Purge [Théodora]

Les frontières entre les quartiers sur Espoir sont une vraie plaie administrative, c’est justement dans cette plaie que s’engouffrent les pires engeances, croyant ainsi pouvoir échapper à justice, contrôle et discipline.

En périphérie de quartier Trinitaires, des citoyens accusés de trahison sont repliés dans un bâtiment désaffecté. Squat pour de trop nombreuses personnes, lieu de réunion pour des trafics et les activités répréhensibles, c’est justement là-bas que je jette mon dévolu, que cela fait trop longtemps que personne n’a osé inspecter ces hères.

Assisté d’une escouade composée par mes soins, ainsi qu’une délégation de la prévôté, nous nous enfonçons dans cette fange, prêts à en extraire le pus, la vérole et les corps. Bien entendu notre arrivée surprise cause un choc terrible : les fuyards courent, les lâches se terrent, les imbéciles s’arment, les hypocrites prient et les honnêtes nous applaudissent.

Les premiers coups incapacitants sont tirés, les premiers suspects attrapés, prêts à être interrogés. Ils sont chargés dans un véhicule comme le bétail qu’ils sont, le bétail du Diable, du grand Corrupteur.

Plus nous avançons et plus je regrette de ne pas être venu plus avant. L’odeur d’urine, de selle, de sperme, mais aussi de poudre, d’alcool et de colle me saute au visage. J’y suis préparé, mais cela me fait toujours autant grimacer. Arme au poing, j’avance tant bien que mal entouré de mes hommes.

Soudain un coup de feu, l’un des nôtres tombe à terre, blessé. Je n’ai pas besoin de donner d’ordre : la réponse est immédiate, forte, implacable. Le sang, la chair brûlée, l’odeur d’ozone et la poussière soulevée semblent alors remplacer tout le reste. Quand enfin nos assaillants sont morts, je vais voir ce qu’ils peuvent nous apprendre :
> Ceux-là ne sont pas Trinitaires, Corporatistes à coup sûr. Des gros bras qui cherchent à défendre leur business... Dis-je  voix haute.

La mort de citoyen Corporatistes pourrait causer de graves altercations entre Trinité et Union Corporatiste, sauf que personne ne voulait reconnaître l’existence de trafiquants d’organe, receleur d’armes ou de drogues sur le marché noir.

Soudain d’autres tirs, une autre opération se déroule en même temps que la nôtre. Un nettoyage ? Une guerre de gang ? En tout cas le nettoyage de cette zone n’était pas terminé et nécessiterai encore bien des efforts.

Faisant signe à mes hommes de se tenir en alerte, nous attendons, arme au poing et tenant en joue l’ouverture du couloir devant nous, je lance à ceux qui s’approchent :

> Escouade Inquisitoriale, déclinez votre identité et préparez-vous à être contrôlés.
Une main sur ma canne, l’autre tenant mon arme pointée sur l’ouverture. Mon uniforme normalement immaculé est souillé de poussière, sueur, sang et autres saletés. En ce genre de situation, il fallait savoir agir assez vite, mais point trop, car certaines erreurs peuvent être fatales, qu’il s’agisse de mourir ou pire, de tuer ceux qui ne fallait pas.

- C'parti mon kiki.

C'est l'ordre de départ. Aujourd'hui, c't'un jour un peu banal. On a une mission d'nettoyage d'quartiers pourris. L'type d'mission qu'j'adore. Moi et mes gars, on est carrément sur l'coup. On est efficaces et précis, comme d'hab. Une bonne équipe, entraînée à faire les choses vite et bien. On est une vingtaine sur l'coup, et on arrête rapidement l'gars qu'on r'cherche. C'presque trop facile.

Mais plus loin, y a d'aut' coups d'feux. Et c'pas pour nous. C'quoi c'bordel encore. J'ma lame pleine d'sang, mon bras d'métal dans l'même état. J'siffle, pas super contente quand j'vois ces connards d'merdeux d'la trinité qu'ramène leurs culs. J'lève la main pour indiquer un cessez l'feu d'mes gars. Faudrait pas qu'on tire direct, on va avoir des soucis si on bute ces types. On pourrait plaider la légitime défense. J'suis sûre qu'on les baise. Mais j'peux pas risquer d'blesser mes gars inutilement. Faut qu'jauge la menace.

