Step into my fractured fairytale [Way'si & Hush]

"C'est bien Tobias" Je répète sur le même ton pour l'encourager, malgré ses difficultés. S'il saisit l'analogie entre le bruit, l'objet et le mouvement des lèvres, alors tout est gagné. Les difficultés de prononciations disparaitront d'elle-même avec l'exercice. Je me tourne alors vers le père et son crayon, hésite puis sourit. "Puis-je te demander de traduire quelque chose pour moi à ton fils dans ton langage s'il te plait ?" Je n'attends pas qu'il réponde, je l'espère juste et je reporte mon attention sur l'enfant. "Si tu as un objet et que tu veux en savoir le nom vocal, tu me l'amènes d'accord ? Et si c'est trop gros ou que tu n'as pas le droit de le toucher, tu demandes à ton père de venir me chercher. Tu comprends Tobias ?"

Hush est pris dans son dessin, mais heureusement, Way'si et Tobias font partie intégrante de la bulle dans laquelle il s'est enfermé. Lorsqu'elle lui demande de traduire, il termine un trait, un deuxième, puis en prenant son temps mais avec douceur, il pose son crayon et son carnet à côté de lui. Toujours accroupi, il s'approche de son fils, jusqu'à capter son attention. Il commence alors à faire des gestes lentement et bien découpés.

"Si tu veux savoir le mot parlé qui désigne un objet, montre l'objet à la femme-lumière et elle te donnera le mot parlé. Si la femme-lumière n'est pas ou que tu ne peux pas lui apporter un objet, demande moi. Tu comprends ?"

L'enfant hésite un instant, mais Hush sait qu'il a compris. Il le voit finalement se mettre à quatre pattes, et il se dirige de lui-même vers le carnet et le crayon abandonnés par son père. Le petit garçon s'assied sur ses mollets, concentré, et il attrape le crayon, avant de le tendre vers Way'si.

- Eh. Babababa.

Le petit garçon rigole, heureux.

- Ayon ssseuh ?

Il agite à nouveau ses bras, et son père met une feuille devant lui. Tobias se penche alors sur la feuille, et il commence à faire plein de formes avec le crayon qu'il a dans la main. Il fait des petites bulles avec sa bouche, à nouveau dans son monde. Hush s'approche de Way'si, et pose une main sur son épaule. Avec ses gestes, il dessine quelques mots.

"Merci pour ce que tu fais."

Il ne traduit pas tout de suite, curieux de voir si elle pourra comprendre.

La main posée sur l'épaule me sort de la contemplation de cet enfant heureux de vivre, heureux de dessiner et de parler. Je pense que c'est assez pour ce soir. S'il a comprit le principe, son vocabulaire devrait rapidement s'étendre pour peu qu'il ouvre ses oreilles et qu'il soit intéressé ce qui semble être le cas. Je lève les yeux, tombant sur les mains de mon frère qui signe ce qui ressemble à un merci, du moins selon mon ressenti.

"Ce n'est rien mon frère. Nous somme du même clan à présent et les membres d'un clan veillent les uns sur les autres."

Hush est touché par Way'si. Il se sent chanceux d'avoir rencontré une femme aussi douce et bienveillante. Il espère que leurs routes continueront à évoluer ensemble un long moment. Hush récupère son dessin, et il le découpe doucement de son carnet, avant de le tendre à la jeune femme. Il représente Tobias et elle, dans ce premier instant de vie.

"Pour toi, ma soeur", signe-t-il.

Je prends le dessin. Il est magnifique et sublime une réalité qui était déjà belle. Je sais que je le chérirais. C'est étrange, c'est l'une des premières fois que j'ai quelque chose "à moi" qui ne soit pas juste utilitaire. Certes, j'ai mes habits, quelques bijoux peut-être, et une belle infirmerie. Mes plantes et mon matériel à baume et pommade. Je ne suis pas malheureuse, loin de là, mais ça, c'est autre chose. C'est spécial. Je baisse les yeux pour cacher mon trouble et mon émotion. J'ai du mal à parler, alors je signe. "Merci."

Et puis, je me redresse, un sourire sous mes yeux brillants de larmes retenues, je regarde Tobias.

"Au revoir Tobias, à demain."

Et je quitte la pièce, mon dessin soigneusement tenu contre mon coeur.

Un sourire aux lèvres, Hush regarde Way'si partir. Il sait qu'il l'a touchée, comme elle l'a touché. Tobias lui adresse un babillement d'au revoir, avant de retourner à son dessin, l'air extrêmement concentré. Après être resté quelques secondes immobile, songeur, Hush se relève et il retourne vers le tableau qu'il avait abandonné avec l'arrivée de la femme-lumière. Il a encore bien des choses à peindre sur la toile de sa vie. Mais ce début-là est déjà la promesse d'un avenir beau et coloré qu'il lui tarde de pouvoir dessiner.