Who is it that can tell me who I am?

La journée était belle aujourd’hui, sur Vanguard. Théodore appréciait beaucoup l’endroit, qui était très fonctionnel dans son apparence. Enfin, il disait qu’il appréciait. L’ordre des choses étant, l’évêque n’avait que peu d’intérêt dans l’architecture, mais il était nécessaire de faire bonne impression. C’était généralement ce qu’il disait sur la majorité des astroports qu’il visitait, cherchant à mettre ses interlocuteurs à l’aise. Néanmoins, c’était l’un des endroits qu’il visitait le plus, y possédant une propriété depuis près de 10 ans déjà. Le pied à terre que cela lui fournissait permettait de conduire ses affaires diplomatiques ou professionnelles sans vivre dans une valise, ce qui lui déplaisait au plus haut point. Dormir dans un hôtel était quelque chose de très insatisfaisant pour un obsédé du contrôle comme lui.

Il n’était pas sur Vanguard pour des affaires cependant cette fois. Comme à de nombreuses reprises au fil des années, il était ici pour rencontrer une dame. Les années n’avaient pas vraiment changé les habitudes du bien mauvais prêtre. Celle qu’il rencontrait était une Compagnon, cette guilde de prostitués de luxe, comme les aurait appelé la plèbe et la propagande de la Trinité. Évidemment, il était l’un des contributeurs à cette propagande, mais Théodore ne voyait pas d’inconvénients à cette contradiction, car il était bien au fait de la raison pour laquelle il faisait vivre ce discours. Laylia Mercé était la seule Compagnon qu’il avait engagé et celle qu’il revoyait continuellement pour deux raisons bien précises. La première était que cette femme d’une beauté éblouissante était d’une intelligence rare et qu’il appréciait sa conversation et sa compagnie, autant que Théodore pouvait apprécier quelqu’un honnêtement. La deuxième raison était plus près du centre de l’homme au cœur voilé : Les Compagnons, Laylia plus que d’autres, étaient particulièrement aptes à sentir les faussetés dans le langage. Ils en vivaient après tout, un peu comme lui. Passer la journée et quelque fois la nuit avec Laylia était l’un des meilleurs entraînements auquel il pouvait se soumettre pour continuer à affûter son rôle et sa capacité à convaincre les gens de son image.

C’était donc elle qu’il attendait devant sa propriété, vêtu plus sobrement qu’à son habitude, un doublet bleu royal avec des pantalons noirs, son épée battant sur sa cuisse. L’air sûr de lui, l’épée ne faisait pas du tout étranger sur sa personne, semblant faire corps avec lui. Il vit apparaître le petit transport de la guilde et plaça son sourire sur son visage avec expertise. La voilà.

Laylia a connu Théodore La Valette en 97 ADD. À cette époque, la jeune mère vivait une période financière difficile et en conséquence s'obligeait à prendre beaucoup de clients, surtout ceux près à payer cher. Malheureusement pour elle, la plupart de ces clients aux poches pleines, mais donc aucun de ses collègues ne voulaient s'étaient révélés difficiles, exigeants et même violents. Cette période fut très difficile pour la brune, mais par soucie pour le bien-être et l'avenir de sa fille, elle avait accepté les diverses maltraitances quelques années sans jamais en parlé à personne, sinon en rapportant les noms des plus violents sur la liste noire de la Guilde.

Théodore avait été l'un de ses rares clients de l'époque à ne pas la faire souffrir d'une manière ou d'une autre. Cultivé et respectueux, il lui avait fait retrouver le travail qu'elle aimait. C'est pour cette raison qu'après avoir arrêté de s'imposer des clients difficiles, Laylia était restée en contact avec lui, et ce malgré le fait qu'elle n'accepte normalement pas de clients trinitaires.

