Malaise

Les roux. S'il le dit. Je ne me sens pas le courage de poser plus de questions mais il me rappelle à la réalité et je ne peux même pas lui en vouloir, j'aurais fait pareil à sa place. Comme si j'étais une poupée de tissu, il me relève les jambes et soulève ma tunique. Inconsciente de ses craintes et sans véritable pudeur, je ne me demande pas si mes dessous blancs et simples vont être vus ou non. Qu'importe finalement. Il me parle.

"Je suis guérisseuse, j'étais, dans ma tribu, j'étais celle qui soigne et qui sait. Et j'ai appris aussi des bases de soin de votre univers, quand j'étais...pour soigner le Maître. Je ne savais pas ce qu'il avait, c'étaient pour beaucoup des crèmes et des onguents et des massages. Alors quand j'ai entendu parler d'une discussion de médecins...c'est comme ça que vous appelez les guérisseurs qui ont un papier pour le dire. Je n'ai pas de papier, je ne suis pas médecin, alors j'ai voulu écouter pour savoir quelles étaients nos différences. Pour savoir et soigner plus. Je ne pensais pas que vous mettiez aussi vos mots en cage..."

Je regarde pas mais j'vois quand même du blanc où j'avais peur de trouver du noir. Ouf. J'observe son ventre, je vois le tatouage sans m'attarder - il est bizarre le tatouage, peut-être un insigne de guérisseuse ? - et je palpe doucement, attentif à ses réactions, à ce que je sens. J'écoute. Je comprends qu'elle est esclave, qu'elle l'a été peut-être. J'espère qu'elle l'est plus. Elle a pas de marques aux chevilles, j'en ai pas vu aux poignets. Elle aurait jamais dû l'être. Maman.

"Vous savez, ici c'est pas vraiment des médecins, c'est surtout des chercheurs." On cherche des trucs que vous connaissez déjà depuis des siècles mais des fois j'me demande si quelqu'un a déjà eu l'idée géniale de vous poser des questions. "On cherche de nouveaux médicaments." Et on développe des foutues crèmes anti-âge parce qu'en attendant de trouver la panacée, ça fait rentrer les sous des vieilles richardes, et donc ça justifie le maintien du programme et l'octroi de ressources supplémentaires pour trouver des trucs vraiment utiles. "Et pour qu'on puisse continuer à chercher, il faut que les mécanismes qu'on découvre et qui permettent de produire ces médicaments restent secrets. Je comprends que ça semble bizarre quand on est pas dans le système." Quand on est dedans aussi d'ailleurs. Parfois. "Mais en aucun cas ça ne justifie de vous frapper." je siffle.

Une femme. Seule. Et désarmée. Merde.

Chercheur. C'est un mot qui me parle. J'aime ceux qui recherche, qui voient plus loin, qui veulent percer les secrets de Calypso. Comme l'est Billy. J'aurais aimé parler à ces gens et pourtant, même lui m'explique que les découvertes aussi sont en cage. Pourquoi ? La connaissance ne disparait pas lorsqu'on la partage. Comme un sourire, elle n'en devient même que plus forte. Je ne comprends pas. J'ai mal aussi, je tousse. Mais c'est accessoire. Presque. Je ne ferme pas les yeux, je suis sage. Et lui siffle, me faisant sursauter. Mon corps entier se tend. Je ne supporte pas la violence, aujourd'hui. Moi qui avait accepté ses mains sans rechigner, je suis soudain nerveuse.

"Pardon."

De quoi...je ne sais pas. Le Chasseur m'a appris qu'il fallait s'excuser, baisser la tête. Je ne voulais plus jamais avoir à le faire mais... j'ai comme l'impression d'être en cage à nouveau. Et ma douleur au ventre revient en force, nouant mon estomac dans un spasme qui me fait me dégager et me retourner pour vomir trois gouttes de biles qui brûlent dans la gorge. J'ai les larmes aux yeux.

Oh meeerde. Je la soutiens, je cherche un truc à lui tendre pour s'essuyer la bouche - j'aurais dû y penser avant, tellement avant, stupide Wynn - mais je trouve pas, j'ai pas d'eau sur moi évidemment sinon c'est pas drôle, alors j'enlève ma blouse comme je peux et je lui tends. J'en profite pour sortir mon com et envoyer un message rapide à une fille du labo pour demander de l'eau et des trucs utiles que, je pense, on a à portée de main.

