey fait partie de la famille. Elle a bien aidé lorsque Sarr est parti en vacance sur le Liberty. C'est son tour. Une serveuse amène les burgers, viande saignante, parfaitement exécutés avec quelques frites maison et des petits pains au miel. Wulf lui sourit. "Dit à Minipouce de passer me voir s'il te plait, et revient me dire s'il y a des commandes de plats en attente. Mangez." ordonne-t-il.

Ben putain, il est motivé d'un seul coup. Au moins, ça montre que ma proposition l'intéresse. Il me fait même venir un burger qui sent très bon et qui a un joli aspect. Il me parle d'une de ses cuistots, Minipouce. Drôle de nom, mais j'm'arrête pas là-dessus. Si elle sait faire la cuisine, j'me fiche du reste. Elle peut être petite, mince, mo'at, pirate, esclavagiste, corpo', grosse, rousse, chauve, j'm'en branle. J'regarde le burger sans y toucher tout de suite. Le cocktail, j'y goûterai après, pour pas biaisé le goût du burger.

J'soulève l'assiette, je sens, j'regarde. Et puis je goûte, enfin. Une première grosse bouchée. J'ferme les yeux, concentrée. J'prends le temps de tout sentir, de tout analyser, et d'avaler. J'suis pas de ces dégueulasses qui parlent la bouche pleine. On m'a pas élevée comme ça, et ce genre d'habitude ont la vie dure. C'est bon.

- Un bon steak. Bien cuit, ni trop, ni pas assez. Juste assez épais. Un pain frais, généreux. Salade, tomate, bacon, classique. Cheddar, aussi. C'est pas mal. Mais votre sauce...

Deuxième bouchée, tout aussi généreuse. Putain, c'est vraiment bon.

- Une pointe de tomate... Une touche de vin blanc... Des herbes et des épices, évidemment, sel, poivre, échalote, vinaigre... Peut-être de l'estragon, ou de la ciboulette. Ou les deux. Ouais, peut-être les deux. Et... Et...

J'rouvre les yeux, et j'souris.

- Merde, votre réputation est bonne, mais ça, ça dépasse de loin tout ce que j'imaginais. Elle a du caractère, votre cuistot?

"Elle me supporte et me tient tête." Il essaie de le cacher mais il est très fier de voir la surprise de son invitée quant à la qualité de ses burgers. Lui-même n'est pas aussi doué que Minipouce, c'est certain bien qu'il apprenne chaque jour à ses côtés et qu'il soit loin d'être mauvais lui-même. Il n'ajoute pas qu'elle a tué des types qui avaient voulu pénétrer dans sa cuisine, cela suffira et puis il ne veut pas qu'elle soit en danger non plus. "Cela dit, elle est jeune et j'en suis responsable alors si le poste est dangereux, il faudra me le dire, ce ne sera pas le même prix. Et s'il faut vraiment distribuer des mandales, je la garde là et j'y vais moi-même. C'est quel genre d'établissement votre machin qui a besoin d'un cours pour éplucher les patates ?"

J'hausse les épaules. J'le connais pas assez le gars pour que savoir que la môme elle lui tient tête c'est une preuve de réel caractère ou pas. C'vrai qu'il a pas la réputation d'être le type le plus conciliant au monde, mais bon. Les réputations, j'm'en méfie aussi, parfois. Et pour c'qui est du poste... Ca pourrait être pire.

- Nan, il lui arrivera rien à votre cuistot. C'est un bâtiment de la flotte impériale. Y a juste le cuistot d'là-bas qui, en plus d'être mauvais et de rendre malade son équipage, a un foutu caractère de merde. Mais vu qu'votre cuistot va être le messie quand elle va arriver à bord, elle sera bien traitée, j'me fais aucun souci là-dessus. Faut juste qu'elle gueule assez fort pour couvrir les râleries de l'autre c... Cuistot. Bref, y a moyen que j'la rencontre, si vous voulez la faire partir ?