Un type s'présente d'vant nous. Mes gars m'laissent passer, toujours en alerte, des armes pointées en direction des types qu'nous font face. J'm'arrête à deux mètres d'l'autre connard, et j'crache sur l'côté. J'suis en uniforme, on voit clairement qui j'suis. L'autre a même pas eu la politesse de s'présenter correct'ment. On leur apprend vraiment qu'dalle aux trinis.

- Adjudant-chef Theo Dawind, des forces spéciales d'l'armée d'terre de l'UC. Moi et mes gars on est en mission. Toute entrave à l'exercice d'nos fonctions s'ra considéré comme une attaque personnelle.

La première pensée qui me vient à l’esprit quand la femme se présente est une forme de soulagement, ce n’était qu’un pion des FFUC, mais un pion efficace dont j’ai entendu parler. Un soldat d’élite, précieux.

> Adjudant-chef Dawind, je suis l’Inquisiteur Episcopal Lodewijk Lazare. Manifestement nos opérations respectives se collisionnes. Je vous propose de faire calmement un point sur la situation, afin d’éviter tout heurt inutile, ou échec de nos missions respectives. Dis-je en faisant signe à mes hommes de baisser leurs armes et de sécuriser la zone. J’avais également pris soin d’allumer ostensiblement mon communicateur en vue de l’Adjudant-chef, faisant remonter cette information afin de documenter la situation.

Coupant le communicateur, je regarde l’Adjudant-chef droit dans les yeux en m’approchant, ma canne claquant sur le sol de béton défoncé.

> Déclinez votre mission, soldat. Lui lance-je sans ambages, mais sans condescendance, ni hostilité, juste le ton naturel d’un supérieur parlant aux plus faiblement gradés.

J'reste de marbre d'vant sa gueule d'connard machiste et phallocrate. P'tain d'enculé. J'me r'tiens d'lui faire un doigt et d'me barrer - ou p't'être que j'lui aurais niqué sa gueule d'nain d'jardin ? - juste parce que j'suis en poste. Alors j'ris.

- T'vas m'écouter Lazare. J'me fiche bien d'savoir à quel point t'es important dans ta faction. J'ai aucun ordre à r'cevoir d'un type comme toi. Alors soit on coopère franch'ment et t'respectes que j'sois la plus haute gradée d'ma faction ici, soit tu vas bien t'faire mettre.

Derrière moi, ça pouffe. J'sais qu'j'ai l'soutiens d'mes gars. On va pas s'laisser faire par un p'tain d'merdeux qui s'croit meilleur qu'tout et tout l'monde. Et puis d'abord, on était là avant.

Les mots du soldats font fondre ma cordialité et le peu de sympathie que je pouvais avoir pour elle, qu'elle me tutoie est une marque d'irrespect à laquelle je n'avais pas été confronté depuis longtemps.

> Silence ! Comment osez-vous ? Tenez votre langue plutôt que d'amuser vos hommes de votre incompétence. Lui lançais-je, de tout mon mépris et ma haine contenue.

> Je n'ai pas de temps à perdre, certainement pas en confrontation avec les FFUC. Que venez-vous faire ici ? Ajoutais-je le ton acide.

Mes gars apprécient pas qu'l'autre connard m'cause comme ça, et j'apprécie pas non plus. J'entends des flingues à accumulation d'énergie s'charger dans mon dos, visant les trini'. J'aurais bien engagé l'combat, mais j'peux pas pour deux bonnes raisons. D'jà, j'suis aussi douée avec un flingue qu'une merde d'Tawtute, et qu'j'ai même pas d'l'fingue d'ailleurs. Juste mon épée et mon bras. Et lui, l'a l'flingue pointé sur moi, à deux mètres. J'suis super douée mais pas au point d'esquiver un tire comme ça. Et j'peux pas risquer d'blesser mes gars d'façon aussi conne. Alors j'lève la main en l'air.

- Du calme les gars, on s'détend. Et toi aussi, Lazare, pète un coup, ça t'f'ra du bien. T'connais qu'dalle d'mes compétences, d'jà. Et j'te l'répète, j'pas d'ordre à r'cevoir d'toi. Garde ta condescendance pour tes subordonnés et les gonzesses d'ta faction.

J'sors une clope d'un paquet défoncé dans ma poche. La clope est tordue, j'm'en branle, j'la fous ent' mes lèvres, j'l'allume.

