Prendre ses responsabilités

La naine est couchée. A l'abri. Dans l'Albatros, avec Ren et les Flint et les p'tits trucs fragiles qu'auraient jamais dû voir des horreurs pareilles et des mastodontes pleins d'dents pour les protéger. Neyäti est flippante quand elle s'y met, sérieux. J'ai prévenu qu'j'ai besoin d'sortir, que oui c'est super important et ça peut pas attendre, qu'si la p'tite s'réveille et m'réclame faut y dire de pas s'inquiéter si j'suis pas là, qu'il faut plus que des mutants pour me faire la peau, et qu'au piiire j'suis sur le Liberty et joignable sur mon com.

J'aurais voulu un coin où j'aurais pu l'appeler Tonton.

Mais c'est aussi au cap'taine Stackborn qu'j'ai besoin d'parler.

T'façon Tortuga c'est un champ d'ruines là, d'temps en temps y a même un mutant qu'on avait oublié qui poppe et c'est vraiment pas l'moment d's'amuser à s'balader en duo au milieu d'nulle part. Autant passer un moment dans un coin vaguement familier, rassurant, où j'peux encore être une gamine et pas l'adulte responsable - avec des bouteilles, parce qu'il faut pas déconner.

Le Liberty est toujours là, fidèle au poste. Amoché mais toujours là. Il a survécu, au moins. Comme les vaisseaux, comme les hommes, cassé. Je devrais être cassée aussi. J'ai rien. J'ai honte de rien avoir. Des gens sont morts à cause de moi et moi j'ai rien. Encore pire... ils sont morts pour moi. Ils faisaient corps pour nous protéger. Tonton et moi. Mais Tonton il savait c'qu'il faisait, il mérite qu'on meure pour lui. Moi...

...j'suis pas si sûre.

J'ai b'soin d'en parler. Pas au cap'taine Hannabeth Alvarez. Pas à Balth. Sûrement pas à Nick, et j'parle même pas des autres.

Y a quelques têtes que j'connais pas sur le Liberty. Beaucoup que j'salue, qui m'parlent un peu, quelques mots, des encouragements, des sourires tristes. Pis des têtes qu'auraient dû être là. Victoire pyrrhique.

Pas difficile de r'trouver la grande carcasse de Tonton.

"Capt'taine Stackborn." j'commence, presque super formelle et tout. Pis j'l'attrape et j'le serre fort dans mes p'tits bras trop courts pour faire le tour. "Merci tonton." j'murmure, pis j'le lâche parce qu'il y a des choses qui peuvent passer vu l'état de casse générale, mais les gros câlins ça reste pas top-top. Merci d'être là, d'me garder un peu d'temps malgré la casse, d'nous avoir tous sauvé la couenne là-bas. "Comment ça s'passe ?"

Conrad est occupé, naturellement il a un navire à remettre d'aplomb, des hommes et des femmes à remettre dans le droit chemin et des morts à envoyer dans l'espace. Le pire étant le décès de la famille de Thad. Dur a encaisser pour tout le monde ça. L'autre point c'est sans doute les morts qu'il a causé, certes ils ont vaincu mais si Arthur avait été les morts pirates auraient facilement été divisés par deux. Ce qui n'amuse pas le capitaine, mais bon il doit assumer son rôle de leader et sans doute se travailler cette partie là de ses compétences qui se sont rouillés avec le temps et la présence permanente de son maître d'abordage quand c'est important.

Il est dans avec les autres dans la soute afin de préparer le dernier voyage des morts. Il tente toujours d'être présent pour ce genre de préparatif, ça fait du bien au moral des hommes et de toutes façons il a rien de mieux à faire. Il va énerver Ni'oh s'il reste à son côté en permanence. C'est là que la petite fait son apparition pour se jeter dans ses bras et lui faire un gros câlin. Elle a l'air secoué. Il n'est pas surpris, elle n'aime pas les responsabilités.

"On fait aller. Et toi ?" demande le grand bonhomme de sa voix chaude et grave.

"Ouais."

J'pourrais être crédible si j'étais là pour ça. S'il me connaissait pas autant. Si j'avais pas un reste de bonne éducation à base de "on ment pas à son capitaine", même si c'est plus mon capitaine.

"J'suis entière."

Et c'est tout c'qui devrait compter. Mais là...

"J'peux aider ?" j'demande, d'une voix un peu trop mince.

