Deux gamines

- Bouge la mioche !

Dayanara accuse le coup d'épaule d'un vieux crétin alors qu'elle flânait sur les quais du port, le nez en l'air. Elle se retourne vivement, les mains agrippées aux pommeaux des lames, l'air prête à mordre, mais l'inconnu a déjà disparu dans la foule. Gros con. Mioche ? Elle se renfrogne, furibonde, elle fêtera ses dix huit ans le mois prochain. Cette pensée lui laisse un arrière goût amer, la date est entachée par le deuil, mais c'était il y a bien longtemps maintenant.

Ça fait moins de deux mois qu'elle a embarqué sur le Gladios, un petit sloop sans prétention, mais qui fait sa plus grande fierté à ce jour. Ses débuts dans la Piraterie ont été autant un succès qu'une révélation, même si ça lui a valu quelques cicatrices sur les bras et le bout du nez. "Ça t'apprendra à foncer tête baissée." lui répète le Capitaine, l'air faussement accusateur. Il semble apprécier sa verve et son impétuosité; parait qu'elle lui fait penser à son petit frère, mort au combat, que lui a dit un des canonniers.

Les gars l'apprécient pas mal, ils voient en elle une petite soeur, le côté tête brulée en plus, pas pour rien qu'ils l'ont mise à l'abordage. Le premier fut une épreuve, elle l'admet sans trop de honte. Même si Ignacio l'avait diablement bien formée à l'escrime, les entrailles béantes et leur odeur immonde n'avaient jamais fait parti de ses entraînements. Mais cette adrénaline, l'impératif de vaincre pour rester en vie, l'euphorie de la victoire et du butin, étaient quelque chose dont elle ne pourrait plus se passer dorénavant. Le frisson du danger et surtout, toujours, la liberté ... Elle se sentait pirate jusque dans la moelle.

La jeune fille lève les yeux vers les immenses vaisseaux qui l'entourent et les milliers de silhouettes inconnues qui s'activent sous la cloche d'Esperenza. Magnifique. Le nez levé vers un impressionnant Destroyer sur sa droite, elle oublie de regarder où elle avance jusqu'à l'inévitable collision qui manque de justesse de la renverser.

Jillian profite encore de l'absence de leçon et du calme plat sur le Némésis pour s'éclipser. C'est la troisième fois ce mois-ci, mais si elle ne sort que quelques heures personne ne le remarque et c'est sans impact. En tout cas, les deux dernières fois, elle s'en est tiré sans accrocs. Esperanza n'est pas sa ville préférée, mais il y a tout de même beaucoup de choses à faire ici, surtout des choses à manger et elle comptait justement retourner à ce magasin de donut où elle avait été la dernière fois.

Pour l'instant, elle marche dans les rues sans trop se préoccuper de ce qui se passe autour d'elle. D'ailleurs, elle a un peu cette démarche sautillante d'une enfant qui marche sans vraiment savoir où elle va, juste tout droit. Perdu dans sa tête. Et ça lui réussi, jusqu'à ce qu'elle percute quelqu'un qui comme elle ne devait pas trop faire attention à la direction qu'elle prenait ou qui ne voulait pas changer de trajectoire pour la laisser passer. Dans ce genre de contact l'adolescente perd souvent et là ça ne rate pas, elle vrille vers l'avant et fait un salto pour se retrouver sur les fesses.

- Aïe...

Plus spectaculaire que grave, mais avant même de vérifier si elle n'a rien, elle-même, elle se retourne vers la personne qu'elle a percuté en balbutiant.

- Oh désolé ! J'espère que vous ne vous êtes pas...

Subjuguée par la présence de la jeune fille, elle s'arrête en milieu de phrase.

Dayanara se rattrape tant bien que mal en essayant de retrouver un équilibre précaire. Se stabilisant enfin sur ses jambes elle grommèle, sans mauvaise foi aucune de toute évidence :
- Deuxième putain de fois, savent pas marcher les gens ici ...

