Shinies

Tu vois, Kal'? me souffle ma conscience tandis qu'"Amy" ponctue sa tirade contre les Inquisiteurs par un clin d'oeil au serveur, dans un verre ou deux tu lui ressembleras.

C'est décidé, je ne touche pas à ma seconde bière avant d'avoir mangé quelque chose. Sinon, je risque de dire ce que je pense de la manière dont cette femme me "invadersplain" les rouages de l'esclavage en dorado. A moi, qui ai vécu aux premières loges de cette infamie!
Menacé votre famille? je m'entends rétorquer. Moi, ils ont exterminé la mienne. Je suis la dernière survivante connue de mon clan.

C'est en croisant le regard de Catherine que je réalise à quel point je me suis montrée puérile en participant à ce "concours de malheurs". Quand j'étais adolescente, je balançais mon passé à la figure des extra-doradiens que je rendais coupable de la tragédie qui a frappé mon clan. Mam' a bien eu du mal à me faire comprendre qu'il était injuste de me comporter ainsi envers les citoyens corpos ou impériaux de base, puisqu'ils n'ont aucun moyen de lutter contre ce que les trinitaires font subir aux miens!
Si elle me voyait, en train de régresser après une demi chope de bière un peu forte...

Je tousse et tente une diversion:
Mais parlons d'autre chose! Nous sommes à l'abri de ces gens ici, après tout. Euh...donc Amy, vous êtes une amie de Catherine depuis longtemps?
Mon sandwich et mes cookies arrivent. Enfin!

La proposition d'Aimée fit sourire Catherine. Malgré leur discussion sur la liberté, la capitaine n'était définitivement pas une trinitaire bien sage.

« C'est très gentil à vous, » répondit-elle donc.

Elle n'était pas certaine qu'Aimée soit meilleure qu'Aldric ou Idayo au combat mais elle n'eut pas le temps de développer le sujet qu'il fut de nouveau question d'orchidectomie… et d'esclavagistes. Évidemment, elle démarra au quart de tour… avant de réaliser qu'elle aurait peut-être mieux fait de se taire. Un an plus tôt, jamais elle ne se serait permis d'exprimer son opinion et ce n'était pas parce qu'elle était en terrain neutre, avec deux personnes qui semblaient dignes de confiance, qu'elle devait jeter sa prudence aux naris. Néanmoins, elle n'eut pas le temps de regretter sa réplique qu'Aimée se confiait.

Spontanément, Cathy posa sa main sur celle de la capitaine.

« Oh, Aimée… »

Pourtant, la capitaine ne semblait pas si désolée que ça, puisqu'elle refaisait du gringue au serveur. L'infirmière se sentit rougir, gênée de la situation, puis les mots de Kha'laän ajoutèrent la culpabilité à son malaise.

« Je suis désolée… » murmura-t-elle à la mo'at.

Son père et son frère étaient des esclavagistes. Aldric avait dû travailler pour eux. Ce n'était pas ce qu'elle avait pu faire pour aider les esclaves avec Ainsley qui pouvait compenser tout ça… Pas plus qu'aucune de ses paroles.

« Nous nous sommes rencontrées il y a six mois. Ou peut-être un peu plus ? Aimée m'a aidée à sortir d'une situation gênante... »

Il fallait bien avouer, Aimée ne suivait plus vraiment ce qui se passait tout d'un coup. Elle perdait pied, et elle n'aimait pas ça du tout. Évidement, elle savait qu'elle ne pouvait s'en prendre q'à elle même et décida donc dans un instant de lucidité de se ressaisir... Enfin, autant que le permettait son état, et une mo'at avait perdu tout son clan. C'était une mo'at, mais c'était horrible, une honte, une absurdité... Contraire aux lois de la trinité. Ceux qui avait fait ça était sans nul doute des hérétiques.

-Ceux qui ont fait ça mérite d'être punis, si vous voulez vous vengez appelez moi.

