La Belle et le Passeur [Jezabel & Enguerrand]

Il traine sur Tortuga comme à son habitude lorsqu'il n'est pas dans l'espace. Mais l'appel commence à le démanger et il ne sait pas combien de temps il va tenir au sol ici à Tortuga. Certes tout le monde ne le connait pas mais c'est quand même de plus en plus rare de tomber sur des pirates ne le connaissant pas.
Non pas qu'il recherche la discrétion, mais les bagarres se terminent souvent avant même qu'elles ne commencent ... dès que quelqu'un le reconnait en fait. Ce qui est souvent le cas malheureusement. Et se battre contre des imbéciles trop ivres pour comprendre dans quel guêpier ils mettent les pieds manque totalement du moindre intérêt.

Il est donc posé dans une taverne où les capitaines aiment venir boire entre eux. Généralement les hommes désirant se faire recruter évitent ces tavernes justement parce que les capitaines en ont marre de se faire importuner parfois et désire être tranquille. Mais lui n'est pas encore en manque au point d'aller chercher lui même un capitaine. Il attend encore tranquillement les offres qu'on pourrait lui faire durant le mois en cours. Non pas que les gens s'arrachent ses services... il coute cher pour un simple homme d'équipage. Sans doute parce que son utilité va au delà du simple ruffian. Souvent il fait office de garde du corps pour une personne importante que le capitaine souhaite protéger à bord. Parfois il sert de bouclier aux capitaines, le temps qu'ils atteignent le capitaine adverse.  Certains veulent même le voir tuer le capitaine adverse... mais ça il fait pas.

Dans un coin de la taverne , ni sombre, ni reculé, le bonhomme est installé dans son trench coat noir. Les bras cybernétiques cachés par ce dernier son malgré tout visible à cause des mains. Il fume tranquillement un cigare en appréciant un verre de vin rouge. Cette taverne accueille des capitaines et les capitaines ont des goûts parfois plus intéressant que le rhum. Ce qui tombe bien parce qu'il n'apprécie pas outre mesure cet alcool. Alors qu'un bon vin. On pourrait presque penser qu'il sourit pendant sa dégustation... presque. Sauf qu'Enguerrand ne sourit que très rarement. Jamais pourrait aussi convenir pour ce que les gens savent. Ses yeux scrutent les environs froid comme la glace qui l'anime.

Les séjours prolongés à terre comptent parmi ce que je tiens le plus en horreur. Les dernières déboires du Némésis requièrent une attention toute particulière ; ce vieux Monsieur capricieux nécessite des soins qu'il est important de savoir lui accorder sans attente. Il m'est si précieux que je suis fort prompte à lui accorder le repos lorsqu'il le réclame. Cependant, après seulement quelques jours sur Tortuga, je puis dire sans difficulté que l'immensité de l'espace manque à mon âme. Je me surprends plusieurs fois par jour à fixer le ciel. Le voilà qui m'appelle à nouveau ; qui puis-je ?

Pour échapper à la torture qui entrave mon coeur, j'occupe mes journées autant qu'il est possible de le faire ; cela n'est guère bien difficile. Par définition, l'emploi du temps d'un capitaine est immensément chargé. Après plusieurs heures, le besoin de prendre l'air se fait néanmoins sentir ; quelle n'est pas ma déception lorsque je me souviens que l'air en question n'est rien d'autre qu'un amas putride de relents infects. Je ne tarde donc guère à me diriger vers une taverne, que je sais calme et apaisante. Elle est l'endroit où nous autres, capitaines, nous retrouvons parfois.

Toujours droite, fière et élégante, je m'approche d'une table disponible, commande un cocktail sans alcool et croise les jambes. Alors seulement, je m'autorise un soupire à la fois las et résigné. Il n'y a que peu de monde dans la taverne, et les visages me sont tous plus ou moins familiers. Ou presque.

Un nouveau venu... une femme très belle, hautaine, et pas d'alcool dans son cocktail. Les choix sont limités surtout que le Némésis est à quai. Sans doute Jezabel Alvarez. Mais c'est pas encore certain cependant. Enguerrand reste à sa table, il est pas ici pour déranger les capitaines... c'est toujours eux qui viennent poser la question. Enfin ceux qui ne le connaissent pas.

Il boit un peu de son vin. Et prend une grand bouffée de fumée qu'il relâche doucement pour faire un écran devant son visage. Ça ne dure que quelques secondes mais il en profite pour regarder autour de lui.

