La mécanique huilée

J'observe, toujours en silence, au moins, le médecin à l'air de savoir ce qu'il fait, c'est déjà ça. Je reste néanmoins prêt à intervenir que ce soit pour l'aider lui ou Gillian, enfin, le médecin, si je l'aide, c'est que c'est nécessaire pour la soigner.

Arrêtez de bouger, toi, oui, toi, tenez-là bien. A moins que vous ne préfériez qu'elle n'ait pas une belle cicatrice ? , s'exclama le médecin d'abord à l'adresse de Gillian avant de se tourner vers John pour réclamer son aide. Il était encore en plein son travail de couture.

-C'est bon, j'arrive. Je réponds.

Je fis alors ce qu'il me demandait, c'est-à-dire tenir Gillian pour pas qu'elle bouge. J'espère qu'il a bientôt fini.

Le médecin accomplit son travail de chirurgie sur la plaie ouverte de Gillian sans émettre d'autres remarques misogyne puis s'assura que la jeune femme n'ait pas reçu d'autres blessures qu'il aurait traité également le cas échéant. Ses gestes restèrent entièrement professionnel même s'il émit un commentaire douteux sur le physique de l'ancienne inspectrice de douane et un autre sur sa résistance à la douleur à la fin de la consultation. Quel détestable personnage, nul doute que Gillian ou John lui aura fait savoir leur façon de penser avant de quitter sa demeure.

Le médecin reste professionnel, ce qui n'est pas plus mal, néanmoins, il ne peut pas s'empêcher de faire quelques remarques à la fin, ce qui me fait serrer le poing, mais je me retiens de lui en mettre une, je préfère sortir d'ici le plus rapidement possible. Une fois la demeure quittée et après avoir fait quelques mètres, je me tourne vers Gillian.

-Un seconde de plus et je lui en collais une... Enfin bref. On va boire un coup histoire de se vider la tête ?

Un type des plus déplaisant, recourir à ses services était comme s'asseoir sur un cactus mais, force était de reconnaître qu'il savait faire son boulot en dépit de son départ précipité à la retraite. Gillian essayait de rationaliser, de se concentrer sur l'utilité de cet homme plutôt que de remâcher ses remarques misogynes. Le mécanicien aurait fait mieux de ne rien proposer ; la jeune femme avait l'oreille fine et les capacités pour le convaincre éventuellement de payer l'intégralité de la consommation. Parce qu'elle n'aime pas payer avec ses maigres économies quand elle peut l'éviter.

Bonne idée.

-Ça me va. Je vous suis. Je lui emboîte le pas quand celle-ci se mettra en marche.

-Alors vous êtes uniquement garde du corps ou il vous arrive d'avoir d'autres activités ? Je demande en route, histoire de causer un peu.

Parfois, reconnut-t-elle sans davantage détailler.

Et bien super, je pense pouvoir dire que ma tentative pour lancer une conversation est raté, je ne vais pas lui demander à quoi correspond son "parfois". Je continue donc de la suivre en silence, Carl me suivant de prêt.

Vous cherchiez des pièces quand nous étions chez le Renard, je peux peut-être vous indiquer des intermédiaires fiable qui en vendent. Ça vous dédommagera de la petite aventure que nous avons vécu. , finit-t-elle par dire pour briser le silence. Gillian ignore comment il prendra la proposition, c'était seulement une tentative d'éviter un long silence embarrassant jusqu'à qu'ils ne parvienne à la taverne qu'elle proposait.

C'est elle qui brise le silence finalement, mais je m'en fiche un peu, je réponds presque du tac au tac.

-En vérité, je cherchais surtout à voir ce qu'il y avait sur le marché et savoir où m'approvisionner, pour le moment ça ne me sert pas à grand chose, mais je compte bien me mettre au travail. Sinon, je ne suis pas contre les indications sur ces intermédiaires, si ça peut m'éviter de me faire tuer en voulant acheter un filtre ou un alternateur, qui si ça se trouve est de mauvaise qualité, je suis preneur.

La plupart des intermédiaires préfèrent éviter de tuer leurs clients, ce n'est pas bon pour les affaires. Si c'était de l'humour,  c'était une piètre tentative. Je vous conseille de vous adresser aux intermédiaires impériaux, ça peut sembler être étrange mais ce sont les plus honnêtes sur la qualité de leur marchandise.  

Les intermédiaires impériaux seraient les plus honnêtes ? Intéressant.

-Merci de l'information, mais pour ma part, je ne sais pas vraiment où en trouver.

Cependant, quelque chose me disait qu'elle en connaissait. En tout cas, j'espère que le bar n'est plus trop loin, j'ai envie de m'asseoir et de boire un bon coup.

Ils ne vont pas afficher sur leurs portes en grand qu'ils vendent ce que les autorités appelleraient des "biens volés". Ils utilisent des façades officielles comme des tavernes, des codes, des signes discrets et des intermédiaires. Ce qui veut dire qu'il faut savoir les trouver. Le plus simple consiste à écouter dans les endroits considérés comme fréquenté par les pirates ou malfamés. Les questions doivent être posées avec parcimonie et prudence parce qu'ils se méfient des infiltrés, si vous voyez ce que je veux dire.

Elle n'allait quand même pas lui indiquer spontanément ceux qu'elles considéraient comme fiable. Ni comment les contacter. Elle n'était pas une racoleuse de client pour le compte de son oncle. Elle tourna à gauche au croisement, l'établissement qu'elle avait mentionné plus tôt était désormais visible avec son enseigne violette qui devait être très colorée la nuit.


Vous prenez quoi comme boissons ?

-Rien d’étonnant à cela. Je réponds à son explication.

Bon, le voici, "le Pirate Ivre", je vais m'y asseoir et profiter de pouvoir enfin souffler un peu. Carl se colle à ma jambe, je lui fais alors quelques caresses.

- Je pense que je vais partir sur un petit whisky. Quoi ? J'ai le droit non ?