- On est en mission spéciale. Et j'vais moyennement bien l'prendre si vous nous faites foirer c'qu'on prépare d'puis des mois. Alors j'te r'tourne la question. J'peux savoir c'qu'vous foutez là, toi et tes zouaves ?

A l’instant où l’un des FFUC ose charger l’une de ses armes, je pointe Théodora de mon propre pistolet, mes hommes en font aussitôt de même, mais bien heureusement elle décide de reprendre ses hommes en main, sans pour autant revoir sa propre attitude.

Restant de marbre sous ses assauts, je suis profondément atterré par l’image que cette femme peut donner des forces spéciales des FFUC. Je comprends qu’elle ne soit qu’adjudant et qu’ils ne l’aient pas promu à un grade supérieur.

Je me retiens de souffler et rouler les yeux quand elle me dit être en mission spéciale, venant de la part d’une force d’intervention spéciale, cela représentait une non-information.

Bien heureusement, Père Confesseur vient m’apporter une bonne nouvelle : Il a pris l’initiative d’installé un poste d’interrogatoire et va commencer à travailler nos premières captures. Suivant des yeux le trajet retour de Père Confesseur, il ne faut que quelques instants après qu’il ait disparut de notre vue pour que le bruit du fouet électrique claque.

> Nous sommes en mission Inquisitoriale, Madame. Nous opérons actuellement une purge dans ce secteur. Si votre outrecuidance vous permet de clarifier votre mission, peut-être pourra-t-on discuter. Ma phrase terminée, je lui tournais le dos et prit la direction du poste d’interrogatoire, nos prises allaient bientôt devenir bavardes et je ne voulais pas manquer cela.

J'l'écoute m'parler avec son air supérieur d'merdeux. Des bouseux comme lui j'm'en fais dix au p'tit déj. Mais il fait d'mi tour et s'éloigne.

- Pauv' con, que j'marmonne quand il s'casse. C'toi l'outrecuidance.

S'il croit que j'vais l'suivre ou qu'j'vais l'arrêter, il s'fourre l'doigt dans l'oeil jusqu'aux couilles. J'fais signe à mes gars qu'on va r'prendre la mission. Et ils ont pas intérêt à nous déranger. Pour sûr qu'j'vais r'monter ça à la hiérarchie. C'putains d'triniputes m'emmerdent.

Chacun retournait de son côté et c’était très bien ainsi. Toutefois les interrogatoires étaient mal engagés : le sous-équipement, le manque de temps et le cadre hostile diminuaient drastiquement nos chances d’obtenir des informations utiles. A défaut de qualité, il nous faudrait miser sur la quantité.

Je pris alors la tête d’une escouade d’investigation pour appréhender d’autres cibles pendant que la troupe d’interrogatoire s’affairait.

De fil en aiguille, nous fûmes menés à une zone particulièrement hostile, où isoler et capturer une cible devenait particulièrement périlleux.

Parvenant à capturer une cible parfaitement intéressante et prometteuse, nous nous retrouvâmes acculés par le feu ennemi. Ouvrir une voix et extraire notre cible étaient nos deux objectifs, toutefois la situation ne permettait aucun des deux.

Coincés dans un statu quo, nous maintenions nos assaillants à bonne distance, mais étions la cible d’un feu nourrit qui nous interdisait toute action audacieuse. C’est avec amertume que je passais mon communicateur en fréquence tactique inter-faction :

> Ici troupe d’investigation Inquisitorial Priest, essuyons feu nourrit, demandons soutient pour extraction VIP.

L’adjudant-chef Dawind était très probablement encore dans le secteur, si elle magnait mieux les armes que les mots, alors sa contribution pourrait peser sur la situation.

On est occupés, mais on a presqu'fini quand on r'çoit une comm' casse-couilles sur les radios. L'aut' con d'phallocrates qu'a b'soin d'notre aide maint'nant. C'la meilleure p'tain. J'hésite pas longtemps. C't'un super moyen d'lui montrer c'que j'vaux à c'connard d'merde. Et ça, ça vaut tous les p'tains d'VIP d'l'univers. On fout not' gars dans l'camion, j'laisse que'qu's'uns d'mes gars pour surveiller nos prises, et puis j'prends ma radio.

