[Vanguardia] Dernier recours [Heinrich]

C’est un échec qui envoie Vako au sol, le ventre sur la surface fraîche, les bras au dessus de sa tête pour la protéger d’éventuels autres coups qui ne viennent pas. Il sait parfaitement ce qu’il doit protéger, il n’est pas stupide, loin de là… Et la cicatrice sur le côté de son crâne ne lui laisse pas le loisir d’oublier quelles sont les priorités de défense.
Les côtes peuvent se ressouder, il le sait. Les bras et les jambes se remettent très bien des bleus et des bosses. La tête est une toute autre histoire qu’il n’a pas vraiment envie de revivre.

Il se relève lorsque monsieur Geier annonce un pause. Le médecin ne prend pas la peine d'épousseter ses vêtements mais il s’étire soigneusement en se dirigeant lui aussi vers le banc.

- Où avez-vous appris à vous battre comme ça… ?

Arrivé au banc, Heinrich attrape sa bouteille d'eau qu'il n'avait pas terminée et ce coup-ci le fini d'une traite. Il s'assoit ensuite sur le banc et fixe Vako avant de se décider à répondre.

- Dans l’orphelinat où j'ai grandi, puis dans la rue et enfin dans la Légion. J'ai appris au cours de ma vie et je continue d'apprendre.

Heinrich disait cela sans problème, révélant en partie sa vie par la même occasion.

- Et toi ? Où as-tu appris à soigner les gens ?

Chacun son tour.

Est-ce normal d’annoncer ça aussi simplement… ? La vérité derrière les mots de monsieur Geier semble horriblement dure. Aucune de ses expériences ne donne au médecin l’impression d’avoir été tendre, ou sécurisante ou juste simplement tranquille. Orphelinat, rue, et Légion. Et maintenant un vaisseau corsaire affilié à l’Impérium. Etrange parcours.

- Mon père était le médecin du Vanguardia, avant qu’il ne s’appelle comme ça.

Avant, lorsqu’il était un vaisseau pirate restera un non-dit. Tout comme ses propres expériences traumatisantes d’enfance.

- C’est pour aider d’autres personnes comme lui que j’ai suivi ses traces. C’est lui qui m’a appris à faire mon travail et qui a décidé que ce serait bien que je sois au service de notre Capitaine pour apprendre un peu l’indépendance. Ce n’est pas lui qui m’a dit d’apprendre à me défendre par contre...

- Je vois.

Que dire de plus ? Tout le monde est sur ce vaisseau pour ses propres raisons, et à part si Heinrich considère que tu n'as vraiment rien à faire ici, il ne t’emmerdera pas avec ça.

- Je peux dire avec certitude que ça fonctionne au vu de ce que nous sommes en train de faire.

Après tout, c'est qu'il est en train devenir indépendant s'il cherche à compter un minimum sur lui-même pour se défendre.

- A part ton père, tu as de la famille ?

- Je pense qu’il ne trouvera que ça fonctionne que lorsque j’aurais les cheveux gris.

Comme tous les pères, Aldéric veut son enfant hors de chez lui autant qu’il veut le garder à ses côtés. C’est une dichotomie qui amuse beaucoup l’enfant en question, ce mélange de va devenir indépendant et de reste à portée pour que je sache que tu es en sécurité. Le Vanguardia est l’équilibre parfait entre ces deux volontés. Il y servira sans doute pendant des dizaines d’années.

- Je n’ai que lui.

La tête de Vako se penche sur le côté. Il est intrigué par la question qui semble plus polie qu’utilitaire alors que monsieur Geier ne semble pas être de ces personnes qui entretiennent les conversations par politesse.

- Il dit toujours qu’un seul garçon c’est suffisant et qu’il n’en veut pas d’autre. Et puis… Il a trop mauvais caractère. Personne ne voudra fonder une famille avec lui.

La moquerie est gentille, bien plus affectueuse que faite pour blesser.

- Et moi je suis trop occupé à veiller sur l’équipage pour me poser, trouver une femme et faire des enfants. Donc non, je n’ai pas de famille. Pourquoi ?

Les paroles de Vako font dériver les pensées d’Heinrich vers sa fille et étrangement, son esprit réussit à trouver une certaine ressemblance entre sa relation avec sa fille et celle entre Vako et son père. Heinrich écoutait le gamin malgré tout et sourit même à l’une de ses remarques. Finalement, lorsque Vako demanda pourquoi, Heinrich se tourna vers lui et lui posa l’une de ses mains cybernétiques sur l’épaule.

- Pourquoi ?

Heinrich laissa un silence de quelques secondes s’installer avant de retirer sa main et de se relever.

- Parce que la famille c’est important et il ne faut pas gâcher ce lien, même si tu n’as que lui, profites-en. Et en ce qui concerne le fait de se trouver une femme et d’avoir des enfants, si j’y suis parvenu tu y arriveras aussi, il suffit de trouver la bonne personne.

À ces mots, Heinrich s’éloigna pour retourner sur l’ère où il s’entraînait plus tôt, ce qui signifie que la pause est finie.