Hum, elle avait promis quoi au juste là ? Et si on lui demandez d'attaquer des inquisiteurs... Elle ferait quoi ? Sûrement qu'elle feindrait de ne plus se souvenir de la soirée ou... Bref, elle aviserait. C'est qu'alors qu'elle sentit la main sur son épaule en disant son nom... ça faisait longtemps que ça lui était pas arriver. Elle sentit de la honte ? De la colère ? Du soulagement ? Peut être un peu tout ça à la fois. Oui, elle se souvenait de ce jour là, son seul regret c'était de pas avoir péter les jambes aux deux abrutis... Cependant, au lieu de s'emporter elle dit :

-Les rues sont plus très sûr de nos jours. Heureusement que c'était des petites frappes, même pas eut besoin de se battre.

Aimée sourit intérieurement à l'idée qu'au moins ils avaient dû avoir la honte de leur vie.

Désolée? Pourquoi, c'est toi qui les as tués?

Voilà ce que je répondais, adolescente, aux gens qui me répondaient "je suis désolé.e" lorsqu'ils apprenaient ma condition d'orpheline. Je ne dirai rien de tel à Catherine, même si sa remarque me donne l'impression d'avoir croqué dans une baie d'ukeu te liva. Elle a simplement voulu me montrer de la compassion. Je hoche la tête pour lui signifier que c'est pas grave et avale une seconde bouchée de mon sandwich.

En revanche, je n'arrive pas à contenir un éclat de rire à la proposition d'Amy. Mais bien entendu, très chère! Je ferai appel à vous pour expulser la Trinité de Mo'tanui, vous pensez y arriver seule aidée de l'alcool dans vos veines ou souhaitez-vous que je vous prête l'atikaya Impérial que j'ai soigné récemment? Et si vous accomplissiez ce prodige, nul doute que cela ressuciterai maman, papa, Hay'na ainsi que tous ceux que je n'ai pas pu connaître.

Merci, mais c'est inutile, dis-je en essuyant la miette de pain que j'ai crachée sur ma main en riant. Ma vengeance, c'est de vivre libre.

L'effet placebo est décidément merveilleux. Aucune chance que mes trois gorgées de sandwich aient déjà épongé ma bière. Et pourtant je me sens déjà mieux.

Je vis à Hope, et si les rues sont plutôt sures nous avons notre lot de "petites frappes" comme vous dites. Heureusement, on m'a donné des leçons de boxe!
Merci Steve, merci Vako, où que vous soyiez...

La compassion et la culpabilité se mélangeaient dans l’esprit de Catherine. Elle n’en aurait pas voulu à Kha’laän si elle l’avait envoyée se faire cuire un œuf sur Hell. Elle n’avait peut-être pas participé à l’extermination de son clan mais elle en avait profité indirectement, même si l’idée lui tordait les entrailles : la richesse des Pontillac, donc le confort matériel des dix-huit premières années de sa vie, reposait en bonne partie sur l’esclavage des mo’ats.

Mais la vétérinaire se contentait de hocher la tête comme si ça n’avait pas d’importance… Et Aimée… parlait soudain de vengeance ? Cathy lui jeta un regard surpris. Elle ne songeait pas vraiment à s’opposer seule et frontalement à la Trinité, n’est-ce pas ? Lui mettre des bâtons dans les roues, comme faisaient les pirates, était bien plus réaliste. Même si c’était peu.

Heureusement, Kha’laän changeait de sujet et Cathy sourit à la mention des leçons de boxe. Celles d’Aldric et Idayo étaient plus tranchantes mais leur finalité était similaire.

« J’étais incapable de me défendre avant. Je me débrouille un peu mieux à présent et c’est aussi bien parce qu’il y a des rues bien moins sûres que celles d’Espoir. »

Elle n’était pas certaine de ne pas perdre tous ses moyens face à un homme ivre mais bon.

