Son sang sur tes mains. [Jez]

Ses mains se posent sur ton visage et tu la regardes avec détresse. Tu sais que pour elle, ce n'est rien. Qu'elle a l'habitude de valser avec la mort. Mais...

Pas toi. Pas du tout toi.

- Je... J'ai tué des gens.

Que tu souffles pitoyablement.

- J... j'avais... jamais.

Et tes larmes continuent de couler. Tu continues de trembler comme une feuille. Comme si ta détresse était trop grande pour ton corps, qu'il peinait à la contenir.

Je ne lâche nullement son visage, et mes pouces viennent sécher les larmes qui y coulent et qui semblent être intarissables.

- Vous agez agi tel que vous le deviez pour survivre, Ren'anwë. Tout le monde meurt un jour. Ils ont choisi cette fin-ci. Si vous ne l'aviez point effectué, vous seriez morte à cet instant.

Je la guide jusqu'au sofa, et nous nous asseyons dessus toutes les deux.

- Ôter la vie à être vivant peut être difficile, il est vrai. Cependant, souvenez-vous de la conversation que nous avons eu lors de notre dernière rencontre. Ce genre d'acte-ci est une part intégrante de nos vies. Une part que nous ne pouvons nier éternellement.

Elle essuie tes larmes, mais elles ne cessent de couler sur tes joues, rougissant tes grands yeux. Ses mots sont réconfortants, c'est ceux dont tu as besoin, tu le sais.

Mais les larmes continues a couler, tu continues de trembler.

T'as peut-être juste besoin de ce moment de laisser aller avant de reprendre ton calme, mais pour le moment, tout ça te choque. Et ça te met mal. Tu peux difficilement te faire des reproches devant quelqu'un qui a tué beaucoup de gens. Tu pourrais difficilement te faire des reproches devant qui que ce soit que tu connaisses parce qu'a un moment ou l'autre, ils ont tous tué. Parce qu'ils le feront tous un jour. Que le monde dans lequel tu vis est fait comme ça et que même toi, tu peux pas l'éviter éternellement.

- Je... J'me souviens, m'dame. J'v.... vais m'r... reprendre.

Et tu voudrais vraiment. Mais juste là, t'arrives pas encore.

Elle semble sincère dans ses propos. Je la lâche et je me lève.

- Attendez-moi un instant.

Je me dirige vers la cuisine, et je tente de me rappeler de l'endroit où Thaddeus avait trouvé les verres lorsque j'y étais venue avec lui. Je ne tarde guère à m'en souvenir, mais ce n'est qu'au bout de la troisième tentative que je tombe sur des verres suffisamment satisfaisants pour être utilisés. J'en profite pour explorer le reste de la cuisine. S'il ne semble rien y avoir de comestible, il y a plusieurs bouteilles qui ont pris la poussière, mais qui pourraient bien se révéler utiles prochainement. Je nettoie rapidement le verre avant de le remplir d'eau et de l'apporter à la jeune fille.

- Tenez. Je vais aller vous faire couler un bain. Vous pourrez vous débarrasser du sang sur vous, et sur vos vêtements. Après cela, nous aurons une discussion plus sérieuse sur les implications de vos actes et sur ce que vous ressentez. Peut-être vous raconterai-je la première fois que j'ai eu à tué un homme, si cela vous intéresse. Est-ce que tout cela vous convient ?

Tu hoches doucement la tête à ses mots, la regarde s'éloigner de toi sans bouger du divan. Tu essais d'essuyer tes propres joues, mais t'arrête net en remarquant le sang sur tes mains. Tes mains qui n'en tremblent que davantage alors que tu prends une profonde inspiration. Jezabel revient avec un verre d'eau que tu acceptes avec un petit remerciement avant d'en prendre une longue gorgée en l'écoutant.

Oui. Ça te va. Tout ça te va. T'hoches doucement la tête pour le lui signifier, à défaut de parvenir a parler calmement.

- Bien.

