De l'art, pour l'Art

Week-end bien mérité. Les patrouilles étaient en ce moment aussi barbantes que tendues. Qu'il était bon de pouvoir poser pied à terre en s'estimant heureux d'être encore en vie. J'ai envie d'offrir quelque chose à maman. Depuis que je suis en faction sur le Flare, mes retours à la maison se font plus rares. Wulf se décalque pour qu'elle puisse vivre et pour les études de Wynn. Et celui-ci est trop loin de la maison pour voir chaque jour maman. Pffff. Ai-je vraiment envie de me faire pardonner en lui achetant un truc ? Sérieusement, je suis devenu comme ça ? Matérialiste à ce point depuis que je suis capable de m'acheter mes propres trucs en ayant mon propre salaire.

Cette idée me dégoûte un peu mais ma curiosité est piquée. L'artiste que j'ai repérée, une certaine Lehie Kether-White vit en bordure de la ville, signe d'une grande richesse. Il m'arrive de feuilleter sur mon holo toutes sortes d'articles et, parfois, mon esprit n'arrive pas à s'en débarrasser. Depuis plusieurs jours, je n'arrive qu'à penser aux toiles de sa galerie. J'ai même pousser mes recherches pour en apprendre plus sur son travail d'artiste. Le tout m'a fasciné. Le pire, c'est que j'ai tout retenu ! Comme mon frère et ses neuroscience. Sauf que... ça... ça me servira qu'à briller dans... dans... je sais même pas. Même pas dans mon job. Vachement utile.

Toujours est-il que, j'ai loué un véhicule pour me rendre dans sa galerie. Peut-être j’achèterai un truc. Peut-être pas. Je suis avant tout curieux. La galerie n'est pas difficile à trouver par sa stature dans les environs. On peut dire que c'est l'édifice le plus imposant du paysage que j'ai sous les yeux. Construction typiquement Corporatiste d'une beauté à couper le souffle. Je n'arrive même plus à imaginer la fortune de cette femme. C'est presque indécent. Je secoue la tête et me force à entrer dans la galerie feutrée. Ici, tout les sous semblent adoucis et tout est plus... rond.
J'ai beau ne pas y connaître grand-chose, je suis loin d'y être insensible.

Honor  était restée à la maison avec  les quelques domestiques qu'elle employait pour entretenir sa maison, elle leur faisait confiance   pour la garder et veiller à ses besoins. Lehie  avait décidé d’accueillir  les visiteurs  intéressés par sa galerie   pendant quelques heures  avant de se retirer pour continuer à se consacrer à ses grandes passions mais, en dépit  de la qualité de ses toiles et autres œuvres, elle n'attirait que peu de visiteur et encore moins d'amateur désireux de lui parler.  

Elle donnait plutôt l'impression de faire partie du décor que d’être l'artiste qui avait produit ces merveilles, ses traits manquaient de charisme se confondant dans la banalité malgré un corps  taillé par la musculature fine des grimpeurs. Il fallait du maquillage et une tenue mettant en valeur son corps pour qu'on daigne lui accorder le titre "mignonne" et elle ne s'en préoccupait pas plus que ça.  Plus depuis la naissance d'Honor.

Assise sur une chaise, elle s'ennuyait presque dans cette galerie au  style sobre, lumineux et épuré,  griffonnant les bases de ses futurs croquis assortis de belles notes manuscrites quand un rouquin  se présenta, il ne la remarquerait sans doute pas  et préférerait admirer les œuvres  qu'elle avait peinte. Oh, il  y  en avait qui venait la voir et ils s'étonnaient souvent de découvrir qu'elle était l'artiste en question, pensant avoir affaire à un employé de la galerie. Cela la blasait mais ce n'était pas la publicité qu'elle recherchait. Simplement offrir au monde sa conception de l'art.

J'avance de quelques pas en retenant des « Waouh » d'exclamation à chaque nouvelle toile, à chaque nouvel objet décoratif. Tout est si pensé, tout est si millimétré que le tout donne quelque chose de très... feng shui. C'est assez inexplicable mais c'est quelque chose qu'il faut absolument ressentir pour comprendre. Mes connaissances en art sont si limitées que je ne suis même pas sûr d'être capable de mettre un courant artistique sur ce qui défile sous mes yeux. Soudain, je me sens comme épié et je jette un coup d’œil derrière moi. Mais il n'y a personne... sauf. Ah, si. Une femme banale au visage passe-partout. Elle semble surveiller la galerie tout en occupant ses mains à quelque chose que je ne peux distinguer d'ici. Je lui fais un signe de tête, accompagné d'un petit « Bonjour » poli. Puis je continue mes déambulations.

