L'aube d'une renaissance

Laylia ne déçoit pas. Elle saisit au bond la métaphore et l'explicite comme lui l'avait fait pour l'oiseau. S'il n'oublie pas qu'elle est payée pour le faire se sentir bien par rapport à lui-même, il apprécie – plus que les compliments en eux-même – l'intelligence dont fait preuve la jeune femme ainsi que sa fine perception des gens. En effet, il est un homme classique appréciant la maîtrise personnelle avait toute chose. Pour l'impressionnisme, il était pas allé aussi loin mais son analyse est trop juste pour qu'il se montre mauvais joueur. Avec un sourire qui ne touche pas ses yeux mais éclaire tristement son visage, il termine sa tisane, salue la jeune femme, se lève et vient lui tirer la chaise et lui tendre le bras, gestes qu'il n'avait pas fait depuis très longtemps mais qu'une éducation comme la sienne ne lui permet pas d'oublier.

« Ma soirée vous appartient, Señora. Commandez et je vous suis. »

Laylia est troublée par le sourire que Jaziel lui offre. Il est rare qu'elle ait autant de difficulté à lire l'expression de quelqu'un, mais cet homme est un tout nouveau genre de casse-tête qu'elle ne comprend pas encore. Si elle ne doute étrangement pas de sa sincérité, au sens qu'il ne le fait pas en s'ennuyant intérieurement, il lui semble... vide. Triste aussi. Elle ne comprend pas pourquoi. Est-ce quelque chose qu'elle a dit? Un souvenir qu'elle lui rappel et le rend malheureux? Non, il ne semble pas particulièrement malheureux non plus.

Avant qu'elle ne puisse analyser la situation davantage, il se lève et vient galamment lui offrir son bras. Laylia le prend et se lève, repoussant ses réflexions pour se concentrer sur leur moment et son ébauche de plan pour la suite des choses. Le commentaire de Jaziel la fait doucement sourire cependant, comme généralement dans son métier, c'est plutôt l'inverse qui s'applique.

"Alors, allons-y."

La carte qu'elle a glissée au serveur plutôt couvre leurs dépenses du repas, aussi elle remercie simplement le maître d’hôtel avec un gracieux mouvement de tête avant de sortir du restaurant. Sans se presser, elle mène ensuite Jaziel vers l'intérieur de l'astroport. La grande et somptueuse bâtisse du Conservatoire s'élève rapidement devant eux, celle-ci étant construite non loin de la plage, de sorte qu'aux étages supérieurs, la mer soit en vue.

"C'est bien la première fois que vous venez au Conservatoire de la Guilde, si je ne me trompe pas?"

Elle crée un monde illusoire, sans argent, sans contrainte, un monde de beauté et d'intelligence dans lequel il est plaisant de se reposer, si l'on veut oublier le reste du monde. Jaziel comprend à présent l'attrait qu'ont les compagnons sur certains hommes et pourquoi l'on peut dépenser autant d'argent sur quelque chose d'aussi éphémère que du temps. Il n'avait pas compris ça, à l'époque, quand ses parents avaient déboursés pour lui apprendre les femmes. Mais il n'est pas faible et il n'oublie pas que le restaurant a malgré tout été payé, que le temps de cette femme vaut de l'or, et que ses ambitions si elles lui permettent une nuit de repos, ne l'autorisent pas à prendre d'avantage.

Le Conservatoire de la Guilde est un beau bâtiment dominant la plage et la mer. Sans montrer d'hésitation ou d'admiration excessive, le navigateur regarde autour de lui, se redressant imperceptiblement comme pour être à la hauteur de l'écrin. Il se rappelle des joyaux de sa station natale et le manque de Tyrion, qui ne l'a jamais quitté, est fort soudain. Assez pour qu'il laisse passer une légère hésitation à la question de la jeune femme.

« … en effet, c'est la première fois. » Il a déjà vu une compagnonne, une nuit, lorsqu'il avait seize ans pour effacer l'horreur de la mort de son frère mais il ne se souvient plus de l'endroit de la rencontre. Et puis c'était dans une autre vie.