Je ne suis guère une gardienne pour les enfants, et j'ai plus que conscience de ma mauvaise habitude qui consiste à materner trop aisément les jeunes gens dont l'âge se rapproche de celui de mes enfants. Le cas de Ren'anwë est particulier, puisqu'en plus de cela, je sais que ma jeune sœur a un attachement tout particulier à elle. Cela deviendrait certainement problématique si elle se mettait à me sous-estimer. Cependant, je ne suis point certaine que cela soit d'actualité. Alors je chemine jusqu'à la salle de bain, et fait couler un bain. Il n'est nullement aisément de trouver des produits réconfortants, qui sentent suffisamment bon pour étouffer l'odeur de la mort. Et lorsqu'il ne me reste plus qu'à attendre, je retourne auprès de la jeune fille.

- Le bain devrait être prêt d'ici quelques minutes. Je vous laisse le temps de vous y prélasser. Nous ne sommes nullement pressées, aussi, prenez le temps qu'il vous faudra. Nous ne pouvons décemment point sortir en dehors de cette maison avant quelques heures au bas mot.

Quand Jezabel revient, tu as cessé de pleuré, mais si tu restes pâle, les yeux rougies. Tu la regardes, puis inspires et te lèves lentement, laissant le pistolet là.

- D'accord... J'vais... y aller. Merci, Madame.

Tu te passes la main dans les cheveux, rejoins la salle de bain en posant ton verre près de l'évier, fermant l'eau quand c'est assez remplit avant de retirer lentement tes vêtements et de te glisser dans l'eau chaude et odorante. T'as pas souvent l'occasion de prendre un bain et ça te fais soupirer de satisfaction magré tout. Tu prends le temps de te laver, de chasser le sang sous tes ongles, préférant toutefois ne pas mouiller tes cheveux.

Tu laisses le temps à l'eau de délasser tes muscles, yeux clos, même si ta tête tourne à cent milles à l'heure. T'as tué des gens. Tu vas devoir vivre avec ça. L'accepter.

Accepter aussi que tu devras peut-être le refaire. Que c'est même infiniment probable.

Lorsqu'elle disparaît dans la salle de bain, je ne perds guère de temps. Je fais le tour de la maison une nouvelle fois, sécurisant aussi bien le lieu qu'il m'est possible de le faire. Je ne suis guère une professionnelle en cela, cependant, j'ai longtemps appris comment me protéger. Il y a des gestes basiques que je ne saurais oublier, et qui m'ont plus d'une fois sauvé la vie. Je prends également le temps de nettoyer les lames souillées. Elles sont de bonnes qualités, quoi qu'elles soient bien moins belles que les miennes.

Je m'autorise à glisser un nouveau regard en direction de l'extérieur, à travers les volets au bois pourri. Je ne peux que me demander ce qui est arrivé au propriétaire de ces lieux, pour qu'il abandonne ainsi sa si jolie maison. Cela me rend inconfortable, mais je chasse bien vite mes sensations pour me concentrer uniquement sur l'instant présent. J'envoie également un message à mes hommes pour leur résumer la situation, et leur ordonner de ne point agir de manière idiote. Il me semble que la situation ne pourrait être pire que s'ils venaient à commettre des actes irréfléchis.

Après un moment, tu finis par sortir du bain, te sécher et remettre les vêtements qui sont propres. Heureusement, t'as l'habitude d'enfiler plusieurs couches, si bien que t'arrives a t'habiller correctement.

C'est beaucoup moins facile de récupérer le reste, taché de sang, mais tu fais au mieux, grimaçant parce qu'il reste des tâches sombres, mais moins... marquante. Au moins, tes vêtements étaient sombre de base, mais t'arriveras a rien de mieux pour le moment avec ce que tu as.

Tu te regardes un moment dans la glace... Range rapidement la salle de bain, puis rejoins doucement Jezabel.