Je prends le temps de savourer mon cocktail, et en profite pour observer davantage les personnes autour de moi. Un homme en particulier retient mon attention. Je ne suis pas certaine de son identité, cependant, s'il est celui que je crois, l'on entend parler de lui à travers toute la galaxie, ce qui me rend particulièrement curieuse d'en connaître davantage sur lui. Je termine mon verre, puis commande un thé, que l'on m'apporte dans un très joli service à thé aux motifs bleus, apparemment importé de Tyrion. Ma tasse à la main, je m'approche de la table de l'homme. Il ne faudrait pas que l'envie de s'en aller lui prenne avant que je n'aie pu discuter avec lui.

Droite, fière, élégante, parfaite, je m'approche de lui, ignorant les autres regards qui se posent sur moi avec un acharnement certain. Un sourire arrogant sur les lèvres, je m'arrête devant la table de l'homme, et lui offre mon plus beau sourire.

- Puis-je me joindre à vous, Monsieur...?

Enguerrand regarde la belle femme s'avancer jusqu'à lui. Elle est venue seule, enfin elle est entrée seule dans la taverne et personne n'est venue la saluer. Étrange. Les rumeurs disent que les Alvarez sont d'un caractère difficile. Si s'en est une alors ça promet d'être intéressant.

Il hoche doucement la tête et d'un regard montre la chaise en face de lui. Il prend le temps d'absorber une autre bouffée mais reste poli et la souffle doucement sur le coté pour ne pas déranger la capitaine.

Enguerrand dit-il simplement d'une voix froide comme ses yeux. il ne lui demande pas de se présenter mais c'est naturellement implicite.

Je souris davantage, et prends le temps de m'asseoir élégamment sur ma chaise, croisant mes jambes comme à mon habitude. Il s'agit bel et bien de l'homme auquel je songeais. Voilà une bien curieuse coïncidence qui nous réunit tous deux dans ce bar. Une coïncidence dont je compte bien profiter. Beaucoup de bruits courent sur l'homme ; néanmoins, je suis particulièrement curieuse de pouvoir me faire ma propre opinion.

- Monsieur de Cassagnac. Quel plaisir de vous rencontrer enfin.

Je prends le temps de siroter mon thé et de reposer la tasse avant de répondre à la question qu'il n'a pas posé, mais qui s'impose d'elle-même.

- Jezabel Alvarez. Capitaine Jezabel Alvarez.

Notons qu'elle est aussi belle que ce qu'en dise les gens... pour ce que ça lui fait. Elle fait plein de politesse et insiste sur son titre. Les capitaines sont tous comme ça. Mais bon ils ont tout un équipage derrière eux... ça les rend enclin à ce genre de comportement.

Pas moi. dit-il simplement en signifiant qu'il n'est pas capitaine ce qu'elle sait certainement vu qu'elle l'a reconnu. Pas surprenant de la part d'un capitaine d'un autre côté.

Il tire une fois de plus sur son cigare, regard et expression neutre. Elle a l'air contente de le rencontrer mais quand à savoir pourquoi c'est une autre affaire.

Et bien, voilà un homme fort peu loquace. Cela m'importe peu. Nous ne combattons nullement avec nos mots, quoi qu'ils puissent parfois s'avérer plus acérés que biens des lames. Cet homme là a une réputation suffisamment étoffée pour qu'il me donne l'envie de m'intéresser à lui, et ce peu importe la façon dont il me reçoit en retour.

- Je le sais fort bien ; néanmoins, nul besoin d'être capitaine pour posséder une réputation qui puisse avoir la fâcheuse tendance de nous précéder. N'est-il pas ?

Je bois une nouvelle gorgée de thé, sans jamais le quitter du regard. Il possède une aura étrange, sur laquelle je ne saurais guère poser de mots.

- Je n'irai guère pas quatre chemins, Monsieur de Cassagnac ; les ouï-dires à votre propos sont fort intrigants. Suffisamment pour me procurer l'envie de m'intéresser à vous.

Le pirate hausse un sourcil légèrement interrogateur

- Intriguants ? demande-t-il alors curieux.

Il boit doucement à son verre de vin. Une boisson rare parmi les pirates... mais c'est un trinitaire d'origine ce qui peut expliquer ces goûts aisément. Il est intérieurement étonné, sa réputation est celle d'une fine lame pas vraiment commode. Il n'a pas souvenir d'être intriguant, mais les femmes ont parfois des idées étranges.

Il me semble discerner un léger mouvement de la part de l'homme. Aurais-je éveillé son intérêt ?

- Parfaitement, Monsieur. Intrigants.