J'connais beaucoup trop d'gens dans ces boîtes. Vraiment beaucoup trop. J'suis plus du Liberty mais...

Il la regarde avec une moue dubitative. Elle est pas en forme forcément mais bon... il laisse passer.

"- non. C'est pas à toi de faire ce genre de chose. dit-il simplement. Mais j'imagine que tu as besoin d'aide toi.

Il se recule un peu pour la regarder de haut en bas. Les coups durs elle connait la petite alors elle va s'en remettre. Elle est suffisamment pirate pour ne pas se laisser abattre par la mort. C'est après tout assez commun dans leur monde.

Ouais. Non. J'sais pas. J'sais même pas exactement de quoi j'ai besoin. Mais moi j'suis vivante. Le cap'taine est vivante. Même la naine est vivante.

"Te parler." J'hésite. "Quand tu pourras."

Les morts ils sont morts. Moi j'suis vivante. Les vivants on peut encore faire quelque chose pour eux. Mais j'ai un reste d'éducation trinitaire aussi. Et puis aujourd'hui, demain...

Est-ce que dans ces boîtes il y a des gens qui étaient avec nous sur la place ?

Est-ce qu'ils seraient encore là si moi j'avais pas été là ?

"Avant qu'on reparte."

Ca faisait une éternité qu'on s'était pas vus. Qui sait quand on se reverra. Moi c'est pas dans un an que j'aurai besoin de lui parler.

La petite n'a vraiment pas l'air dans son assiette. Alors le grand capitaine cesse ses activités et prend la puce par l'épaule pour la guider loin de ce lieu morbide. Il ne connait qu'un endroit parfait pour se détendre quand il n'est pas dans sa cabine, le petit bar des officiers qui lui permet de regarder l'espace et rien d'autre. Alors il emmène lentement Mod dans cette direction.

"Tu veux me parler de quoi ?" demande-t-il d'une voix douce et chaleureuse.

La naine lui manque, pourquoi il a fallu qu'elle devienne aussi flamboyante ?! Sans doute la seule et unique fois qu'il se plaindra de l'existence d'une autre flamme comme la sienne.

Tonton il a ces grosses mains chaudes et ces allures rassurantes, même maintenant. Le Liberty aussi, le Liberty que j'en étais venue à voir comme ma maison. Ca fait mal les cabossages, ça fait mal ce qui a pas changé, ça fait mal ce qui a changé. C'est la maison mais plus vraiment. C'est... avant. C'est la maison de tonton. Plus la mienne.

Et ça fait mal et ça rassure. Une couche de nostalgie pour couvrir les doutes et les peurs et les sales blagues de Calypso.

Le bar des officiers j'y allais pas si souvent. J'ai jamais été officier. Je veux pas. Et peut-être que si j'avais voulu, j'aurais su mieux faire l'autre jour.

"Plein d'choses." Un an à rattraper. J'y fais un oeil de Bigoudi mouillé - j'l'ai laissé avec la naine Bigoudi, c'est pas Serge mais ils s'entendent pas trop mal pis une boule de couleurs et de moelleux ça lui f'ra du bien après tout ça. "J'sais pas par où commencer." J'sais pas comment. Envolés les début d'belles phrases, les formulations laborieuses choisies avec soin pour éviter de lui rappeler les morts que lui il avait pas pu empêcher malgré son expérience, son charisme, sa stature, son grade, tout. "J'ai merdé, tonton. J'ai grave merdé."

Il hausse un sourcil, la petite a merdé ? Dans quel domaine, parce que c'est facile de merder. Tout le monde merde, sauf que la petite d'habitude elle s'en fout... parce que sans responsabilités on fait rarement de gros dégâts.

"Tu es tombé amoureuse ?" qu'il demande plus par rapport à sa propre situation merdique. Normalement c'est pas un truc qui devrait lui tomber dessus et dans le pire des cas ça serait pas vraiment une mauvaise nouvelle. Donc il se demande vraiment en quoi elle a pu merder.

Ils arrivent rapidement dans le bar qui est vide. Une grand baie vitrée permet de profiter de l'espace. Elle est fermée pendant les situations dangereuses ou quand ils sont dans une zone inconnue et risquée. Mais là il la garde ouverte. L'espace l'appelle et il a hâte de reprendre la route.

Un autre jour j'aurais éclaté de rire. Aujourd'hui, j'ai juste un sourire dépité.