Il me semble que je perds la notion du temps ; il me semble avoir été bien court alors que la jeune fille revient déjà vers moi. Elle semble légèrement moins abattue que lorsque nous nous sommes quittées. Je dois bien avouer que je ne suis pas certaine d'être la personne la mieux qualifiée en ce monde afin de remonter un moral brisé par la mort. J'ai été brisée par la mort de mes proches ; jamais par celle que je distribue de ma main. A l'inverse, j'ai toujours attribué à la mort une beauté sordide et sensuelle, qui m'attire inexorablement et que je semble vouloir revoir autant que faire se peut. Tuer n'a jamais été un problème pour moi. J'aime ôter la vie. J'aime le sang qui coule, j'aime la peur dans les regards, la douleur dans les cris. J'aime l'odeur et la puissance. J'aime la sensation que cela me procure.

Peu avant qu'elle ne revienne, je nous ai tout de même fait des boissons chaudes, qui fument désormais sur la table basse. Je suis assise dans un fauteuil, et un second lui fait presque face. Je l'indique à Ren'anwë d'un mouvement de la main.

- Asseyez-vous. Comment vous sentez-vous ?

Tu viens t'asseoir devant elle, baisse les yeux sur les boissons chaudes avant de les lever vers Jezabel.

- Je... Me sens... J'sais pas, en fait.

Tu... Te sens dans un état second. T'hésites, tends doucement les doigts vers la tasse.

- Vous permettez ?

Qu'elle ignore comment elle se sent est certainement une réalité bien plus convenable que d'autres. Elle pourrait certainement être à terre, à rendre tous ses repas sans plus cesser de trembler. Au moins est-elle capable de se tenir debout devant moi, et cela me semble déjà être un commencement acceptable.

- Cela va de soi. Elle est pour vous.

Je lui laisse le temps dont elle nécessite afin de prendre place et de s'ouvrir à moi, si elle le désire. Je ne suis point fine psychologue, et si je puis me vanter de mes qualités en commandement ainsi qu'en persuasion, je ne prétends nullement disposer d'une excellente empathie.

Tu t'installes un peu mieux, récupères la tasse pour souffler doucement avant de prendre une petite gorgée.

Et... Par Calypso, ça te fait juste tellement du bien. Presque plus que le bain. Tu te laisses absorber un moment par ta tasse, le regard fixe... Avant de finalement regarder la femme devant toi.

- Je... J'aime pas... C'que j'ai fais.

Tu frissonnes, déglutis.

- Mais... J'aurais pas voulu... qu'ils m'attrapent... que tu souffles doucement.

J'ai toujours su considérer le fait de tuer autrui comme un art : la beauté qui se dégage d'un tel acte a une saveur douce-amer que j'affectionne tout particulièrement. Il est compliqué pour moi d'envisager que l'on puisse détester cela ; cependant, je conserve à l'esprit qu'il faut de tout afin de créer un monde.

- L'important ici n'est nullement l'amour porté dans votre geste. Vous n'aviez guère que des options particulièrement limitées, me semble-t-il. Je dirais même que vous n'aviez point l'embarras du choix.

Je l'observe un moment, balayant mes paroles d'un geste de la main.

- Eh bien, en réalité, nous avons toujours le choix. Cependant, donner votre vie ou votre liberté pour sauver celles de criminels qui osent s'en prendre à des jeunes filles, ne me semble nullement être le meilleur des choix possibles.

Ta vie et ta liberté pour sauver un... Était-ce un criminel ? Pour la Trinité, non, assurément. Mais à tes yeux... Un homme qui s'enrichissait en dépouillant d'autres de leur liberté était tout bonnement de la pire engeance.

Ils t'avaient capturé et vendu alors que tu étais si jeune, te traitant comme une marchandise, comme si tu n'avais rien d'humain.

Et là dans cette ruelle, quand tu avais fais face à la possibilité d'être a nouveau enchaîné, de perdre à nouveau ta liberté... Tu n'avais pas pu... Ne rien faire. C'était impossible.

- Jamais... Jamais. Je ne veux être à nouveau esclave.

Tu t'es exprimé lentement, détachant tes mots. Ton regard revient vers Jezabel.

- J'aurais... aimé avoir une autre option... Mais... J'ai pas trouvé et j'avais vraiment... vraiment l'impression que j'devais réagir tout de suite, sans attendre...