- Ici Forces Spéciales de l'armée d'terre de l'UC. On arrive.

J'les traine avec moi mes gars, et on s'r'approche d'la position qu'on nous a donné. C'pas super dur au vu du boucan qu'ça fait, les tirs et tout. J'fais des signes et on s'déploit sur l'secteur. J'repère l'connard et j'm'approche. J'souris parce qu'j'suis clairement satisfaite d'le voir en difficultés.

- Re. Tu m'fais un rapide rapport d'la situation ?

Un des nôtres est touché alors qu’une réponse positive émane de la radio. Je suis soulagé. Je ne crains pas pour ma vie, mais ces hères ne méritent pas mon sacrifice.

C’est avec gravité que j’accueille le retour de l’Adjudant-chef :

> Le VIP est le leader de cette joyeuse bande, ils vont essayer de le délivrer ou le tuer. Nous avons relevé 15 opposants, armement létal et protections anti-émeute. Ils connaissent mieux le terrain, il y a surtout 3 bons tireurs embusqués là, ici et là. Dis-je en montrant une carte tactique.

Regardant l’adjudant-chef dans les yeux, j’ajoute :
> Je ne risquerai pas que vos hommes soient blessés, aussi je me chargerai de la diversion et des tirs de couverture. Je dispose de quelques charges anti-émeute, ça les occupera quelques secondes. On pourra mener une charge, mais pas suffisante pour les submerger.

Tendant l’oreille, la main posée sur la crosse de mon arme, je détaille rapidement la tenue et les armes de mon interlocutrice :
> Ce scénario vous est-il favorable pour résoudre la situation ?

L’adrénaline me fait oublier la douleur de ma jambe, et même si le handicap persiste, cela a sur moi un effet quasi euphorisant.

Ah bah voilà. Il arrive bien s'adresser à moi comme si j'étais son égale quand il a b'soin d'aide. Si j'avais pas eu mon uniforme j'lui aurais balancé une d'ces piques, il s'en s'rait pas r'mis. Mais là, c'pas pareil. Là j'bosse, et j'représente l'UC. Alors on arrête de déconner, Dawind.

- Si vous nous offrez un peu d'temps, on peut aller éliminer les trois tireurs embusqués. Chacun d'mes gars vaut quatre d'entre eux. Si vous les occupez bien, les autres s'en rendront pas compte. Avec eux en moins, on pourra prendre l'avantage et pas risquer qu'vot' VIP s'fasse buter.

Je suis soulagé par la preuve de sérieux de l’adjudant-chef Dawind, n’étant vraiment pas d’humeur pour des enfantillages.

> Je vous laisse 1 minute et trente secondes pour vous préparer et vous mettre en place. Les charges anti-émeutes sont de type lacrymogène, elles seront lancées dans cette zone. Je peux vous couvrir ici, là, mais vous risquez d’être à découvert sur cette section. Dis-je en détaillant la carte tactique.

> Une remarque avant que je ne lance le chrono ? Demandais-je, plus pour la forme.

Mes troupes étaient à cran et cette dernière opération se devait d’être une réussite, sans cela leur moral s’en retrouverait brisé, vouant la mission à l’échec.

J'pianote trois trucs sur mon h-com : deux chiffres, une position. J'ai toute mon équipe en visuel quasiment, on s'répartit en trois groupes d'trois, et tout l'monde comprend.

- On n'a pas besoin d'autant de temps. On s'ra large.

J'vérifie mes lacets et mon épée, et j'souris, prête à aller péter d'la gueule d'connards.

- Prête quand tu s'ras prêt, que j'dis à l'inquisiteur.

A son go, j'fonce pour la cible la plus éloignée. M'faudra une quarantaine de s'condes, p't'être moins.

L'adjudant-chef Dawind pianote sur son HCom, j'en fais de même, voyant mes hommes hocher de la tête au fur et à mesure que leurs ordres leur parvienne. Cliquetis d'arme, chargement d'impulsion, préparation des charges lacrymogènes. On profite d'un instant de répit de la part de nos asseyant pour prendre position.

D'un signe de la main, je lance l'opération. Les grenades filent silencieusement avant d'éclater dans un grand bruit, rependant chaos et fumée irrespirable sur les regroupements, un feu nourrit est alors ouvert, poussant les adversaires désorientés à se replier, le temps de la lacrymogène se dissipe.