La luxueuse demeure secondaire du trinitaire apparaît d'ailleurs bientôt dans le champ de vision de la brune alors qu'elle tourne un coin de rue. Pour l'occasion et au vu de la chaleur estivale, Laylia a revêtu une simple robe de dentelle blanche et relevée ses cheveux en un chignon lâche retenue par une broche ornée d'une plume de paon. Son sourire s'élargit lorsqu'elle aperçoit Théodore.

"Je ne vous ai pas fait attendre, j'espère?"

Laierai était égale à elle-même. Vêtue innocemment dans une robe d'été blanche, elle avait l'air charmante. Pour quelqu'un d'autre, cela aurait sûrement trop, mais pour le trinitaire, l'absence d'émotions réelles l'isolait suffisamment pour ne pas baver. Mais même lui devait reconnaître qu'elle était d'une beauté remarquable. Il continua de lui sourire quand elle s'approcha et lui répondit immédiatement après qu'elle lui posa sa question.

-Bien sûr que non, vous êtes toujours à l'heure, très chère. J'étais simplement impatient de vous voir.

Il s'approcha d'elle avec un seul pas, prenant sa main dans la sienne, approchant son visage du sien. C'était l'un des premiers tests avec la Compagnon. Présenter un visage sincère dans son appréciation de la femme, c'était un défi certain avec une personne aussi perceptive et sur ses gardes que Laylia. Elle avait développé cette tendance gardée dans les dernières années et cela avait surpris le trinitaire, mais il avait également apprécié le défi que cela lui posait. Il passa très près de ses lèvres et déposa un léger baiser sur sa joue gauche.

-C'est une belle journée, n'est-ce pas ? J'ai une belle surprise pour vous.

Il avait planifié une belle journée qui lui permettrait d'avoir toute la pratique qu'il voudrait.

Un sourire radieux illumine le visage de Laylia aux paroles de Théodore. Ce dernier est particulièrement difficile à lire, même pour elle qui est douée pour décrypter les émotions des autres. Il a toujours représenté un défi pour elle. Il la déconcerte donc souvent, et cela lui fait généralement prendre une position de prudence avec lui, mais outre cette étrange impression qu'il lui donne parfois, il reste charmant. Elle n'a d'autre que cette étrange sensation à lui reprocher, aussi elle garde ses suspicions pour elle. Laylia se dit qu'elle s'en fait probablement pour rien, qu'il ne s'agit que d'un réflexe développé au cours de ses années auprès de clients difficiles. Le fait qu'elle ait rencontré Théo à cette époque ne peut qu'expliquer encore davantage pourquoi elle l'associe à cette impression et son besoin de prudence. Aussi, elle tente le plus possible de refouler ceux-ci, ce qu'elle fait alors qu'il s'approche pour lui faire la bise.

"C'est un plaisir de vous revoir également, notre dernière rencontre remonte malheureusement à quelques moins déjà. Je suis heureuse que nous ayons pu trouver ce moment dans nos horaires chargés."

Elle lui sourit de nouveau, complice et charmeuse. À son annonce, la brune hausse un sourcil avec un agréable étonnement.

"Oh vraiment? De quoi s'agit-il?"

Déjà, il sentait la garde tranquille de Laylia se lever devant lui. C'était quelque chose de subtil, ça devait l'être. Après tout, une Compagnon ne pouvait avoir l'air restreinte et gardé devant ses clients. Il était vrai que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Laylia, mais pourtant elle n'avait pas changé beaucoup. Elle voyageait souvent, comme lui, ce qui faisait que même s'il possédait une propriété sur Vanguard, très près du Collège, il n'avait que rarement l'occasion de la voir. Elle démontre immédiatement de l'intérêt pour la surprise, jouant déjà de son charme sur lui. Il fait mine d'y céder pendant un instant.

-Vous verrez c'est...tout simplement...ah non, vous ne m'aurez pas très chère. Je ne vous gâcherai pas la surprise !

Il sourit et lui tendit son bras.

-Nous devrons cependant user de nos jambes pour s'y rendre. On pourra rattraper nos derniers mois en marchant.