- Il y a de ces situations qui ne souffrent point que l'on attende de trouver une meilleure option. Cela se produit fort régulièrement lorsque l'on possède un poste à responsabilité ; vous-même avez dû réaliser plus d'une fois qu'il faut parfois agir rapidement si l'on veut parvenir à ses fins - dans le cadre de votre futur métier, j'entends.

Je défroisse mon pantalon d'un geste ample de la main.

- Ces hommes-ci n'hésitent jamais à tuer, voler ou violer. Nombre de leurs victimes ne possédaient nullement les capacités nécessaires pour lutter contre eux. Vous devriez être fière de vous ; voilà quelques temps, nous parlions de la faiblesse que vous ressentiez au plus profond de vous, de cette soit-disant incapacité à vous défendre seule. Vous avez prouvé aujourd'hui que vous êtes capable de le faire lorsque cela est nécessaire. Cela ne signifie nullement que vous allez devoir tuer à tour de bras ; cela signifie en revanche que vous n'avez plus guère à craindre d'être un poids pour vos proches.

Si tu devais retenir quelque chose de ce que Jezabel te dis, ça serait que tu as démontré que tu n'étais plus nécessairement un poids pour tes proches. Et ça, ça a une valeur monstre à tes yeux.

Tu prends une gorgée de café, hésites un instant.

- Je... J'me sens pas fière... Mais j'suis... Peut-être soulagé, dans un sens ?

Tu joues un peu distraitement dans une de tes mèches, te mâchonnant la lèvre...

- Peut-être que ça ferait du sens... après tout ça, d'apprendre vraiment à me servir... d'un pistolet...

Parce que tu as l'impression d'avoir été... très chanceuse.

- Voilà un sentiment auquel vous pourriez peut-être vous accrocher : le soulagement d'une tension que vous conserviez en vous certainement depuis un certain temps.

Je pris moi-même le temps de boire de longues gorgées du breuvage foncé, appréciant l'amertume qui, pour une fois, envahit ma bouche et non pas mon cœur. Le cheminement de pensées et d'actions de Ren'anwë Tie'Kluü ne m'appartenait en rien, et sûrement n'en aurais-je eu que faire si elle n'avait nullement su réveiller l'instinct maternel bien ancré en moi - certainement était-ce ce qu'il y avait de meilleur en moi. Sans cela, jamais je n'aurais souffert de perdre mon temps de la sorte. Cependant, je ne voyais point ce moment comme une perte de temps - mais comme un moment qu'une mère pourrait avoir partagé avec son enfant.

- Je ne suis, hélas, guère la meilleure personne en ce qui concerne le maniement d'armes à distance. Ma mère les avait en horreur, et je crains n'avoir hérité de ce dégoût profond. Cependant, je reconnais que l'entraînement physique devrait être bien plus accessible et aisé qu'il ne l'est pour le maniement des lames.

Une tension que tu conservais... Celle de te sentir... Comme un poids. Une faiblesse à défendre pour les autres, au risque de se blesser ou pire dans l'action. Est-ce que tu pouvais toi-même tuer pour ce soulagement ? Ça semblait horrible. Tuer. C'est pourtant ce que tu avais fait aujourd'hui. Deux fois. Et si là, maintenant, quelqu'un débarquait ici pour vous faire du mal, le ferais-tu encore ?

C'était désagréable, mais la réponse était oui.

Tu pouvais tuer pour ta liberté, tuer pour éviter aux autres de risquer leur peau pour toi... Tuer pour sauver les tiens ?

Oui. Sans y réfléchir vraiment. Tu le ferais.

Tu inspires lentement... Te recentre sur le discours de Jezabel et le dégoût qu'elle et sa mère entretiennent pour les armes à feu. Tu n'aimes pas l'idée d'utiliser un moyen qui la dégoûte, mais c'est certainement ta meilleure carte. Au moins un début sur ce chemin difficile que tu te décides lentement à prendre et à assumer.

- Je comprend. Je trouverai quelqu'un sur l'Albatros, j'en doute pas.

Tu passes une main dans tes cheveux avant de prendre une autre gorgée lentement.

- Je... Je pense que j'aime vraiment pas les ports trinitaires.