Je participe également à l'action, bien que largement meilleure en supervision, j'aime croire que chaque pierre compte à la montée d'un édifice. Sauf que bientôt le retour de flamme se fait avec fureur, il nous faut tenir, faire front et donner ce qu'il nous reste pour que cet assaut termine enfin. Je me laisse retombé derrière mon couvert quand une décharge d'impulsion le frôle d'assez prêt pour me rôtir la joue droite.

L'infirmier qui est avec nous me plaque alors un gel contre la joue, pour absorber la chaleur et apaiser la douleur.

Au signal, j'lance l'opé, et j'lance même un chrono pour voir combien d'temps on met. J'cours avec mes gars, on contourne les aut' cons qui sont trop concentrés sur leurs cibles pour nous capter. On a pris l'gars l'plus dur à atteindre et faut qu'on grimpe pour l'chopper. On l'fait à la barbare, avec nos bras et des prises qu'on peut trouver à l'arrache. On a presque pas d'matos sur nous, parce qu'faut qu'on soit rapide.

On a la cible en vue. Faut faire gaffe à c'qu'il donne pas l'alerte aux autres, mais c'pas l'cas. C'presque trop facile, en fait. L'type était tellement concentré à canarder les aut' cons d'trini qu'il a même pas capté qu'on v'nait d'derrière pour l'enculer. Il crève sans rien capté à sa vie. Enfin à sa mort. Bref. J'regarde mon h-com. Les aut' ont réussi aussi. On r'descend d'là-haut, et on s'prépare pour chopper les mecs qu'restent par derrière.

La scène est intense, pas le temps de regarder mon HCom ou de suivre attentivement les mouvements de l'adjudant-chef Corporatiste. Dès que l'infirmier en à terminé je me relève et prend de nouveau part aux échanges de tirs avec mes hommes, trois ont été touchés, deux sont morts et un troisième vient de tomber. C'est un coup dur pour notre équipe de douze investigateurs, mais notre sacrifice sert un dessein plus grand que nous. Notre Foi nous sauve alors que nos yeux se fermeront pour ne plus s'ouvrir, nous portant vers la Lumière, vers Sa Lumière et la voie de la sainteté tissée de gloire.

Finalement l'adversaire faiblit et bientôt, ce ne sont bientôt plus que quelques résistants tremblants de peur qui jouent de leur chance et par la force du désespoir, luttent pour leur survie plus que pour leur cause. Ils savent cependant que l'Inquisition n'accorde pas de faveur, ne fait preuve de clémence et n'a aucune pitié. Ils se battront jusqu'à leur dernier souffle, faute d'avoir d'autres issues, sinon de s'abandonner au désespoir.

Voyant l'équipe de Dawind prêt à prendre les derniers embusqués à revers, je commande à mes hommes de forcer les tirs de couverture, faisant de même, forçant l'adversaire à se réfugier et à rester aveugle.

L'reste du combat s'passe plutôt bien pour les trinis. Mes gars m'rejoignent, et on prend les abrutis à r'vers. Leur seule force, c'tait leur nombre. Pour l'reste, ils sont pas super bon, et ils s'font clairement avoir comme des p'tains d'bleus. C'pas super chaud d'les chopper avec les aut' qui canardent comme si on était à la chasse au poulet, et ils sont pas suffisamment organisés pour qu'ça s'passe bien pour eux. Alors on a pas d'mal à libérer la voie, en les foutant hors d'état d'nuire comme on aime faire ça : avec rapidité et efficacité.

Quand c'fait, j'chercher l'inquiqui' du r'gard. C'pas fini, faut êt' sûr qu'leur VIP d'merde ou j'sais pas quoi est safe. Et c'pas sûr qu'ça va être l'plus simple. C'possible qu'd'autres surprises nous attendent encore. J'essuie ma lame pleine d'sang sur les vêt'ments d'un type à la gueule d'traviole, et j'me dirige lent'ment vers l'trini. J'vais pas prendre les d'vants alors qu'c'est pas ma cible. Y a des limites à la conn'ries, même pour moi.

La purge se termine correctement, ces hérétiques abattus, j’appelle les divers prêtres qui sont avec moi, il nous incombe de bénir les mourants avant qu’ils ne passent de vie à trépas. L’infirmier a confié un pétale de fleur d’Abeba figé dans la cire aux deux dont le dernier souffle s’échappait durant l’affrontement. Ceux-là ont le visage de ceux qui se sont éteint dans la douleur, mais aussi avec une certaine sérénité.