Laylia remarque l'hésitation de Jaziel, quelque chose qu'elle n'a pas encore vu chez lui, mais ne sait pas à quoi l'attribuer. Est-il impressionné par l'endroit? Hésite-t-il simplement sur l'attitude à adopter maintenant? Est-ce que l'endroit ou le moment lui rappelle quelque chose de désagréable? Peu importe. Elle souhaite le mettre à l'aise aussi, toujours à son bras, elle l'escorte à l'intérieur. L'endroit est luxueux et chaleureux à la fois, avec une grande quantité de drapés colorés rendant l'ambiance feutrée, même dans le grand hall. Laylia salue de la tête quelques Compagnons présents puis entraîne Jaziel vers un escalier menant à l'étage. Au bout de quelques corridors, ils arrivent à ses appartements.

"Bienvenue chez moi."

Elle lui sourit de nouveau puis lui ouvre la porte. Elle réside toujours au Conservatoire, comme beaucoup d'autres jeunes Compagnons, ne faisant pas encore suffisamment d'argent pour s'offrir un logement décent. L'appartement n'est pas très grand, composé simplement d'un espace cuisine et salon ouvert, ainsi que d'une chambre fermée, mais le tout est bien aménagé et avec une décoration agréable, typique de la Guilde. Bonus, une grande fenêtre dans la pièce principale laisse entrevoir un bout de mer derrière les toits de la ville.

"Je sais bien que nous sortons à peine de table, mais puis-je vous offrir un verre de vin?"

Il la suit en silence, saluant de la tête les quelques personnes qu'ils croisent au détour des couloirs, mais sans rien dire. L'anonymat est une vertu ici et personne ne posera de question. S'il est facilement méfiant, Jaziel fait confiance au professionnalisme de la Guilde qui est toute sa richesse car sans cela, aucun noble impérial n'accepterait de faire affaire avec eux. Il y a un déshonneur latent dans le fait d'avoir besoin d'user de professionnels.

Ils arrivent dans une chambre chaleureuse et luxueuse que la jeune femme désigne comme chez elle. Vraiment ? Il ne sait pas. Il est mauvais en décoration pure, ne connaissant que les trucs pour faire paraître tel endroit plus grand ou telle personne plus impressionnante. Pour ce qui est de la beauté et de l'esthétique, il laisse des gens plus sensible que lui faire leur travail. Il s'avance cependant, étudiant en silence les décorations, les mains derrière le dos nouées en bas de ses reins, ni vraiment ouvert, ni vraiment fermé. La mer l'attire. Toujours. Et il se retrouve sans vraiment savoir comment à la regarder dans le coin du rideau. Il réfléchit au vin proposé. Après tout...

« Pourquoi pas. » Il se retourne et la regarde, droit et calme, comme si son hésitation n'avait été qu'un battement de cil, un rêve. « Je vous remercie. Je crois que c'est mon tour de jouer ? »

Elle sourit simplement en réponse, puis s'éloigne dans l'espace cuisine pour prendre une bouteille de vin rouge de son petit cellier. Alors qu'elle leur sert chacun une coupe de Cosecha de los Puertos, un vin impérial de bonne réputation et à l'agréable robe sombre, elle lui répond :

"Effectivement, c'est votre tour. Cela me laissera également le temps de préparer ce que je souhaite vous offrir, en échange de votre réponse précédente."

Elle lève ses yeux bleu profond vers lui, joueuse et énigmatique, puis repose la bouteille de vin. Elle apporte sa coupe à Jaziel, prenant soin d'effleurer ses doigts au passage.

"Prenez place sur le canapé, je vous en pris. Avez-vous besoin de quelque chose de particulier? Une nouvelle feuille de papier peut-être?"

Elle attend sa réponse quelques instants avant de s'éloigner de nouveau de lui. Laylia va alors à l'autre extrémité de la pièce et y prend soigneusement l'imposant instrument qui y trône en maître. Elle s'installe ensuite sur une chaise, face au jeune homme, et se met tranquillement à accorder les cordes de son violoncelle.