Elle se retourne à l'entente de la voix fluette de celle qu'elle a fait chuter involontairement. La fille semble toute jeune et a cet air de pureté mêlé d'innocence qui renforce la beauté de ses traits. Daya s'attarde quelques secondes sur sa peau lisse, ses grands yeux et son air juvénile. Inconsciemment elle se compare à elle, se frottant distraitement le nez et la joue où sont apparues quelques coupures, stigmates de batailles. Elle sait bien qu'elle n'est plus aussi jolie depuis. La môme est bien habillée en plus, assez chic, pour le peu qu'elle connaisse. A côté Daya doit paraître bien gauche avec ses vêtements bon marché à moitié déchirés. Enfin bon, praticité et aisance avant tout.

Reprenant ses esprits elle se penche vers l'adolescente et lui tend une main secourable, lui offrant un grand sourire sincère :
- T'inquiète pas, j'ai rien ! Tu t'es fais mal ?

La gamine se relève à l'aide de la main tendu puis en époussetant son pantalon et le bas de sa cape fait un large sourire à son interlocutrice.

- Non, je crois que ça va.

Marque une courte pause en s'examinant brièvement.

- Mais j'ai l'habitude de tomber. dit-elle, en se grattant l'arrière de la tête, l'air un peu gênée de l'avouer.

Puis elle est à nouveau subjuguée par la présence de la jeune fille. Elle sent la flamme en elle virevolté et rayonné presque dans tout son corps en sa présence. Bizarre, c'est la première fois qu'elle ressent ce genre de sensation en rencontrant quelqu'un. Elle est bizarrement attirée vers elle. Jillian n'est pas très observatrice mais difficile de rater le fait que son interlocutrice est une combattante, cicatrices et vêtements déchirés en premier, elle a aussi cette manière de se tenir que la jeune fille a déjà observé chez beaucoup de pirates auparavant. D'ailleurs, beaucoup de chose dans ces manières lui rappels des pirates. Intriguée, elle reprend.

- Je suis vraiment confuse, je ne regardais pas du tout où j'allais. Laisse-moi t'offrir un verre ou quelque chose à manger en compensation de ma maladresse. J'insiste.

Son ton est plein de sincérité et puisqu'elle la tutoie, nulle besoin d'insister sur le vouvoiement.

Dayanara se frotte distraitement l'arrière du crâne, à travers son bonnet, sous l'examen attentif de la jeune fille. Elle sait pas trop ce qu'elle y voit mais son regard brillant la met quelque peu mal à l'aise. Elle parle bien en plus, avec ses jolis mots bien articulés. La pirate grince des dents en remarquant sa tendance instinctive à se comparer à la gamine, pourtant elle sait bien que l'éducation n'est pas son fort.

Elle jette un regard intrigué autour d'elle, une jolie jeunette comme elle qui sort toute seule ... Ca lui parait un peu inconscient, surtout si elle s'avoue aussi maladroite que ça. Elle esquisse un sourire taquin, elle lui plait bien cette ado qui se donne des airs de dame.

- Bah, t'inquiète vraiment pas pour ça. J'crois bien que je faisais pas attention non plus. Je dis pas non pour manger un truc, par contre. Je t'accompagne, mais je paye ma part, "j'insiste". Répond-t-elle en accompagnant ses paroles d'un geste désinvolte de la main.

Ces deux gamines qui se tiennent l'une face à l'autre et le contraste entre elles rendrait presque la scène grotesque. Le sourire gêné de Jillian est figé sur son visage et elle a toujours se drôle de sentiment même si elle n'est plus complètement hébétée. L'adolescente à du mal à cerner si son interlocutrice se moque d'elle ou essaie juste de faire un trait d'humour.

- Très bien. J'allais justement à un magasin qui vend les meilleurs donuts d'Esperanza. Ça s'appelle "Round food for all your moods". Tu connais ?