« Vous vivez à Espoir depuis longtemps ? » continua-t-elle pour rester sur un registre léger.

La mercenaire ressentis un étrange mélange d'énervement et de soulagement au refus de la mo'at. Bien sûr, elle ne dit rien car elle savait que c'était mieux ainsi. Pourtant elle dû réfréner violemment un "avec de tel propos, pas étonnant qu'on vous ai réduit si facilement en esclavage" qui aurait sans nul doute et définitivement plombé l'ambiance de la soirée. Puis la justification de la vétérinaire  était stupide et puait la couardise. La liberté allait elle lui rendre sa famille? Elle répondit donc un basique:

-Vous avez refait votre vie, les animaux que vous soignez sont en fait un peu comme une famille pour vous. Je me trompe?

évidement que non, chaque personne trouve une famille là où il peut.


Incitée par la mo'at Aimée se rendit compte qu'elle avait faim, elle commanda alors à une serveuse qui passait par là un verre d'eau et une salade.

-Je suis ravi de vous entendre dire ça Catherine. dit Aimée en entendant parler sa protégée des progrès qu'elle avait fait pour apprendre à se défendre.

Amy paraît décidément maussade. Je ne comprends pas ses réactions. Elle me propose de l'aide pour une vengeance tout en me regardant de travers. Son air me rappelle celui de Jess la dernière fois qu'un pensionnaire a été atteint de parvovirose de Valenos...

Pas tout à fait. Les animaux que je soigne ne sont pas ma famille. Ils ont leurs familles à eux. Mon clan, pour l'instant, c'est juste moi. Et mon chien. Et ma mère adoptive. Ouais, je peux bien la compter comme une mo'at honoraire!
Voilà pourquoi je ne bois pas souvent. Primo, je ne tiens pas l'alcool, et secundo, quand je suis ivre, je raconte ma vie. Certes, je n'ai rien dit de bien compromettant. Mais cette Amy ne me dit rien qui vaille. Et j'ai peut-être fait trop vite confiance à Catherine. "Espoir"? Je ne connais qu'une catégorie de gens qui appelle Hope de cette manière.

Je vis à Hope, pas à Espoir. Espoir, c'est le secteur de la ville où je ne vais jamais. Trop rempli de...

Tu as dit ça tout haut, Kal'! Fais attention, tu es au CRUST! Un terrain neutre où les bagarres sont interdites. Ne va pas provoquer des disputes idiotes.

...gens dangereux. Vous êtes les premières personnes Corporatistes que j'entends appeler Hope de cette manière! Ceci dit, j'en ai déjà entendu dire "Esperanza" parce qu'ils trouvaient ça plus joli...

Espérons que cela soit suffisant pour éclaircir la situation...

Pour Catherine, sa famille, c’était Aldric. Les Pontillac n’en faisait pas partie, même si elle aurait pu éventuellement y accepter Douce et Placide. Quant à Ainsley et sa mère… ce salopard d’Unique les avaient repris toutes les deux, et l’infirmière ne pouvait penser à elle sans un pincement au cœur – et une bouffée de haine envers le responsable. Mais perdre tout son clan… Elle n’osait imaginer la détresse de Kha’laän et avait du mal à croire qu’elle n’ait pas envie de se venger des responsables. Mais c’était son choix après tout.

Comme c’avait été son choix à elle – et à Aldric – de quitter la Trinité. Même si elle gardait son accent et sa façon de parler…

Cathy sourit à Aimée qui disait être heureuse de ses progrès… avant de rougir lorsque la vétérinaire tiqua sur le nom qu’elle donnait à la ville neutre. Des gens dangereux, hein ? Sans blague. Elle se mordilla une seconde la lèvre, tout à la fois consciente qu’elle ne pouvait pas renier ses origines – pas devant Aimée en tout cas –, désolée de mettre la mo’at mal à l’aise et consternée à l’idée que celle-ci allait sans doute écourter la conversation dès qu’elle saurait.