Elle l'a déjà offert en lui montrant son intérieur mais si elle souhaite lui donner plus d'information, il n'est pas de ceux qui découragent les initiatives quand il a à y gagner. A son signe, il quitte des yeux l'onde mouvante pour prendre place dans le canapé où il récupère le verre avec un léger sourire au frôlement sur sa main, plus de complicité – parce qu'il a remarqué le geste et son objectif – que d'amusement mais tout de même. Il hume d'abord le liquide, inspecte sa belle robe rubis puis le sent, le faisant doucement tourner dans son verre avant de, finalement, le goûter. Pas mauvais. Il préfère le blanc au rouge en général mais celui-ci est agréable, voluptueux, presque.

« Je ne vais pas vous offrir un autre origami, il me semble que de vous proposer deux fois le même type de cadeau en réponse serait de la mauvaise foi de ma part. Je trouverais bien autre chose. »

Le violoncelle se met entre eux, immense instrument de bois ciré et de cordes que la jeune femme se met à préparer, probablement en vue d'une performance. Et bien pourquoi pas. Il réfléchit.

« Si vous pouviez habiter dans n'importe quelle maison, sur n'importe quelle planète, quel genre de demeure serait-ce, de quel type, de quelle taille, avec quelle vue et quelle sorte de décoration ? »

Il trouve la pièce trop neutre, trop luxueuse pour ce qu'il devine de la personnalité de la jeune femme.

La brune sourit doucement, curieuse de voir ce que Jaziel va lui offrir de nouveau, s'il ne s'agit pas d'un nouvel origami. D'ailleurs, elle finit d'accorder son instrument puis se relève pour aller cherches la grue de papier dans son sac. Tout en répondant, elle déplie les ailes délicates de l'origami puis va le déposer dans un espace libre sur sa bibliothèque, bien en vue.

"J'ai toujours vécu sur Renaissance, et bien que j'aimerais visiter d'autres endroits, je crois que je resterais ici. J'aime la nature et l'air pur qu'on y a, contrairement aux villes sous cloches."

Elle tente de ne pas réfléchir, de répondre instinctivement pour s'assurer de bien respecter la règle du jeu, mais ses pensées s'activent rapidement. Elle prend donc un instant pour revenir s’asseoir face à lui et faire de nouveau le vide dans sa tête.

"Ce serait en bord de mer, aussi, mais dans un coin plus tranquille qu'ici."

Un sourire sincère soulève à ces mots le coin de ses lèvres. S'il n'a pas encore réalisé à quel point Laylia est fascinée et attirée par la mer, il le comprendra certainement maintenant.

"La maison ne serait pas très grande, trop d'espace inhabité, c'est triste. Mais elle serait chaleureuse, accueillante. Pour la décoration, si je peux avoir exactement ce que je souhaite... ce serait coloré, vivant, avec toutes sortes d’œuvres et d'objets d'artistes ou d’artisans que j'apprécie."

Il avait eu des rêves. Des rêves d'une belle maison qui ne serait qu'à lui, où il vivrait tranquille avec ses énigmes, ses livres et ses origamis. Sa femme riant dans la pièce d'à-côté, réchauffant le foyer du feu de ses passions. Des enfants jouant sur un tapis. C'était un rêve calme, dans le vide de l'espace, Tyrion se levant sur les écrans. C'était un rêve qui n'avait jamais été réalisable et qu'une explosion avait totalement détruit.

Il avait d'autres rêves à présent. Ils n'étaient plus si calmes et ils semblaient plus lointains, cachés dans la brume de l'avenir. Il n'y mettait pas les émotions que semblaient y trouver les gens. Il ne cherchait pas le bonheur, il n'était ni joyeux ni triste, sa vie se déroulait en une suite de causes et de conséquences avec parfois des îlots de rêves. Ce soir, il mit ses propres objectifs de côté et se laissa emporter par la description de la jeune femme, surpris de comprendre qu'elle ne rêvait pas d'autre chose que lui. Le faisait-elle exprès ? Il ne le savait pas. Il ne voyait pas pourquoi elle tenterait de le séduire. Après tout, elle avait déjà été payée et il n'y avait pas l'ombre d'une relation possible entre eux autre que professionnelle.

Alors, pour son « cadeau », il récita un autre poème de sa voix calme et froide. Certes, il n'y mettait pas de passions, comme d'autres mais les mots parlaient d'eux-même.