Elle a toujours trouvé le nom trop long et ça sonne bizarrement quand elle le dit avec son accent pirate un peu ampoulé, mais c'est aussi les meilleurs donuts qu'elle ai jamais mangé.

- Moi, c'est Jillian, au fait, Jillian Alvarez. lâche-t-elle en tendant une main amicale vers celle qu'elle a bousculée quelques minutes plus tôt.

Vu le style de son interlocutrice et l'aura qui émane d'elle, elle est sûrement pirate, pas de raison de cacher qui elle est vraiment en usant d'un faux nom. En plus ça la fatigue les faux noms.

Dayanara hausse un sourcil en dévisageant la jeune fille. Son ton de voix et son attitude laissent entendre que ce nom, Jillian Alvarez, a plus d'importance qu'elle ne pourrait le deviner.

Daya n'a pas la culture pirate, loin de là, mais elle a toujours aisément su les reconnaître, sans savoir comment. Malgré tout, elle est arrivée trop récemment en Dorado et n'a rencontré que trop peu de pirates pour connaître les us et coutumes de ses congénères. Peut être que l'un des gars a évoqué ce nom là, pendant une de leurs soirées arrosée, peut être.

La jeune fille répond à la poignée de main vigoureusement, avec cette brutalité maladroite qui la caractérise bien :
- C'est parti pour un donut alors. Dayanara de Aguirre, mon nom ! Dix-sept ans, toutes mes dents, et pirate en formation, à bord du Gladios ! Et toi ?

Elle sait que son franc parlé pourrait lui apporter des ennuis, mais la gamine en face d'elle n'a pas l'air du genre à être pourvu de mauvaises intentions. Et puis le fait qu'elle soit pirate transpire par tous les pores de sa jolie peau. Quelque chose lui dit qu'elles n'ont pas besoin de jouer les ingénues.

Jillian répond à la brutalité de Dayanara par une petite grimace avant de serrer vigoureusement à son tour. Elle retire sa main, la secouant discrètement pour faire passer la douleur.

- Tu viens d'arriver en Dorado ? dit-elle en commençant à avancer, tête tournée vers la demoiselle.

La question est rhétorique, mais son ton n'est pas hautain, au contraire, il est enjoué. Jillian n'a pas rencontré beaucoup de gens originaires du reste de la galaxie. Enfin, ce n'est pas certain que Dayanara viennent d'ailleurs, mais elle est pirate et ne connaît pas le nom Alvarez, pour la petite blonde ça constitue déjà une raison de poser la question et de supposer.

- Désolé, je n'aurais pas dû répondre à ta question par une question. Je suis la fille de Jezabel Alvarez, capitaine du Némésis.

Elle se sent fière quand elle le dit et est donc soulager de pouvoir le dire librement.

- Donc on peut dire que je suis aussi en formation sur un vaisseau pirate...

Dayanara suit le pas de la jeune fille, souriante. Le Némésis hein. Ça lui évoque quelque chose, vaguement. Les gars en auraient-ils fait mention ? À l'évidence ça doit être un gros morceau.
- J'suis pas sûre de connaître !

Elle dévisage de haut en bas l'autre fille, peu discrète, mais sans intention de l'être.
- Ça a l'air assez chic.

Son regard d'ambre se pose sur les immenses vaisseaux qui les surplombent et la masse sombre qui s'agite tout autour. La foule la met quelque peu mal à l'aise. L'intimité du vaisseau, somme toute assez relative, lui manque. Si elle a apprit à vivre avec l'agitation constante de ses compagnons, le manque total de pudeur, et une hygiène douteuse, elle se sent étrangement plus sereine, plus en sécurité, là bas, loin du sol.
- Bien vu, j'suis pas d'ici. Ça fait moins de trois mois, en fait, que j'suis en Dorado. Le Gladios amarre pas super souvent, du coup je connais pas trop le coin. Ça viendra, hein ! Toi t'es née ici ?

