Nuvole bianche

Depuis plusieurs semaines cette idée me trottait en tête. Quitter Vanguard. Enfin, aller visiter les autres astroports de la galaxie. J'ai passé ma vie sur Renaissance et j'ai aujourd'hui la possibilité de voyager gratuitement grâce à mon statut d'étudiant chez les Compagnons. Je continue à m'en vouloir, de tous ses privilèges, mais les professeurs nous poussent à s’intéresser à l'art sous toutes ses formes et l'architecture en fait partie. J'ai beau ne rien y voir, les atmosphères des lieux changent en fonction de leur construction et leur formation. Je suis donc curieux de découvrir Hope, la zone neutre des trois factions.

Je ne me suis pas encombré de mon Hang, j'ai récupéré un dictaphone pour être capable de capter les sons et je me suis forcé à prendre ma canne d'aveugle. Je ne connais pas l'endroit, il est plus vaste que Vanguard, cela reste rassurant de pouvoir se fier à ce bout de confiance. Les navettes entre les deux ports sont nombreuses et mon aventure est préparée au millimètre. Les informations à la Guilde n'ont pas été difficile à dénicher et chaque personne que j'ai interrogé se sont fait un réel plaisir de m'aider avec toutes sortes d'astuces. Si bien que ma première destination sera le Colisée. On me l'a décrit mais aucune doute que son rayonnement doit être plus puissant en vrai.

Le trajet me remémore une flopée de sentiments que j'aurais préféré ne pas avoir à affronter. A plusieurs reprises, j'ai l'impression d'entendre des personnes crier, appeler au secours ou chercher de l'aide. Mais ce n'est que le fruit de mon imagination. La navette est calme, le trajet d'autant plus.

Mon premier pas sur Hope n'est pas très original. J'ai l'impression de marcher en plein Vanguard avec ses trottoirs lisses et une agitation commune. Les trajectoires des promeneurs sont peut-être plus chaotiques, moins ordonnées qu'en faction Corporatiste. La langue commune domine largement alors qu'il n'est pas rare de parler Mo'at sur Renaissance. Je me demande quel regard on porte sur moi mais je n'ai pas la sensation d'être épié. Je demande mon chemin à plusieurs reprises et fini par me laisser porter pas le flot d'humain qui semble se diriger vers le Colisée.

J'ai même étudié cet édifice en gravure afin d'être capable de me le représenter. Mais j'imagine que rien ne remplace ce qu'il est possible de voir. Je me sens ému en entrant en son sein. La cohue est moins violente et les gens plus silencieux. L'endroit aurait été parfait pour un morceau de hang. Mais tant pis. Je vais m'asseoir un instant et me laisser bercer par le calme du lieu. Ma canne me servant de repère, je déniche un bout d'herbe et m'y installe en tailleur.

FUUUUUUUUUUUUUUUU. Modestie elle est ENCORE partie sans moi, c'est tout pourri ça. Mais après, moi je dois être avec les autres et tout, on m'a dit que je dois être sage, alors moi je suis sage. Mais après, y a Serge, il a commencé à jouer avec moi et tout - Serge c'est mon Moey'lan que lui il a mangé mon autre Serge d'avant - et puis il a volé et moi je l'a suivi. Je crois que nous on a sorti du vaisseau à un moment, et puis après y avait plein de gens et tout, mais Serge il va loin et trop vite, alors moi je le suis et tout, c'est rigolo comme jeu ça. C'est comme un trappe-trappe et tout. Serge il est rigolo, moi je l'aime bien. J'espère que lui il va pas se faire manger là, ce serait dommage sinon.

- EEEEH SERGE OU TU VAS ! Tu m'amènes où toi ! Va pas trop viiiiite !

Ben oui, j'ai réfléchi à un truc deux secondes et là, ben je vois déjà presque plus Serge. Il rentre dans un gros truc là, les gens ils sont pas trop bavard, mais Serge il vole encore et puis lui il perd l'équilibre et je crois que lui il rentre dans un quelqu'un. C'est un quelqu'un avec une canne, il a pas l'air très beaucoup vieux.

