La puce et le capitaine

Conrad n' a pas eu trop de le temps de briefer son aide de camp. Pour le moment elle est aux mains des femmes du bord qui la câline un peu trop à son goût. Il est temps de la mettre au travail. C'est pourquoi il se met en route en direction de la salle de repos où elle est souvent avec les gens qui la surprotège. C'est pas un mousse comme les autres il parait, pour sûr elle est censée être avec lui pour lui simplifier la vie. Plus tard elle fera autre chose ... ou pas.

Il entre avec sa stature impressionnante dans la pièce et cherche du regard la petite.

J'ai un peu pleuré. Oh pas beaucoup, j'ai passé l'âge, mais... mais quand je me suis réveillée là et que j'étais plus à la maison... oui, un peu. Un peu trop. Mais ça va, les femmes de l'équipage s'occupent de moi. Elles sont gentilles, j'aurais pas cru. Elles ont des drôles de têtes des fois, des airs pas commodes et des cicatrices, même je crois qu'il y a des Mo'ats vu les accents et certaines réflexions, mais elles sont gentilles. Plus que maman, et quand j'y pense ça me fout le bourdon. Ils doivent me chercher encore peut-être, ou alors ils s'occupent déjà plus de moi. Et Jean, Jean, est-ce qu'il va m'en vouloir ? Est-ce que je les reverrai un jour, tous ? Elles m'ont posé plein de questions, j'ai pas su répondre à certaines, pas voulu à d'autres, mais j'ai déjà retenu des prénoms et des choses utiles et plusieurs ont dit que si j'avais besoin je pouvais venir les voir. Enfin si c'était urgent quoi, pas juste pour papillonner.

On en était à parler du pillage du magasin d'habits, et elles disaient que ça serait à refaire mais dans une boutique de luxe, parce que ces gens-là ont plein de clients pas nets et que ça se revendrait sûrement bien, et puis y en a une qui a salué quelqu'un derrière moi alors j'me suis retournée et...

"Oh bonjour capitaine !" je lance en me mettant vite debout, tout sourire. "Vous allez bien ?"

Conrad voit que la petite à l'air d'aller. Tant mieux elle va pouvoir travailler un peu.

- comment ça se passe la puce ? demande le capitaine.

Parce qu'il est un peu inquiet de comment l'intégration et la séparation de sa famille se déroule. Il a bien sur eu des rapports réguliers. Mais il préfère l'entendre de vive voix.

"Oh ben... bien."

Le mensonge devrait passer. Normalement. J'y crois suffisamment moi-même.

"Merci. On parlait des habits." je souris en tirant un peu sur mon haut, un truc tout simple et bleu pervenche et très correct mais que ma mère aurait hurlé parce qu'on voyait mes bras et que... enfin. J'essaie de pas me faner d'un coup en réalisant qu'elle le verra pas de sitôt, mon haut pervenche qui laisse voir mes bras. "Et de plein d'autres choses. Vous voulez venir ?" je demande, toute innocente, sans penser que les dames autour de la table, elles ont peut-être pas envie.

Conrad est un menteur très doué et c'est pas une gamine qui va lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Sans compter tous les rapports. Il vient se poser à table et d'un regard faire comprendre aux dames qu'elles sont désormais de trop. Rapidement ils ne sont plus que deux à table.

- premièrement on peut mentir à tout le monde sauf à son capitaine. commence Conrad.

Il sort sa flasque et s'envoie une lampée de rhum.

Je baisse le nez.

"Je suis un peu... un peu beaucoup perdue. Enfin je sais où je suis mais... ça change beaucoup d'un coup." Je le regarde boire. Tout le monde boit ici, c'est affreux. "J'ai pas encore pris l'habitude je veux dire. Ca se prend pas en un jour des habitudes." Je suis un peu piteuse, mais je le regarde quand même. "Je sais ce qui m'attendait là-bas. Pour l'instant je suis mieux ici."

Conrad écoute et comprend, c'est pas tous les jours qu'on change complètement de vie.