« Nous ne sommes pas corporatistes, avoua-t-elle donc à contrecœur. Je suis née à Port-Salem, mais mon mari et moi avons quitté la Trinité pour travailler sur un vaisseau neutre. »

Aimée se faisait traiter de corporatistes maintenant? Était elle donc une hérétique à ce point là? Voilà donc l’impression qu'elle donnait au monde maintenant? Avant même d'attendre le verre d'eau, elle se resservit un verre de bière et commença à le boire. Les paroles de Catherine l'aidèrent étrangement.

"Nous ne sommes pas corporatiste". Le "nous", lui remonta le moral. Et un petit sourire de soulagement se pointa sur le visage d'Aimée. Les paroles que dirent Aimée la surprirent elle même, surement les prononçaient elles sous le coup de l'alcool.

-Je suis neutre aussi...

Elle même n'avait pas encore vu les choses ainsi. C'était certes une neutralité forcée, on l'avait obligé à devenir neutre. Le plus important c'était son vaisseau a présent, et sa famille. Pas la trinité. Elle ne put toutefois, s'empêcher de rajouter.

-Je ne vois pas comment j'ai pu vous faire penser à une corporatiste? toutefois c'est vrai qu'on ne ressemble plus vraiment à des trinitaires habillés comme ça et à parler d'orchidectomie. Soyez franche.

Dit Aimée  perdue dans ses pensées. Pourquoi essayer d'être sympas avec cette mo'at? Pour Cathy? Parce qu'elle avait besoin de se détacher de ces problèmes habituels? A cause de l'alcool? Besoin de soutient même avec des quasi inconnues? Oh et puis, il fallait qu'elle arrête d'y penser.

Port-Salem.

Ce lieu avait certainement un nom avant leur arrivée. Mais ils n'en ont rien eu à faire. C'est leur spécialité, aux Trinitaires: marquer les lieux, les plantes, les animaux et les gens jusque dans leur identité. Et les deux femmes avec qui je buvais tranquillement un verre sont issues de ce peuple là. Je sens mon estomac s'effacer, devenir imperceptible comme il le fait souvent avant de se vider de son contenu. Le fameux réflexe de fuite commun à de nombreuses espèces: on déleste le corps du contenu de ses entrailles pour faciliter la fuite.

Mais je ne veux pas fuir. Je suis au CRUST. Elles ne peuvent rien me faire. Le veulent-elles seulement? Catherine semblait sincère quand elle me témoignait sa compassion.

Je respire profondément, combattant la panique en me concentrant sur ma respiration et sur les faits. Catherine a quitté la Trinité avec son mari qui ne semble pas dans les parages. Leur fichue Eglise n'enverrait pas des femmes seules dans un lieu comme celui-ci. Je pense qu'elle dit vrai. Amy, en revanche, est suspecte...

Eh bien, deux femmes Trinitaires sans escorte masculine dans un tel lieu me semble impossible, dis-je en soutenant le regard d'Amy. Quant à vos prénoms, ils peuvent être Trinitaires ou Corporatistes mais ne sonnent pas très Impériaux et encore moins Mo'at. Ma déduction s'est donc portée sur l'UC, par simple élimination.

Ma nausée passe avec ma respiration contrôlée. Pourvu que rien ne tourne au vinaigre...

Il n’était pas difficile de deviner les émotions de Kha’laän. Elle ne pâlissait pas, ne reculait pas… mais elle respirait fort soudain. Et, même sans ça, Catherine n’avait aucun mal à imaginer ce qu’elle pouvait éprouver. Elle n’avait sans doute jamais vécu la moitié du quart des horreurs subies par la vétérinaire – ou n’importe quel esclave mo’at – mais, même si elle préférait se couper la langue que de l’avouer, elle crevait de trouille à l’idée de devoir un jour faire face à un Inquisiteur.

