Croc Blanc

Trois ans plus tôt.   Un Kao famélique  abandonné   déchire les  sacs plastiques pour trouver  quelque chose de comestible.  Il  couina  et recula  en entendant le son d'une porte qui chuintait. Une jeune femme dans la trentaine  tenait  4 sacs de poubelles, deux dans chaque main  en émergea.  Elle vit l'animal  et les ordures déversée sur le plasto-blindage de la ruelle, fit  le lien entre les deux  mais  au lieu de tempêter  comme le faisaient les humains après le Kao, elle fit autre chose. Elle posa tout les sacs au sol   sauf un faisant dresser les oreilles du Kao.  Les mains de l'humaine dénouèrent le nœud  et plongèrent  dedans pour en repêcher un burger qui avait été a peine dévoré.  Puis  elle s'accroupit en lui  tendant  le burger. Le Kao  regarda ces yeux bleus couleur océans qui  la dévorait des yeux.  On pouvait y  lire déjà l’attendrissent de l'humaine.  Et s'empressa de gober le burger.  C'est ainsi  que commença une belle histoire  d'amitié...


Trois ans plus tard.  Il trottine tout heureux. Il a une maitresse qui l'aime, qui se soucie  de lui  même si elle sent l'alcool et le cigare. Tout ces gens qui marchent lui donnait envie de jouer.  La maitresse  semblait s'en amuser avec un brin d'exaspération sans jamais monter la voix contre lui.  Sauf quand elle est ivre ou qu'il l’embête.    Il avisa une vieille dame  qui portait des gros sacs, se demandant quelle odeur avait-t-elle heureusement il fut distrait par des cheveux  d'ivoire dans la foule.  Une autre MAITRESSE !  Il  bondit vers  elle  comme  un fou en ignorant  les cris de  la femme qui lui a offert un burger  et lui avait  redonné confiance en l'espèce humaine.  Sa queue  remuante,  il  se  blottit aussitôt entre les jambes de la jeune fille qui ressemblait à  Maitresse de dos  menaçant de la  renverser,  puis se fit plus  entreprenant  dans ses marques d'affection allant jusqu'à la renifler.  C'est une meilleure maitresse, elle pue  pas l'alcool et le cigare au moins ! En plus, elle manque  quelque chose qu'il s'empressa de gober.  Mmmmh...  Il se lèche les babines. Délicieux.

Gillian  sentit le moment ou les muscles de Karma s’apprêtaient à bondir pour commettre une énième bêtise  et  tenta de le retenir à voix haute   parce qu'elle était trop loin pour l'attraper. Trop tard.  Il ne l'écoutait plus toute à sa dernière lubie de Kao.  Elle se mit à courir en esquivant les passants incapable  de rattraper la force déchainée dans la foule.  Pendant un bref instant elle crut l'avoir perdu de vue et ressentit de la peur.

KARMA !

Comme pour répondre  à son appel, la foule  s'éclaircit lui permettant de voir une jeune  fille aux cheveux d'ivoire en détresse qui venait de perdre son dessert au profit  d'un Kao gourmand.   Gillian  marcha comme un missile droit vers son objectif furieuse de la peur que lui a infligée  son compagnon de trois ans de vie.  Karma. Te voilà chenapan !  Vous allez bien jeune fille ?

Jillian avait réussi à s'éclipser du Némésis et de ses leçons pour quelques heures de liberté totale. Esperanza c'est le meilleur endroit pour une jeune pirate qui traîne. Elle a envie d'un donut là tout de suite et comme un miracle de Calypso, elle aperçoit une boutique juste au coin de la rue. En deux temps trois mouvement, elle entre dans la boutique et en ressort avec une boite aux différents goûts : chocolat praliné, noix de pécan, mangue, barbapapa, confitures... Elle prend le premier qui vient et...

« KYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA! »

Son hurlement retenti au milieu de la foule qui ne s'arrête même pas pour sourciller alors qu'elle se retrouve sur les fesses. Une bête sauvage qui lui bondit dessus pour la dévorer... ? Ah non c'est seulement pour son donut.

« HEY! » s'énerve-t-elle en tirant la délicieuse pâtisserie vers elle... ou ce qu'il en reste.

Elle se serait bien énervé mais le Kao qui a essayé de lui voler son quatre heure est très mignon et lui fait penser à Bullet. Elle tend la main vers lui et lui donne le reste... De toute façon elle ne va pas le manger maintenant. Au même moment une jeune dame au cheveux blancs arrive, sûrement la propriétaire du Kao.

« Oui... Rien de cassé ne vous inquiétez pas. Votre Kao est très mignon... Un peu chahuteur mais mignon. » répond-t-elle le cul toujours par terre. Le sourire sur ses lèvres indiquant qu'il n'y a pas de mal.

Le Kao, content de son forfait, s’assoit par terre et  se met à avancer  sur ses pattes postérieurs.  Gillian le regarde, un peu blasée  qu'il trouve encore moyen  de la faire craquer.

Karma est un grand farceur... C'est une de ses mauvaises habitudes qu'il  a acquises dans sa vie de chien errant avant que je le recueille. Mais merci du compliment.  J'ai vu qu'il avait mangé votre  dessert, qu'est ce que c'était ?

Son Kao sembla moins agité comme si ce qu'il venait de dévorer le calmait. Intéressant.  Elle se demanda  si c'était un simple hasard ou  si l'effet sur le Kao se reproduirait s'il en consommait à nouveau.   Si l'option deux était la bonne,  elle pourrait avoir la paix  sur commande.

Cette jeune fille éveillait des choses  enfouies.  L’âme d'un enfant qui rêvait de devenir institutrice. Ce n'était hélas pas la voie qu'elle avait choisie.

« Un donut mais ne vous inquiétez pas j'ai encore toute une... MA BOITE! » s'exclame-t-elle ahurit quelqu'un a profité de sa chute pour voler la boite pleine de donuts. Elle en pleurerait presque de frustration. Se relevant d'un saut elle regarde à gauche et à droite pour repérer l'auteur du méfait mais sans succès. Un long souffle s'échappe de sa bouche avant de relever la tête vers son interlocutrice.

« J'avais toute une boite... »

Sa main vint caresser le Kao qui la regardait, sûrement dans l'attente d'une nouvelle friandise. Elle était dépité. Comment pouvait-on voler une boite de donuts à quelqu'un au sol ? Sans le moindre sous supplémentaire elle n'allait pas pouvoir en acheter d'autres la fin d'un rêve...

« Vous l'avez recueillie ? C'est très gentil de votre part... Je ne connais pas grand monde qui ferait ça. » dit-elle un peu attendrie par l'histoire.

Pas qu'elle connaisse grand monde tout court d'ailleurs. En dehors de l'équipage du Némésis quoi.

Gillian n'avait fait guère attention à un individu vêtu de vert et de marron qui se baissa prestement pour ramasser quelque chose par terre. Ce n'est qu'ensuite qu'elle comprit que le bonhomme avait pris la boite sans égard pour la jeune fille.

Attendez. Je vais chercher le coupable.

L'ex-douanière marcha rapidement derrière le coupable qui croyait avoir commis son forfait en toute impunité. Celui-ci finit par remarquer Gillian et nerveux, commença à courir en jetant des regards fréquents à sa poursuivante. Grave erreur, il entra en collision avec des passants et perdit la boite que Gillian ramassa à la suite en écrasant la main du voleur qui essayait de la reprendre.

Vous ne finirez pas au poste pour cette affaire. Je vais rendre les donuts à leur légitime propriétaire. Je ne saurais trop vous conseiller de voler des choses plus intéressantes. ça allongera votre séjour en prison.