"Non, c'est moi. Je suis désolé, j'aurais pas dû m'emporter. Tout va bien." Ouais, j'suppose que tout va bien physiquement, en tout cas j'ai rien senti pouvant indiquer une urgence. Bon elle aura un bleu, ça c'est clair, mais autrement ça devrait aller. "La violence gratuite... ça me met hors de moi. Vous y êtes pour rien. Vraiment. C'est de ma faute."

C'est moi qui. J'aurais dû intervenir plus tôt. Avant. J'ai eu peur... j'ai pas réussi à bouger. Je suis désolé, tellement désolé. J'arrive pas à le dire. Alors je laisse le vent léger et le bruit des feuilles meubler le silence.

"Ils auraient jamais dû vous frapper." j'arrive juste à dire, piteux. "J'essaierai d'en parler pour que ça recommence pas. Je pourrai pas vous faire rentrer dans le labo, mais si je peux empêcher que ça arrive encore..." Vu son état, je pense qu'elle approchera plus du labo. Mais qui sait combien d'autres ont eu droit au même traitement avant elle ?

"Je ne vous comprends pas..." Ma gorge me brûle, je ne pense pas à prendre la blouse, je me contente de sortir un mouchoir et de m'essuyer la bouche avant de m'asseoir dans l'herbe le temps que le monde arrête sa course folle dans mon âme. "Vous êtes si...humains, un par un, et en groupe vous faites des choses impensable. Vous mettez la connaissance en cage, vous avez besoin de papier pour vous dire qui vous êtes, vous donnez du pouvoir à des morceaux de métal qui ne sont utiles à personne, vous détruisez sans regarder, et pourtant vous cherchez par delà les étoiles. Vous emprisonnez des êtres vivants pour mieux les comprendre sans vous rendre compte que vous les changer d'environnement c'est les pervertirs. Vous savez voler. Vous êtes plus sages, plus nombreux que nous. Plus forts. Et vous vous comportez comme ne le ferait pas le plus indiscipliné des enfants mo'at. Et en sus de tout, vous apportez avec vous votre violence et votre guerre. Est-il si affreux, le monde dont vous venez que cette Renaissance là vous donne plus et mieux ? Que s'est -il passé dans votre histoire pour en arriver là ?"

"..."

Qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Nous au moins on a une très vague idée de comment fonctionnent les Mo'ats... mais eux ? Et encore, c'est ptet juste de famille. Maman a jamais vraiment parlé de sa culture mais j'en sais au moins quelques mots... quelques trucs.

"...je sais pas quoi vous dire Way'si. Je crois que... on a toujours été comme ça. Plus ou moins." Je l'observe toujours, attentif malgré le nuage qui tourne dans ma tête. "On est pas plus sages que vous. Pas de la même façon en tout cas. Vous vivez avec votre planète... pas à part d'elle."

Je sais pas si c'est très standard ce que je dis. Je sais que Vanguard, c'est une ville propre, neuve, moderne, mais ça reste une ville corpo. Et touristique. Et pas vraiment intégrée dans les arbres autour. Ils ont pas de villes touristiques les Mo'ats. Ils ont même pas de villes...

"Ca fait longtemps que vous êtes à Vanguard ?"

Oui nous vivons avec elle. Pas contre elle. C'est toute la différence. Ils ne savent que se battre. Et je me rends compte soudain d'à quel point cela peut être épuisant comme vie. Prendre des coups sans arrêt. Se relever. Je n'ai pas envie de me relever. Je me rassied près de lui. "Vous vivez contre. Je vous plains, c'est triste de ne pas pouvoir se reposer ainsi." je ne suis ni ironique ni même condescendante, au contraire, j'ai de la peine pour eux. J'ai de la peine pour cet homme roux qui n'a rien fait et qui s'en veut alors que de tous il était le moins coupable. De cet homme qui affronte pour sa nation, qui ne se cherche pas d'excuse.

"Je vous trouve très courageux." je baisse les yeux. Il change de sujet. Je ne sais pas s'il a entendu mon murmure. Ce n'est pas important, c'est dit, quelque chose en lui saura quoi faire de ces mots. Ou pas. "Non, pas vraiment. Quelques mois. Je me réhabitue à la liberté. Enfin je pensais. Je ne savais pas que vous aviez ce genre d'esclaves, l'on m'avait dit que l'Union des Corporatistes était contre." Il n'y a pour moi pas de différence entre l'esclavage des gens et celle des savoirs.