Laylia a toujours été d'une franche authenticité, et ce malgré que ses professeurs du Conservatoire lui aient souvent répété que pour séduire, il fallait parfois mentir sur ce que l'on est. Elle n'en a jamais été incapable, le mensonge se lisant sur ses traits comme des mots sur une page blanche. À la place, elle préfère la voie de la diplomatie, si vraiment elle ne peut faire autrement que de taire ce qu'elle est ou pense. Auprès de ces clients, c'est aussi cette authenticité qui commence peu à peu à lui créer un nom parmi les Compagnons.

Si elle ignore les réflexions de Jaziel en cet instant, elle-même n'a même pas songé un instant à tordre sa réponse pour la rendre plus attrayante. Aussi, le poème qu'il lui offre de sa voix calme la touche particulièrement, tant par son sujet et ses mots que par le choix que l'homme à fait en le sélectionnant lui plutôt qu'un autre. Celui-ci semble avoir été écrit pour ce qu'elle-même vient de décrire. La brune sourit en grand, sincère, puis prend son archet.

"Merci. À mon tour de vous offrir quelque chose, maintenant."

L'archet glisse contre les cordes et les notes graves d'une sonate impressionniste emplissent rapidement le petit appartement. Les doigts de Laylia s'activent au rythme de la pièce, par moment avec une douceur infinie, d'autre avec vibrance et passion. Puis, la musique prend fin et pour la première fois depuis qu'elle a commencé à jouer, Laylia pose les yeux sur Jaziel.

La musique épousa la pièce, prenant sa place entre les bibelots, rebondissant contre le plafond, répondant à l'image de la mer. Chose peu commune, Jaziel avait fermé les yeux. Le verre de vin posé sur son genou, tenu par la tige fine du pied, il était immobile, silencieux, poli. Sur ses traits détendus, pas une émotions, pas un remou. Il était devenu lac qui s'imprégnait des notes. La musique. Elle ne lui remuait pas l'âme. Il ne s'était jamais senti heureux ou triste en entendant un morceau. C'était d'ailleurs pour cela qu'il lui préférait la poésie car même sans émotion, les mots avaient un sens qui permettait de dire ce qu'on était sensé comprendre. La musique... c'était autre chose c'était étrange, c'était une peinture de sons qu'il pouvait voir s'il se concentrait très fort mais qui ne réveillait rien en lui. Et pourtant il appréciait les sons. Et pourtant il aimait entendre la beauté d'une voix ou d'une corde frottée, pincée ou frappée.

La musique s'arrête et il rouvre les paupières sur les mêmes iris que précédemment, le même regard froid, un peu vide, fixe. Il hoche la tête, prenant une gorgée d'alcool.

« Merci. » Que dire d'autre ? Qu'elle joue bien ? Elle le sait et il sait qu'elle le sait et il n'a pas envie de gâcher la soirée par des mots aussi vides de sens. Il se rappelle du jeu du violoncelle a mi-morceau lorsque le rythme avait soudainement changé. « Il manque votre question. »

À part son remerciement, Jaziel n'ajoute rien, et il est toujours aussi froid et difficile à lire, mais Laylia sent qu'il a apprécié. Elle espère sincèrement ne pas se tromper et lui offre un nouveau sourire. Lorsqu'il la relance pour leur jeu, elle se lève pour aller reposer son violoncelle sur son support, prenant ce temps pour réfléchir à une bonne question à lui poser.

"Pensez à l'ouïe, la parole, le touché, l'odorat et la vue. Maintenant, à laquelle de ces facultés tenez-vous le plus? Pourquoi celle-ci? Et qu'est-ce que vivre sans elle représenterait pour vous?"