Inutile de faire un scandale pour des donuts et de plus, elle préférait ne pas avoir à trop s'expliquer avec les autorités. C'était plus prudent quand on était recherché pour des crimes imaginaire et de réels délits. Parce qu'elle avait en effet contourné la loi quand ça l'arrangeait. Évidemment aucun des passants ne semblait considérer la situation comme anormal. Personne n'avait réagi à part Gillian.

Elle relacha la pression sur la main du voleur et revint vers Jillian gardée par le Kao qui regardait avec défi chaque passant. Punaise. Il faisait vraiment n'importe quoi.

Vos donuts...

« Pas la... D'accord. »

Et la voilà partie dans la foule pendant que Jillian attend en compagnie du Kao. Elle s'accroupie au niveau de l'animal et lui caresse gentiment la tête en attendant au milieu de la foule.

« Ta gentille maîtresse est partis récupérer nos gâteaux » lui susurre-t-elle a l'oreille

Un peu de temps d'écoula avant que la dame ne revienne avec la boite de donuts à la main. La tendant vers Jillian qui la regarde comme une héroïne.

« Merci ! Merci ! Merci ! Vous avez officiellement gagner la moitié de cette boite ! Ça vous dit d'aller les manger dans un coin un peu moins bondé ? »

Le regard de Gillian s'éclaira, les yeux  étincelant d'approbation. Gagner la moitié des donuts est une excellente récompense.  Toujours en main la boite de donuts, elle tendit la main comme pour proposer de l'aide afin que Jillian puisse se relever.

De rien. J'ai juste sauvé les donuts de d'autres dents que les notre.  Je connais un  endroit pas loin. Au pirate ivre, ça s'appelle.  

Gillian renifla. Malgré le nom de l'établissement, il n'y avait que très peu  de pirates  qui venait s'enivrer et admirer les danseuses se trémousser pendant les soirées.  Elle connait  les lieux depuis trois ans  et y avait ses entrées grâce à la gratitude du personnel  pour avoir  empêché sept brutes de causer des dégâts et d'enlever   une danseuse aux cheveux verts. Elle avait droit à des verres gratuit depuis bien qu'elle ne fut pas la seule a avoir participé à cette bagarre. Le Maitre aussi.

Intéressée ? Ou bien préférez-vous un établissement de votre cru ? Ne vous fiez pas au nom, ce n'est pas ce qu'il y parait.  

Jillian attrapa la main de l'étrangère et se tira vers le haut pour se relever. Côte à côte, la femme était beaucoup plus grand qu'elle. Elle prit le temps de épousseter minutieusement son long manteau et sa tenue tout en l'écoutant faire sa proposition.

« Mmmh... Je préfèrerais un endroit à l'extérieure, si ça ne vous dérange pas. Je ne connais pas assez bien Esperanza pour connaitre ce genre d'endroit. »

Elle était enfermé la plupart du temps à bord du Némésis et elle voulait profiter au maximum de ces rares occasions de sortie pour rester le plus possible "en plein air". Même si ce terme ne veut pas dire grand chose sur Esperanza qui est situé sous une cloche géante. L'étrangère lui tendant la boite, elle la reprit et l'ouvrit brièvement pour découvrir le reste de son trésor de guerre, les donuts étaient tous intactes par chance. Elle releva son visage souriant vers celui de l'inconnue.

« Je suis Jillian, au fait. »

Ce n'était pas risqué de donner son prénom, personne ne ferait le rapprochement entre son origine pirate et seulement son prénom. Si elle lui demandait son nom de famille, Jill en inventerait simplement un autre, la famille étant reconnu comme pirate. En plus, elle avait toujours rêvé d'avoir un nom comme de Fleur ou des Landes.

Gillian constata que la jeune fille était plus petite qu'elle. L'extérieur ne la dérangeait pas du tout mais elle avait passé largement son temps à boire dans des tavernes ou à surveiller les clients des bars dans lesquels elle était employée comme videuse. Ne parlons même pas de son second emploi de garde du corps qui lui assurait un revenu plus ou moins aléatoire selon la mission proposée.