- ... Oups. Mais Sergeuuuh ! Fais attention ! C'est pas gentil de rentrer dans les quelqu'un ! Dis ça va ?

Je n'ai pas le temps de m'asseoir qu'un truc me tombe sur le coin de la figure. Dans un reflexe protecteur je place mes mains sur mon crâne mais, de toute façon, le mal est fait. Une chose piaille et pousse des cris bizarres alors qu'une insulte m'échappe.

« _ Txa’eylu ! »

Qu'est-ce que c'est que ce truc ?! J'ai l'impression qu'il me tourne autour en plus ! Je donne des coups dans le vent avec mes bras au dessus de ma tête. C'est un peu ma seule protection. C'est ça où se rouler en boule dans un coin en attendant que ça passe. Mais je ne peux décemment pas faire ça en public ! Rassemblant mon courage, je cherche à invectiver la créature qui doit déjà être loin...

« _ Pars ! »

- Allez Serge, viens ici ! Viens ! Vilain Serge ! Vilain !

Serge il continue à voler sur le quelqu'un, et puis finalement, moi, j'arrive que je l'attrape et tout et je fais les gros yeux à Serge.

- C'est pas gentil ça ! C'est pas gentil !

Et puis moi, je le lâche pas, et je m'approche du garçon. Lui il fait encore des grands gestes avec ses mains et tout, il a l'air un peu paniqué.

- Eh toi ! Ca va, il est parti, je le tiens. Promis il t'embêtera plus, lui. C'est un bébé alors il sait pas trop c'est quoi le bien ou le méchant. Tu vas bien toi ? Il t'a pas fait mal, hein, dis ?!

Serge ? Le truc s'appelle Serge ?! Une voix cristalline et enfantine s'approche de moi pour récupérer le fameux Serge. Elle semble se battre contre la petite bestiole qui couine de plus belle. Elle continue à s'approcher et m'interpelle. Au moins, c'est facile de se tourner vers elle. Elle parle vite et sans vraiment reprendre sa respiration. J'arrive à extirper les informations essentielles. Et je m'étonne après l'analyse de ses paroles.

« _ Je suis méchant, pour lui ? Je souris, à la fois étonné et rigolard. Je vais bien. Mais pas ça. Oui, je viens de m'en rendre compte. La canne n'a pas supporté l'assaut du drôle d'animal. Je lui montre mon objet brisé, un peu paniqué. Tu es condamnée à me ramener chez moi, maintenant. »

- Ben non, c'est pas toi que t'es méchant. C'est lui que il sait pas les trucs gentils et les trucs méchants quand il fait quelque chose. Il savait pas que c'est méchant de foncer dans un quelqu'un et tout.

Après, lui il me montre son bâton qui est tout cassé et tout. Moi ça me fait froncer les yeux, surtout que je dois le ramener à son chez moi à lui.

- Pourquoi t'as ça ? Ca sert à quoi ? Et pourquoi t'as besoin que moi je t'aide ? T'habites où toi ? C'est loin ?

Ses explications maladroites me font sourire. J'imagine bien la petite fille qui se tient devant moi. Et, par chance, son expressivité passe tout autant par ses paroles. Il n'est pas bien difficile de comprendre qu'elle ne voulait pas me faire de mal. Je suis donc pas très étonné qu'elle ne comprenne pas le but de ma canne.

« _ Je viens de Vanguard. C'est pas proche. Tu connais ? Et, sans ça, je vois rien. »

Je veux pas l'effrayer... mais elle n'aurait besoin que d'un regard à mes yeux pour capter qu'ils y voient rien. Surtout quand ils roulent tout seuls dans leurs orbites.

« _ Tu habites où, toi ? »

Je m'éforce ne pas froncer les sourcils. Je suis jamais tranquille quand il y a un gamin sans ses parents. Au camp, ça voulait souvent dire qu'il leur était arrivé malheur.