Je souris toujours ; cela participe follement à mon charme, et je le sais tout à fait. Nul besoin de grands discours éloquents lorsque l'on sait charmer. Quoi que je ne sois nullement déficitaire quant à l'éloquence.

- Nous ne nous connaissons guère, cependant, sachez que je me considère comme une femme de goût. J'apprécie les hommes de valeurs. Comprenez, ceux qui se démarquent d'une quelconque façon ; ceux qui sortent du commun. Votre réputation vous classe parmi ceux-là.

La flamme au coeur de mon regard s'intensifie.

- D'aucun prétendent que nul ne vous égale en combat.

La capitaine est une femme séduisante et elle sait se servir de sa beauté pour en faire du charme. Sans doute que la plupart des hommes se laissent prendre au jeu. Il n'est pas de ce genre là. Les femmes sont importantes mais il ne mélange que rarement les affaires et le travail. C'est un homme de discipline mentale. On n'atteint pas les sommets qu'il côtoie en étant une personne fantasque.

- Exagération rétorque l'homme en regardant le thé de la belle avec ... étonnement quand même.

Etrangement, le peu de conversation de cet homme ne me refroidit pas ; au contraire, il m'intrigue. Les hommes qui me résistent et qui demeurent ainsi fermés sont suffisamment peu nombreux pour ne jamais pouvoir passer inaperçus à mes yeux. Quelque fois, il me semble percevoir une émotion ou une autre au sein du regard étrange et dur d'Enguerrand. Je suis certaine qu'il recèle plus de talent et de savoir faire que l'armée de l'Impérium toute entière. Et s'il s'agit là d'une exagération non dissimulée, je demeure persuadée que je ne m'éloigne guère de la réalité.

- Il existe toujours une part d'exagération au coeur des on-dit. Cela ne fait nullement de la vérité une part négligeable. Si vous avez obtenu telle réputation, j'imagine fort bien que votre talent marque aisément les esprits.

Je bois une nouvelle gorgée de thé, savourant le liquide chaud et la présence incongrue face à moi avec une certaine jouissance.

- Quant à moi, je ne suis guère femme à ignorer tels murmures.

L'espace d'un instant fugace, je laisse mon regard observer son visage avec plus de profondeur. On ne peut nullement dire qu'il est un bel homme. Néanmoins, il possède une aura qui ne me laisse guère indifférente.

- Mais dites-moi ; à quel heureux hasard dois-je notre rencontre au sein de cette taverne si singulière ?

C'est qu'elle parle bien en plus... n'est pas capitaine du Némésis qui veut d'un autre côté. Enfin c'est toujours intéressant de converser avec les capitaines. En général il montre leur caractère d'une façon où d'une autre assez rapidement. Sauf les spécialistes du mensonge.. il y en a qui aime s'infiltrer n'importe où et se faire passer pour un peu n'importe qui.

- Je cherche un travail. dit-il de sa voix glaciale.

Il n'est pas là pour enfiler des perles c'est sur. Il boit quand même une gorgée de son vin d'une manière digne d'un connaisseur. Il prend son temps et profite de l'alcool qui coule doucement le long de sa gorge.

Voilà que les évènements prennent une tournure tout à fait intéressante. Le Némésis n'est pas particulièrement à la recherche de nouveaux effectifs, néanmoins, pouvoir s'offrir les services d'un tel homme durant une période où nous enchaînons les prises sur les vaisseaux de tous horizons nous assurent une tranquillité supplémentaire. Je crois les bras sous ma poitrine, un intérêt nouveau dans le regard.

- Vous m'en direz tant. Quels sont vos critères et les services que vous proposez ?

Je ne cherche nullement à dissimuler que je pourrais être intéressée. Il est vrai que je possède la plus grande difficulté à croire au hasard. Si nos chemins se croisent enfin, après tout ce temps, peut-être est-ce là un signe qu'il me serait outrageusement honteux d'ignorer ?

Droit au but. il aime ça.

- Je monte à l'abordage. Je protège le capitaine à l'abordage comme à terre. explique le combattant. Pour ça je prend une demi-part d'officier.

Pour les affaires il faut parfois parler pour être clair... d'ailleurs en parlant de ça.

- Et on me donne un statut d'officier. J'aime pas qu'on me cherche des noises parce qu'on se croit supérieur, donc autant éviter que je répande un de vos officiers. ajoute Enguerrand.

Il était tombé sur trop de gars qui pensait se servir de lui comme d'un simple outil. Pas de bol il n'est pas très facile à manier et surtout dramatiquement plus fort que n'importe quel officier. Lui ne pense qu'à une chose. Devenir un meilleur combattant. Le reste c'est de la littérature.