Elle aurait voulu poser sa main sur celle de la mo’at pour la rassurer mais craignait que son geste soit plus anxiogène qu’autre chose. Et la réponse d’Aimée détourna son attention. Neutre aussi ? L’infirmière jeta un coup d’œil surpris à la capitaine avant de réprimer un léger sourire. Lors de leur rencontre, Aimée regrettait de ne pas pouvoir être neutre mais semblait avoir du mal à se détacher des valeurs trinitaires et à reconnaître qu’elle cherchait, elle aussi, la liberté. Visiblement, elle avait fait du chemin depuis. Enfin… pas encore la totalité, vue sa question.

Mais Kha’läan ne se laissait pas décontenancer, et Cathy lui sourit franchement cette fois.

« Ça se tient. La vérité, c’est qu’on ne choisit pas notre peuple de naissance. On peut juste essayer de profiter des opportunités qui se présentent… comme de rejoindre un vaisseau neutre ou de profiter d’une pause au CRUST. »

Et voilà qu'elles se retrouvaient avec une mo'at paniquée à gérer. Visiblement, pour cette mo'at les trinitaires étaient comme de grands méchants loups. Que c'était ridicule. Remarque, il valait mieux ça plutôt qu'ils deviennent des pirates. Il n'empêchait qu'il fallait la calmée avant qu'elles se fassent virer ou attirent l'attention. Cathy avait commencé le travail, mais vu comme la vétérinaire fixée la mercenaire... C'était elle le soucis. Pas le choix, il fallait essayer de rassurer... Comment faire? Elle pensa soudain à ses petits frères et sœurs. Comment leur aurait elle parlé?

- Vous avez raison, votre raisonnement est tout à fait logique. Cependant, il existe juste beaucoup de possibilités souvent insoupçonnées. Puis, nous sommes en Dorado ne l'oubliez pas.

Elle avait l'intuition que cela ne suffirait pas... Elle continua donc.

-Kha..Laneuh, dit Aimée en mâchonnant le prénom à cause du manque d'habitude et de l'alcool. Si cela peut vous rassurez, je n'ai aucun intérêt à vous faire du mal... Puis je n'aime pas non plus les esclavagistes. Je le promet sur l'u..Ce que j'ai de cher.

Aimée regarda la vétérinaire dans les yeux pour bien montrer que c'était la vérité.

On ne choisit pas son peuple de naissance. Mais je n'en aurais pas choisi d'autre. Avec le mien, j'ai eu Calypso, Mo'tanui et ses merveilles, et des frères et soeurs qui, même si leur nombre diminue à cause des envahisseurs, seront toujours plus unis que les corporations et les fanatiques.

Je suis contente de n'avoir pas rembarré Catherine, tout à l'heure. J'avais raison à son sujet: elle ne peut pas être une "bonne" trinitaire, elle sait réfléchir. Et dans la Trinité, on ne réfléchit pas: on prie et on massacre.

Amy est toujours aussi étrange. Elle a bu, c'est évident. J'ai bu, moi aussi. Mais son alcoolémie a une avance considérable sur la mienne. Et, à parler d'opportunités insoupçonnées en Dorado, ne viendrait-elle pas à demi-mot de me suggérer de partir chez les pirates?

Je grince des dents en l'entendant écorcher mon prénom comme rarement on l'a fait. Heureusement que je ne buvais pas ma bière, parce que j'aurais tout recraché en retenant mon éclat de rire. Mais la voilà qui manque de promettre sur l'Unique, et je me sens rire à nouveau. Si ce qui se passe était une scène de série HCom, je me poserais des questions sur l'état mental des scénaristes.

Et je craque. Je me retrouve prise d'un fou rire, du genre de ceux qui vous troublent la vue avec des larmes et vous donnent l'impression de ne plus pouvoir respirer.

Désolée! j'arrive à bredouiller. C'est...Calypso toute puissante, je suis vraiment désolée!

