Paroles - Iceberg, cabine du Capitaine

Il la suit du regard, pas aussi indifférent à sa grâce qu'il aurait aimé le montrer mais rassuré dans le même temps de la voir cacher ses papiers. Il y a peu de chance maintenant que l'on tombe dessus. L'équipage de l'Iceberg lui est trop loyal pour discuter et les dossiers de la Guilde sont strictement confidentiels. Même si l'on venait à savoir qu'il avait Laylia comme compagnonne, qui irait croire que le paranoïaque Jaziel lui a confié quoi que ce soit d'important ? Il n'y a que la particularité de leur fille qui pourrait faire tilter quelques personnes. Mais Abygael est jeune et insignifiante.

Elle revient alors vers le lit sans s'y réinstaller, et il lui rend son regard, appréciant de la voir ainsi, offerte. Derrière sa froideur, il l'observe calmement, sans demander ce qu'elle fait ni la traiter en morceau de viande. Car derrière la beauté, il y a un esprit qu'il admire presque plus, et des habitudes dont il apprécie la douceur. Plus qu'un passe-temps, elle est une pierre essentielle de sa vie. Elle parle à nouveau et il a un léger sourire amusé. De quel nom parle-t-elle ? Celui dont il a hérité ou celui qu'il s'est fait ? Mais il ne veut pas l'interrompre, cela n'importe peu. Elle s'approche, leurs souffles se mêlent et, sans mots de sa part, elle s'arrange pour qu'il ne l'oublie jamais.

Il n'oubliera pas.

A nouveau, il est envahi par une douce lassitude...

Le coeur battant et le souffle encore un peu court, Laylia est étendue près du Capitaine de l'Iceberg, une main posée sur le torse de l'homme et l'autre perdue dans ses mèches blanches. Du bout des doigts, elle replace celle-ci une à une avec une tendresse particulière. Elle se sent mieux maintenant, même si ses inquiétudes sont toujours présentes. Normalement, les jeux du plaisir sont pour l'autre, et si elle-même en trouve, le sien est secondaire. Cette fois, c'était un peu différent, et elle a joué autant pour lui que pour elle.

Laylia non plus ne l'oubliera jamais.

Le silence entre eux n'est pas lourd, simplement paisible. La brune hésite à le rompre, aussi lorsqu'elle se décide enfin à parler, sa voix est à peine plus forte qu'un murmure. Les questions essentielles étant désormais réglées, Laylia se permet d'en explorer d'autres.

"Elle te manque?"

Elle ne précise pas qui est le "Elle" en question, mais elle ne doute pas que Jaziel saura comprendre qu'elle parle de sa défunte femme. Plus que pour sa simple curiosité personnelle, cette question à un but : mieux comprendre les émotions de Jaziel. L'homme est difficile à lire et à comprendre, même pour elle. Son amour et son penchant pour la psychologie lui a fait prendre un rôle de confidente, presque de psychologue parfois, pour beaucoup de ses clients, et elle souhaite faire de même avec lui, s'il en ressent le besoin et l'y autorise. S'il se ferme, néanmoins, elle n'insistera pas.

Ses mains sont chaudes sur son corps fatigué mais détendu. Il la laisse faire, lui rendant son regard, toujours aussi calme, toujours aussi froid mais profondément satisfait. Il a senti la différence avec les autres fois et cela ne lui a pas déplu, au contraire. Il attend. Il n'est pas pressé, ils ont du temps. Doucement, il laisse un doigt faire l'allez-retour le long de la colonne vertébrale de la jeune femme. Jusqu'à ce qu'elle parle.

Il lui faut un moment pour reconnecter ses neurones et comprendre qui est le « elle » en question. Il ne s'en inquiète pas, il sait que Laylia sait reconnaître quand il réfléchit à une réponse. Il n'a pas la rapidité des gens surdoués, son intelligence à lui est plus lente mais plus solide.

« Pas vraiment. »

C'est la vérité nue. Il ne l'a jamais aimée. Elle n'a pas vécu assez longtemps pour s'en rendre compte.

« Je regrette un peu ce qu'elle représentait pour moi. » Un avenir, peut-être une place de Gouverneur un jour, des enfants, une famille. « Et le gâchis de sa vie, elle n'avait pas mérité ça. » Il se demande d'où sort la question après l'étreinte qu'ils venaient de partager et remonte doucement sa main.