"Manquerait plus que ça."

C'est vrai que ça fait deux ans déjà, Gianca. J'espère que Calypso s'occupe bien de lui et que c'est pas l'Unique qui l'a ramassé.

Je me demande où vont ceux qui croient en rien.

"Non c'est..."

Autre chose. J'me perche sur un des tabourets, avec un gros soupir. Une fois n'est pas coutume, c'est pas l'espace que j'regarde, c'est mes mains. Mes toutes petites mains blanches, nerveuses et un brin calleuses. Et qui bougent parce que d'autres bougent plus.

"Des responsabilités qui m'sont tombées sur la gueule. Et j'ai pas su faire. Et j'ai merdé."

Des responsabilités... c'est un gros mot dans la bouche de la petite, elle jurerait au sujet de Calyspo que ça serait moins choquant quand on la connait.

"Des responsabilités.... du genre que tu peux pas esquiver. Enfin si je comprends bien tu as tenté mais c'est pas possible visiblement." tente d'analyser le capitaine pirate.

Il tape un peu l'épaule de la petite d'une bonne claque comme il sait en donner. Il dose quand même, elle est pas taillée non plus comme les gars de son équipage.

"Raconte avant que je m'endorme tellement tu tergiverses." ordonne simplement le capitaine avec un sourire tranquille.

...ouais c'est à peu près ça ouais. On peut dire. J'suppose. Autant commencer par la partie facile... enfin "facile". Si tant est qu'il y ait un truc "facile" dans ces histoires.

"Tu t'es dit quoi toi, la première fois qu'on s'est vus ? Quand une gamine trop maigre et pouilleuse est venue t'voir avec des grands yeux pour dire "eh dis monsieur qui brille, tu m'embarques ?", ça a fait quoi dans ta tête ?" Ca s'est pas tout à fait passé comme ça, certes, mais dans l'idée. "Parce que Calypso a trouvé ça drôle d'me filer une gamine qu'a traversé la moitié de Dorado pour retrouver sa grande soeur. Alors qu'mes vieux et tout l'monde a dit qu'j'étais morte tsais. Elle a d'la purée à la place du cerveau c'te gamine, pire que moi." J'hausse les épaules avec une grimace, comme si j'allais juste parler d'un vilain rhume. "Et deux ans à vivre. Elle a un monstre qui lui bouffe les poumons. Pas d'traitement connu. Pas d'cyber existant. En'the a prié Calypso sur tous les tons. Rien." Y a bien qu'avec ce "rien" qu'je sens mes yeux trahir mon désespoir. "Et moi j'en veux pas de c'te gamine. Elle m'idolâtre. L'cap'taine en est tombée amoureuse aussi. L'Albatros c'est sa famille maint'nant. J'voulais vous présenter hier mais..." Mais hier, bon, voilà. "...et moi j'suis pas prête à avoir encore l'coeur brisé tonton."

Ah... c'est sur que là c'est pas gagné. Le grand bonhomme soupire, la situation est pire qu'il le pensait et c'est pas vraiment ce qu'il souhaitait pour la sa puce. Alors il vient poser une main rassurante sur l'épaule qu'il vient de claquer.

"Pas le choix petite. Faut trouver un remède." dit le capitaine les yeux brillants d'une flamme sans égale. Rien ni personne ne lui fera lâcher une affaire à laquelle il tient, d'un autre côté en général il se fout de tout. Une autre façon d'être libre. Mais quand il fait son bouledogue ... faut se lever tôt pour le faire lâcher. "T'es une Stackborn par adoption spirituelle. T'as pas 36 solutions, tu te bats jusqu'à la mort."

Il se dirige vers le barre pour sortir une bouteille de rhum, on se bat pas sans rhum dans le sang. "Je vais mettre Ni'oh sur le coup. La déesse l'écoute beaucoup. On sait jamais. Je sais bien que la mioche est une envahisseuse... mais elle peut-être des projets pour elle. Après tout elle est sur son domaine maintenant.

J'connais cet air. Pour la première fois, il m'énerve. C'est pas à moi d'me battre, si s'battre ça pouvait soigner sa saloperie j'en connais un qui l'aurait fait d'puis longtemps au lieu d'm'attraper la gorge avec sa main glacée. Si on pouvait voler du temps, attirer la mort avec du miel et l'enfermer dans un bocal qu'on perdrait hors système, ça s'saurait. J'l'aurais fait pour Gianca. Mais bon, j'connais tonton, et j'en connais une autre que quand elle a une idée dans la tête elle l'a pas au cul...