L’adjudant-chef Dawin arrive quand je termine de bénir l’un des hommes qui vit ses derniers instants. Ses traits sont partagés entre frayeur de la mort, brulure de la douleur et profonde reconnaissance de pouvoir partir en paix, vers Sa Lumière. Il n’est pas le premier trinitaire que je vois mourir, ni le dernier, mais pour chaque disparut, trois autres se lèveront et viendront servir. Il en a toujours été ainsi et ainsi cela continuera à être. Plus tard une équipe funéraire viendra chercher les corps.

> Adjudant-chef, belle intervention, je vous remercie pour votre soutiens. Me retournant vers deux hommes lourdement protégés et à la carrure impressionnante : Avançons !
Les deux hommes se retournent alors et saisissent un homme. Il est immobilisé par une armature métallique qui le tient par les chevilles, les poignets et le cou. Les deux colosses le soulèvent de terre et commencent à marcher lourdement.

> D’après mes sources, il doit rester encore huit… opposants. Ils ne se rendront pas. Ma voix laisse comprendre que je n’en leur laisserai de toute façon pas l’occasion.

Ah bah voilà, il montre du respect l'affreux en blanc. J'en d'mandais pas plus moi. Merde quoi. J'retiens quand même ma r'marque. Parce qu'j'ai toujours mon uniforme, et qu'j'dois éviter d'faire trop d'vagues.

- C'est rien. Si y a encore b'soin d'notre équipe, on peut vous accompagner.

J'préfère d'mander confirmation. Ca s'passe bien jusqu'là, mais j'veux pas qu'ça tourne au vinaigre. J'vais m'faire engueuler sinon, et j'ai pas envie d'me faire détruire à cause d'trini d'merde. Mais en même temps, j's'rai pas cont' un peu d'action encore. Les champs d'bataille, c'mon élément, alors vous imaginez bien qu'je laisse convainc' facilement d'suivre quand on m'le d'mande.

Je suis quelque peu soulagé que Dawind propose son aide, je ne suis pas d’humeur à demander des faveurs.

La joue gauche pansée d’une fibre grasse pour apaiser la douleur, mon uniforme poussiéreux, la fatigue se lisant sur mes traits, je rassemble autant que faire se peut ma dignité face à l’adjudant-chef :
> J’aurai encore besoin de votre soutient, en effet. Il va falloir débusquer les derniers combattants. Mes hommes ont pour consigne de neutraliser les adversaires si possible, sinon de les éliminer. Si vos hommes sont formés à la neutralisation, je vous serai reconnaissant de leur donner les mêmes ordres. Si toutefois vous estimez les risques trop grands, votre contribution à l’élimination de la menace sera très grandement appréciée.

Je demande à l’opérateur radio de créer un nouveau canal sécurisé en en transmet les codes à l’adjudant-chef Dawind. Je n’ai qu’à peine le temps de voir l’un des aspirants de mon escouade s’avancer dans l’un des couloirs, arme au poing, un grand nuage de poussière, un tremblement et un bruit sourd s’en suive. Les lieux ont été piégés. Je me signe en la mémoire et pour la rédemption de cet homme qui aura confondu une fois de trop courage et témérité.

> Prudence et vigilance seront nos verbes. Puisse Sa lumière guider nos pas et nos coups. Dis-je sur le canal tandis que je faisais signe à mes hommes d’avancer, arme au poing. Nulle crainte en mon esprit, je ne me soucie que de l’accomplissement de ma mission.

J'l'écoute m'causer. Bordel, si on m'avait dit qu'j'ferais affaire avec ces putains d'machistes d'merde, j'crois qu'j'me s'rai tirée une balle avant. Mais tant pis, j'suis sûre qu'mes supérieurs s'ront contents d'savoir qu'j'ai fait honneur à l'UC en m'sauvant les miches d'ces branleurs fanatiques. Et puis j'hoche la tête.

- Entendu.

J'porte mon h-com à ma bouche. Mes hommes sont tous en position d'combat. C'est eux qu'j'contacte, donc j'utilise pas l'canal qu'y a été mis en place. L'inqui-quineur est à côté d'moi, alors il entend c'que j'dis mais j'ai que dalle à lui cacher. D'jà qu'j'lui fais une putain d'faveur en l'aidant, va pas m'faire chier.