Moi je regarde ses yeux bizarres, j'ai pas vu avant moi, c'est trop bizarre. Moi ça me fait froncer les yeux, et puis je fais des grands gestes devant lui et tout mais lui il voit pas. C'est trop trop bizarre.

- Ils ont quoi tes yeux à toi ? Pourquoi tu vois rien des yeux ? C'est bizarre, ça.

Et puis lui après il demande où que j'habite moi, alors moi je fais un gros sourire.

- Moi j'habite dans l'Albatros ! Tu connais toi ça ? C'est un vaisseau trop cool de la mort qui tue ! Moi je connais Vanguard un peu, j'étais là bas une fois. Mais c'est loin, moi je peux pas que je va aussi loin tout seul, sinon moi je va me faire gronder et tout.

Je n'ai pas l'habitude de me retrouver face à des gens qui ne comprennent pas. Mes petits frères et sœurs m'ont tellement toujours connu comme ça qu'ils n'ont jamais été aussi... directs. Et puis, chez les Compagnons, on préfère user de stratagèmes différents en expliquant avec des ronds de jambes qu'on a comprit mais qu'on n'avouera pas que je suis infirme. C'est presque rafraîchissant d'être face à ce genre de petite.

« _ Calypso m'a privé de la vue, à la naissance.J'essaye de garder un ton détaché. Mais c'est toujours quelque chose qui me froisse le cœur. Pourquoi moi sur mes tas de frères et sœurs ? Mais la petite n'y est pour rien, alors je me force à me détendre.
L'Albatros ? Un navire... de quelle faction ?! Et qui embauche des petites filles au sein d'un navire ?! Des horreurs me traversent l'esprit. De l'esclavage ? Du chantage sexuel ? Plein d'autres trucs glauques. Je me sent soudainement investi d'une mission divine : sauver cette petite des griffes de ses ravisseurs.

« _ Ô. Discret et fin. Et... tu fais quoi, sur l'Albatros ? Je pourrais te montrer à nouveau Vanguard, si tu veux. »

Quand un quelqu'un il parle de Calypso, c'est que lui c'est un mo'at ça c'est sûr. C'est trop bizarre que lui il voit pas.

- Ah, d'accord. Mais alors tu fais comment pour voir, toi ? Pourquoi t'as des oeils si ça voit pas ? T'es un mo'at ? Tu t'appelles comment ?

Moi j'ai plein de questions, lui il est trop bizarre mais c'est cool aussi, il a l'air gentil même.

- Ben... Sur l'Albatros... Ca dépend des jours, un peu. Moi je fais les corvées ou de la musique aussi. C'est joli Vanguard je crois moi, mais... Beeeen... Moi je veux bien mais je va me faire gronder très fort après quand je va rentrer à la maison...

Une nouvelle avalanche de questions que je m’efforce de reprendre point par point.

« _ J'utilise ça. Comme ça. Je montre la canne et comment je l'utilise. C'est mieux quand c'est pas cassé. Il faut que je demande à Calypso. Je baisse d'un ton, on est plus en territoire Corpo, les Mo'at sont... exotiques ici. Oui, toi aussi ? Ben oui, elle a peut-être juste pas d'accent. Käh'ila, et toi ? »

La petite est vraiment choute. Il faut que j'arrive à gagner sa confiance pour savoir ce qu'elle fait vraiment à bord d'un vaisseau. « Corvées » , « musique » ?! Je m'inquiète de plus en plus... Tentons d'abord de baisser ses défenses.

« _ Tu joues quel instrument ? Je réfléchis un instant. A quelle heure faut que tu rentres ? »

Aaaah, c'est son bâton que il permet de voir ! Alors c'est vrai que c'est vraiment très beaucoup embêtant que le truc il est cassé, du coup...

- Et si on t'en trouve un autre de bâton, tu pourras voir à nouveau, toi, hein, dis ? ... Eh mais tu parles à Calypso pour de vrai toi ?!