Encore un soupir que le rouquin était bien incapable d'entendre de là il était, elle posa son crayon  sur le cahier dont les deux pages ouvertes étaient noircis de ses réflexions et de ses lubies puis se leva de son siège. Il était temps de se tenir à disposition du visiteur si jamais il avait des questions.  Lehie lui retourna  son bonjour sans entrain particulier, elle n'était heureuse de s'obliger à surveiller la galerie préférant largement  profiter de sa fille et de la nature.

Bonjour Monsieur. Cherchez-vous  une peinture en particulier ? Elles racontent tous des histoires à la  sensibilité des visiteurs, et peut-etre que je saurais trouver la pépite qui vous intéresse.  

En s'approchant du rouquin, elle passa à coté d'une carafe gravée à la main et au diamant.  Lehie ne se souciait pas particulièrement de l'objet, il décorait juste sa galerie,  bien qu'il soit évidemment couteux, il n'était pas de sa main comme en témoignait la signature de l'artisan. La jeune femme ne ressentait pas de la passion effrénée pour la poterie mais elle savait apprécier ce qui était fabriqué avec du cœur.   Après tout  ses propres toiles, photographies et écrits  trouvaient leur source dans sa volonté de les réaliser, de produire  quelque chose qui avait de l’âme. Lehie avait noté qu'il n'avait pas encore vu ses photographies.

J'entends la galeriste s'approcher de moi, c'est pour ça que je me retourne dans un mouvement fluide pour lui faire face à son arrivée. Elle me demande si je cherche quelque chose en particulier... je m'apprête à lui répondre que non lorsque ... mes yeux tombent sur cette drôle de carafe. Immédiatement, cet objet de verre poli gravé au diamant m'interpelle, il me parle. Je n'arrive plus à en décrocher mon regard même.

« _ Je... J'en ai le souffle coupé. Je ne pensais pas dire ça un jour mais cette carafe est absolument magnifique. Vous êtes l'auteure de ces objets d'art ? » Je pointe en même temps du doigt l'objet de mes désirs tout en m'en approchant prudemment.

C'était tellement inattendu qu'elle battit des yeux une unique avec l'impression.  Il venait  de pointer du doigt un des objets qui  ne faisaient pas partie  de ses œuvres.  Sa bouche se plissa d'un sourire, celui de l'artiste qui s'avouait vaincu par une poterie.

J'ai peinturé moult de ces toiles, hélas, je n'ai point fait cette carafe que vous guignez avec tant d'empressement et j'en suis fort marri.  

Woooups. Je semble que je me sois fourvoyé. Elle est belle et bien artiste mais n'a pas composé cet objet-ci. Le ton qu'elle emploi et le vocabulaire... euh... étrange me fait comprendre sa déception. Ou bien une forme de colère. Je me ressaisis aussitôt pour me retourner vers cette étrange dame.

« _ Vous m'en voyez confus. Je me gratte l'arrière du crâne, un peu gêné. Cela veut dire que vous êtes peintre ? Je tourne maintenant le dos à la carafe, même si celle-ci continue de m'appeler, je ne veux pas froisser cette artiste. Je serais ravi de découvrir votre travail. J'adore découvrir de nouvelles choses. Ahem... l'enthousiasme d'un gamin de cinq ans. Waouh. »

Parler en vieux corporatiste avait le mérite de rendre fort marri les gens qui ne ignoraient tout de ce passé linguistique, elle-même l'avait découvert grâce à  son premier amour, le père de sa famille et aussi le plus grand salaud que l'Univers ait enfanté à ses yeux.  S'il se représentait un jour sur le coin de sa porte, ce qui  ne risquait pas d'arriver, elle savait ce qu'elle ferait : laisser la porte fermée.  L'humour pétillait dans ses yeux  devant la gêne visible de son visiteur qui  évoque son  désir  avec enthousiasme.