Que tu souffles avant d'avoir un petit rire nerveux. Définitivement pas.

Je souris à l'entente de son ultime phrase. Je ne puis que la comprendre ; moi aussi, j'haïs les ports trinitaires, à la hauteur du dégoût que je porte à leurs représentants. Il est rare que l'on me voit errer sans but dans un lieu comme celui-ci, bien trop peu distingué pour la Femme que je suis.

- Je ne les porte nullement dans mon cœur, moi non plus. Ils possèdent tous cette odeur aigre de larmes et d'injustice ; cette odeur de fierté masculine rance et putride, qui pourrait tout aussi bien provenir des égouts. Je les évite autant que faire se peut, lorsque mes obligations professionnelles ou maternelles n'exigent point que je m'y rende en personne. Il est rare que quoi que ce soit de bon n'en ressorte.

A mesure que je m'exprime sur le sujet, le dégoût fait apparaître un rictus qui tord mon visage. Parmi toutes les factions présentes dans notre univers et ailleurs, la trinité est celle qui m'horripile le plus. Les raisons sont, par ailleurs, bien trop nombreuses pour être toutes énumérées.

- Prendre le risque de se pavaner en de tels lieux n'apportent, bien souvent, que des malheurs. Pour nous ou... Pour eux.

Mon rictus de haine ne s'est point dissipé ; pourtant, dans mon regard, une lueur sauvage brûle désormais.

Tout comme toi, ça fait un moment que t'as compris que la Capitaine du Némésis était bien loin de porter dans son cœur les trinitaires. Toutefois, ce n'en est que plus évident au fur et à mesure qu'elle parle, que son visage aborde ce rictus qui la fait paraître encore plus dangereuse. Tu l'écoutes avec attention, prenant quelques lentes gorgées de ta boisson.

- J'comprend. J'ai... Vraiment eu de la chance que vous soyez là, aujourd'hui, peu importe ce qui vous emmenait.

Tu prends une autre gorgée... Grimace.

- Ma... Ma Capitaine va être bien en rogne. Contre les trinitaires, aussi.

Tu te souviens sans mal de sa réaction quand tu t'avais fait agresser par deux hommes et cette femme à Hope. C'est... Presque mieux que tu ais toi-même réglé le sort de ces hommes.

J'hoche la tête, approuvant ses paroles d'un air grave.

- Ma jeune sœur s'implique toujours lorsqu'il s'agit du bien-être de son équipage - d'autant plus pour les plus jeunes de ses membres. Il est certain qu'elle sera mécontente ; il s'agit-là de la manière dont son inquiétude se manifeste.

Je n'entrerai guère davantage dans les détails. Je sais comment est ma sœur ; je sais qu'elle a terriblement souffert durant son enfance, et que son impuissance face à la haine comme sa douleur sont aujourd'hui devenues une rage profonde et une froideur qu'elle affiche dès lors qu'elle se sent menacer. Je sais également qu'elle est une excellente capitaine, et que si je n'approuve nullement tous ses choix ni toutes ses méthodes, il ne me revient nullement le droit de faire quelque commentaire que ce soit à ce sujet - et par-dessus tout devant l'une des membres de son équipage.

- Il m'apparaît qu'elle sera soulagée que vous appreniez à vous défendre par vous-même. Il est vrai que vous avez eu de la chance ; cependant, ce sera point toujours vrai. Le monde dans lequel nous vivons est cruel, et possède son lot d'atrocité. Il en est ainsi, aussi faut-il composer avec.

Oui. Hannabeth s'implique beaucoup et tu n'oublies pas ses mots. Qu'elle ne laissera jamais personne te faire du mal sans devoir en répondre à elle aussi longtemps que tu seras de l'équipage. Et tu chéries ça, en quelque sorte. Mais t'as ce besoin vital de pouvoir parfois aller la voir et lui dire qu'elle n'a pas besoin de rien quoi que ce soit. Parce que tu t'es pas laissé faire. Parce que tu t'es défendu et qu'on ne peut plus s'en prendre à toi aussi facilement qu'avant.

