La mécanique huilée

Il était évident que l'endroit n'avait pas servi depuis des lustres à l'exception des traces laissées par le Renard sur le sol recouvert de poussière. Elle ne se retourna pas, continuant à regarder la porte.

Tu as remarqué la poussière ? Elle me dit qu'un seul homme est passé par là récemment, le Renard. Il y a un vieil établi en bois un peu rongé par les termites qui devait servir pour le bricolage, des toiles d'araignées d'une certaine taille sur les étagères et l'établi. Et une armoire métallique rouillée, tu y trouveras sans doute des outils dans le même état. Mais si je devais planquer quelque chose de précieux, ce serait dans l'établi.

J'écoute attentivement ce que raconte Gillian. Elle n'a pas tord, je me dirige donc vers l'établi pour voir ce qu'il y a à l'intérieur et... vide, juste des toiles d’araignée et de la poussière... Super...

-Vide. Ce sera la seule remarque que je ferai pour le moment.

Je me rapproche alors de Gillian, avant de chuchoter.

-Bon, on ne peut pas rester là, mais je me demande, c'est une planque active et c'est cette pièce qui est inutilisé, ou c'est une planque disons de secours, si c'est le second cas, on doit pouvoir sortir sans trop risque. Mais si c'est le premier cas...

C'est elle qui était armée, donc ce n'est pas moi qui allais prendre les devant en tout cas.

Vous avez mis le doigt sur le problème. Je ne peux que supposer et garder l'esprit ouvert aux possibilités. Méfiance donc. Vous allez ouvrir la porte rapidement grande ouverte et vous dissimuler derrière, moi, je vais leur tomber dessus.

Le bouclier la protégerait des armes qui n'étaient pas conçus pour le percer, elle était consciente que seul l'armée les possédait en toute légalité ; le client se posait nécessairement des questions sur la manière dont elle se l'était procurée et il était évident que ce n'était pas une acquisition légale. Gillian se positionna devant la porte, prête à frapper dès que John se serait exécuté.

Je hoche la tête pour dire que je suis d'accord, puis je me positionne pour ouvrir la porte.

-3, 2, 1... Dis-je alors à voix basse, avant de d'ouvrir la porte aussi vite que je peux et en grand avant de me coller au mur quand j'arrive au 0.

Je ne sais pas ce qui va se passer, mais si ça tourne trop mal, je prends Carl sous le bras et je retourne dans les égouts. J'espère que je n'aurai pas besoin d'en arriver là.

Malheureusement pour Gillian et pour John, ce fut la première option qui leur tomba dessus.  La pièce suivante était occupée par des hommes du Renard surpris par la brusque  arrivée de Gillian armée.  Elle avait déjà analysée  son handicap  et les manières dont elle pouvait utiliser la pièce à son avantage, inutile de leur donner le temps de s'organiser.

Eh, mais..., tenta l'un d'eux comme pour protester de l'injustice de l'univers tandis qu'elle trancha le pied de sa chaise pour le faire tomber et  de le sonner d'un coup de pied dans la figure. Puis un des malfrats  sortit son arme de poing et tira  sur l'ex-douanière. La balle ne perça pas le bouclier qui crépita en la repoussant.

Bon, apparemment c'était la première option, Gillian n'attend pas et agit immédiatement. Moi ? Ben, je reste collé au mur, Carl est à côté de moi. J'attends le bon moment pour intervenir, mais bon, moi j'ai pas de protection et pas d'armes, donc je risque de servir à grand chose.

Plus qu'à croiser les doigts pour qu'elle s'en sorte.

Gillian enchaine avant qu'ils ne s'écartent d'elle et de son bouclier, elle est consciente que si les renforts arrivent, elle serait débordée et tuée. Elle envoie un autre au tapis, la cuisse ensanglantée et l'hémorragie menaçant de lui faire perdre conscience. Même si les efforts qu'elle exige de son corps tendaient à enflammer sa blessure au bras, elle mettait efficacement hors de combat les hommes du Renard anticipant leurs prochaines attaques avec une habileté qui frôlaient le surnaturel. Une difficulté se présenta néanmoins quand une femme désespérée tenta de franchir la garde de sa lame pour lui interdire l'usage de son arme. L'ex-douanière lâcha brièvement son épée pour exécuter une prise de main et retourner l'élan de son adversaire contre lui en l'envoyant rencontrer lourdement le sol.

Gillian ramasse son arme avec l'épuisement typique de ceux qui ont mené une courte bagarre de quelques minutes contre un groupe d'adversaires. Elle se sentait plus faible, à présent, et sa blessure la brulait. Elle avait envie de s'appuyer contre le mur et souffler. Pas possible après ça. L'ex-douanière appela donc John après une inspiration sifflante. Elle n'était pas dans un bel état après ça.