L'ex-douanière leva le regard vers le magnifique ciel que laissait transparaitre le dôme qui recouvrait la ville. Ses connaissances étaient limités quant au fonctionnement de tels dômes cependant une seule chose importait : savoir qu'il protégeait la ville et ses habitants de l'air qui n'était pas encore respirable sans être toxique et reproduisait les conditions atmosphériques idéales pour l'homme.

Je comprends. Voyez-vous la beauté dans ce qui nous entoure ? Esperanza est le fruit des efforts des trois factions afin de créer une zone neutre ou se rencontrer en période de conflit entre faction. Cette bulle qui recouvre la ville est une merveille de l'UC en revanche ce sont des travailleurs impériaux et trinitaires qui ont construit les bâtiments sous la cloche. Une des rares preuves qu'ils sont capables de mettre de coté leurs différences d’où le nom de la planète.

Mais peu s'intéressent à l'envers du décor homonyme. ça ne vous dérange pas que je vous appelle ainsi ? Je m'appelle Gillian et... ça me fait bizarre de dire Jillian à quelqu'un d'autre.

L'adolescente hoche lentement la tête pendant le discours de la dame sur la beauté d'Esperanza et ce qu'elle représente. Elle n'y avait jamais vraiment réfléchis... Il faut dire que les factions semblent aussi corrompue les unes que les autres. Si elle se sont mise d'accord, c'est probablement parce qu'il y a un intérêt, peu de chance que se soit pour la beauté du geste. Le seul véritable espoir dans cette galaxie réside dans la piraterie et le code. Enfin elle se garde bien de parler de tout ça et émet un simple hm d'acquiescement.

« Oh... Nous avons le même prénom ? Homonyme ? Ça sonne un peu trop formel ou bizarre. »  sourit-elle en pensant à cette amusante coincidence.

Elle lâche un petit rire gênée.

« Appelez moi Jill sinon et je vous appellerais ma sauveuse de donuts. » pouffe-t-elle nerveusement.

Avec ça elles n'ont toujours pas bouger d'un pouce et le kao a l'air de s'agiter un peu à rester immobile au milieu de la foule. Jillian a une idée brillante soudainement pour grignoter ces délicieux donuts au calme.

« Qu'est-ce qu'il y a au bord du dome ? »

Gillian se contenta d' acquiescer à la proposition de Jillian  de  lui donner le nom de Jill au lieu  d'homonyme.  Elle reconnait volontiers que c'était un mot bien sec et formel  pour s'adresser à une jeune fille. Peut-être même inadapté.

Sauveuse de donut ?  Je serais une   bien drôle de sauveuse  si je les mange après les avoir sauvé mmh ?

Ses yeux pétillaient d'humour et un sourire en coin se dessinait sur ses lèvres.  

C'est une question qui demande  deux réponses, l'une concerne l'intérieur du dôme, l'autre s'applique à l'extérieur du dôme. Premièrement, j'imagine que des techniciens passent leur temps à placer des capteurs  atmosphériques sur la surface du dôme pour s'assurer qu'il n'y ait aucune brèche. Et si d'aventure, il y a une brèche, notre air va s'échapper et être remplacée par l'atmosphère de la planète qui n'est pas encore viable pour nous. Et des installations et des gardes pour que les citoyens ne puissent pas s'approcher du mur pour le percer par exemple... Qui sait ce que les gens pourraient bien inventer ?  

Elle ne répondit pas à sa propre question. L'esprit  humain était un labyrinthe tortueux et ses mystères innombrables. Au lieu de cela, elle continua.

A l'extérieur du dôme, on peut découvrir la végétation de la planète et regarder des courses de speeder.  J'ai entendu dire que des courses illégales se faisaient aussi et que les paris sont monnaies courantes.  En tout cas, je sais que des sommes énormes circulent  à Esperanza.

