La puce et le capitaine

Câlin. Et pleurer. Pas pleurer on a dit. N'empêche que deux secondes plus tard j'ai quand même le nez dans sa chemise et que je le serre dans mes bras comme si j'avais rien d'autre au monde.

C'est un peu ça quand on y pense maintenant...

Bon c'est encore une gamine normale... tout n'est pas perdu à son sujet. Conrad prend le temps de câliner la petite et de lui caresser doucement les cheveux. Le changement est source de stress et d'angoisse à tout âge. Surtout quand on abandonne sa famille qui n'est pas si terrible que ça pour fuir un mariage arrangé. Décidément bien qu'orphelin Conrad trouve que son enfance n'a pas été aussi mauvaise que ça finalement.

- parfois il faut pleurer un bon coup pour repartir du bon pied. dit Conrad. Tu es pas encore un vieux pirate endurci donc on te pardonne tes écarts de petite fille.

Encore heureux sinon ça serait pas un navire pirate mais le bagne. Après tout le monde n'est pas aussi serein avec les enfants que le capitaine. Mais Conrad tende de trier le bon grain de l'ivraie sur son navire et espère rapidement n'avoir que des pirates avec une âme.

Je sais pas combien de temps j'y passe, enfouie dans sa chemise à me faire caresser les cheveux en essayant de pas faire de bruit pour pas déranger ou trop attirer l'attention. C'est chaud, c'est réconfortant. C'est... je sais pas. Je crois que j'ai de la chance. Je veux pas voir la suite. Je veux pas y penser. Je veux pas...

"Encore combien de temps on me les pardonnera ?" j'articule.

Il câline le temps qu'il faudra. Après tout il n'a pas tenu d'enfant dans ses bras depuis un moment et c'est une sensation qu'il apprécie somme toute.

- tant que tu auras l'air d'une petite fille. dit simplement Conrad.

Dès qu'elle aura ses attributs de femme les regards changeront sans doute.

Je hoche la tête. Et puis je sens le rire monter et je glousse, je glousse sans arriver à m'arrêter. Les nerfs.

"Ca va alors... j'ai le temps..." je rigole entre deux reniflements. "Tout l'monde croit que j'ai huit ans..."

Il sourit en se disant qu'elle a raison. C'est même assez inquiétant cette capacité à paraître tellement plus jeune. Ces petits copains seront sans doute dans une position délicate. Le mieux serait encore qu'elle en ait pas. Il sourit de plus belle à cette pensée étrange de sa part.

- tu as le temps. Et on sera souvent seul ensemble alors si tu veux des câlins tu pourras en avoir. murmure tranquillement Conrad avec sa voix sincère de pirate au grand coeur.

Le ton est rassurant, réconfortant même. Les mots par contre ils allument une vague alerrte dans un coin, une sombre histoire de "c'est peut-être à éviter". Je la noie. S'il avait voulu me faire du mal, quoi que ca puisse être exactement... ça serait fait depuis longtemps, pas vrai ? Il me laisserait pas lui couvrir sa chemise de larmes et de morve. Je m'écarte un peu d'ailleurs parce que je rigole toujours un peu, et que c'est humide et vaguement crasseux quand même de se rouler la figure dans une chemise inconnue et couverte de... enfin voilà.

"C'est gentil capitaine... merci." je murmure en m'essuyant la figure dans mon haut. Solidarité de morve.

Conrad sourit tranquillement et regarde l'état de sa chemise.

- je suis bon pour une douche et surtout changer de fringues. dit-il amusé.

"Désolée..." je souffle en m'essuyant encore un peu les yeux. "Vous voulez y aller tout de suite peut-être, ou..?"

- je pense que tu as beaucoup à digérer là. Donc en effet il est temps que je retourne à mes occupations de capitaine. explique Conrad avec un sourire tranquille comme souvent.

"Ben j'vais venir alors. Préparer les habits." je dis comme si c'était l'évidence. C'est mon boulot après tout maintenant il a dit alors... puis c'est moi qui lui ai pourri sa chemise en plus alors...