C'est terminé, je ne crois pas que j'arriverais à me battre à nouveau s'ils sont aussi nombreux. Les bruits de la bagarre ont du remonter. On devrait peut-etre sortir par la fenêtre. Qu'en pensez-vous ?

Le combat fait rage, je reste planqué, c'est assez violent ce qu'il se passe, néanmoins, tout fini par s'arrêter. Gillian finit par me proposer de sauter par la fenêtre parce qu'ils sont trop nombreux là. Au pire, c'est ça ou se faire tuer et puis techniquement, on est au rez de chausser, donc ça devrai se faire. La situation s'étant calmé, je sors de ma cachette suivit par Carl et ce que j'avais cru comprendre à sa voix, se confirme quand je l'observe, elle n'est pas dans le meilleur des états.

-Ça me va. Mais vous ? Ça va allez ?

Des bruits de pas lourds se font alors entendre.

-Bon, il ne faut pas rester là.

Je m'approche de la fenêtre, la fracasse avec une chaise, attrape Carl sous le bras et l'enjambe. Je cours ensuite me mettre à l’abri un peu plus loin, après mettre assuré que Gillian m'ait suivit, sinon, je retourne l'aider.

Inspire, expire. Inspire, expire. Encore. Gillian se redressa le long du mur avec difficulté puis s'en décolla pour suivre le mécanicien aussi vite qu'elle y arrivait dans son état d'épuisement. Ils devaient mettre de la distance avant que les hommes du Renard découvrent le carnage dans la pièce. Et se mettent à les suivre. Pour leur faire payer.

Faisons des détours pour les semer, à droite ou à gauche. Je vous suis.  

Elle devrait vraiment se remettre au sport, et arrêter de  fumer et de boire cela lui nuisait plus que ça ne la servait.

Elle avait raison, il nous fallait les semer, ils ne suivaient pas encore, mais ce n'était qu'une question de temps. L'avantage, c'est qu'ils ne nous avaient pas vus, donc ils ne savaient pas à quoi nous ressemblions, il nous suffisait de trouver un endroit bondé et on pourrait s'y cacher. Néanmoins, pour le moment, il nous fallait nous éloigner.

Je me décidais alors à aller à droite, je prenais de petites ruelles, je tentais de faire en sorte que même si quelqu'un nous suivait, nous changions tellement de directions, qu'il nous perde de vue. Au final, au bout de quelques minutes, je m'arrêtais, on devait les avoir semés, de un, ils ne nous avaient pas suivis directement, parce qu'ils leur fallait le temps de comprendre ce qu'il s'était passé, de deux, on avait de l'avance et ils ne savaient pas où nous étions allés, donc à moins de ratisser les environ de leur planque...

Je tentais néanmoins d'aider Gillian durant la fuite, enfin, si elle ne la refusait pas. Il nous fallait lui trouver un médecin.

-Je pense que nous sommes en sécurité maintenant, vous connaissez un endroit où vous pourriez vous faire soigner sans que l'on pose trop de questions ?

Gillian essayait de le suivre entre toutes les petites ruelles qu'il prenait, maudissant son manque d'exercice et sa blessure au bras. Elle s'en était sans doute faite d'autres dans la bagarre mais l’adrénaline les avait occulté pour l'instant. Quand John ralentit enfin en pensant avoir semé leurs éventuel poursuivants, elle se retourna brièvement pour surveiller l'allée de crainte de les voir déboucher quand même. L'ex-douanière est rouge complètement claquée. Elle doit respirer un peu avant d'oser répondre au mécanicien, son corps lui signifiant qu'elle devait réguler son souffle.

Petit à petit son coeur battant comme un lion en cage s'apaisa, et sa respiration se fit moins ahanée lui permettant de prendre la parole.

C'est Esperanza. Personne ne pose trop de question de crainte de finir dans un caniveau. Il y a un ancien chirurgien qui pourrait convenir. On l'a mis à la retraite forcée après qu'il ait opéré un patient en état d'ivresse.

Elle est à bout de souffle, mais elle me répond néanmoins. Donc, à Esperanza, on ne pose pas de questions, d'accord, et il y a un ancien chirurgien qui pourrait convenir. Parfait ! Enfin, pas tant que ça, surtout quand on sait pourquoi il a été mis à la retraite, enfin, on ferra avec.

-Vous savez où on pourrait le trouver ? Je demande alors, tout en m'approchant d'elle pour passer son bras sur mes épaules. Ben quoi ? Elle est mal en point, parce qu'elle s'est battu pour nous défendre tous les deux, enfin, si ça se trouve, elle se battait surtout pour elle-même, mais bref, je trouve donc normal de tenter de l'aider.

Gillian se laissa faire, elle n'était pas en forme décidément mais elle continua à marcher soutenu par le mécanicien. Il lui arrivait de manquer de rater un pas qui ne portait pas à conséquence grâce à l'appui des épaules de John.