C'est du vieux corporatiste,  je regrette souvent  qu'on  s'y intéresse rarement, il y a des mots qui valent la peine d’être dit. Si cela veut dire que je suis peintre ? Oui, mais  c'est une simplification excessive de mes activités, voyez-vous,  je   dessine, je peins, je photographie et j'écris.  Dire que je suis peintre, c'est réduire ma vocation d'artiste.

La jeune femme  sortit  un bandeau noir de sa poche et le tendit  à son interlocuteur. Elle n'était pas dupe, la carafe plaisait au jeune homme. Il y reviendrait surement.

Si vous voulez bien vous donner la peine,  je vous étonnerai.  

Le vieux corporatiste ? Intéressant. Je note les quelques mots dans un coin de ma tête, ça peut toujours être utile, on sait pas ! Deuxième boulette... Elle n'est pas QUE peintre. Je me sent rosir légèrement, je ne voulais vraiment pas la blesser. Mais bon, elle n'est pas l'air de s'en émouvoir outre mesure. Puis, elle me présente un bandeau. C'est une forme de jeu ? Je lui souris, ça me plait ! Et je suis là pour découvrir de nouvelles choses ! Même si euh... Je jette un dernier regard à la carafe avant de nouer le bandeau sur mes yeux. Ça y est, il fait noir.

"_ Je vous suis !"

Lehie constata avec plaisir qu'il se prêtait au jeu, enfilant le bandeau avec enthousiasme  sans répliquer par une protestation ou une question.  Il y avait une bonne raison pour qu'elle propose une visite  de la galerie avec un bandeau sur les yeux  comme le rouquin le découvrirait par lui-même en   retirant le bandeau. Elle le contourna  et posa ses mains  sur ses épaules pour le mener à une toile, le fit bouger  jusqu'à  qu'elle s’arrête et le fasse tourner en face d'une mystérieuse œuvre....

Enlevez le bandeau noir.

Qu'est-ce que c'était ?  L'image d'un peintre en train de  se peindre lui-même à l'aide d'un miroir ? Des photographies sous  des angles différents d'un mur sur lequel avait été peint une scène  ?   Ni l'un ni l'autre.  C'était une toile  impressionniste  qui montrait Vanguard  bruler en même temps  que les trinitaires  se faisaient réduire en miettes par les deux cuirassés. Elle rappelait  que le prix de la victoire, de la guerre avait un cout amer. Celui de la violence, de la mort et de la destruction. Dans un coin, on pouvait voir la signature de l'artiste, LKW, qui renvoyait à ses initiales.

Elle me prend par les épaules pour me guider à travers la galerie. C'est un drôle de concept, mais je crois que j'aime beaucoup l'idée. Lorsqu'elle m'intime de retirer le voile noir, je m’exécute. Je frissonne devant la scène de guerre qui s'étale sous mes yeux. Ma gorge se resserre. Une vague d'émotion me transperce. Je repense à mon père, blessé et tué par une connerie du genre. Puis à mes choix qui m'ont mené à l'armée. Je me sent idiot face à ça. C'est... plus que troublant. Ma respiration se saccade et j'ai l'impression que je vais m'effondrer dans quelques instants.

Eh ben, on peut dire qu'elle a bien choisi sa peinture. Et son métier.

C'est la première toile que j'ai réalisée après l'attaque trinitaire. Je l'ai appelée les Feux du Ciel, un titre pompeux mais juste. Cependant, celle-ci est une copie, l'original est entre les mains de mon père.

Elle n'en avait plus qu'un désormais. Le deuxième avait été tué fauché en pleine visite d'un nouveau complexe industriel de sa firme Kether-White. Et Lehie s'inquiétait pour lui, elle avait l'impression qu'il s'était renfermé depuis la mort de Bartolomew.

Si j'ai choisi de vous la montrer en vous mettant un bandeau noir au visage, c'est pour vous étonner et vous faire profiter au maximum de vos émotions et de vos impressions. Vous voulez rééditer l'expérience ou on arrête là ?

Elle sent son trouble, ne souhaite pas le perturber davantage.