Le Némésis ? Chic ? ... Elle a une image mentale d'Eugène qui lui apparaît et snort éclate de rire.

- Oh non ! Non... Excuses moi... Non, non... Chic, ce n'est vraiment pas le mot qui définirait le Némésis. Enfin, pas tout à fait. dit-elle en tentant de contenir son rire.

C'est vrai que sa mère a un certain standing que Jillian a tendance à imiter, mais ça ne s'applique définitivement pas à tous le vaisseau. Elle finit par se calmer et se sèche le coin des yeux avec un mouchoir, elle rit souvent, mais rarement comme ça.

- Pardon vraiment, je ne cherche pas à me moquer de toi. J'ai juste eu une image d'un ami en tête qui n'a rien de "chic".

Elle prend une longue inspiration en réfléchissant à la question de Dayanara.

- Je suis née ici et j'ai toujours vécu dans le système Dorado. C'est pour moi, le plus bel endroit de l'Univers, même si je n'ai pas vraiment d'élément de comparaison.

Dayanara observe du coin de l'oeil l'autre jeune fille qui contient difficilement son rire cristallin. On dirait vraiment une poupée, malgré ses mimiques bien expressives :
- Tu sais, pour moi, tout ce qui a l'air propre et pas troué, c'est plutôt chic !

Elle esquisse un sourire amusé en se désignant d'un geste vague, englobant ses vêtements élimés, les traces de frottement sur ses genoux et ses ongles noircis. Au moins n'a-t-elle pas de sang sur elle :
- Et t'inquiète pas ! Je crois qu'je suis pas mal chic, comparé au reste du Gladios !

Elle acquiesce doucement aux mots de la jeune Alvarez. Le plus bel endroit de l'Univers ...
- Je viens de Tyrion, j'peux te dire que ca a rien à voir ... Tout est couvert là bas, tu sors pas à l'air libre, la pollution et tout ... C'est pas que c'est laid ... C'est juste que c'est faux, tu vois ? J'imagine que ca ressemble un peu à Esperanza, dans le genre. Une ville immense, trop de monde, trop de bruit.

Elle lève un regard absent vers la cloche qui recouvre la ville, ses yeux se perdant dans l'infinité du ciel, un sourire tendre aux lèvres :
- Mais suffit de prendre le large pour voir des merveilles ... L'espace de Dorado c'est mon paradis, tu sais ? Là où je me sens ... Libre.

Jillian détaille rapidement l'accoutrement de Dayanara et laisse échappé un soupire indifférent.

- Je ne fais pas trop attention à l'accoutrement des autres, tu sais.

Elle lève la tête et regarde le ciel, laissant son regard se perdre au-delà du dôme de verre, continuant à marcher sans regarder devant elle.

- Je vois ce que tu veux dire... dit-elle d'une voix envoûtée. L'espace a toujours eu pour la blonde une place particulière dans son cœur, et même si elle aime les escales dans les différents astroports de Dorado, elle ne se sent vraiment chez elle et libre qu'à bord du Némésis lorsqu'il flotte dans le vide intersidéral.

Bientôt, les deux jeunes filles arrivent dans la rue du magasin de donuts, la boutique est visible de loin et facilement reconnaissable par sa pancarte rose sur laquelle est dessiné un donut croqué fourré à la confiture de fraises... ou de framboises.

- Nous y sommes !

Dayanara hausse un sourcil en voyant la pancarte colorée et l'étrange petite boutique à donuts. Elle qui a pris l'habitude des coins sombres et du rhum ... Servent-ils au moins de l'alcool dans ce commerce ?
- Ca a l'air ... Sympa ?

Le ton est clairement hésitant, mais loin d'être moqueur ou méprisant. Elle pousse la porte et laisse passer Jillian devant elle, observant du coin de l'oeil la décoration ambiante, chaleureuse en dépit de toutes les couleurs criardes auxquelles elle n'est que peu familière. La salle est vide à l'exception d'un jeune couple un peu trop intime et du serveur qui les accueille avec un sourire de la taille de Renaissance.