Par là. Il vit rue 21 Jump Street. Merdia, je devrais vraiment arrêter de fumer et de  boire.

Je suis donc s'est indications. Par contre, je réponds rien à son commentaire, car je pense qu'il est plus pour elle-même qu’autre chose, pendant ce temps-là, Carl nous suis de près et en silence. Le voyage se passe relativement sans encombre et nous arrivons dans la rue que Gillian m'a indiqué.

Le mécanicien menait la danse, Gillian marchait moins qu'elle ne s’appuyait sur son épaule. L'ancienne douanière voyait les rues défiler sans encombre. Pas d’agresseur à l'horizon. Ils avaient échappé aux hommes du Renard, néanmoins maintenant qu'elle pouvait réfléchir plus au calme, elle repassait la scène dans sa tete cherchant le pourquoi du comment. Son regard de faucon avait volé des indices dans le feu de l'action bien que sa mémoire soit imparfaite.

Ils ne s'y attendaient pas. Le Renard aurait pu nous faire supprimer parce que nous connaissons sa planque désormais et le fait qu'il utilise le réseau des égouts mais dans ce cas, il aurait donné des ordres. Même dans le cas ou il décidait de nous laisser en vie, il aurait forcément averti ses hommes. Première solution : on est tombé sur une autre de ses planques. Deuxième solution : il a été trahi et n'a rien dit sur nous.

Dans le cas de la deuxième solution, ce n'était pas vraiment par altruisme qu'il l'avait fait mais plutôt parce que nous lui donnions une chance de s'échapper de son propre repaire. Il était possible aussi qu'ils attendaient spécifiquement le Renard et n'avaient aucune raison de penser que Gillian et John se trouvaient dans les égout. Elle ne saurait pas exactement la fin de l'histoire tout au minimum si le Renard était mort ou pas. Mort, une nouvelle tete prendrait la tete son réseau.

-On ne le saura peut-être jamais. Je réponds simplement aux paroles de Gillian, je l'ai écouté hein, mais c'est que je ne pense pas que ce soit le moment, elle doit d'abord se faire soigner.

On est donc devant la porte du chirurgien, je m'avance donc pour toquer à la porte.

John toqua plusieurs fois puis Gillian lui fit remarquer qu'il y avait une sonnette et appuya dessus. Un homme  en tenue de bain, les cheveux encore mouillé descendit enfin leur ouvrir. Il avait les traits  tirés et les yeux rougis  par le manque de sommeil. On pouvait aisément lui donner la soixantaine  sans effort.

Votre cerveau primitif  aurait-il loupé la sonnette à coté  de la porte ? J'espère que vous ne venez pas pour une greffe du cerveau ; j'ai une mauvaise nouvelle pour vous, ça n'existe pas !  ,  s'exclama d'emblée le personnage qui portait les stigmates des panse-à-bière. Désolé poulette, tu deviendras pas plus intelligente avec tes cheveux blancs.   

D'accord. C'était pire que Gillian le pensait, le praticien se doublait d'un misogyne en herbe. Il était parti du principe  que c'était elle qui avait toqué sur la porte.   Elle aurait surement droit à d'autres réflexions acerbes tout le long de l'opération.  L'ancienne douanière  anticipa le geste du médecin de claquer la porte violemment en calant son pied  puis grimaça. Malgré sa chaussure, elle avait sentie passer la violence du vieil homme. Il rouvrit la porte pour leur hurler à nouveau dessus et leur dire de décamper malheureusement Gillian n'était pas prête à le laisser faire. Même épuisée et blessée, elle parvint grâce à l’énergie que lui insufflait son énervement à se jeter sur le praticien et à le faire tomber à terre. Il cria des imprécations misogynes sur les femmes en chaleur. Oh Seigneur.

Ah oui, la sonnette, je ne l'avais pas vu. Bon, le médecin ouvre la porte et... C'est un connard. J'ai rien à dire de plus, c'est un connard de misogyne. Par contre, la suite, je ne m'y attendais pas, quand l'homme tente de fermer la porte Gillian l'en empêche et se jette sur lui, le médecin se relance alors dans ses insultes sexistes.

Je soupire et m'avance, tout en aidant Gillian à se relever, je dis. C'est moi qui aie toqué à la porte. Ensuite, je le relève par le col avec mon bras en métal, avant d'ajouter. Je ne sais pas pourquoi vous insultez les femmes comme ça, mais si je ne vous ai pas encore collé mon poing dans la figure, c'est qu'on a besoin de vous. Dur de rester calme avec un con pareil, mais j'y arrive plus ou moins.

Merci.