Audrey était petite, mince, mi-pirate, mi-corpo et rousse. Raedhun avait quatre points sur neuf. Même pas la moyenne.

Elle sortit de son antre en grognant, n'aimant pas la façon que Wulf avait parfois de l'exhiber devant les clients comme un cheval devant des acheteurs potentiels. Mais bon, y paraissait que ca faisait vendre... A son avis, on vendrait plus si elle était derrière ses fourneaux au lieu de vagabonder.

Elle demanda à Sarr' de venir la chercher quand il y aurait plus de cinq commandes en attente et s'accrocha un sourire commercial sur le visage.

"Wulf! Tu m'a fait demander?"

Elle s'inclina légèrement devant la cliente qui dégustait un de ses burgers.

"Madame..."

La Flotte impériale, rien que ça. Connaissant le passé d'Audrey - et surtout sa mère - pas sure que la petite accepte de s'encainailler avec les coincés de l'armée mais ça, c'est à elle de voir. Lui ne s'embarasse pas de ce genre de principe à la con, la thune c'est la thune et au pire, il est d'attaque pour aller dresser un cuistot si mauvais que l'armée - pourtant pas connue pour sa gastronomie hein - demande qu'on le redresse un peu. Il sourit.

"Ouais, gueuler c'est pas un problème au Runny. J'l'ai envoyée chercher elle va pas tar...ah bah la voilà. Salut 'Drey. Assied toi."

Il tend son bras métallique, chope une chaise et la met entre eux deux.

"Je te présente Miss Van Haten, c'est la proprio du vaisseau hôtel restaurant qui nous cache la lune parfois. Elle a un service à te demander mais avant qu'elle cause, j'veux que tu saches que t'es totalement libre de dire oui ou non ou même merde. Miss, Audrey Darand, ma cuisinière cheffe."

Waalan lève un peu sa grosse tête quand la nouvelle arrive, intriguée. Puis elle se recouche, comme la grosse larve qu'elle est.

- C'est un plaisir, Madame Darand.

Ouais, toujours un plaisir pour mes papilles de croiser la route d'une bonne cuistot. J'lui tendrai bien la main, mais y a une table qui nous sépare. J'acquiesce quand Searuweard dit qu'elle peut accepter ou refuser. Faut pas qu'elle se force. J'préfère chercher quelqu'un d'autre plutôt que d'embaucher une cuistot certes, très douée, mais avec une hyper mauvaise volonté. La mauvaise volonté, ça rend la bouffe rance.

- J'suis ici parce que pas mal de gens m'ont dit du bien sur la cuisine du Runny et qu'après y avoir goûté, j'en pense du bien aussi.

J'tire une fois sur ma clope.

- J'suis en train de lancer un nouveau service, sur le Crust. Un genre de service d'intérim', qui consisterait à recruter des cuistots que je choisis personnellement, pour les envoyer quelques temps à bord de vaisseaux qui en ont marre de bouffer de la merde. Les cuistots envoyés sont bien payés pour faire la cuisine là-bas et surtout, pour apprendre au type qui fait la bouffe dans le vaisseau à faire de la cuisine décente. Et ça me plairait bien de vous avoir dans l'équipe.

[Pardon pour le retard]

"La propriétaire du Crust? Enchantée, Madame"

Le Crust avait sa réputation et plus d'un de ses camarades de promos auraient été ravis de passer quelques années à cuisiner pour lui. Aussi, quand la patronne de l'engin félicita Audrey pour sa cuisine, celle ci en fut sincèrement flattée et rougi-t-elle un peu des oreilles.

"Merci, Madame."

Et celle ci expliqua son idée. A l'idée d'aller dans l'espace, une part d'Audrey vibra un instant avant d’être fermement inhiber par le reste de son être. Elle n'allait tout de même pas laisser une satané flamme pirate gouverner sa vie sans réfléchir, merde.

Ok. Elle avait envie d'y aller. Envie de l'espace d'un vaisseau et de tout ça. Mais elle n'avait pas envie de tout laisser tomber pour cela. Elle aimait sa place au Runny et ce qu'elle avait construit ici.