Pfiou... Quelle pipelette... et pour que Jillian pense ça... Enfin, elle l'écoute quand même parler du dôme avec attention. Elle ignore ce genre d'informations et est toujours curieuse d'apprendre de nouvelles choses. En plus, Hope est vraiment une ville fascinante. Elle hoche donc simplement la tête avec attention, en prenant garde de ne rater aucun détail en se perdant dans ses pensées.

« Ça ne vous dit pas d'y aller et de manger nos donuts au pied du dôme ? Seulement pour voir... » hésite-t-elle.

Son interlocutrice aillant quand même l'air de ne pas vouloir transgresser la loi, dans son discours.

Pourquoi pas ?

La ville est grande. On en aura pour un moment. Si tu as d'autres questions, ne te gêne pas pour les poser. ajouta-t-elle en souriant afin de montrer que les questions ne l'ennuyaient pas du tout.

Elle avait compris que Jillian était une enfant curieuse comme elle l'avait été au même age. Et un nombre indéterminés de personnes avaient su avoir la patience nécessaire pour satisfaire sa curiosité, Gillian pensait donc devoir à son tour faire preuve de cette même tolérance envers cette adolescente.

L'adolescente sourit, ravie de la réponse de son interlocutrice. Elle est tout excitée à l'idée d'aller voir le bord de la bulle, même si cela peut potentiellement ne pas constituer quelque chose d'exceptionnel, pour elle ça l'est. Jillian attend que son homonyme se mette à marcher, mais visiblement elle a l'air de chercher son chemin.

« Sinon on prend une direction au hasard... On finira bien par l'atteindre mathématiquement. »

Elle se met en marche, mais, en attendant que Gillian et son adorable Karma lui emboîte le pas. La jeune fille ne peut s'empêcher d'admirer l'adorable créature en pensant à Bullet.

« Votre Kao est vraiment vraiment très mignon. J'aimerais en avoir un, un jour. Le votre me fait penser à celui d'un mem... d'un... d'un ami. » balbutie-t-elle, se rattrapant au dernier moment.

Oups! Elle était à deux doigts de faire une bourde qui aurait mené la conversation sur un terrain difficile. Faire attention à ce qu'elle dit n'est pas dans ses habitudes, tout comme parler à des gens à terres d'ailleurs. Sa vigilance ne doit pas baisser sinon elle risque de se révéler sans le vouloir. Pour ramener la discussion sur d'autres railles et la distraire elle pense à une autre question, puisqu'elle lui a dit être ravie de lui répondre et de satisfaire sa curiosité.

« Vous avez l'air d'en savoir beaucoup sur la ville. Ça fait longtemps que vous vivez ici ? Enfin, vous vivez ici ? » finit-elle en ricanant de son rire d'enfant.

Gillian cessa de chercher à repérer la face du dôme la plus proche et emboita le pas à Jillian tandis que son Kao démarrait au quart de tour disparaissant derrière des passants. Elle cille à peine en notant le lapsus de la jeune fille et supposa qu'elle allait dire "membre d'équipage". Que Jillian fasse le choix de s’arrêter au milieu du mot indiquait que cet "ami" pratiquait des activités illégales, mais lesquelles précisément, Gillian n'aurait su le dire à moins de l'interroger. L'ex-douanière était amusée de constater qu'elle pensait encore de temps en temps comme un flic et contenta d'un petit sourire mystérieux au lieu de cuisiner la jeune Jillian. Le temps avait pansé en partie les blessures qui avaient été causés par la trahison de la douane impériale de Valentia et la mort de son précédent Kao Cyrille.