Cet homme m'intéresse réellement. Je dois reconnaître que les services proposés ne me laissent guère indifférente. Quant au prix, il me paraît tout à fait raisonnable au regard de ce qu'il offre en échange. Il faut bien avouer que je ne suis pas la plus avare des femmes.

- Sachez, Monsieur de Cassagnac que je possède la main leste quant aux butins récoltés par le Némésis. Tout comme je sais punir la déloyauté, je récompense mes hommes à la hauteur de ce qu'ils méritent ; les primes et les avantages distribués à bord de mon vaisseau ne sont ni les plus rares ni les plus bas de l'univers.

Je termine ma tasse de thé. A bord du Némésis, j'accueille les hommes tels qu'ils sont, et je laisse à leur talent parfois sous-estimé l'occasion de s'exprimer librement.

- Quant à mon équipage, il sait se montrer respectueux ; je veille personnellement à ce que tous soient en mesure d'accueillir le talent et les capacités de chacun sans a priori et sans jugement. Cela fait partie des mots d'ordre du Némésis.

Mes yeux le fixent toujours intensément.

- Néanmoins, dites-moi. Vous protégez la capitaine... Seriez-vous prêt à également protéger sa fille ?

La fille .. c'est une autre histoire. Déjà en cas d'échec il va avoir des sérieux problèmes, ensuite les capitaines réputés sont parvenus à survivre et donc il y a des chances pour qu'ils ne fassent pas n'importe quoi avec leur équipage. Mais une fille à maman ça peut rapidement se prendre pour une diva et donner envie à Enguerrand de la cogner. Sauf que la capitaine en face de lui a pas du tout l'air du genre en accord avec ce genre de pratique.

- dépend de la pisseuse. qu'il lâche finalement.

Si elle a un caractère de merde c'est sur que ça le fera pas.

Mon sourire ne faillit en rien. Néanmoins, le terme qu'il emploie pour désigner ma fille me fait intérieurement grimacer. J'ose espérer qu'il saura la traiter avec respect, s'il venait à rejoindre nos rangs.

- Ma fille, est la future capitaine du Némésis. Elle me seconde officieusement ; elle n'a rien d'une enfant. Néanmoins, je serai fortement rassurée si un homme tel que vous gardait un oeil sur elle, notamment lors de nos prises. Elle sait se débrouiller avec une arme, mais n'est encore qu'apprentie.

Jillian se débrouille bien. Elle sera une grande capitaine, personne n'est en mesure d'en douter. Néanmoins, je ne prendrai nullement le risque de la lâcher en pleine nature alors qu'elle est encore si jeune et fragile.

- Eh bien, qu'en pensez-vous ?

C'est déjà mieux. Il aurait pas supporté une gamine. Mais ça reste un boulot dangereux et potentiellement prise de tête. Le Némésis est réputé pour accueillir un tas de gens très éclectique et pas toujours des plus stables pour certains d'entre eux.

Il tire sur son cigare pour prendre le temps de la réflexion. Elle dit bien payer par contre et il est fauché comme les blés. Son fric part sur un compte bloqué qu'il ne pourra ouvrir que lorsqu'il atteindra un seuil fatidique... seuil qui lui permettra de payer son prochain cyberware. Pendant ce temps là un sous est un sous.

- je réfléchis mieux avec du vin dit-il en espérant se faire payer un verre au moins.

Il est évident qu'il ne roule pas sur l'or, ses vêtements sont propres mais usés tout comme ses cyberwares qui mériteraient un ravalement de facade. On dirait que les mains en sont à leur 4e propriétaires ce qui est peu probable pour le coup.

L'homme ne parle que peu, cependant, il sait y faire, et il est certain qu'il n'est pas le dernier des négociateurs. Je souris toujours, sûre de moi et fière. Sans doute est-ce en partie mon esprit de collectionneuse qui me donne tant envie d'avoir Enguerrand de Cassagnac à mon bord. Il est également évident que savoir ma fille protégée par un homme tel que lui apaiserait grandement mes inquiétudes à son propos. Cela n'est nullement négligeable.

- Naturellement.

Je lève élégamment une main sans le quitter des yeux, et immédiatement, un serveur accourt.

- Nous prendrons une bouteille de votre meilleur vin, ainsi qu'une nouvelle tasse de votre succulent thé.

L'homme s'incline et disparait rapidement.

- J'ose espérer que cela suffira à nourrir votre réflexion.