- c'est normal petite. Mais va falloir te mettre au travail aussi. dit simplement le capitaine. Déjà parce que c'est la meilleur façon de pas penser à ce qui va pas. L'inactivité conduit toujours à se plaindre.

Et puis elle doit montrer aux autres qu'elle n'est pas une tire au flanc. Sinon elle va se faire une mauvaise réputation et ça serait bien dangereux.

"Oui !" je réponds en hochant vigoureusement la tête.

Je demande pas mieux mais je pense qu'il vaut mieux qu'on en reparle plutôt que je lui repasse ses caleçons à l'envers ou ce genre de bêtise qui n'en serait pas pour moi. J'espère qu'il compte pas le repassage des caleçons dans la préparation des habits d'ailleurs parce que... c'est chiant, le repassage. Moins que le changement de couches, mais quand même.

Parfait il va pouvoir commencer à lui expliquer un truc ou deux.

- le matin je suis grognon et on me parle pas tant que j'ai pas mon café. C'est toi qui sera en charge du café. Et tu laisses personne entrer dans la cabine à moins que ce soit clairement important. Ensuite l faut garder mon bureau rangé parce que je suis un bordélique mais que j'aime pas ça. Je m'occupe de mes habits par contre et le ménage est fait par des mousses pas par toi. commence Conrad.

Je hoche la tête encore, au fur et à mesure, pas fâchée de ce que j'entends, je souris même. Pas de ménage, pas de lessive ? C'est magnifique, c'est merveilleux ! Bon il reste le rangement, mais ça devrait aller.

"Vous vous levez à quelle heure ? Pour le café ? Et y a des sujets qui sont toujours importants ou..? Oh, et le rangement, vous avez déjà des endroits prévus pour les choses sûrement, vous me montrerez ou je fais à ma façon ?"

- je me lève quand je me lève et c'est variable. Par contre je te montrerais comment je fais du vrai café. Je t'expliquerais aussi comment on range les affaires dans ma cabine, enfin surtout mon bureau. Le reste c'est à moi. Il y a qu'une règle à ne jamais transgresser quand on est mon aide de camp. explique Conrad.

Il a l'air sérieux pour le coup. Très sérieux.

J'attends qu'il me dise laquelle. Quand les gens sont sérieux, faut être sérieux aussi si on a pas envie de se faire pourrir. Et bizarrement, lui j'ai pas très envie de le tester.

On ne parle pas ce qui se trouve dans ma cabine, on ne parle pas de ce sue je fais dans ma cabine, on ne parle pas de moi en général. Tu vas apprendre des choses et en entendre beaucoup. Mais tu dois les garder pour toi. C'est une forme de secret professionnel tu vois ? demande Conrad.

Il est prêt à faire confiance à la petite mais elle devra être parfaite si elle veut la conserver.

Je hoche la tête et je fais signe que je l'ouvrirai pas, jamais. Vivre à cinq dans un placard c'est pas marrant, on apprend vite à pas trop parler de la réserve de nutrisoja de Douce ou de la manie de Finaude de nouer tous ses mouchoirs même quand elle a rien à se souvenir. J'imagine que c'est le même genre de "je vois tout, je sais tout, je dis rien".

"Je dirai rien. Même pas comment on fait du vrai café." je promets, un peu vite pour oublier mon coeur qui se serre.

- Parfait. dit-il est satisfait avec ce premier point. Il est temps de passer à l'autre.

- les pirates ne disent pas toujours la vérité et mentent souvent. Il y a de nombreuses façons de mentir, tu apprendras assez vite j'imagine. il prend un petit temps pour lui. mon aide de camp et mes amis ne doivent pas me mentir. Je suis le capitaine et je ne peux pas prendre les bonnes décisions si je n'ai pas les bonnes informations. Alors tu as le choix. Être une amie ou être un simple membre d'équipage.

Il la laisse ingurgiter cette information. Et faire son choix. Il ne demande pas ça à tous les pirates à son bord. Mais ces proches et certains de ses officiers.

Pas mentir...

"Je veux bien pas vous mentir... mais c'est que j'ai aussi des trucs dont j'ai pas trop envie de parler..." je marmonne en regardant mes doigts.