"Merci tonton." j'murmure, la main sur sa grosse paluche sur mon épaule. "L'cap'taine Hannabeth Alvarez l'a adoptée elle aussi tsais ? Ca en fait moitié ta nièce moitié un genre de mini-Stackborn à bouclettes, par adoption spirituelle de la grande soeur." j'plaisante un peu.

Et un nid d'emmerdes ambulant, surtout si quelqu'un qui aime pas les Alvarez venait à lui mettre le grappin dessus pendant une de ses fugues à la con... enfin quelque part j'me dis qu'avec c'qui s'est passé ça va ptet la calmer d'sortir toute seule. Faut bien voir du positif quelque part.

"Son réseau c'est dix fois l'mien. Elle cherche côté cyber, j'crois qu'elle a une piste ou deux mais difficile d'être sûrs." J'regarde le rhum avec une envie de descendre la bouteille avant même qu'elle ait touché l'bar. "Et moi tout c'que j'peux faire c'est des câlins et rester avec la naine." Et quand j'fais ça j'ai d'plus en plus envie d'chialer. Et j'peux pas.

Evidemment.

"J'adopte personne par alliance. Je suis un homme libre." sourit Conrad avant d'imaginer une petite bouclette genre mini Pupuce, enfin Mod comme lorsqu'il l'a rencontré. "Bah fait tout ce que tu peux faire et imagine pouvoir faire. Sinon tu le regretteras toute ta vie. Je veux bien lancer un peu des recherche de mon côté mais le renseignement c'est pas la spécialité de mon vaisseau. Et j'ai un gros projet sur le feu là."

Sur qu'il n'a pas le temps de courir l'espace pour un bout de chou, surtout un bout de chou qui n'est pas à lui. Et puis si ça se trouve sa quête le mènera a une solution efficace pour le problème de la petite. A voir.

"Les câlins c'est bien."

"Ouais."

J'en peux plus d'voir cette bouteille alors j'nous sers, pour la peine.

"J'vois pas grand-chose d'autre. J'peux même pas lui filer un poumon, on a déjà regardé d'ce côté."

L'seul fait qu'on ait regardé ça en dit long sur c'que j'suis prête à faire pour une chiarde qu'j'aurais bien laissée avec le dingue qui m'la amenée. C'est bien la peine d'faire voler des vaisseaux dans l'espace si on est même pas foutus d'réparer les gens...

"Au moins elle aura connu la liberté." j'murmure en fixant le rhum dans mon verre. "Ca j'peux lui donner. Elle a la Flamme tu sais ? Y a des types qui l'ont moins qu'elle sur l'Albatros."

L'intendant par exemple. On m'enlèvera pas d'la tête qu'il est louche, ce type.

Ils ont regardé de ce côté là... Conrad est surpris, un peu mais pas totalement. Après tout les flammes exaltées ont des tendances égoïstes, mais ne le sont pas totalement.

"C'est bien d'avoir regardé, je suis fier de toi ma puce." c'est important, la petite s'aperçoit que la liberté absolue n'existe pas. Mais ça ne l'empêche pas de briller.

"Si elle n'avait pas la flamme elle ne t'aurait pas retrouvé." enfin c'est son point de vue. Les choses n'arrivent pas par hasard. "Garde un œil sur les gens qui n'ont pas une flamme puissante. Ce ne sont pas des gens sur qui ont peu compté sauf quelques exceptions comme mon médecin de bord."

Fier ? Fier qu'j'aie été prête à prendre le risque d'plus pouvoir crapahuter nulle part, d'rester sur l'billard, d'm'éteindre dans un bureau d'un vaisseau putain, et tout ça pour ach'ter une d'mie-vie à une chiarde qu'aurait pas plus pu crapahuter et briller qu'sa grande sœur ? J'comprends pas. Et en même temps quelque part j'crois que j'comprends.

Putain d'responsabilités.

"Oh t'en fais pas j'risque pas d'l'oublier, ça. L'espèce de molosse qui m'a retrouvée pour m'la r'filer il avait une Flamme de merde qu'c'est une insulte à la Flamme d'en avoir une si p'tite." j'siffle. "Et il s'est démerdé d'me r'trouver en étant même pas pirate alors qu'j'étais censée être morte d'puis dix piges. Et d'me menacer. Et d'se barrer ensuite comme une fleur."