Je ne l'écoute qu'à moitié. Je grave le nom de la peinture en moi et j'ai l'impression de m'y fondre un instant. Je cligne plusieurs fois des yeux, cherchant vainement ma place dans cette toile. J'imagine que c'est peine perdue. Je laisse échapper un soupir. Lorsqu'elle me propose de retenter le coup du bandeau, je suis plus réticent mais je n'ai pas envie d'écarter totalement la possibilité.

« _ Je... euh... serait-ce possible d'avoir un verre d'eau, avant, s'il vous plait ? »

Il y a des latrines pour damelot et damoiselle un peu plus loin à gauche. Et des cuvettes enchantées par des mages ; passez vos paluches dessous et il en jaillira de l'eau tel un geyser. , répondit malicieusement Lehie faisant allusion à la technologie de détection des mains qui équipaient certains lavabos de l'UC. Mais si vous répugnez à user de ces charmognes, je peux vous montrer une peinture apaisante.

Je hoche la tête. Je suis prêt à tout.
« _ Je reviens tout de suite » Et hop, direction les toilettes où je prends le temps de boire et de me rafraîchir le visage. En plus de prendre le temps de calmer un peu mes tremblements. Okay, c'était qu'une peinture, ça va aller. Ça va passer. On va aller voir autre chose. Je prends une grande respiration et rebois un petit coup avant de retrouver la galeriste.

« _ C'est bon... partons donc sur quelque chose de plus apaisant. » Et je remets le bandeau sur mes yeux, espérant cette fois-ci ne pas ressentir la même chose que devant l'autre tableau.

Lehie resta seule, plantée devant la peinture qui avait tant éprouvé le rouquin, elle était consciente que c'était une peinture difficile en ces instants de deuil depuis que Vanguard avait été en partie ravagée par les trinitaires. Elle n'était pas présente à Vanguard ce jour-là, si elle l'avait été peut-etre qu'elle serait morte avec sa fille ou peut-etre l'aurait laissée orpheline ou bien l'aurait perdue. Il était cependant inutile de ressasser le passé. L'encre était déjà sèche et rien pourrait rattraper ce qui était arrivé. Sauf une machine temporelle qui relevait toujours du domaine de l'utopie en l'état actuel des connaissances des scientifiques de l'UC.

Super.

Elle finit par s'éloigner de sa peinture à regret pour ne pas ressasser ses idées sombres pour se rapprocher des toilettes afin de se rendre disponible pour le rouquin. Quand il sort des toilettes, il semble rasséréné car il remet aussitôt le bandeau sur ses yeux. Bien. Elle refit la même chose que la première fois, le guidant main sur ses épaules et, à nouveau, s’arrêta devant une peinture de son choix.

Enlevez votre bandeau. Et touchez des yeux.

Il est difficile de décrire cette toile, cette myriade de plantes et d'arbres semblent sortir de l'imagination de Lehie, en réalité, un botaniste aurait reconnu là des plantes de Renaissance. Et, en arrière plan, se profilait des immenses montagnes qui gravitaient majestueusement dans ce qui ressemblait fort au ciel. Et les oiseaux, tels des taches ondoyantes, y figuraient également.

Celui-ci est bien plus tranquille, pour mon plus grand plaisir. Rien ne semble venir perturber la très jolie représentation d'un paysage typique de Renaissance. C'est joli, c'est apaisant et la toile incite à imaginer un hors-champ fourmillant de vie et de choses à découvrir. Me voilà parfaitement détendu. J'ai l'impression d'être une véritable éponge à sentiments et sensations, en proie aux machiavéliques manigances de la tenancière des lieux. Pourtant, c'est si facile de se laisser guider.

« _ Je préfère celui-là. Dis-je dans un demi-sourire à la fois boudeur et rieur. Puis, je relance la conversation. C'est bien calme par chez vous, les clients se font rares ou bien ils ne se déplacent pas ? Peut-être était-ce un peu indiscret... »

L'humilité de cette femme est tout à son honneur, je ne sais même plus quoi lui répondre. Elle souhaite rester discrète, ne pas trop se montrer en public, ne pas se faire connaître, bref, rester transparente aux yeux des gens comme moi.