Visiblement elle ne boit pas puisqu'elle recommande du thé. Une bouteille rien que pour lui. C'est trop... d'un autre coté il pourra la mettre en réserve vu qu'il ne boira pas tout. Ensuite le problème c'est combien de temps serait-il prêt à travailler pour cette femme à bord de son navire ?

La serveuse apporte la commande et s'il ne l'ignore pas son regard reste froid lorsqu'il prend la bouteille. Il se contente d'un signe de tête sans plus. Il prend le temps de rincer son verre avec de l'eau et se serre finalement un verre de l'excellent vin. Il hume, remue et finalement goute. Excellent. Diantre que ça le change des vins qu'il se paie habituellement. C'est vraiment une bonne bouteille.

- Combien de temps ? demande le pirate un peu étrange dans ce domaine.

Il n'a pas rejoint d'équipage de manière permanente depuis quelques années. Visiblement il ne souhaite ou ne parvient pas à faire son trou.

Je l'observe toujours avec la même attention. Si je suis connue pour être une redoutable capitaine, exigeante et imprévisible, je possède tout de même des principes qui occupent une large place au coeur de ma vie.

- Le temps est tout à fait relatif au coeur de l'espace. Sachez, Monsieur de Cassagnac, que puisque je prône la liberté, je n'ai guère dans mes habitudes de retenir quiconque au sein du Némésis contre sa volonté - mises à part quelques prisonniers de guerre lorsqu'il doit y en avoir.

Je prends à nouveau ma tasse entre mes mains, et boit une longue gorgée du liquide chaud sans quitter l'homme des yeux.

- Ainsi, une période de quatre à six mois me paraît judicieuse, afin que les affaires du Némésis se calme quelque peu et que ma fille ait le temps d'apprendre davantage quant aux techniques de défenses. Pour le reste, vous n'êtes nullement obligé de vous y tenir, que vous ayez envie d'y rester plus ou moins longtemps. Je n'ai en réalité qu'une exigence ; quelle que soit la durée de votre présence à notre bord, je demanderai au moins quinze jours de préavis avant votre départ. Histoire que nous puissions nous organiser en ce sens.

Les conditions ne sont pas étonnantes mais montrent à quel point la fille en question est importante. Il ne sait pas encore. Il y a d'autres capitaines et d'autres équipages auxquels il s’intéresse. Mais a-t-il vraiment le temps de faire la tournée des autres capitaines. Sans doute. Il n'a jamais été un homme empressé. La patience est une des clés de la survie.

- je retiens votre offre. J'ai d'autres capitaines à rencontrer. dit-il finalement avec franchise.

Il ne ment que rarement. Pour deux raisons. D'abord il n'est pas doué pour ça. Ensuite il n'a que rarement de bonne raison pour vouloir le faire.

Je conserve mon sourire ; j'éprouve un apaisement certain. Quel que soit le choix de cet homme, une place de choix l'attend à bord du Némésis. S'il décide de joindre un autre navire, cela ne dépendra pas de ma volonté, et Enguerrand de Cassagnac n'en demeurera pas moins un combattant hors pair dont il conviendra de garder la progression à l'oeil.

- Fort bien. Vous disposez de tout le temps dont vous nécessitez. Mon offre n'est nullement limitée dans le temps. Il n'est jamais délicat de me trouver lorsque l'on me cherche réellement.

J'apprécie également sa franchise. L'honnêteté est une valeur que je prône avec fierté, et si je possède des secrets, le mensonge n'est nullement une part de mon quotidien.

Enguerrand trouve que cette femme à la réputation sulfureuse est somme toute très raisonnable au prime abord s'entend. Sûr qu'elle mérite une réflexion quand à sa proposition. Alors il le note dans un coin de sa tête. Pourquoi pas essayer un équipage un peu à part. Avec un peu de chance il ne sera pas obligé d'encaster une majorité de l'équipage dans un mur. Juste quelques irréductibles. Il y en a toujours. Triste.

- je retiens votre proposition. Elle me paraît sérieuse. dit-il

Clairement la proposition est à mettre en relation avec la personne qui l'a fait. Donc si elle lit entre les lignes il lui accorde le fait qu'elle est suffisamment bonne capitaine pour ce qu'il a juger dans leur conversation et sans doute sa réputation pour qu'il considère la choses. Il n'est pas réputé se faire convaincre facilement de monter à bord. Bien entendu ce n'est qu'un homme doué avec des épées et aucun capitaine ne fait des pieds et des mains comme cela arrive parfois pour un bon navigateur, un stratège ou un mystique.