Laylia sait sa question difficile, et en cela, elle la trouve particulièrement intéressante à analyser. Elle-même ignore ce qu'elle répondrait. Elle adore chanter, mais la voix, avec l'odorat, serait probablement la faculté qu'elle sacrifierait en premier. L'ouïe serait une perte horrible, pour elle qui adore la musique et pouvoir discuter, mais au moins, pour ce dernier point, tant qu'elle a la vue, cela lui est encore possible. À bien y réfléchir, si la vue devait vraiment lui être arrachée, au moins, elle aurait toujours le touché, la parole et l'ouïe pour compenser. Aussi, sa réponse serait probablement le touché. C'est avec lui qu'elle explore le monde, qu'elle bouge pour s'approprier l'espace et connaitre les autres. Ne plus pouvoir avoir de contacte avec ce qui l'entour, ne plus sentir la chaleur des autres sous ses mains ou la brise sur sa peau... Ces choses sont trop importantes pour elle pour qu'elle ose y penser.

Il réfléchit, se poussant un peu sur le siège pour l'inviter en silence à s'installer près de lui pendant qu'il tente de lui donner la réponse honnête qu'elle mérite. Personne ne survit longtemps sans le toucher, c'est lui qui vous informe de ce qui brûle et ce qui pique et ce qui est dangereux mais il n'est pas un homme tactile. Les contacts, il les garde précieusement pour des moments précis. Pas plus que manger n'est un de ses plaisirs aussi le goût est facilement sacrifiable. L'odorat de même, il est utile – tous les sens le sont – pour avertir et analyser mais... en réalité, son sens principal est la vue. Il pose sur le monde un regard froid et sans concession dont il tire beaucoup d'observations. Sans la vue, il n'a plus moyen d'accéder au langage corporel. Et sans lui, aucune possibilité de ne serait-ce que deviner les émotions de ses interlocuteurs.

Il a besoin de voir pour analyser et d'analyser pour comprendre. Et encore, il sait parfaitement qu'il comprend mal, qu'il est souvent surpris et qu'il st toujours bizarre même si la vie lui a apprit à feindre.

« La vue. Sans voir, je ne pourrais plus communiquer avec les autres. Dans le noir, je resterais seul avec moi-même. Je ne serais pas malheureux mais j'ai besoin des autres pour réaliser mon objectif. »

À son invitation, elle vient prendre place près de lui, les mains jointes sur ses genoux que sa robe mi longue laisse dénudés une fois qu'elle est assise. Puis, elle écoute sa réponse avec attention. Sa réponse lui inspire aussitôt un poème qu'elle connait bien, qui l'a toujours fait sourire, aussi elle récite doucement :

"Les yeux sont le reflet de l'âme. Des âmes claires, pures, grandes ouvertes. Yeux brûlants vifs comme une flamme. Yeux profonds comme une mer toute claire..."

Elle se laisse porter par les mots familiers, poursuivant tout en replaçant machinalement une mèche de cheveux sombres derrière son oreille.

"Pourquoi parler, vouloir paraître ? Quand un seul regard nous suffit. Pour voir l'art d'un tableau de Maître, La perfection d'une goutte de pluie ?"

Sa main redescendant, mais plutôt que se reposer sur son genoux, elle vient effleurer celle de Jaziel. Ses yeux bleu profond trouvent le regard de l'homme et elle termine le poème, son cadeau, dans un souffle.

"Il est dans les étoiles, des mondes, Cachés et ignorés des hommes, Où anges et yeux purs se confondent, Dans la grande lumière d'un royaume..."

Le poème prend fin et un fin sourire vient flotter sur les lèvres de la Compagnonne. Après un instant de silence, elle penche légèrement la tête de côté et ose poser une question.

"Vous avez dit que vous avez besoin de vos yeux pour réaliser votre projet. Est-ce trop indiscret de ma part de vous demander ce qu'il est?"

Il se laisse porter par le sens des mots. Des mots courts, efficaces, réels. Evidemment, s'il voit l'art dans un toucher, il n'a aucune idée de pourquoi tel tableau semble avoir plus de succès qu'un autre et l'art lui est inconnu. Mais dans les yeux des autres, il apprend à lire l'étincelle de bonheur et la touche d'inquiétude. La raison de ces émotions lui échappe souvent mais, au final, l'important reste de savoir les reconnaître lorsqu'elles sont là. Il est assez intelligent pour pouvoir s'adapter alors à ce qu'il comprend. Il se demande ce que serait sa vie s'il était sentimental. S'il n'était pas bizarre. Il serait peut-être resté entre les bras d'Erika au lieu d'être allé s'occuper d'affaires plus ou moins légale. Il serait probablement mort déjà, emporté par la vendetta.