« _ Cela forme un tout très harmonieux, sachez-le. Surtout en matière de carafe, peut-être... Je lui fais un clin d’œil vu qu'elle avait elle-même reparlé de cet objet qui m'avait tant plu. J'aime beaucoup cet endroit que vous avez créé. Aucun doute, je repasserai... Quand j'aurais les moyens, peut-être. »

Je vous en remercie, comme je le disais, je n'ai pas créé tout seule ce bâtiment, je transmettrai aussi aux autres. Vous avez envie d'acheter cette carafe qui vous plait tant ?

Lehie appréciait le compliment, c'était une modeste récompense pour son travail.

Gloups. Comment vous dire ça poliment... ? Euh... eh bien. enfin... Non ? J'essaie de ne pas paraître déstabilisé mais là j'avoue qu'elle me met dans l'embarras.

« _ J'aime beaucoup cette carafe, il est vrai. MAIS, allez ducon, tu vas pas passer tes huit dernières payes dans cet objet inutile. HEIN. Je passe une main dans mes cheveux. Ni vu, ni connu. Je voudrais l'offrir à ma mère. Tu t'enfonces gros, tu t'enfonces. Résiste à cette tentation idiote et futile ! Mais je ne peux pas aujourd'hui... il faudrait la transporter convenablement et je suis venu à pied, voyez. Je... je voudrais pas l'abîmer. Face palm. L'excuse la plus bidon du monde. Quel con ! »

Lehie se mit à rire, il était visiblement gêné par la question, en témoignait les justifications qui s'allongeait et le passage de sa main dans les cheveux. On aurait dit un adolescent intimidé par un adulte plus mur ou une représentante de l'autre sexe.

Cela peut s'arranger, vous n’êtes pas obligés de tout payer en une fois le service colis fragile compris. La carafe ne vaut que deux zéro, trois au grand maximum. Je peux aussi appeler Henry pour négocier le prix si vous tenez vraiment à l'acquérir. C'est un beau cadeau à offrir à une mère, je suis sure qu'elle saura apprécier l'intention.

C'est fou comment elle pouvait ressembler à une vendeuse de commerce qu'on pourrait retrouver à tout les coins de rue de Vanguard plutôt qu'à une artiste !

Zut zut et re eut ! Cette excuse totalement bidon était trop nulle pour la faire plier. Bonne marchande, elle me propose même de négocier le prix avec l'artiste. Je suis piégé. Je vais me retrouvé endetté comme un con. Je lui fais un maigre sourire, totalement gêné. Calypso que je peux être nul en négociation, quand je m'y mets. Pourtant, c'est mon job. Sauf que je négocie pas des carafes. Je compte sur mes doigts le prix que pourrait valoir ce truc. Trois zéros, ça commence à faire. Deux, c'est plus raisonnable.

« _ Bon... bon, si vous insistez. Deux zéros me conviennent plus que trois. A voir avec l'artisan. » Hors de question de céder lors de négociations.

Lehie se saisit de son HCOM protégé par une coque sur laquelle s'étalait une photographie de sommets de montagne verdoyants et de rivière coulant dans la grande vallée. On sent la passion pour la nature la même qui se retrouvait  dans la deuxième toile que Lehie avait montré  à Nynniaw. Elle prit contact avec l'artiste et échangea avec lui jusqu'à avoir un prix net. Puis raccrocha pour revenir au rouquin.

Trois cents crédits, le prix d'Henry vous convient-il ?

Elle ignorait s'il allait accepter ou non, elle aimerait bien en finir, retrouver sa fille et son atelier. Elle n'avait pas précisé que qu'Henry avait aussi ajouté qu'il prendrait pas moins de cent cinquante crédits pour sa carafe.

Trois cent crédits. Par Calypso. Un tiers de mon salaire. Mais je suis dans la merde. J'ai accepté. J'ai dit que je voulais bien écouter le prix de l'artisan. C'était presque déjà une preuve d'achat. J'ai plus le choix, putain. J'essaie de ne pas paraître trop abattu par la nouvelle. Trois cent boules. Allez, c'est pour ma mère. Et c'est pour aider les artistes en dèche. Allez, je n'aurais qu'à serrer la ceinture un peu ce mois-ci. C'est pour une bonne action.

« _ Vendu ! J'annonce d'une voix à moitié éraillée. »

En m'approchant à nouveau du vase, je suis aussitôt sous son charme. Finalement, c'était que trois cent crédits.