« Mais Laylia, je ne l'ai connue qu'un an. Et c'était il y a deux décennies. »

Est-il "bizarre" de ne pas penser à elle ?

Les doigts de la Compagnonne laissent les mèches blanches pour descendre doucement jus'à la joue puis la mâchoire de Jaziel. Laylia lui sourit doucement pour le rassurer. Elle ne voulait pas lui rappeler de mauvais souvenirs, ni le mettre mal à l'aise. Elle n'est pas jalouse non plus, au contraire, et ne l'aurait pas été s'il avait répondu franchement que oui, elle lui manquait.

"Je comprends."

Elle connait les coutumes de l'Impérium et leurs mariages arrangés. Elle sait maintenant que leur mariage n'en était pas un d'amour, mais tout de même il aurait pu développer une affection pour elle, sinon comme amante, au moins comme amie. Les choses semblent plus complexes que simples, mais au moins le Capitaine de l'Iceberg ne semble pas en souffrir. C'est l'important.

"Regrettes-tu également cette autre vie que tu as laissée derrière toi?"

La brune met un temps d'arrêt puis précise, soucieuse qu'il comprenne bien ses intentions.

"Je veux simplement mieux te comprendre. Et t'aider, si se faire est possible, car je n'aimerais pas te savoir malheureux."

« Je ne suis pas malheureux. » C'est encore une émotion qu'il ne comprend pas, pas plus que la peine, le deuil ou les joies profondes. Il avait conscience de ne faire qu'effleurer la vie et, plutôt que de s'en plaindre, il cherchait à en tirer parti et à étudier les émotions qu'avaient les autres gens. Ce qui faisait pleurer les esclaves qu'il libérait. Les paillettes dans les vrais sourires de Seik'el. La joie lumineuse de Valmont. Il ne les comprenait pas. Même Ichabod pourtant simple et posé avait parfois des réactions...incompréhensibles. Reprenant ses caresses, plus doux qu'aguicheur, il réfléchit à nouveau.

« Je ne pense pas souvent au passé, à part pour en tirer des leçons et des plans pour l'avenir. Ce qui est, est. C'est une perte d'énergie que de regarder en arrière. Regretter des choses. Ce n'est pas ma façon d'être. »

Et puis, malgré tout, il aime ce qu'il fait. Il a un but à long terme tapissés de petits échelons qu'il gravissait doucement, des gens loyaux autour de lui et il a dissipé le fantôme de la vendetta qui avait empoisonné ses nuits depuis son enfance. Et puis, soudain, il croit comprendre.

« Tu es inquiète pour moi ? »

Les paroles de Jaziel la rassurent un peu. Elle savait déjà qu'il est ainsi, mais le coeur humain est parfois sourd à ce que notre esprit voudrait lui dire. Laylia s'étonne néanmoins de sa question et de lire dans ses yeux une lueur de compréhension. Elle n'a pas tenté de cacher son inquiétude, simplement de contrôler ses réactions jusque là, et elle est surprise qu'il ne l'ait pas compris avant. Doucement, elle caresse sa joue du bout des doigts.

"Bien sûr."

Elle ne dit pas cela pour faire plaisir, mais comme une évidence pour elle. La brune est sincère. Elle n'est pas non plus le moins du monde embarrassée, comme d'autres le seraient. C'est dans sa nature profonde de s'inquiéter pour quelqu'un à qui elle tient, lorsque celui-ci a des problèmes ou est en danger. De plus, il y a longtemps que la distance professionnelle entre elle et Jaziel s'est confondue avec la proximité personnelle, de toute façon.

Bien sûr. Comme si c'était évident. Et pourtant, cela ne l'est pas. Sans se vexer, il attrape sa main, embrassant sa paume.

"Je ne suis pas inquiet pour moi. Je ne fais que prévoir toutes les éventualités. La résurgence du passé est plus dangereuse pour Abygaël que pour moi."

De là à dire qu'il s'inquiète pour elles, il y a une connexion mentale qu'il ne fait pas. Il éloigne un peu la main de ses lèvres, jouant pensivement avec ses doigts. Lui vit depuis la vendetta depuis si longtemps qu'il est habitué à son ombre. Leur fille est jeune, plus romantique que lui et pas habituées aux méandres de la pensée impériale. Pas plus que ne l'est Laylia malgré son nom impérial.