Je crois que quelque chose m'échappe dans ce qu'elle dit. Je me sens pas fatigué. Peut-être parce que j'ai toujours vécu comme ça je sais pas. Je la regarde se déplacer un peu, attentif au moindre signe. Ca a l'air d'aller.

...j'ai bien entendu ou elle a dit que j'étais courageux ? Nan ça doit être du mojat qui ressemble. J'suis bien le dernier type au monde à mériter cet adjectif. Elle a dû parler mojat ouais c'est ça. Dans sa barbe.

"Ah non non on a pas d'esclaves nous, on est totalement contre, oui !" je proteste.

Quelle horreur ! Y a bien que ces dingues de Trinitaires pour trouver ça normal... et les débiles qui croient qu'ils ont le droit de frapper une femme juste parce qu'elle est pas au bon endroit et qu'ils sont en charge de la sécurité... mais c'est un autre problème ça, c'est la connerie humaine et plus particulièrement masculine. Alphas de mes deux. Oui j'en ai deux. Ta gueule.

"...mais y a des imbéciles partout je suppose. Dès qu'on a un peu de pouvoir vous savez, c'est si facile d'en abuser."

Et puis je réfléchis un peu au reste de ce qu'elle a dit. Ancienne esclave oui... j'espère qu'ils lui ont pas fait de mal. Ils en ont forcément fait. Forcément trop.

"Vous avez un com ? Je peux vous laisser mes coordonnées si vous voulez, tant que vous êtes ici. Si vous avez besoin de quelque chose que je puisse faire ?"

Même lui, tout gentil, mignon, ne fait pas le rapport entre l'esclavagisme des connaissances et celui des gens. Il n'y en a pas un de pire que l'autre. Cela dit, il a raison sur un point. Je ne dois pas juger tout un monde sur cette seule rencontre d'aujourd'hui. Je dois passer au delà de la douleur, des doutes, des peurs et des souvenirs. Je dois continuer à creuser, continuer à chercher. Je dois dépasser ma haine avant qu'elle ne me ronge et ne me transforme tout à fait parce qu'alors, les envahisseurs auront totalement gagnés. Il m'ont séparé de mon monde. Je ne les laisserais pas envahir également mes pensées. Je lève la main pour caresser la sienne avec douceur et reconnaissance. Merci d'être humain et de me rappeler comment l'être.

"Un com' ? Le carré des messages ? J'ai ça. On m'en a donné un, je dois l'avoir toujours sur moi." Je sors le holo que le Capitaine m'a mis dans les mains avec interdiction de m'en séparer et regarde le numéro qui va avec. "Je suppose que c'est ça que vous appelez l'ID. Pardon, je ne connais pas bien votre technologie, on ne me l'a pas encore apprise."

Mais euh mais mais. Pourquoi elle me caresse la main et pourquoi elle me regarde comme ça ? Et pourquoi j'avais pas capté avant qu'elle était belle comme je sais pas, madame Laylia mais complètement à l'inverse en fait ? Non non non Wynn, tu vas enlever ta main et tout d'suite. Le com. Le COM.

"Oui oui, c'est ça." Du coup je sors le mien et je note son numéro dedans. "Vous avez quelqu'un à appeler en cas de besoin alors, c'est bien. C'est plus prudent de l'avoir avec vous tout le temps." Pis je percute. "Vous en faites pas, si on me lâchait dans la jungle je serais beaucoup plus perdu que vous. Ca vient à l'usage. Vous savez appeler quelqu'un ?" J'affiche mon numéro, prêt à lui montrer. Avec quelqu'un d'autre je taperais le numéro moi-même sur son com, ou je l'appellerais, mais là du coup je préférerais qu'elle le fasse elle-même. Si elle veut.