Quand je l'ai trouvé, il était maigre et fouillait dans les poubelles à la recherche de quoi manger. Je l'ai convaincu de m'adopter en échange d'un burger. Karma est un sacré pitre en effet. Ne t'inquiète pas, il va revenir : il sait très bien quelle main le nourrit. dit-elle à la fois ravie du compliment et voulant rassurer l'adolescente au sujet de la fuite précipitée du Kao.

Cette dernière ne s'étonna même pas du brusque changement de sujet ; cela ne faisait que confirmer ses suppositions au sujet de cet "ami" mais le sujet choisi éveillait sa méfiance.Ne pas trop en dire.

Cela fait trois ans que je vis ici.

On passe par des coins que je n'ai jamais vus avant. La plupart des coins d'Esperanza, je ne les ai jamais vues de toute façon... Sa réponse à propos de Karma est rassurante et j'aime bien leur histoire. Le kao a l'air d'être un peu sauvage s'il peut partir comme ça et revenir à sa guise.

« Ça doit être agréable de vivre à... ici ! »

Je me laisse un peu emporter encore sur cette réponse et je manque de lui révéler que je vis dans l'espace et pas à terre. Il va falloir faire plus attention Jillian. Sa réponse est quand même évasive et j'aimerais bien en savoir un peu plus sur cette inconnue.

« Et vous faites quoi ? Dans la vie, je veux dire. »

Je me demande quand même si elle n'a pas répondu brièvement pour une bonne raison et si ma curiosité ne me fait pas poser des questions indiscrètes.

« Si ça vous embête de répondre, vous n'êtes pas obligé. Je peux être un peu curieuse, pardon. »

Gillian aurait volontiers levé les yeux vers le ciel, l'adolescente avait  failli faire un nouveau lapsus et si elle croyait garder son secret sans attirer l'attention c'était raté désormais.  Ce "Ici" soulevait des questions intéressantes à ses yeux et  s'ajoutait au "mem..." que Gillian supputait être un "membre d'équipage".  Ce "ici" est Esperanza  et signifiait que l'adolescence n'y vivait pas. Alors en toute logique,  Gillian passa à la question muette    quel est cet "autre" ? Une planète différente ? Un vaisseau ?  Devait-elle  garder le silence histoire que l'adolescence continue de se trahir ? Ou bien l'interroger directement ?

Son regard devenu particulièrement vif se porta sur Jillian. Je fais des petits boulots à droite et à gauche mais on m'a déjà dit plusieurs fois que je gâchais mes compétences. J'hésite à sauter le pas pour un meilleur travail mais... j'ai Karma maintenant.  

Elle n'allait quand même pas préciser à une gamine  qu'on l'avait souvent incitée à devenir contrebandière, ou plus rarement pirate.  Les voyages  auraient été plaisants bien entendu mais elle n'était pas sure de vouloir se lancer. Non que s'impliquer dans l'illégalité la rebutait. Tuer des gens ne la motivait guère mais elle le ferait si c'est ce que demande l'emploi.  Et voir mourir des amis... Son Kao lui serrait le coeur.

Comme si on l'avait rappelé le Kao déboula  et  se roula sur le pavé au pied de sa maitresse qui se mit à rire. Fou de Karma ! Elle s'agenouilla pour le caresser.

« Ça ne me regarde pas vraiment, mais je crois que Karma heureux tant que vous êtes heureuse. La question est de savoir si vous êtes heureuse actuellement de faire ce que vous faites ou si vous seriez plus heureuse de faire un autre travail. »

Je pense à maman quand je prononce ces mots, c'est elle qui m'a toujours dit que seul mon bonheur comptait et qu'elle était heureuse tant que je l'étais. C'est ma vérité, les gens qu'on aime apprécie notre bonheur et je suis sûr que cette idée peut aussi s'appliquer à un animal de compagnie.