"Ma proposition de réponses est toujours valable, mais s'arrêtera lorsque tu auras franchi cette porte."

C'est à dire...pas tout de suite.

Ne souhaitant pas lui communiquer d'inquiétudes s'il parvient à être aussi calme et assuré, Laylia n'insiste pas. Après tout, elle aimerait pouvoir être aussi optimiste que lui sur la question, mais le fait que Jaziel insiste sur le fait que la situation pourrait être dangereuse pour Abygaël lui fait plutôt l'effet contraire. Elle a hâte de pouvoir retourner sur Vanguard, de pouvoir garder un œil sur elle et s'assurer qu'elle va bien, même si elle sait cela inutile et simplement émotif.

Lorsque Jaziel réitère sa proposition, la brune hoche simplement la tête puis reste un instant silencieuse, songeuse. Elle a l'impression d'avoir des dizaines et des dizaines de questions à lui poser, mais les formuler de manière cohérente et constructive reste difficile. Malgré son offre, Laylia sait qu'il y a des limites à ne pas franchir, du moins en règle générale, et le terrain lui parait miné. Avec quelqu'un d'autre, elle se serait surement contentée des informations qu'elle a acquises jusque là, mais avec Jaziel, elle sait que s'il lui a offert de répondre à ses questions, c'est qu'il est pertinemment d'accord pour lui répondre, quelles qu'elles soient.

"Jaziel De Nieves. Est-ce ton nom de naissance?"

"Je suis né Jaziel De Asturias." Ce n'est pas une information sensible. S'il avait vraiment voulu disparaître, il aurait changé de prénom, teint sa chevelure blanche. Il se demande fugacement combien de ses officiers connaissent sa véritable identité. Il serait déçu si au moins la moitié d'entre eux ne s'étaient pas renseignés. "Et j'étais Marques."

Malheureusement, ce n'est pas un titre qu'Abygael peut penser récupérer un jour. Les filles, dans l'Empire, n'étant que le vecteur du Sang. Heureusement, pour le reste, les coutumes impériales restent assez paritaires. Sa fille n'aura pas à souffrir du sexisme si elle décide de rentrer dans le giron de l'Empire.

D'abord Jaziel. Laylia est heureuse que ce soit le prénom de naissance de l'homme, elle l'a toujours apprécié. S'il avait changé complètement d'identité, cela n'aurait pas vraiment fait de différence, comme elle le connait pour l'homme qu'il est aujourd'hui, peu importe son nom d'avant. Ensuite, De Asturia. Le nom lui dit vaguement quelque chose, mais la brune ne connait pas vraiment les grandes familles impériales hors Dorado. Elle a surement du entendre le nom au détour d'une conversation, mais rien de plus.

Au titre de Marques, Laylia sourit doucement. Celui-ci est impressionnant, mais étrangement elle ne s'attendait pas à moins et n'en est pas étonnée.

"J'ai toujours su, je crois, que tu avais ce genre de naissance."

Sa main descend lentement en parcourant le bras de l'homme aux cheveux blancs, puis vient effleurer doucement son dos, un peu comme lui le faisait avec elle plus tôt.  
"As-tu de la famille toujours en vie, quelque part?"

Peut-être qu'Abygaël a une grand-mère, un oncle aussi. Quel serait leur réaction s'ils apprenaient l’existence de la fille de Jaziel? Voudrait-ils la connaitre ou lui en voudraient-ils, comme elle n'est pas issu d'un mariage et encore moins d'une mère de la noblesse Impériale?

Il lui laisse le temps d'assimiler les informations. Curieusement, elle ne semble pas fâchée d'apprendre sa véritable identité. Pourtant, d'autres auraient crié ou pleuré ou se seraient mis à trembler. Il préfère qu'elle continue à sourire doucement, c'est moins compliqué à gérer, d'autant plus qu'il ne sait pas du tout ce qu'elle peut bien penser, réellement, de ces informations. Il y a toujours la possibilité qu'elle soit une espionne et qu'elle en profite pour le détruire et il ne serait pas lui-même s'il n'y avait pas pensé. Il n'y croit pas vraiment. Depuis le temps qu'ils se connaissent, il a apprit à lui faire confiance. Elle lui est loyale. C'est un sentiment qu'il a apprit à inculquer dans le cœur de ses proches à défaut d'autre chose. Il caresse son visage. Le noble impérial a toujours transparu en lui, il le sait. Il a tellement été formaté que quinze ans de piraterie n'ont pas réussi à effacer son éducation. Alors il l'assume, tant pis. Il ne veut pas devenir étranger à lui-même.