Moi j'ouvre des grands yeux, parce que lui c'est un mo'at et tout, alors peut-être que lui il parle vraiment pour de vrai à Calypso, alors peut-être que moi je pourra lui parler aussi, ou je sais pas, mais c'est trop cooool !

- Non, je suis pas mo'at moi, mais j'aura bien voulu deviendre mo'at quand je suis grand. Mais Way'si a dit que c'est pas possible. Je m'appelle Croyance, moi, et avant je suis trinitaire mais maintenant pas trop.

Moi je lève les épaules sur le ciel, parce que c'est comme ça et tout. Et puis il demande l'instrument que je joue, et ça, ça me fait sourire beaucoup.

- Moi je joue de la guitare et du piano mais aussi je joue de la musique sur tout ou sur des trucs, comme ça !

Moi je me mets sur le parterre, et je sors une vieille boite en métal et mes baguettes de mon sac, et là je joue un truc tout petit, mais c'est joli. Ca fait du joli son, avec des jolies notes.

- Comme ça ! Tu fais de la musique toi aussi ?!

Je réfléchis. Oui, un grand bâton fin pourrait faire l'affaire. J'acquiesce donc d'un mouvement de tête.

« _ Ça peut être bien. Si tu vois un grand et fin bâton, je peux y voir à nouveau. »

Croyance ? Une trinitaire ? Un frisson me parcours tout entier et, instinctivement, je recule d'un pas. Cette gamine est peut-être liée de près au de loin au camp d'esclavagisme... C'est même peut-être un piège. Je me sens soudainement en territoire hostile. Mes naseaux se dilatent. J'ai envie de lui crier qu'on ne devient pas Mo'at. Surtout quand on est Trinitaire. Mais Calypso n'approuve guère la vengeance, surtout sans fondement. Cette môme n'a rien fait. Et puis, si elle connait Calypso... c'est déjà qu'elle n'est plus vraiment Trinitaire.

« _ Je lui parle... oui. Elle répond rarement. Il faut lui parler en Mo'at. »

Je ne sais pas trop pourquoi je continue à parler avec elle. Elle est censée être mon ennemie. Et si c'est un piège, je suis déjà fourré dedans jusqu'à la moelle. La discussion dérive pourtant sur la musique. Et elle fait tinter une corde en moi avec cette boîte. Mon cœur me fait aller de l'avant et je tends les mains vers la boîte. Je n'ai pas besoin de ses ustensiles. Je donne juste quelques coups de paumes pour la faire résonner. C'est presque comme le hang.

« _ Du Hang. Tu connais ? Des claves, aussi. »

Je les ai d'ailleurs au fond de ma poche.

- D'accord alors, on va chercher le grand bâton là pour que toi tu vois !

Lui il est un peu bizarre là mais d'un coup il me dit que lui il parle avec Calypso, moi ça me fait ouvrir des yeux grands comme ça.

- CA VEUT DIRE QUE ELLE ELLE TE REPOND DES FOIS ?!!! WOOOOAAAAAAAAH ! TROP COOOOOOL !

Moi je trouve ça trop trop trop cool même, je me calme un peu quand même parce que là ça fait battre mon coeur trop vite et tout alors je me calme. Et puis aussi y a des gens bizarres il se retourne et il me regarde, lui. Moi je veux lui tirer la langue mais après je me rappelle que Zélio il a dit que c'est pas gentil et après il me met des taquets si je fais ça, alors je le fais pas, voilà. Et puis en plus, on parle musique et tout, alors ça c'est trop cool.

- C'est quoi du hang ? Et des claves ? C'est des instruments du mo'at, ça ? Moi je connais pas ça.

Ça me rassure, je me sens un peu nu, avec une demie-canne pétée. Mais Croyance passe du coq à l'âne et saute de joie en apprenant le demi-mensonge que je lui sers : oui, je parle souvent à Calypso. Mais jusqu'ici, je n'ai jamais eu de preuve probante qu'elle m'étendait et encore pire, m'écoutait. J'ai parfais interprété des situations comme une manifestation divine. Comme l'intervention Pirates sur le camp, comme ma rencontre avec Laylia ou Miss Blackraven.