J'pousse son verre plein vers lui. S'il s'dépêche pas d'trinquer, j'vais l'faire à sa place et tant pis pour l'étiquette. C'est l'cap'taine du Liberty mais c'est tonton. Il va pas m'faire un esclandre. J'crois pas. J'espère pas.

"Même pour s'occuper d'la gamine j'compte pas sur des gens comme ça."

"Une flamme reste une flamme, quand je t'ai rencontré tu avais aussi un truc minuscule en toi. Tu ne devrais pas juger comme ça les personnes qui ont une petite flamme." gronde Conrad. "Personne ne vient au monde avec une flamme. Elle grandit dans ton coeur si le terreau est fertile. Quand je te dis qu'on ne peut pas compter sur les flammes les plus faibles c'est pour tout ce qui a trait à la loyauté. Pour le reste ce sont sans doute des gens bien mais il faut prendre le risque qu'il ne soit pas autant des pirates que nous."

Visiblement elle aime pas le bonhomme et trouve n'importe quoi à dire pour cracher dessus. La suite ne lui plait pas non plus mais cette fois pour une toute autre raison.

"Il t'a menacé ?" note tranquillement Conrad. Il n'a jamais joué les méchants, pas son style et donc il est rarement intimidant dans le sens qu'il ne cherche pas à faire peur. Mais la petite sait qu'il peut parfois être vindicatif et elle connait ce ton faussement badin. C'est le ton qui entraîne parfois des visites de courtoisie.

J'critique pas la Flamme des gens pas pirates, d'habitude. Juste lui, parce que lui j'l'aime pas. Et qu'il m'a menacée. Et j'aurais ptet pas dû en parler vu comment tonton il le prend, mais c'est trop tard. Et même si c'est plus mon cap'taine, on ment pas à tonton Conrad. L'gros soupir que j'm'entends pousser, il est bien clair, ça m'enchante pas d'en parler.

"Il m'a sauté dessus avant que j'puisse broncher, il a mis sa main autour de mon cou, et il a dit que si la gamine crevait d'façon pas naturelle ou autre perte d'cheveux impromptue, j'allais pas aimer. Une main cyber. Et il a deux jambes cyber. Et la gamine l'adore. Et tant qu'à faire il s'tape le cap'taine." Voilà. Comme ça au moins c'est clair. "J'ai pas eu l'temps d'broncher, tonton. Il est dangereux." j'insiste. "Et le liquider ça achèverait la gamine. Alors tant qu'la naine a tous ses membres, pour l'amour d'Calypso, fais comme si t'étais pas au courant. On verra après pour lui faire rentrer sa main dans la gorge à l'autre." j'promets. "Y a l'temps."

J'ai l'oeil mauvais, besoin de haïr quelqu'un. Il croit pas qu'j'vais oublier, l'autre enfoiré d'impérial, oooh non. Y a pas qu'eux qui savent s'venger. Et qu'il croie pas qu'ça va l'protéger d'se taper l'cap'taine Alvarez junior, parce qu'en cet instant précis je sais qu'c'est pas ça qui va m'arrêter au jour venu.

"Oh... le copain de la petite." dit Conrad un peu surpris. Voilà qui change la donne, certainement que la petite n'a pas donné les détails à Beth. D'un autre côté il connait bien sa puce, elle peut rapidement porter sur les nerfs des gens qui considèrent que les responsabilités c'est important. Un cyborg presque complet en plus, pas le genre d'adversaire qu'il peut battre personnellement, surtout si la petite considère qu'il est dangereux, elle a vu des combattants de tout genre après tout.

"Va pas m’abîmer ma Beth en faisant du mal à son pansement affectif. On est pas à l'abri qu'il puisse lui faire plus de bien que de mal. Dans le cas contraire il sera sans doute temps de lui rendre une visite de courtoisie. Quitte à ce qu'on débarque avec nos meilleurs combattants. Il reste seul. C'est un soldat ?"

"Va pas m'abîmer ma Beth", et genre ta puce on s'en fout ? Le mal qu'il peut me faire à moi il passe après le bien qu'il peut lui faire à elle ? J'suis déçue là, déçue mais déçue genre blessée genre presque trahie. Mais j'suis pas une Stackborn pour rien, j'bronche pas. La mention d'une éventuelle visite de courtoisie me rassure un peu. Pas complètement, mais un peu pas mal quand même. J'peux pas imaginer tonton m'laisser tomber. Pas lui. Pas moi.