Gillian appréciait vraiment l'aide que lui offrait John, surtout dans son état de faiblesse. C'est difficile de supporter un con pareil qui l'insulte, pas étonnant qu'on se soit empressé de le virer sauf s'il était capable de se contenir   pendant l'exercice de son travail.

Vous l'avez vue, elle s'est bien jetée sur moi alors que je suis en peignoir !, riposta le gros homme en se relevant  d'une manière peu gracieuse. Il n'avait pas du apprécier le contact  de son dos nu avec  le sol froid. Si c'est pas une chaudasse...

C'est une femme blessée... , attaqua aussitôt Gillian, lui coupant la parole pour éviter d'entendre la suite.

Gillian était blessé et l'homme me tapait de plus en plus sur le système, heureusement pour lui, c'est Gillian qui l’interrompit sur sa dernière phrase, mais l'homme eut l'air outré d'être de se faire couper la parole. Celui-ci allait d'ailleurs ajouter quelque chose, mais je l'en empêchait

-Si vous voulez qu'on vous laisse tranquille, pour commencer, vous arrêtez vos propos misogynes complètements idiots et vous vous occupez de la soigner. On pouvait sentir à ma voix que j'étais énervé.

Il n'était pas coopératif, incapable de voir l'évidence qui lui pendait au nez et en plus, il était doublé d'un misogyne, une combinaison que Gillian détestait.

C'est vous qui êtes entré de force chez moi d'abord ! Je vais appeler la police ! , se récria le vieux médecin en se relevant peu gracieusement en essayant de limiter les carrés de peau qui dépasse. Ce n'était pas très malin de dire ça à une une personne armée.

Vous n'en ferez rien. le contredit Gillian en faisant exprès de faire chuinter son arme pour qu'il comprenne le message implicite. Cela suffit à crever la bulle de misogynie et de myopie du vieil homme qui ne voyait que les intrus entré de force chez lui.

Euuh... Il se rendait enfin compte de sa situation. Oui, oui, la soigner. Vous n'allez pas me tuer dites ?

Ça y est, il s'est arrivé jusqu'en haut.

-Si vous faites ce qu'on vous dit, non. Je réponds d'un ton neutre.

Une première pour moi de menacer quelqu'un comme ça, mais bon, ça gêne pas vu le bonhomme.

Suivez-moi, il me reste du matériel médical mais empêchez cette chaudasse de poser à nouveau ses mains avides sur moi. C'est vous l'homme, vous devez montrer que vous portez la culotte !

Gillian fut prise par l'envie d'éventrer ce vieil homme à l'instant mais elle ne le fit pas, opposant à son désir des raisons pragmatiques. D'abord elle avait de soin que seul un professionnel chevronné pouvait donner, ensuite elle n'avait aucune envie de découvrir que la police soit  honnête pour une fois au point de sérieusement rechercher le meurtre d'un vieil homme probablement détesté par tout  le quartier.  La jeune femme découvrit le cabinet médical  de l'ancien chirurgien bien équipé, elle  analysait encore le décor  quand  le vieillard revint les mains lavée et vêtu de la  blouse blanche typique du personnel soignant. Dr Richard Legrand pouvait-t-on lire sur l'étiquette cousu sur le vêtement.

Voilà, maintenant faites voir cette blessure, commença-t-il de manière très professionnelle. Ouf. Le praticien savait mettre ses préjugés entre parenthèse le temps d'un diagnostic, de donner les soins à un patient. On pouvait lui reconnaitre au moins ça.

Je vais le buter ! Enfin, non, je ne vais pas faire une telle chose, je ne suis pas un meurtrier, mais bon, ce type m'énerve. Il semble néanmoins accepté de soigner Gillian, je le suis alors. Arrivé dans le cabinet médical, je me mis à l'écart, de façon à pouvoir intervenir en cas de besoin, mais sans pour autant gêné le médecin dans son travail, qui d'ailleurs semble savoir resté professionnel lorsqu'il le faut.

Je reste donc dans un coin de la pièce, au début appuyé sur le mur et les bras croisés, mais au final, je me redresse et me baisse pour caresser Carl qui est venu se coller à moi.

Il désinfecte la plaie en avertissant que cela va piquer peut-être mal puis s'empare du matériel de chirurgie destiné à recoudre une plaie trop large pour un pansement.


Il va falloir recoudre malheureusement. Serrez les dents et ne bougez surtout pas ça ne ferait qu'empirer.

N'ayant pas trop le choix, Gillian se soumit au commandement du vieux médecin misogyne, se retint de bouger pendant qu'il travaille sur son bras. C'est dur. ça fait mal. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer.

J'observe, toujours en silence, au moins, le médecin à l'air de savoir ce qu'il fait, c'est déjà ça. Je reste néanmoins prêt à intervenir que ce soit pour l'aider lui ou Gillian, enfin, le médecin, si je l'aide, c'est que c'est nécessaire pour la soigner.