« _ Disons... que j'espère qu'elle m'entends. »

Elle n'a jamais entendu parlé du hang, normal, ici, j'imagine.

« _ C'est un peu comme ça. Je désigne la boîte de métal. En plus grand. Plus rond. Ça fait un son grave. Et les claves... »

Je les empoigne et commence à les entrechoquer pour induire un rythme. Ça ne vibre pas comme le hang. C'est froid, incisif. Mais ça reste rassurant. Plus le lieu est petit, plus le son est grave. Ici, on monte dans les aigües.

« _ Tu veux essayer ? »

Ma boite de métal à moi, moi je l'a trouvé tout seul comme une grand. Après, moi je veux que je fabrique des instruments de musique rien qu'à moi et tout. Un jour, j'apprendra à faire ça, ça c'est sûr ! Le hang, ça a l'air trop cool, moi je veux trop essayer ça, mais avant, je veux que j'essaie les claves. Ca fait un joli son !

- OH OUI ! OUI OUI ! Oui je veux essayer, laisse-moi essayer !

Je m'approche et tout pour prendre les claves, mais là, moi je m'arrête, c'est pas gentil comme j'ai dit et tout, pardon.

- Heu... S'il te plait !

Moi je regarde les claves et puis après je les prends mais doucement et tout, c'est bizarre, moi j'ai jamais vu ça avant. Je fais un peu des sons et tout, et après je rigole.

- Mi !

Et puis je fais un mi.

- La, la, do !

Et je fais la aigu, la grave et puis do aussi. C'est trop rigolo. Et après, je fais plein de notes, ça s'enchaîne et tout, mais je me rate un peu parfois, mais pas beaucoup.

- C'est trop joli ! Tu joues un truc toi ? Moi je veux t'entendre que tu joues un morceau ! Eh mais... Aussi, faudra que tu me montres comme tu joues le hang et c'est quoi, hein !

Je lui rends dans ses mains à lui.

Elle est prête à me les arracher des mains. L’enthousiasme de Croyance me rappelle vraiment mes deux frères et sœurs cadets. Alors, avec un sourire et un hochement de tête, je lui confie mes claves. Et, contre toutes attentes, elle s'en sort vraiment bien. Outre le fait qu'elle ne maîtrise pas encore la position de ses mains. Elle capte vite comment faire raisonner le bois pour en faire sortir des notes. Même si son charabia musical n'est pas le même que le miens. Je joue à l'oreille depuis toujours. Et puis, difficile de faire autrement.

« _ Tu le fais bien ! »

Avec le même enthousiasme, elle me rend mon instrument. Avec un sourire, je me mets à jouer un morceau, plaçant ma main droite juste sous la clave pour créer une boîte de résonance. La main crée alors un son chaleureux et ne n'ai plus qu'à accompagner cela d'un rythme du pied et de quelques claquements de langues pour rendre une douce mélodie rythmes qui me donne moi-même envie de danser. Je m'arrête au bout d'une vingtaine de secondes.

« _ Pour le hang, il faut que tu viennes me voir sur Vanguard. Je marque une pause. De quoi garder un œil sur elle. Il est où, Serge ? »

Lui il joue, et ça, c'est trop trop beau. Moi je fais "wooooaaaah" comme ça et tout. Mais il arrête super vite.

- Woaaaah, tu joues trop trop bien toi ! Je suis sûre que nous on peut faire de la trop jolie musique avec toi et moi ensemble, ça va être trop joli ! Alors d'accord... Mmmh... Moi je vais viendre sur Vanguard, mais d'abord je dois que je demande l'autorisation moi, comme ça je me fais pas gronder.

Je souris, c'est trop facile ça, faut juste aller sur l'Albatros, et après, nous on demande à Beth si je peux aller chez lui et après elle dit oui, et voilà, il me montre le hang et moi je joue avec lui et tout. Mais là il demande elle est où Serge.