Catherine hocha la tête quand Aimée prit la parole. Les propos de la capitaine étaient sensés. Cathy ne connaissait pas autre chose que Dorado, mais elle pouvait facilement imaginer qu’il lui aurait été bien plus difficile de quitter la Trinité ailleurs dans la galaxie. Il ne devait pas y avoir beaucoup de pirates dans un système entièrement gouverné par ces fanatiques et, sans la proximité des autres factions, jamais Aldric et elle n’auraient pu avoir la chance de se faire engager sur un vaisseau neutre même légal.

Mais le sourire de l’infirmière se fana quand Aimée écorcha le nom de Kha’läan – elle-même ne prononçait pas parfaitement les noms mo’ats mais elle faisait des efforts – avant de… de quoi ? tenter de rassurer la vétérinaire en manquant de jurer sur l’Unique ?

Consternée – et après, on se demandait pourquoi elle détestait l’alcool ? – Catherine cherchait désespérément quelque chose à dire quand Kha’läan éclata de rire. Avec un vrai fou rire bien nerveux. Cette fois, Cathy n’hésita pas et posa sa main sur celle de la mo’at, avant de lui tapoter gentiment le dos, en attendant qu’elle se calme.

« Y a pas de mal. »

Elle sortit les cookies qu’elle avait commandés – elle en achèterait d’autres pour Aldric – et héla le serveur pour commander une carafe d’eau et trois verres. Kha’läan allait avoir besoin de reprendre son souffle et il y avait assez d’alcool comme ça.

La mercenaire fit la moue, garder contenance était dur, surtout après que la pimbêche est prononcée le nom de Calypso pour se faire pardonner. Soyez gentil avec les animaux qu'on lui avait dit. Elle faisait tout pour être sympas et voilà ce qu'il se passait. Puis Catherine, dit qu'il n'y avait pas de mal. Aimée soupira, la mercenaire savait au fond que cela pouvait très bien se transformer en guerre de position assez violente pour le  Crust. Aimée n'avait aucune envie de se faire remarquer elle venait régulièrement ici après tout. Cela l'empêcha donc de faire toutes remarques désobligeantes. Elle attendit patiemment que Catherine sorte les cookies et les distribuent. ce qu'elle prit pour un cadeau diplomatique. La jeune femme devait avoir qu'une peur c'était que les choses dérapent. Elle lâcha juste un:

-Ne vous inquiétez pas.

Puis prenant l'initiative de Catherine à cœur, elle demanda aussi au serveur du chocolat chaud et un cake.

-c'est très bon avec du chocolat? Vous en voulez?

Elle demanda aussi de ramener le pichet de bière à moitié plein. Il fallait se concentrer maintenant.

Afin de remettre mes poumons et mon diaphragme dans le droit chemin après ce fou rire, je respire profondément le regard baissé. Si je regarde devant moi, je risque de croiser le regard d'Amy et de recommencer à rire.

Catherine n'en a pas pris ombrage, c'est déjà ça. Ma crise de rire était assez injurieuse pour justifier que toutes deux me laissent en plan.
Encore désolée, je bredouille en osant enfin relever les yeux. C'est nerveux. La dernière fois que ça m'est arrivé, c'est quand ce type avait prévenu qu'il amènerait un atikaya au refuge, que nous avions tout mis en place pour sécuriser son arrivée en urgence et qu'il est arrivé avec un kihitui!

Je pouffe un peu à l'évocation de ce souvenir. Le petit animal avait passé la nuit dans l'immense box faite pour l'atikaya avant de devenir la mascotte du refuge jusqu'à son adoption par une noble Impériale prétentieuse.

Du chocolat? Excellent idée! Allez, c'est ma tournée, pour me faire pardonner ma crise de rire.
J'indique au serveur que les chocolats seront sur ma note, et je demande un supplément de piment en poudre pour le mien.
D'ailleurs, je pense que mon maquillage vous a déjà vengées en coulant sur mon visage, pas vrai?
Pas besoin de miroir pour m'en assurer. Une larme a emporté du mascara sur ma cornée gauche et je vois trouble d'un oeil.