Quelque peu décontenancée par tant d'enthousiasme et par la jolie vitrine qui affiche toutes sortes de gourmandises, Daya lance un appel de détresse muet à l'autre jeune fille.

Jillian pousse la porte et entre rapidement dans un état de béatitude totale. Elle est émerveillée par chaque détail de chaque élément de la boutique comme si c’était la première fois qu’elle y venait - alors qu'on ne les compte plus. Elle remarque pourtant assez vite la gêne de Dayanara, elle a l'air à l'aise comme un poisson dans l'air. L'adolescence s’adresse au serveur à son approche.

- C’est pour commander à emporter. annonce-t-elle assurée.

Elle se tourne vers l’autre blonde et lui lance, pour la rassurer.

- J’ai une idée sur l’endroit où on pourrait manger. elle ajoute On y voit bien l'espace...

Elle tourne ensuite la tête vers la carte des donuts, affichée en gros sur le mur à gauche de l’entrée et prend son temps pour se décider, hésitant et revenant sur sa décision plusieurs fois devant un serveur impatient qui casse la mine de son crayon d'agacement, agacement que la jeune Alvarez ne semble pas percevoir.

- Oui… Finalement, je vais en prendre 3 à la framboise, 3 à la fraise et 3 à la crème et à la framboise.

Le serveur se tourne vers Dayanara tentant de figer à nouveau le sourire qu'il avait à leur entrée sur son visage et Jillian lance un regard encourageant à sa camarade.

Dayanara peine à cacher un soupir soulagé à l'entente de la proposition de Jillian. Ce n'est pas qu'elle déteste l'endroit ... Juste qu'elle ne s'y sent pas du tout à sa place, et de fait ...

Elle fait les gros yeux en entendant la commande de l'autre jeune fille, pas certaine de pouvoir partager tout ça avec elle, peu habituée à manger des choses aussi sucr- ... elle manque de s'étouffer en comprenant que c'était sa commande personnelle. Mais où peut elle bien cacher toutes ces calories ?

Daya grimace devant l'air encourageant de la blondinette et du serveur qui s'impatiente :
- Euh ... Un donut au chocolat ... Et un donut "baba au rhum" ?

Ces deux là lui semblent relativement sûrs.

- Bien, patientez ici, vos commandes arrivent. fais le serveur avant de repartir d'où il est venu.

Jillian reste silencieuse pendant l'attente. Observant les gens présents dans la boutique puis Dayanara, qui ne semble toujours pas à sa place. S'ennuyant à mourir, l'adolescente souffle pour faire flotter sa mèche de cheveux qui traîne sur son front. Et, pointant un regard malicieux vers sa nouvelle amie, lui met un léger coup de hanche, tout en douceur et taquin pour essayer de la déraidir.

Dayanara sursaute et se détend dans la foulée, se rendant compte à quel point elle frise le ridicule à être autant sur ses gardes. Elle esquisse un sourire un peu gauche à Jillian en se grattant l'arrière du crâne.
- Ca s'voit que j'ai pas l'habitude, hein ? Je sortais pas beaucoup, sur Tyrion, j'avais pas trop les moyens en fait. Puis depuis Dorado ... J'suis plus là haut que sur sol ! Les restos, tout ça ... Je connais pas trop ! J'crois que j'ai bouffé du nutrisoja toute ma vie, héhé ... On verra c'que donnent tes donuts !

Elle relâche ses épaules en offrant un sourire sincère à l'autre jeune fille, se disant qu'elle apprécie vraiment la bonne humeur et la candeur de l'autre.

- Si ça peut te rassurer, t'es pas la pirate la moins à l'aise en société que j'ai rencontré. Certains ont carrément du mal à sortir du vaisseau quand on est à terre.