Genre quand les dames m'ont vaguement parlé des... euh... trucs de filles, que je pouvais aller les voir et tout, moi je pense pas que ça les regarde mais ça regarde encore moins le capitaine ce genre de choses.

"Faudra toujours que j'en parle quand même ?" je demande avec un regard un peu déconfit.

Il hausse un sourcils.

- quels genre de truc ? demande Conrad.

"Ben... qui me regardent que moi ?" Difficile d'expliquer le concept de vie privée quand on a eu qu'un aperçu très relatif de la chose. "Genre... je sais pas, si vous avez une écharde et que vous vous l'enlevez tout seul, ou si vous euh... si vous aimez bien quelqu'un. Ou un p'tit coup de mou. Moi j'aimerais bien pas en parler. Vous en parlez, vous ?"

- un petit coup de mou ou bien aimer la mauvaise personne ça peut avoir une influence sur moi. Et donc sur tout le navire. Si tu fais mal ton travail alors le mien devient plus dur. Nous sommes tous liés. explique le capitaine. Donc je dois savoir ce qui t'empêche potentiellement de faire ton travail correctement. Les capitaines sont souvent au courant de tout ce qui se passe... ou il ne garde pas longtemps leur poste.

Je soupire. Ca me plaît pas trop, tout ça. Mais je suis plus à la maison alors les règles sont plus les mêmes.

"Bon ben s'il faut." Je me triture un peu les mains, j'ai chaud. "C'est vraiment obligé de tout vous dire alors ? Même les... euh. Les... trucs... de filles ? Non parce que déjà aux dames j'ai pas forcément envie d'en parler mais euh z'êtes un homme quand même alors euh..." je m'embrouille, de plus en plus pivoine.

Ma propre mère m'a même parlé de rien de tout ça, et c'est certainement pas mon père que j'aurais été voir...

- Les trucs de filles ? demande Conrad l'air innocent.

Il regarde la petite devenir pivoine et sourit tranquillement.

- non les trucs de fille concernent pas les capitaines. dit-il doucement. Tu as droit à une vie privée quand même. Juste il faut que tu penses au groupe avant de penser uniquement à toi. Même si ce n'est pas naturel sans doute pour toi.

Il paraît que ça jure horriblement avec mes yeux quand je rougis. Et en plus il se moque de moi et je rougis encore plus et c'est pas drôle !

"J'vois pas bien la limite entre la vie privée-privée et la vie privée qui peut avoir une influence sur votre travail..." je marmonne, un peu grognon. Vraiment je vois pas encore.

Puis je réfléchis un peu.

"Chez moi on voulait que je pense pas à moi du tout." je murmure. "Je peux sûrement penser aux autres ici si je peux penser à moi un peu."

Il hausse un sourcil.

- ici je veux que tu penses à toi... mais en ayant le groupe à l'esprit. explique Conrad. Tu saisis la nuance ? Tu es aussi importante que le groupe, mais quand tu as un doute c'est mieux de me parler que de cacher une information qui n'a pas l'air importante mais qui peut être essentielle en fait.

Elle est mimi quand elle rougit, sans doute qu'elle fera des ravages dans pas longtemps.

C'est compliquééé. J'essaie même pas de le cacher.

"Je pense que le mieux c'est encore que je dise tout et que vous me disiez si c'est important ou pas. Au début au moins. Comme ça je verrai mieux ?" je propose. "Enfin si vous voulez bien ?"

Conrad réfléchit, c'est encore la meilleure solution.

- je suis ton capitaine et en un sens ton nouveau père. Alors c'est la meilleure solution en effet, tu apprendras doucement mais surement je ne m'inquiète pas pour toi. tente-t-il de la rassurer.

- ensuite il faut que tu laisses trainer tes oreilles dans les couloirs et que tu me racontes les ragôts et les secrets que tu entends. ajoute le capitaine. Comme je te le disais c'est le début d'une nouvelle aventure pour nous et je n'ai pas encore eu le temps de m'assurer de tout le monde.