Le « Ne vous inquiétez pas » de la capitaine rasséréna Catherine qui décida qu’il était destiné à la mo’at et signifiait qu’Aimée ne prendrait pas ombrage du fou rire. Ce qui aurait été un comble puisqu’elle n’avait pas vraiment aidé à l’éviter…

« Pas besoin de vous excuser, répondit donc l’infirmière, quand Kha’läan eut repris son souffle. On a souvent des réactions étranges en cas de stress. »

Oui, c’était une façon de reconnaître que la mo’at avait toutes les raisons de ne pas être tranquille en découvrant les origines trinitaires de ses deux interlocutrices. Même si elle haïssait sa faction de naissance et détestait y être rattachée de quelque manière que ce soit, comment Cathy aurait-elle pu lui en vouloir ?

Elle poussa quelques cookies vers Kha’läan et quelques autres vers Aimée, avant d’en porter un à sa bouche, puis de retrouver son sourire lorsque la mercenaire commanda du cake et du chocolat – et fit remporter la bière.

« Avec plaisir, merci, » lui répondit-elle en tournant son sourire vers la vétérinaire qui proposait de les leur offrir.

Lorsque le serveur apporta les commandes, elle versa un peu d’eau sur une serviette en papier et la tendit à la vétérinaire afin qu’elle puisse essuyer son maquillage.

« Pour moi, il n’y a rien à pardonner. On a toutes des sujets qui nous mettent mal à l’aise. Autant les éviter… déclara-t-elle. Vous voyez beaucoup d’animaux dangereux ? »

-Les réactions étranges en cas de stress se contrôlent mieux quand vous savez déjà quoi faire, cela nécessite évidement de la préparation et de l'expérience. Nul doute que la prochaine fois que vous serez dans une situation comme celle ci ou similaire vous saurez mieux gérer.

Les mots étaient sortis tout seul, c'était la cheffe qui se voulait rassurante qui avait parlé face à une recrue inexpérimentée mais pleine de bonne volonté. Elle se demandait pourquoi elle l'avait sorti en ce moment, Mme mo'at n'avait pas l'air très coopérative avec elle. Toutefois, la mo'at lui avait offert un présent diplomatique sous forme de chocolat. Il aurait été mal venu dans une situation pareille de continuer sur une mauvaise lancée qui n'avait a priori plus de raisons d'être. L'instinct de la mercenaire lui disait cependant de se méfier, ça pouvait n'être que le calme avant la tempête.

-Merci pour le chocolat en tout cas.

Catherine  avait l'air d'être vraiment quelqu'un de prévenant et La mercenaire ne pouvait s'empêcher d'admirer ce trait de la personnalité de sa nouvelle amie.  Aimée écoutait d'une oreille discrète les deux commères, tout en se servant et buvant un verre d'eau. Elle ne s'y connaissait pas beaucoup en matière d'animaux, c'était peut-être un tord, mais elle avait d'autres priorités.

En utilisant la caméra de mon HCom comme miroir, je constate que les dégâts sur mon visage ne son pas catastrophiques. Et la serviette tendue par Catherine les répare en un rien de temps.

De rien, je réponds à Amy. Mais ne vous trompez pas de tasse quand elles arriveront, la mienne risque de vous blesser l'estomac.

Parmi les extra-doradiens, les Trinitaires sont les moins tolérants au piment.

Ici en Dorado, on en voit beaucoup! J'ai vu passer quelques atikayas, des ni'its et de nombreux naä'ngis, dont celui de la propriétaire des lieux! Malheureusement, ils ne sont pas toujours bien traités. Je ne compte plus les vawm'ngäs battus ni les naä'ngis malades de n'avoir pas la place de se retourner là où ils vivent.