Jillian a une moue de dégoût quand Dayanara dit n'avoir mangé que du nutrisoja toute sa vie. Elle se demande comment c'est possible. Elle prend conscience que tout le monde n'a pas la qualité de nourriture offerte par un cuistot... Même si Anouk n'est probablement pas le meilleur cuisinier de l'espace et qu'il est un peu aigris, ça vaut toujours mieux que le nutrisoja.

- Vous avez pas de cuistot sur le Gladios ? demande-t-elle innocemment. Si t'as jamais mangé de donuts, tu vas être servie, c'est les meilleurs de Dorado. Garantis Jillian ou j'en mange plus jamais de ma vie.

L'adolescente lève le pouce et lâche un sourire digne d'une pub pour dentifrice.

- Mouais, à choisir j'préfère le vaisseau hein, mais bon, je connais pas Dorado, faut bien en profiter un peu !

Dayanara fait mine de réfléchir trois secondes avant de continuer :
- On a bien un type en charge de faire à bouffer, mais franchement, j'préfère bouffer du nutrisoja, au moins je sais c'que y'a dedans, ahah.

Elle répond au sourire de la jeune fille par une mimique amusée. Elle sent qu'elle se détend considérablement au contact de Jillian. La Alvarez a la discussion facile et attire facilement la sympathie après tout. Le serveur revient vers elles avec une grosse boite colorée que Dayanara réceptionne avec une grimace, se redemandant comment l'autre arrivera à manger tout ça.

- Je sais pas comment tu fais... J'en ai mangé qu'une fois dans ma vie et je compte pas retenter l'expérience. dit-elle en laissant transparaître un air ahuri. Chez nous, c'est Anouk qui est en charge de la cuisine. C'est pas toujours excellent et il est... Un peu ronchon, mais j'ai l'impression que c'est un truc de cuistot.

Quand le serveur revient avec les boites de donut, l'adolescente lance une bourse de crédits avec, probablement, plus que nécessaire, les attrape d'une main et le bras de Dayanara de l'autre puis la tire vers l'extérieur. Viens, je t'emmène dans le plus bel endroit d'Esperanza ! Avant de sortir elle tourne sa tête vers le serveur et lui lance un grand sourire. Merci beaucoup ! Bonne journée !

Une fois dans la rue, elle s'arrête un instant sans lâcher le bras de l'autre blonde et prend un instant pour se repérer par rapport à sa destination. Euuuuh...

Entrainée par la tornade qu’est Jillian, Dayanara a à peine le temps d’esquisser un signe de politesse au serveur qu’elles sont dejà dehors. Elle est un peu gênée que la jeune fille ai assumé l’addition, même si en étant honnête ca l’arrange, aussi elle décide de lui rendre la pareille plus tard.

L’enthousiasme de l’adolescente la fait sourire et elle l’observe tranquillement alors que l’autre semble avoir des difficultées à se repérer, accrochée à son bras. Elle pourrait être mal à l’aise de cette intrusion dans son espace vital mais ne parvient pas à s’en convaincre. La pensée insolite que c’est peut être ça d’avoir une soeur la prend totalement pas surprise. A quel moment s’est-elle autant détendue pour en venir à considérer Jillian comme autre chose qu’une inconnue sympathique ?

Jillian prend quelques instants pour observer autour d'elle et procède par élimination. Si ce n'est pas cette rue-là, ni cette rue-là, c'est peut-être celle-là ou ça pourrait aussi être par là. De toute façon, elle peu importe la direction, au pire, le trajet sera juste un peu plus long. Puis elle se met en route, traînant Dayanara derrière elle. Au bout d'un moment, l'adolescente regarde sa main tenant le bras de l'autre blonde et le lâche d'un air un peu gênée.

- Ah oui... Euh... Désolé. J'ai du mal à respecter l'espace personnel des autres... Elle se frotte l'arrière de la tête en continuant à marcher. C'est un de mes points faibles...