« J'avais un frère mais il est mort quand j'étais adolescent. J'ai deux petites sœurs vivantes que j'ai mariées à des familles qui les protégeraient. En échange, elles ont renoncé à transmettre le nom d'Asturias. A l'heure qu'il est j'ai probablement des nièces et des neveux. Je ne surveille que de loin pour ne pas me trahir bêtement et les mettre en danger. »

Tu ne sais pas exactement ce que ces informations te font ressentir, Laylia. Quelque part, la famille de Jaziel est aussi la tienne, puisqu'elle est celle d'Abygaël. Tu n'as jamais eu de frères et soeurs. Pour toi, il n'y a toujours eu que ta mère, Emilia, puis Aby. Ces informations, et tout ce qu'elles pourraient représenter pour ta fille te donnent alors le vertige.

Tu veux demander à Jaziel si un jour ils accepteraient Aby dans leur vie, mais quelque chose dans les paroles de l'homme attire ton attention. Tu as cru, plus tôt, que les causes de son exil étaient en lien avec les guerres intestines des hautes familles de la noblesse impériales. Néanmoins, s'il veut également protéger ses sœurs en restant caché, le problème ne peut pas venir d'elles directement.

"Sais-tu exactement qui te voudrait du mal, à toi et ta famille, si tu étais découvert toujours vivant?"

Tu tentes de t'imaginer la complexité des vendettas dans les hautes sphères impériales de la galaxie, mais le portrait est trop gros. Tu connais mieux les rouages corporatistes, après tout, et ce que tu sais des tensions des hauts placés de l'Impérium, tu les sais propres à Dorado. Tu n'es pas sotte, aussi tu sais bien que les choses sont différentes ici. Tu sais que tu pourrais comprendre, si Jaziel veut bien t'expliquer. Savoir qu'un danger plane potentiellement au-dessus de la tête de ta fille te terrifie, mais comprendre est la clé pour bien la protéger.

La question le prend par surprise, ce qu'il ne pense pas à cacher. En acceptant de répondre, il pensait qu'elle l'interrogerait sur des choses plus personnelles mais Laylia est une femme intelligente et politique et il aurait du le voir venir. Cette fois, il ne répond pas tout de suite. Il réfléchit, longuement, silencieux mais sans cesser de la caresser avec douceur. Il ne veut pas qu'elle s'inquiète pendant qu'il organise ses pensées et pèse ses mots. Ce qu'il va dire est important. Il ne doit pas se tromper.

« Les vendettas sont des plaies ouvertes qui saignent l'Empire depuis des temps immémoriaux. »

Pas un mot sur l'Empereur qui cautionne ces massacres de familles et d'innocents. Jamais. Mais ces mots reflètent une opinion que le quadragénaire ne partage pas souvent et qui, pourtant, est l'un des fondements de sa personne.

« Laylia. » Sa main libre caresse la joue de la jeune femme pour venir plonger son regard dans le sien. Il veut toute son attention. « Ces papiers, ces précautions, ce ne sont que des mesures. Je ne les prends que pour ne pas les utiliser. Tant que je serais en vie, rien n'arrivera par la faute de mon passé, ni à Abygaël ni à toi. S'il devait m'arriver malheur, il te suffira de suivre les indications dans les papiers que je t'ai confiés pour que tu sois en sécurité Et quand bien-même, ta Guilde te protégera. Vous ne risquez rien si vous continuez à vivre comme vous l'avez toujours fait. »

Jaziel lui offre finalement une réponse, mais ne fait que formuler autrement ce qu'il lui a déjà dit et reste toujours aussi vague. Elle baisse donc simplement les yeux, signe qu'elle n'insistera plus. S'il ne souhaite pas lui partager ce genre de détails, c'est son choix et elle se contentera de cette réponse. Malgré tout, ils ne se doivent rien et Laylia ne se sent pas en position pour exiger plus que ce qu'il lui a déjà offert.