« C'est vrai que vous avez attrapé ce voleur facilement, vous feriez une bonne policière ou vous pourriez vous débrouiller à bord d'un vaisseau. »

L'idée glisse volontairement cette fois. L'observé m'a donné l'impression de voir certains des membres de mon équipage, enfin peut-être qu'elle n'a pas l'esprit, mais elle a le physique. Ma main plonge dans la boite de donut alors que nous marchons encore, incapable de prendre mon mal et mon appétit en patience. Je prends une pâtisserie et lui tend la boite.

« Vous en voulez un ? »

Que disait-t-on déjà ? Que de la bouche des enfants sortent la voix de la vérité, songea Gillian. Une pensée qui prit un virage plus sombre dès la jeune fille lâcha le mot fatidique "policière". Subrepticement, quelque chose changea dans son expression, plus sinistre. Entretemps, le mouvement que fit Jillian pour prendre un beignet dans la boite dévoila l'épée jusque là masquée par sa cape. Gillian nota l'information dans un coin de son esprit, définitivement convaincue que la jeune fille n'était aussi innocente qu'il le paraissait. C'est un peu plus rasséréné qu'elle se permit d'aborder des sujets plus brulants.

Ne me parle pas de la police. Elle est corrompue par ici. Ce n'est pas pour rien qu'on peut se procurer certains... articles en douce.

Elle tira de sa veste un paquet de cigares de sa veste pour illustrer son propos, en tira un de son logement puis rangea le paquet.

Tabac de Renaissance. 7 crédits. A priori, on peut facilement s'en procurer au bureau de tabac le plus proche... Sauf que ces cigares-là viennent de la cargaison du Souverain et on sait tous qui fabrique le tabac des trinitaires.

Elle savait parce qu'elle avait vu le poinçon encore intact d'une caisse qui provenait dudit Souverain avant que Ferkad ne la fasse effacer par un de ses hommes. Il était sans doute en train de liquider le reste des cigares mais il lui avait offert le paquet. Gillian prit un donut rapidement réussissant à le faire échapper aux crocs de Karma.

Je ne comprends pas vraiment où elle veut en venir avec les cigares, mais j'ai l'impression d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas, mon expression devient un peu guindée essayant de masquer ma gêne. Il est vrai qu'elle soulevait un point intéressant, dont maman parlait de temps en temps, la politique des factions est corrompue et quand elle ne l'est pas elle repose sur une morale tordue. Qu'importe, si ce monde ne nous convient pas nous forgerons le nôtre à la force de notre volonté.

« Cela ne vous dérange pas de consommer des choses qui ont été produites aux dépens de la liberté pauvres gens ? »

Mes mots ne sont pas agressifs malgré le ton de la phrase et la flamme qui s'allume dans mon ventre, seulement surpris et interrogateurs. Je croque dans mon donut aux fraises et à la crème, difficile de manger une telle pâtisserie en marchant et en gardant son élégance, mais je m'en fiche et je m'en étale sûrement un peu sur le visage au passage.

Au lieu  de répondre à la question de Jillian, elle choisit de déplacer le sujet sur une autre question. Gillian était satisfaite d'avoir obtenu la réaction souhaitée.

Tu préfères que l'argent  de ce cigare serve à financer des esclavagistes ou des vaisseaux pirates ? , répliqua gentiment et calmement Gillian.

C'est précisément le paradoxe de la piraterie qu'elle pointait du doigt. Un vaisseau ne pouvait  pas fonctionner sans un équipage qu'il fallait payer ni pièces de rechange.  Or, le principal revenu des pirates provenaient justement de leurs prises qu'ils revendaient à des fixers. Et ces cargaisons étaient elles-mêmes le produit du temps  de nombreuses personnes.
Le cigare qu'elle avait présenté à Jillian était très précisément  issu  d'une prise faite par un vaisseau pirate dont elle ignorait le nom ; Ferkad ne le lui avait pas dévoilé et c'était normal car il fallait garder le secret dans sa profession.

Elle éclata de rire devant la moue tartinée de crème de Jillian sans remarquer que son expression faciale s'était adoucie attendrie par cet adorable spectacle.  A son tour, elle croqua son donut  et s'en mit sur les lèvres.