Il a abandonné sa main à la jeune femme près de lui, lui rendant son regard. Elle a des yeux magnifique mais il ne sait pas ce qu'il doit y lire. Les siens sont pensifs, sans rien d'autre. Il ne cille pas et sa vue se trouble un peu. Du pouce, il caresse doucement le dos de sa main.

« Non, c'est logique. J'aurais du faire plus attention et ne pas les mentionner. » et comme il ne veut pas répondre davantage, il l'attire à elle et l'embrasse à nouveau.

Elle comprend à sa réponse puis son silence qu'il n'a pas envie d'en parler, et n'insiste pas. Elle a l'habitude des secrets, en qualité de Compagnonne, et sait donc mieux qui qui que ce soit respecter le désir de silence des autres. Elle-même a ses sujets sensibles, des secrets ou encore des informations concernant ses autres clients qu'elle ne voudra jamais lui révéler. Il peut avoir les siens. Laylia souhaite donc réorienter la conversation sur leur jeu pour ne pas qu'un malaise s'installe, mais alors qu'elle allait lui demander s'il souhaite continuer, il l'attire à lui pour l'embrasser.

La brune a un instant de retard à cause de la surprise, mais elle sourit rapidement en se laissant aller au baiser. Elle se penche alors vers lui pour mieux accueillir ses lèvres et, maintenant qu'ils sont seuls, ses mains trouvent doucement leur chemin, l'une pour emmêlée ses doigts aux siens et l'autre vers sa nuque. Contrairement à ce qu'il laisse comme impression, le contacte de Jaziel est chaud, humain et plein d'un désir qu'elle sent retenu. Rien ne sert de précipiter les choses dans cet art qui est le sien et qui se déroule tout en subtilité, mais Laylia se fait progressivement plus insistante dans son baiser pour lui signifier qu'il peut se laisser aller à elle maintenant, s'il le désire.

Le langage du corps est une chose qu'il pense comprendre. Il sait surtout qu'un homme de sa position ne doit pas sembler hésiter. Il lui abandonne alors sa main, ses lèvres, répondant à son appel de son mieux, conscient qu'elle a, là aussi, des choses à lui apprendre. Après tout, elle est une professionnelle entraînée alors que son expérience se limite à une nuit et une épouse. Il la suivra pour la suite des événements, apprenant à son contact, cherchant à pénétrer le mystère de cette danse des corps. Mais pour le moment, il ne pense plus à rien, se perdant en elle, lui abandonnant une main tandis que l'autre chercher la peau de son dos et l'attache de sa robe pour la lui enlever.

Jaziel répond aux mots silencieux prononcés par son corps. La Compagnonne est d'ailleurs heureuse de voir qu sur ce terrain, elle le lit beaucoup plus facilement qu'avec la parole. Laylia débute donc une danse qu'elle connait déjà par coeur, malgré son jeune âge et le fait qu'aucune représentation ne met en scènes les mêmes mouvements. Telle une professionnelle de danse improvisée, Laylia s'adapte a chacun de ses partenaires en cherchant au fil de ses gestes ce qui plait le plus à l'autre et où sont ses limites. Jaziel semble confiant et ne pas être étranger aux contactes intimes, mais il la laisse guider et Laylia doit être encore plus à l'écoute de ses gestes et réactions pour connaitre ses désirs.

Aussi, lorsqu'il défait l'ouverture de sa robe, elle se lève en l’entraînant avec elle. La brune met alors fin à leur baiser pour plonger ses yeux dans les siens. La tension et l'attente, elle le sait bien, peuvent souvent être bien plus agréables que la précipitation, du moins pour un temps. Après, l'intensité n'en est que plus forte encore. Elle l'aide donc à la dévêtir en guidant ses mains par de lents mouvements sensuels et bientôt, elle lui offre la vue de son corps nu. Ses doigts à elle défont un à un les boutons de sa chemise avant de glisser sur sa peau. Il est plus grand qu'elle, aussi elle en profite pour venir embrasser son cou alors que ses mains descendent plus bas trouver sa ceinture.