Elle n'a pas l'air non plus de l'avoir offusquée et au contraire l'autre pirate à l'air plus détendue et souriante qu'avant. Les étrangers prennent souvent confiance en elle rapidement d'ailleurs, c'est peut-être aussi pour ça qu'elle n'a jamais réussi à supprimer cette manie, mais Eugène lui a déjà dis plusieurs fois que ça pouvait mettre mal à l'aise certaines personnes qui tiennent à leur espace vital.

- Y en a probablement pour un bout de chemin par contre. Autant faire la conversation. Tyrion, hein ? Qu'est-ce qui t'amène en Dorado ? Si c'est pas trop indiscret.

Jillian attrape un donut au hasard dans sa boîte et le fourre dans sa bouche en attendant la réponse de Dayanara.

Dayanara fait les gros yeux en voyant la pâtisserie engloutie sans cérémonie par la jeune Alvarez qui cache définitivement bien son jeu. Elle marche tranquillement à côté d'elle, observant les alentours en souriant, enfin détendue.
- T'inquiète, c'est marrant en fait. Et t'as pas les pattes moites alors ca m'va.

Avec un regard hésitant pour la boîte dans sa main, elle tire celui qui devrait être le fameux "baba au rhum", le tournant entre ses doigts en l'observant :
- Ouep, Tyrion. Je sais c'que tu penses. Ca fait long jusqu'ici, ouais. Il parait que j'ai de la famille en Dorado, en fait. C'pour ça que j'suis venue. J'ai plus personne là bas.

Elle clôt sa phrase avec un coup de dents dans le donut, ouvrant grand les yeux quand le gout du rhum et du sucre lui explose sur la langue.
- B'tain ch'est vachement bon !

Crème et framboise ! Elle laisse le goût se répandre dans sa bouche, mâche lentement en fermant les yeux et émet un petit bruit de contentement en avalant la délicieuse pâtisserie.

- Pas les pattes moites ? Répète-t-elle en regardant sa main libre.

Jillian échange ensuite un sourire avec sa partenaire du jour et écoute attentivement les révélations de Dayanara qui n'en sont pas vraiment. L'Alvarez se demande quelques instants si c'est correct de creuser pour en savoir plus ou si c'est plus respectueux d'en rester là avant d'être rattrapé par sa curiosité enfantine.

- De la famille ici ? Ils sont pirates ? Peut-être que je peux t'aider à les retrouver ! S'exclame-t-elle emporté par son excitation et en faisant abstraction du fait qu'un membre de sa famille est probablement mort sur Tyrion.

Elle lâche un rire aigu communicatif en voyant Daya croquer dans son donut.

- Je te l'ai dis ! "Meilleur donuts de Dorado ! Garanti Jillian ou j'en mange plus jamais de ma vie !"

Daya a un sourire plus discret que Jillian mais tout aussi lumineux plaqué sur les lèvres. Elle se sent légère. La conversation badine autant que les délicieuses pâtisseries sont un plaisir pour son moral. Ca fait du bien, de pas se battre pour avoir sa barre de nutrisoja ou la dernière couverture pas trouée sortie de la laverie. Du bien aussi de pas avoir les "pattes" moites de sang. Mais c'est une autre histoire.
- Les pattes ouais, dit-elle en agitant sa propre mimine sur le fourreau de son épée, c'est parce que j'ai des griffes !

Son visage se rembruni légèrement à la question, pas sûre de comment aborder le sujet sans paraître désespérée :
- Hmm, c'est mon père ... Il était dans la légion en fait. Maintenant ... Je sais pas. Je sais juste qu'il est sur Dorado ! T'inquiète pas, j'vais bien finir par trouver ahah !

Sa voix s'est un peu brisée en fin de phrase. Ca la touche plus qu'elle ne veut l'admettre, évidemment. Mais le moment n'est pas à la morosité après tout, pas avec Jillian Alvarez, pour sûr. Elle jette un regard malicieux à la jeune fille :
- Mouais ... J'suis pas convaincue ! Ca vaut mon nutrisoja !