- Comment osez-vous comparer les pirates et les esclava...

Son sang ne fait qu'un tour lorsqu'elle entend les paroles de Gillian et malheureusement c'est sa colère et la fougue de sa jeunesse qui prennent le dessus sur sa logique - comme souvent avec Jillian. Elle se rattrape et se coupe en plein milieu de sa question essayant de reprendre sa contenance mais sa main d'épée est déjà passé sur le pommeau de Caly sous sa cape, pensant en avoir trop dit et s'être révélée cette fois. Elle s'éclaircie la gorge, en s'arrêtant comme si elle allait ajouter autre chose mais ne trouve pas ses mots.

Dès que Gillian perçoit les premiers signes de la réaction de l'adolescente à sa question, elle se rapprocha de Jillian de manière à gêner la sortie de l'arme de son fourreau ainsi que son maniement, anticipant une attaque potentielle. Il y avait des chances qu'elle comprenne ce qu'elle venait de faire mais elle essaya néanmoins de détourner l'attention en prenant un second donut comme si rien n'était. Gillian haussa un sourcil en finissant son donut à moitié croqué en regardant la main d'épée sur le pommeau.

Tu peux dégainer et essayer de me tuer, je sais que tu appartiens à un équipage pirate qui suit le Code à en juger par ta réaction. Ton prénom si ce n'est pas un faux. Et ton visage. Qu'est ce qui te dit que j'irais pas te balancer ?

Gillian fait montre d'une assurance qu'elle est loin de ressentir, la jeune fille avait beau avoisiner la quinzaine d'année, elle pouvait se révéler dangereuse si elle dégainait. Notons qu'elle s'était abstenue d'évoquer ce qu'elle ne savait pas. Elle était même tentée de sortir ses cigares pour dissiper sa nervosité. Elle regarde l'adolescente dans les yeux, ses yeux en amande couleur d'océan évoque le regard perçant d'un aigle.

Quand son interlocutrice s'approche elle commence à tirer le pommeau pour sortir la lame. Il lui serait aisé de prendre la vie de son interlocutrice techniquement, mais elle n'a jamais tué et elle ne veut pas tuer quelqu'un pour la première fois à cause de sa propre colère. En fait, elle voudrait ne jamais tuer si c'était possible...

- Vous ne savez rien de la piraterie ou du code. Je ne sais pas lire les gens, mais ça je peux le voir.

Jillian se radoucit et laisse glisser Caly dans son fourreau, retirant la main du pommeau et la posant en évidence sur la boite de donut. Elle prend une longue inspiration avant de répondre.

- Je ne sais pas, mais je peux vous offrir un autre donut.

Et elle lui tend la boîte reprenant son sourire naïf et sincère de l'enfant qu'elle est encore et semblant oublier ce qu'il vient de se passer.

Je pense qu'il vaut mieux parler de formes de piraterie  : chaque capitaine a sa conception de la chose et ça n'implique pas toujours le respect du Code au pied de la lettre au risque de s'attirer les foudres des Seigneur-Pirates. Certains pratiquent la contrebande, d'autres les attaques de plantations, libération des esclaves et d'installations des  factions. Arraisonnement de vaisseau-cargo.  Mon père se faisait une spécialité de la contrebande tout comme mon oncle.  L'essence de la piraterie c'est de suivre  sa flamme et la Liberté. Il existe des hommes et des femmes qui y ont parvenus. Les Flammes exaltée n'est-ce pas ?  

Gillian se détend un peu, l'adolescente a renoncé à se saisir de son arme, sans pour autant cesser sa quête de signe caché et de danger.   C'en est presque surnaturel parfois qu'on en vient à s'interroger sur la possibilité de la surprendre.  L'ex-agent des douanes impériales  accepta le donut avec une touche d'humour, le grignote.

J'accepte la corruption.