- Vous avez entendu les gars ? On neutralise, on refrène ses putains d'pulsions meurtrières si c'possible. Prenez pas d'risques inconsidérés, j'veux pas d'morts dans nos rangs, c'compris ?

J'ai des "Oui Chef" qui m'r'viennent en écho, et direct après j'leur file à tous l'accès au canal commun.

- Allons-y, c'parti. Si vous v'lez, mes hommes et moi on peut passer d'vant. On est formés pour la prise d'locaux bourrés d'explosifs et aut' merdes. On s'fait ça tous les matins au p'tit déj.

J'hausse les épaules. C'la routine quoi. Et en vrai, j'sens qu'les types d'l'inquisition vont nous faire chier s'ils passent d'vant. Ils savent pas s'tenir ces cons, c'est insupportable comme truc.

La façon de communiquer de l’adjudant-chef m’étonne beaucoup. Je trouve que son ton et son registre dessert son autorité.

A la proposition de l’adjudant-chef, je lui offre un sourire poli :
> Votre zèle vous honore Adjudant-chef Dawind. Nous ouvrirons la voie, vous vous engagerez dans les couloirs que nous ne pourrons prendre.

Donnant le départ à l’opération, mes hommes s’engagent avant de se stopper pour désamorcer un autre piège. Une fois ces dangers écartés, je prends leur suite, arme au poing, suivi par les deux porteurs et le VIP. Il aurait bien essayé de crier pour signaler sa présence, mais il avait été fort bien bâillonné.

Les deux premières rencontres avec l’adversaire sur notre route furent brèves. Deux de mes hommes furent blessés, dont un gravement, des deux opposants l’un vivait encore.

> Moins deux, rez-de-chaussée, couloir C, zone dégagée. Dis-je rapidement sur le canal, tandis-que je continuais à garder l’œil ouvert.

J'dois r'fréner l'désir d'lui péter la gueule, là maint'nant. Y fait chier. C'tant pis pour lui hein, j'espère qu'ses hommes vont crever et qu'y s'en mordra les doigts, c'connard. Bordel, y m'donne encore des ordres là. J's'rai bien tentée d'le laisser s'démerder tout seul. Mais en fait, on va juste lui prouver qu'l'aurait dû m'faire confiance et qu'on est meilleurs qu'son ramassi d'connards. On suit donc l'groupe d'clampins et au premier embranch'ment on bouche les trous. Mon équipe est clair'ment meilleure qu'la sienne... Ben ouais, vu qu'on est formés exprès pour ça. Tss, quel connard. M'bref. On s'engage dans les couloirs qu'y couv' pas, et on tombe direct sur un escalier. Trois d'mes gars partent en r'connaissance, mettent un peu d'temps à désactiver un piège costaud alors qu'trois aut' couvrent, et qu'j'explore avec un aut' gars la pièce.

- RAS, couloir B, escaliers en visu, on couvre l'premier étage.

La voie est libre, on y va. J'sais pas trop c'qui nous attend plus haut.

L'homme qui a été maîtrisé est ficelé comme un rôti, je note sa position, les équipes de nettoyage se chargeront de le rapatrier. Observant la pièce, nous trouvons de nombreuses armes, une grosse cargaison de stupéfiant et des explosifs calibres militaires.

> Veuillez noter les références des explosifs, nous trouverons qui sont les traîtres parmi les FAS qui les ont vendu. Une certaine tension gagne mes troupes : tout le monde est au courant de la purge que j'ai mené au sein des FAS, tout le monde à un frère, un cousin ou un père là-bas. Le silence qui règne est lourd de sens, pourtant ils s'acquittent de leur tâche.

Cela fait, nous reprenons notre route quand soudain un homme jaillit de son embuscade, un couteau de fortune à la main. Son corps est troué de tâches noirâtre et fumantes avant de tomber inanimé. L'odeur douceâtre de la chair brûlée m'emplit les narines.

> Moins un, rez-de-chaussée, couloir E, passons la cage d'escalier, pour couloir G. Le bourdonnement rassurant de mon arme m'assure qu'elle est de nouveau prête à faire feu, à me servir, à accomplir mon dessein.