T'as besoin qu'elle puisse avoir confiance en toi quand tu sors, quand tu t'absentes. Qu'elle n'ait pas à s'inquiéter de l'état dans lequel tu vas revenir. Et toi aussi... T'as besoin d'avoir confiance en toi. T'as besoin de te prouver que tu peux, que t'es pas sans défense, que tu peux sortir sans crainte parce que tu sais te défendre.

T'as besoin, toi aussi, de pouvoir défendre les autres s'ils sont en difficulté. De ne pas te contenter de figer et paniquer. De ne pas savoir quoi faire. De te dégoûter par ton incapacité à faire quoi que ce soit pour tirer quelqu'un hors du danger.

Tu soupires doucement. Prends une autre gorgée de café alors que ton regard se fait de plus en plus ferme et motivé. Que ta volonté prend le dessus sur le reste.

- Oui. J'dois pas attendre qu'la chance cesse de me sourire. J'dois prendre les devants.

Tu voudrais déjà rentrer et trouver quelqu'un qui puisse t'apprendre.

Je bois une gorgée de mon thé, laissant à Ren'anwë l'entière possibilité de prendre conscience du poids de mes mots. Je sais qu'ils la touchent particulièrement, et pour une raison qui m'échappe en partie, je sais qu'elle écoute les paroles que je lui offre - serait-ce parce que je suis la sœur aînée de sa capitaine ? Ou peut-être serait-ce à cause de ma réputation ou de mon charisme ? Quoi qu'il en soit cela ne pourra lui être que bénéfique ; tout le monde ne possède point la chance unique d'accéder à la haute expérience d'une grande Capitaine pirate de renom telle que moi. Aussi, lorsqu'elle m'affirme qu'elle doit prendre les devants, j'hoche la tête avec satisfaction.

- Bien. Je suis tout à fait satisfaite d'apprendre que vous êtes capable d'écouter les conseils qui vous sont offerts. J'ai très tôt su me protéger des trinitaires et de la plupart des ennemis de notre cause ; pour autant, je songe que nous ne sommes réellement à l'abri que tant que nous n'oublions jamais que nous ne pouvons l'être. Nous pouvons être aussi bien formée que nous le souhaitons, aussi bien préparées que nous le pouvons : mais jamais nous ne serons entièrement protégées contre ceux qui désirerons nous nuire. C'est ainsi, et cela doit devenir votre Cause, comme elle est mienne ; ce qui vous embrase et vous anime ; ce qui vous offrira toujours la motivation de presser la détente si votre vie est menacée.

Elle approuve ce que tu dis et quelque part... Tu apprécies qu'elle valide tes objectifs. Tu sais que t'as un grand nom de la piraterie devant toi, qu'elle a bien plus d'expérience que toi et si elle te valide, ça te rassure dans tes décisions, alors même que tu sais que se sont les bonnes. C'est juste... Ça t'encourage dans la voie que tu te choisis avec de plus en plus d'assurance.

Tu l'écoutes avec soin, hoches lentement la tête à ses mots.

- Oui... Je comprends. Je... voudrais trouver la motivation de presser la détente... pour les gens à qui je tiens...

T'as beau te dire que tu pourrais le faire, tu ne peux prévoir ta réaction sur le moment sans jamais l'avoir vécu auparavant. T'espères juste que si tu t'y retrouves confronté, tu sauras réagir dûment.

J'hausse les épaules d'un air presque nonchalant, mais toujours avec la même classe innée qui m'habite. Je comprends fort bien ce qu'elle peut ressentir - quoi que je n'aurais jamais eu la moindre hésitation à presser quelque détente que ce soit si cela avait pu sauver l'une des personnes chères à mon cœur hélas parties trop tôt.

- Oh croyez-moi ; s'il vous est possible de sauver l'un des êtres qui vous sont chers, alors même qu'ils encourent un grand danger, vous ne ressentirez point l'ombre d'une hésitation. Tout se produit infiniment trop rapidement pour que vous puissiez vous le permettre, et l'adrénaline procurer par l'urgence de la situation est suffisamment vive pour vous animer.