Pas vrai ?

"J'suis pas suicidaire." j'dis juste en haussant les épaules. "Un type comme ça j'me tiens à carreau et j'attends qu'il s'en aille."

Et s'il s'incruste trop, c'est pas exclu qu'ça soit moi qui m'casse quand y aura plus d'naine à rassurer. Quand. Si. J'en sais rien. J'sais plus où j'habite. J'ai envie d'me prendre la tête dans les mains en grognant pour un millier d'bonnes raisons, j'me retiens mais bordel c'est dur. On va répondre aux questions, c'est un bon début.

"J'crois pas qu'ça soit un soldat. J'lui ai pas vu d'arme. Mais entre ses cyber et sa vitesse... et sa carrure... j'pense qu'il est largement au-dessus du péon d'base, même impérial. Même sans arme, d'ailleurs." J'penche un peu la tête, comme je fais des fois quand je réfléchis. "Si jamais il a droit à une visite de courtoisie, faut qu'elle l'envoie à Calypso. Les types comme lui, c'est tout ou rien."

Et autant m'gérer moi c'est déjà chiant, autant les morts sur la conscience... bordel...

Conrad réfléchit un peu. "C'est un peu tôt pour une visite de courtoisie. Mais un message ne peut pas faire de mal. Hein ?" Après tout il sait aussi menacer les gens lorsque cela s'avère nécessaire. Il a un équipage entier à ces ordres, des duellistes experts et connait quelques pirates en dehors de son équipage. Il y a de nombreuses solutions pour faire passer des messages sans même avoir besoin de se déplacer en personne.

"Le principe des visites de courtoisies c'est de faire comprendre les choses. Pas toujours de la façon la plus intelligente mais ça c'est un autre débat." derrière le concept il y a aussi celui de se faire plaisir en remettant violemment quelqu'un à sa place. "Les impériaux sont parfois rancuniers et certaines familles plus que d'autres. Si la courtoisie n'a aucune chance de fonctionner alors en effet c'est la mort qu'il faut choisir... pas la peine de prendre de risques inconsidérés."

Pas la peine non. Surtout qu'si ça rate, en plus des morts, ça va m'retomber sur la gueule et j'risque de pas aimer.

"Ecoute tonton... merci. Vraiment merci. Mais c'est... j'suis pas venue pour parler d'lui en vrai." J'suis pas venue pour embarquer le Liberty dans une vendetta et décider la mort d'un type qui pour l'instant, à part m'avoir infligé une chiarde agonisante à surveiller, m'a juste serré le cou en me menaçant de l'enfer au cas où ladite chiarde aurait une bouclette de travers à son prochain passage. "J'voulais savoir... ça t'est déjà arrivé de te dire que t'aurais pu faire mieux ?"

J'dis pas pour quoi exactement. Pas la peine, il est pas con tonton. Ca t'est déjà arrivé de t'prendre une patate chaude sur la gueule et d'la merder dans les grandes largeurs ? c'est plus près de c'que j'aurais voulu savoir, mais... J'pense que le rhum il va servir bientôt en tout cas.

"Comment tu fais ?" j'murmure.

J'sais pas si j'aurais vraiment dû lui en parler. Mais j'me vois pas demander à quelqu'un d'autre, et faut que je sache quoi faire avant de péter une durite.

"Ça arrive tous le temps. Les bons capitaines passent leur vie à se demander s'il aurait pas pu faire mieux et assurer moins de morts, plus de profits en prenant d'autres décisions." l hausse les épaules. La petite à l'air perturbé. Enfin il le pense parce qu'elle a hérité sa capacité à mentir et elle est certainement plus douée que lui à ce petit jeu. Mais elle est là pour parler et pas se cacher. Ça change un peu.

"Je rattrape mes erreurs, je répare et je fais mieux." dit-il simplement. "Accessoirement j'emmerder le monde autour de moi et je fais comme je veux. Il s'avère que c'est souvent la bonne solution." Certainement parce que ses décisions sont dictées par la flamme en lui. Sauf épouser Ni'oh. Çà c'est lui, la Flamme en lui aime pas trop le concept.