Elle ne relève les yeux vers lui que lorsqu'il prononce son nom et réalise alors les rôles se sont inversés. Ce n'est plus elle qui contrôle la situation, qui rassure par ses mots et ses caresses. Depuis que Jaziel a commencé à lui dévoiler ses secrets, ils ne sont plus Compagnon et clients, mais simplement deux amants dans une situation trop complexe pour être nommée. La brune ferme alors les yeux et vient appuyer, son front contre celui du capitaine de l'Iceberg avec un léger soupire.

"D'accord. Je te crois, je te fais confiance."

Elle le serre un peu plus fort contre elle, plus pour se rassurer elle même qu'autre chose, et tente de chasser ses peurs, angoisses et questions qu'elle sait désormais resteront sans réponses. Elle reste ainsi un moment, en silence, jusqu'à avoir retrouvé un calme intérieur acceptable.

"Jaziel..."

Elle ouvre de nouveau les yeux pour trouver son regard.

"Merci."

Il sait bien qu'il ne lui a pas dit ce qu'elle attendait. Il ne veut pas. Il ne veut pas qu'elle rentre dans le jeu des vendettas à toujours voir le danger derrière la moindre ombre, à chercher des ramifications dans les gestes les plus anodins. Il a renoncé à cette vie pour une raison. Et il n'a pas envie qu'elle lui retombe dessus parce qu'une femme, aussi intelligente soit-elle, a décidé d'en savoir plus. On ne peut comprendre l'étendue de l'hémorragie lorsque l'on n'a pas grandi avec. Malgré tout, elle n'insiste pas, se contentant de mettre son front contre le sien, comme pour tenter de percer ses pensées. Il le lui abandonne, il sait que c'est un geste inspiré par de bonnes émotions, quelles qu'elles soient. Il le sait parce qu'il a confiance en elle. Et elle en lui, de ce qu'elle dit du moins. Il lui rend son étreinte, doucement, sans sous entendu. Son corps est trop repu pour avoir faim déjà, aussi belle soit-elle.

Il lui rend son regard, lui qui n'avait pas fermé les yeux, les plongeant sans peine dans les siens, grave et sérieux. Doucement, il hoche la tête, acceptant son remerciement. Il ne sait pas bien de quoi elle remercie, mais cela n'importe pas à ses yeux. Il l'embrasse doucement, tendrement, sans passion ni invitation à une nouvelle danse, parce qu'il a envie et qu'il a vaguement l'impression que c'est la réponse appropriée. Et si ça ne l'est pas pas...et bien tant pis.

Jaziel lui rend son étreinte et quelque part, elle en est soulagée. L'abandon temporaire de son rôle de Compagnonne ne semble pas le choquer. Au contraire, il répond plutôt à son remerciement par un baiser. Là, c'est elle qui est surprise. Son baiser est... différent. Différent de ceux qu'ils s'échangent normalement, sans passion ni éclat, sans sous-entendus sinon peut-être de se vouloir rassurant. Il n'est pas formel non plus. Il est plutôt doux, tendre. Affectueux? Peut-être. La brune tente de chasser son trouble en se disant que ce n'est que son laissé aller qui lui fait percevoir les choses différemment, ou encore son inquiétude pour lui et la bombe d'information qu'il vient de lui lâcher sur la tête. Elle n'a peut-être simplement pas l'habitude de se faire embrasser ainsi, elle qui croyait pourtant tout connaitre sur l'art du baiser.

Lorsque leurs lèvres se séparent, Laylia se perd un moment dans le bleu des yeux de cet homme que tous disent si froid. Elle n'a plus envie de poser des questions. Tout ce qui devait être dit l'a été. Ses doigts se faufilent donc de nouveau dans ses mèches blanches, à la base de son cou, et elle joue avec elles quelques instants avant de rompre le silence d'un murmure.

"On devrait dormir."

Néanmoins, peu conséquente, elle ne bouge pas et continue à le regarder tout en caressant sa nuque. Laylia ne sait alors pas très bien ce qu'elle attend, ni si elle attend quoi que ce soit, d'ailleurs.

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