"Je dois faire le 1 pour appeler ou dire "Com-urgence" m'a-t-on dit mais je ne vais pas déranger. Dans la jungle, quand on est seuls, on est seuls. Quand quelqu'un est là, quelqu'un est là. Cela fait partie de la jungle et c'est ce qu'il faut apprendre à accepter. Appeler au delà pour faire venir alors que ma voix ne porte pas, cela me parait déloyal." C'est sans doute stupide mais... mais si Calypso ne nous a pas permis de retrouver toute cette technologie qui contamine ceux de nous qui ont été confrontés à l'envahisseur, alors elle a ses raisons. Je lui tends l'objet pour qu'il s'inscrive lui-même, moins j'en sais, mieux je me porte. "Je me dis, parfois, que ces objets vous possèdent comme vous les possédés. On s'habitue à eux, on oublie comment vivre sans et avant de s'en rendre compte, on est soumis à leur praticité. En même temps, même nous utilisons parfois des méthodes pour être plus efficaces. Trouver la limite est tellement difficile, je ne suis pas assez sage, encore, je pense, pour m'y risquer."

"Mais ici on est pas dans la jungle..." j'proteste, un peu comme un gamin, avec une toute petite voix trop aiguë. "C'est d'autres soucis, d'autres dangers. Donc d'autres savoirs et d'autres armes. Si on vous les donne et que vous les utilisez pas, c'est vous qui prenez des risques que vous pourriez éviter..." J'me gratte un peu l'arrière de la tête. "J'veux dire, si j'me retrouvais soudain lâché dans la jungle je serais bien content qu'on me donne des outils et qu'on m'apprenne quelles plantes manger et comment trouver mon chemin vous voyez ? Et qu'on m'en fasse sortir le plus vite possible." j'avoue avec un rire nerveux. "Ici j'en ai pas besoin, comme dans la jungle on a pas besoin de coms. Ils passeraient pas de toute façon. Mais si on inversait, vous ici et moi dans la jungle, il faudrait bien qu'on s'adapte à ce qu'on a et qu'on peut utiliser. C'est... j'pense qu'il faut faire en fonction d'où on est. Au mieux." Je pose mon com à côté du sien. "Vous savez, si vous êtes en danger, vous dérangerez personne en appelant. Beaucoup moins que si on vous trouvait blessée ou pire à côté d'un objet qui aurait pu vous l'éviter en tout cas."

Le nombre de p'tits vieux qui se cassent la jambe dans la nuit et n'appellent qu'au matin "parce que je voulais pas déranger mes enfants", si elle savait. Sauf que des fois à trop traîner ils dérangent les enfants et les pompes funèbres.

Ses mots entrent en moi, ils y font leur nid, et dans ma tête, et dans mon coeur. Ma voix est très douce, sincère, accentuée. "Tu n'as pas tort." Avec ses yeux d'étranger, d'enfant des deux nations, il a une sagesse que je n'ai pas su voir. La honte m'envahi à nouveau, comme souvent lorsque je me rends compte de mon aveuglement et de ma haine. Il a raison. J'aimerais l'admettre de façon plus radicale mais je n'y arrive pas, juste à moi-même. "Je dois apprendre les règles de ce monde là et utiliser ses outils. Je crois que j'ai peur, simplement, que si je m'y adapte trop, je me coupe définitivement du coeur de ma planète, que je devienne étrangère à mon monde, à mon peuple." J'ai peur d'être un monstre. Un envahisseur. Parce que je SAIS que la façon de vivre forme la façon de penser. "Esclave de la technologie comme certains d'entre..." j'ai une légère hésitation entre "vous" et "eux", je décide de ne pas trancher "certains le sont."

Ben non j'ai pas tort. Si j'ai tort j'dis rien.

"Je comprends. J'crois."

J'crois. On peut pas comprendre les esclaves vraiment, pas complètement j'pense. Connards de Trinitaires. Connards de pirates. J'suis sûr qu'il y en a qui trempent là-dedans aussi.

"J'pense qu'on oublie pas. Mais apprenez au moins les trucs de base si vous vous sentez, vraiment ça serait bien. 'fin... y a tellement de trucs basiques ici qui le sont pas pour vous sûrement." J'aurais bien du mal à faire une liste là à blanc mais un com c'est la base, si elle a des copains ou au moins une asso qui l'aident. "Vous êtes pas dans une situation facile. Vous pensez rester longtemps à Vanguard ?"

J'ose pas demander si elle a encore quelque part où rentrer.