Le charme peut être utilisé des deux sens, même s'il savait que le sien serait autant inefficace sur sa précieuse compagne.

La brune rit doucement à la taquinerie de Théodore tout en prenant son bras. La patience est un art particulièrement important dans la culture des Compagnons, et si elle est curieuse de découvrir ce qu'il lui réserve comme surprise, elle sait attendre sans problème.

"Excellente idée. Qui plus est, la journée est idéale pour une promenade.

En effet, les rayons du soleil sont chauds et agréables sur la peau et l'air frais en provenance de la végétation de la jungle entourant Vanguard est particulièrement bon. Aussi, Laylia laisse son client la guider alors qu'elle promène son regard sur le paysage alentour et l'architecture des grandes villas du quartier huppé de la ville.

"Alors, Théodore, à quoi avez vous occupez votre temps dernièrement? Je reçois malheureusement peu de nouvelles trinitaires, mais j'ouvre toujours l’œil pour votre nom ou des nouvelles de vos projets, notamment l’hôpital. Les médias en disent encore beaucoup de bien, d'ailleurs."

Laylia était vraiment une maitre dans son art. On aurait vraiment pu croire qu’elle appreciait tout ce que ces clients lui amenaient. Il sourit, maître du paraître autant qu’elle. Il se met à marcher en direction du parc avec Laylia à son bras, les deux formant une paire très agréable à regarder. Le parc qu’il avait choisi était son parc de quartier, une création artificielle de végétation complètement hors du climat qui entourait Vanguard. La terraformation était très avancée pour les gens les plus riches après tout. De multiples gens se baladent dans les rues, tous bien habillés, les seules ayant l’air plus discrets étant les employés de la communauté. Il continua de sourire, écoutant la jolie femme à son bras.

-À quoi j’occupe mon temps ? Vous savez très cher, j’ai été plutôt occupé ! L’hôpital fonctionne bien, en effet. J’ai réussi à trouver quelques nouvelles fondations qui aident au financement pour garder nos prix bas. Les soins ne devraient pas être refusés aux pauvres sous prétexte de manque d’argent. J’ai du le laisser pendant quelques semaines par exemple, j’avais un voyage diplomatique demandé par le gouverneur sur Espoir pour l’administration de la zone neutre. J’ai eu une discussion très interesssnte avec un serveur là bas et j’ai fait commencer un projet pilote sur les réhabilitations des chocs traumatiques et sur le re-greffage de tissus. Vous savez comment il est dur de travailler avec certaines injonctions contre les prothèses mécaniques.

Des nouvelles ? En voilà

Laylia écoute attentivement ce que lui raconte Théodore, souriant à certains moments clés de ses nouvelles et hochant la tête avec approbation à d'autres. Son client est définitivement un homme occupé.

"Votre humanisme est particulièrement inspirant, mon cher. Vos programmes pour venir en aide médicalement à ceux dans le besoin me rendent fière de vous connaitre, vraiment."

Elle lui sourit doucement, effectuant en même temps une petite pression de la main contre son bras qu'elle tient toujours.

"Je connais très peu le domaine médical des transplantations de tissus, malheureusement, mais cela semble particulièrement intéressant. Peut-être aimeriez-vous m'instruire à ce sujet?"

Curieuse de nature et aimant apprendre de nouvelles choses, le sujet l'intéresse vraiment. Néanmoins, son principal objectif ici n'est pas pour elle-même, mais bien pour son client. Le faire parler de ce qu'il fait et s'y intéresser, le mettre en valeur lui comme ses connaissances et ses idées... ce sont toutes des stratégies de conversation qu'elle a appris au Conservatoire de la Guilde et qui est maintenant partie intégrante d'elle-même. Elle n'a même plus à y songer pour les mettre en pratique.

"Dans votre projet, il s'agit d'améliorer les greffes cybernétiques? Ou bien celles de tissus vivants sur un corps étranger?"