- Serge, elle est sur mon épaule à moi. Tu veux la caresser lui ? Promis elle mord pas, elle est gentil et tout, même si elle t'a rentrée dedans.

Moi je m'approche de lui et puis doucement je prends la main de lui, mais après je mets pas encore vers Serge sans qu'il a dit que il veut bien.

- Après, si tu veux, nous on va à l'Albatros, comme ça je cherche un beau bâton pour toi et tout, et puis je demande si je peux viendre avec toi !

Je me sent assez fière. J'apprécie l’engouement de Croyance qui n'en finit jamais de s'extasier. L'idée est séduisante et approcher un peu plus la sphère de la petite me permettrait de m'assurer qu'elle est en sécurité. Je n'ai même plus à m'inquiéter pour la bestiole qui m'a sauté à la figure. Je ne sais pas exactement ce que c'est comme bêbête, mais elle me laisse pas le choix et prends ma main pour l'approcher, je laisse l'animal me renifler et faire le premier pas. Je sais que les Mo'at ont un grand respect pour la nature. Même si je n'y ai jamais été véritablement confronté. La fameuse Serge finit par me toucher la main et je lui caresse le crâne. Elle est douce et je souris. C'est rare de rencontrer des animaux en pleine ville. Serge se gratte contre ma main et je lui fais des papouilles.

« _ Elle est mignonne. »

Je lui flatte le cou et Croyance a le don de réunir toutes nos problématiques en une action. J’acquiesce, une chance de l'accompagner jusqu'à son vaisseau.

« _ C'est d'accord. Mais tu es sûre que tu peux te promener toute seule, comme ça ? »

Lui il caresse Serge, et Serge elle est trop content, elle aime bien les bisous et les câlins Serge, comme moi, même. Et puis là, ben elle a parti sans l'autorisation, mais d'habitude elle fait pas ça du tout, et après elle va devenir trop grosse pour que lui elle fait ça. Mais maintenant, elle rentre encore dans ma poche et tout, alors après je garde la main du garçon dans ma mienne et puis je mets Serge dans ma poche avec du biscuit.

- Beeeen, je sais pas. Mais je suis pas tout seul, je suis avec toi, alors ça compte pas vraiment, moi je crois. Tu veux du biscuit ? Tu vas voir, il est super méga trop bon !

Je lui mets du biscuit dans son autre main que je tiens pas. Et puis moi, après, bah je commence à marcher et puis je entraine le garçon avec moi, mais on va doucement et tout.

- Ca va si on marche comme ça, tu vois un peu toi, dis ? Je te dis si y a des marches et tout, et après je va trouver des yeux de bâton pour toi, promis.

Serge est toute douce et bien plus petite que ce à quoi je m'attendais. On pourrait même la glisser dans une poche. Ce qu'elle fait d'ailleurs en plus de m'attraper la main. Guide bienvenue dans cet océan noir. Sa voix est facilement identifiable et je l'empoigne fermement pour pas la perdre. Elle me doit un bâton.

« _ C'est quoi, le biscuit ? »

En fait j'ai pas le choix. Elle me fourre un biscuit dans ma main libre. Je suis obligé de goûter. Et elle a raison :

« _ Ch'ais bon ! »

Puis, on se met à marcher. Je suis d'abord pas assuré. Je connais pas ici. Et la main de la fillette est vachement plus basse que la mienne. Puis, ça fait vraiment bizarre d'être vraiment aveugle. Comme si on te posait un bandeau sur les yeux sans te filer la moindre aide pour t'en sortir. Je prends un grande inspiration. On va y arriver.

« _ Ca va. Non, c'est noir, noir... C'est loin, ton vaisseau ? »

Je note la promesse. Le plus tôt sera le mieux.

Moi j'ouvre des yeux grand comme ça.