Rester longtemps ? Je frissonne encore. Je ne veux pas rester parmi les vrais sauvages, ceux qui prennent plaisir à détruire ma planète, mon monde. J'ai envie de fuir, de retourner sur notre vaisseau, au milieu des miens, ceux qui sont trop abîmés pour retourner dans la jungle mais n'ont pas oublié qu'ils en viennent. J'inspire et me redresse. "Renaissance est mon monde. Je ne devrais pas avoir peur d'en fouler le sol mais..." mais. "...mais je crains encore un peu alors je ne pense pas rester plus longtemps que nécessaire. Je dois trouver ma nouvelle place. Penses tu que tu pourrais m'expliquer ? Pourquoi mettre la connaissance en cage ? Pourquoi si vous ne voulez pas partager la science est ce que vous la donnez dans des boites ? Comment est ce que votre...faction je crois, fonctionne ? Est articulée ?"

Je la regarde s'asseoir bien droite, et d'un coup je me demande ce que fiche la collègue à qui j'ai demandé de m'apporter les trucs et de se magner. J'ai pas vu de message sur mon com. Elle a pas dû avoir le mien encore.

"Je pourrais oui."

J'pourrais mais j'suis censé être dans mon labo là en fait. Après avoir apporté des papiers à quelqu'un qui les attend toujours. J'vais me faire tirer les oreilles. J'ai pas envie de me faire tirer les oreilles. Ou peut-être même pire encore. J'ai pas envie que mon internat soit mis en péril parce que j'ai passé la journée à parler.

"Essayer en tout cas. Mais ça sera long et je vais devoir retourner au labo. Vous seriez dispo ce s..."

Je bugue. Merde. Meeerde.

"...oir ?" j'finis d'une toute petite voix. "Ou demain ou je sais pas, quand vous voulez et où vous voulez surtout, j'veux pas que vous vous sentiez obligée ou quoi que ce soit surtout et..."

Et t'es con Wynn. Tu viens d'inviter une patiente, et même une patiente canon excusez du peu, alors qu'elle t'a dit qu'elle avait été esclave et que qui sait ce qu'on lui a fait et je veux mouriiir.

Sans parler de tous les crochets à la déontologie et au bon sens, j'réalise surtout que... c'est la première fois que j'invite une fille quelque part. Même si c'est pas intéressé du tout j'sais déjà que j'suis rouge fluo.

"Je suis disponible ce soir." Il semble soudain paniquer et je ne comprends pas pourquoi, ces histoires de rendez-vous entre hommes et femmes m'étant parfaitement inconnus. Mon Clan est trop petit pour se perdre sur ce genre de choses. On est naturels. Et personne ne m'a expliqué comment cela se passait au delà des étoiles quand l'on rencontrait trois inconnus à chaque pas. "Je ne suis pas obligée, c'est moi qui vous demande un service alors je propose de faire le repas en échange de votre savoir." Je n'ai pas cuisiné depuis très longtemps, je ne sais pas si je saurais comment le faire dans ce monde là, sans feu, sans chasse mais je suis prête à tenter le coup pour quelques graines de connaissance.

...

Je sais pas si je dois m'étrangler, me cacher sous terre, verdir, ou juste continuer à rougir. Alors je bée. Allez on s'réveille, pas de malaise vagal Wynn !

"Bah euh... si vous voulez ? Mais vous embêtez pas hein, un truc tout simple ça ira très bien, on p..."

On. Wynn. Bordel.

"...enfin voilà ?" je finis, un peu minable.

"Je ne m'embêterais pas" Je n'avais pas l'intention de m'embêter, mais de cuisiner. Jamais je n'ai fait plus que le nécessaire lorsque j'y étais obligée et il est hors de question, maintenant que je suis libre, de faire quoi que ce soit que je n'aie pas envie de faire pour un envahisseur, fut-il en partie mon frère. Mais il s'est montré doux avec moi et il veut m'enseigner à survivre dans ce monde aussi j'ai envie de lui montrer le mien. Je réfléchis et me décide pour un plat végétarien. Nous n'avions pas toujours de la viande à disposition dans mon clan et elle était souvent réservé aux chasseurs. Je prends un morceau de papier et griffonne mon adresse à Vanguard. Un petit meublé miteux d'une seule chambre dans un endroit géré par un mo'at. On ne peut se fier qu'à des frères. "J'y serais dès la huitième de vos heures mais vous pouvez venir quand vous voulez, je dirais qu'on vous ouvre ma porte."