"Je suis... Je suis intéressée. Et flattée. Mais si je ferais volontiers une mission de ce genre, je ne me vois pas en faire plus d'une. Je suis surtout une cuisinière de restaurant. Donc Wulf, tu crois que... Je pourrais revenir, après?"

"Evidement, ptite tête ! Tu crois que je vais te laisser partir et me laisser seul avec Sarr ? Tu déconnes. Je veux bien te prêter mais t'as intérêt à revenir, avec plein d'histoires à raconter et des tas d'idées de nouvelles recettes pour notre clientèle impériale !" Son ton est bourru et laisse transparaître l'affection qu'il a pour la rouquine. Quelque chose de fraternel et de protecteur qui ne veut pas se l'avouer.

Bon. Maintenant que la petite est intéressée, c'est l'heure des négociations.

"Elle sera payée, c'est sûr mais je veux qu'elle ait au moins une paye d'officier puisqu'elle aura à dresser une équipe. Et comme on fait ça pour VOUS faire plaisir, M'dame Van Haten, j'veux qu'elle ait en bonus tout un week-end sur votre établissement tous frais payés pour elle et qui elle veut. Y a pas de raison que je me prive de mon meilleur élément pour votre pub sans contrepartie pour moi. Logique."

J'fais en sorte de m'effacer un peu quand les deux cuistots échangent leur affection. C'est mignon, tiens. Même si elle veut faire qu'une mission, ce sera déjà ça de pris. Et on est pas à l'abri qu'elle kiffe tellement qu'elle redemande à y aller. Ou que l'patron soit pris de la même envie de prendre le large un peu. L'patron, je le trouve dur en affaire, tiens. J'lève un sourcil, prends le temps de savourer ma clope, tranquille.

- J'ai dit bien payé. Croyez pas que j'me fous de votre gueule, Monsieur Searuweard. J'viens pas chercher les meilleurs cuistots d'Hope pour me les mettre à dos. Pour la pub, vous en aurez aussi, et pas qu'un peu. Avec une cuistot comme la vôtre, ça va faire parler. J'vous négocie une jolie prime de risque en plus, et on oublie le week-end tous frais payés.

Ca va pas, j'lui fais gagner un max de tunes, il va pas en plus venir me pomper mon fric à la source. 'fin, c'est un peu de la mauvaise foi de ma part, certainement. J'm'en branle, quoi qu'il en dise, c'est déjà une putain d'opportunité que j'leur offre. S'ils veulent venir sur le Crust, faut payer. Bon, j'suis commerciale, j'ferai un ou deux gestes, surtout pour eux. Mais faut pas déconner.

Audrey se sentit soulagée. Wulf ne voulait pas se débarrasser d'elle. Il lui proposait juste une bonne opportunité.

Hum... Faudrait qu'elle parle avec son psy de cette trouille d’être abandonnée par Wulf. Ça commençait à être récurent, quand même.

Elle laissa le restaurateur négocier pour elle. Autant elle le dépassait en cuisine, autant elle savait qu'il était un meilleur négociateur qu'elle. Elle s'en remis donc à lui.

"Si la prime de risque équivaut à un week-end tous frais payés, ça me va. Sinon, elle est pas assez élevée." Il sourit. Il aime négocier, surtout quand il a à faire à forte partie comme ici. Et puis c'est sa façon de montrer à la jeune femme l'estime qu'il porte à sa rouquine. Une façon de dire "attention, j'y tiens, allez pas me la casser". Wynnstan dirait que c'est taré comme façon de montrer ses sentiments. Enfin le jour où Wynn oserait dire ce qu'il pense. "Parce que bon, moi les impériaux, c'est pas comme qui dirait mon coeur de cible hein. J'ai pas spécialement envie que tout ce qui est officiel dans la galaxie vienne me faire coucou et tout remplir d'uniforme. Faut pas oublier que mon établissement n'est pas un exemple d'ordre et de propreté."

Ni de légalité, par ailleurs.