- Tu connais pas le biscuit toi ?! C'est trop bon ça. Et tu manges des bonbons, toi ? Moi j'aime trop ça les bonbons, mais j'en mange que des verts moi. Ah mais tu sais pas c'est quoi le vert toi, du coup. C'est une jolie couleur, comme l'herbe ! Ah mais tu sais pas aussi... Comment tu fais pour les couleurs et tout, toi ? Et mais... Moi j'a vu des grands ils ont des œils bizarres pour voir alors qu'ils voyent pas sinon, enfin je crois que c'est ça, je sais pas trop. Peut-être que toi tu peux avoir ça ?

Moi je sais pas trop, je croivais pas que on peut pas voir du tout comme lui, c'est trop bizarre ça. Là moi, je lève la tête et tout, et je vois un truc cool. Sur une fenêtre là, y a des bâtons bizarres, et y en a un il est un peu décroché. Peut-être ça peut aider ça, moi je sais pas.

- Non, le vaisseau il est pas loin mais attend, peut-être que j'ai trouvé un bâton des yeux pour toi ! Bouge pas !

Et moi je va vers les bâtons de la fenêtre, c'est pas très haut alors je grimpe sur le rebord et tout, et je tire sur celui un peu décroché. C'est tout froid, je crois c'est du métal. Je tire fort de chez fort dessus en secouant ça, moi. Allez, viens lààààà!

« _ Pas trop les bonbons. Je préfère le salé. Doux comme... la pluie. Je vois pas... je... sens. Je sais que le vert inspire l'espoir, le rouge la passion. Question de sensation. Ah, le sujet des prothèses. Oui, j'en ai entendu parlé à l'académie. Outre le fait que c'est onéreux, il faut faire une batterie de tests pour savoir d'où vient ma non voyance. Et suivant cet état de fait, le prix peut être plus ou moins expansif. Je n'ai rien choisi à ce sujet. Je sais pas si j'en ai envie. De toute façon, je n'en ai pas les moyens pour le moment. Peut-être. Sais pas. C'est cher. »

Pi, elle se carapate pour aller me trouver un 'bâton des yeux'. Je suis soulagé, une branche ferra bien l'affaire jusqu'à mon retour sur Vanguard. Mais je l'entends s'attaquer à un bout tintant. Ma mine se décompose. Je fais des gestes dans la direction des bruits.

« _ Croyance ! Je chuchote mais en même temps fort pour qu'elle m'entende. Viens là ! C'est pas un bâton des yeux ça ! »[/b]

- Heiiiiin, quooiiiiii ?!

CRRAAAACK. Oups. Le bâton des yeux qui est pas un bâton des yeux, il fait un bruit un peu bizarre, et après, bah après, il se décroche de le mur, et moi ça me fait emporter dans l'arrière, et je tombe sur le par terre avec le bâton des yeux-pas bâton des yeux. Ca fait un peu mal, ça. Mais c'est pas grave, au moins je l'a, peut-être que ça peut l'aider à voir quand même, même si c'est pas un vrai. C'est un peu lourd et un peu froid et tout, mais sinon ça ressemble trop à son bâton que lui il a montré. Moi je le prends et je le traîne jusqu'à lui.

- Tiens, c'est pour toi, c'est pour que toi tu vois et tout !

Mais bien sûr elle ne m'écoute pas. Enfin, d'après elle, elle ne m'entend pas. Tu parles, c'est qu'elle a pas envie d'écouter ! Ça fait cling, cling, clang. Je suis impuissant et même si je courrais dans sa direction pour tenter de l'en empêcher, je serais bien incapable de faire quoi que ce soit. Évidement, le pire arrive et Croyance se casse la gueule en arrière dans un bruit de vêtement froissés et de barre métallique arrachée. J'affiche un sourire contrits... Irrattrapable. Mais mignonne. Alors qu'elle me tend ce qu'elle pense être ma nouvelle canne, des pas précipités se font entendre derrière nous. Et une voix.

« _ Sales garnements ! Rendez ce que vous avez piqué ! »

Glups. J'ai le truc dans mes mains.