Je sens que je m'emporte encore. Je me force à desserrer mes poings qui se sont fermés par habitude.

Trop de gens font confiance à ceux qui pillent la faune de Mo'tanui. Ils achètent des animaux dont ils ne parviennent à prendre soin, et je répare les dégâts de mon mieux.
Voilà! Restons simplement factuelle.
Heureusement les trafiquants sont traqués par les armées. J'ai d'ailleurs eu en pension un atikaya recueilli par un charmant officier de l'Imperium, qui l'a certainement sauvé de bien des mauvais traitements!
Et finissons sur une note positive...oh non, j'ai dit "charmant"! Je voulais juste souligner sa bonne éducation, et maintenant elles vont croire que je lui faisais de l'oeil! Pourvu qu'elles ne relèvent rien...

Aimée semblait décider à combattre les effets de l’alcool – du moins remplaçait-elle la bière par du chocolat – et Kha’läan reprenait contenance, si bien que Cathy se détendit. Elle était reconnaissante à la capitaine de l’aide qu’elle lui avait apportée à Espoir et elle était contente de l’avoir croisée au CRUST mais la vétérinaire lui était sympathique ; elle n’avait aucune envie de se retrouver au milieu d’un conflit entre les deux femmes.

Tout en écoutant la réponse de la mo’at, Catherine entreprit de couper le cake apporté par le serveur. Ça faisait presqu’un an qu’elle avait rejoint L’Iceberg mais certaines de ses anciennes habitudes refaisaient parfois surface. S’occuper les mains libérait l’esprit et lui évitait de parler à tort et à travers. La vétérinaire évoquait les mauvais traitements subis par les animaux, mais ses mots auraient pu s’appliquer aux esclaves de Port-Salem. Mais il était hors de question de faire le parallèle à voix haute.

« Vous devez vous sentir impuissante, parfois, » commenta simplement l’infirmière.

Kha’läan réparait les dégâts de son mieux. Comme Ainsley et elle avaient tenté de le faire. Mais c’était rarement suffisant.

« Je ne savais pas que les militaires luttaient contre le trafic d’animaux, avoua-t-elle ensuite – ce n’était certainement pas les FAS qui feraient ça… mais Kha’läan ne recevait sans doute pas de trinitaire dans son refuge. Ça vous ait arrivé aussi, Aimée ? »

La Mme Mo’at se moquait très visiblement d’elle et elles n’avaient même pas encore eu le temps de se reposer. Aimée sentait que c’était une personne plus perfide qu’il n’y paraissait et qu’il fallait s’en méfier.

-Vous éveillez néanmoins ma curiosité avec vos paroles, me laisserez-vous goûter?

Dit Aimée sur le ton d’une conversation anodine. Puis ce fut Catherine qui embraya en lui demandant si elle s'était déjà sentie impuissante ? Drôle de question pour faire en sorte qu'elle ne se sente pas exclue de la conversation. Catherine essayait-elle de rapprocher tout le monde ? Peut être que c'était une de ses personnes pleine de bonne intention mais naïve.

-De beaucoup trop nombreuses fois. Répondit Aimée avec une colère contenue dans la voix.

Elle pensait à tous ceux qu’elle avait dû tuer sans faire exprès alors qu’elle voulait les soigner et puis à … Percival.

-Le pire c'est de savoir qu'on aurait pu faire mieux, mais on ne sait pas comment.

Heureusement qu'elle n'avait plus la bière en fasse des yeux, sinon elle aurait se serait resservit sans hésiter une seule seconde. C'est cependant cela qui lui fit prendre conscience que la question porter sur les trafiques d'animaux, ça avait dû arriver, les avait elles vraiment aider? N'avait elle pas simplement favoriser une autre branche de braconnier ou préserver les intérêts de la trinité?

-Je ne sais pas si j'ai vraiment aider les animaux, mais on a lutté. Avoua Aimée.