Oeil pour oeil, lame contre lame [Enguerrand & Theo]

Pourquoi elle précise ça elle. Les femmes des FS oublient parfois d'être féminines, mais là on touche le fond. Il plaint le Vieux sincèrement.

- too much information. dit-il pour reprendre une phrase qu'il a entendu dire par des mousses.

J'lève les yeux au ciel. Ah bordel, les légionnaires.

- Et après c'nous qu'on traite d'fillettes, sans déc.

J'continue à faire rouler mon verre.

- C't'arrive jamais d'te toucher la nouille ?

- j'ai eu une éducation trinitaire. Ensuite j'ai passé du temps dans l'Imperium et enfin j'ai rejoins la Légion. Mais au départ. Je suis trinitaire. dit-il en guise d'explication.

Il ne compte pas développer. Il en a vu des pires c'est sûr. Mais c'est toujours pas sa tasse de thé ce genre de comportement grossier. Il peut l'être aussi dans sa façon de répondre il le sait, mais là c'est encore un niveau au dessus.

J'hausse les épaules.

- Ouais, vu comme ça. Si on m'avait dit qu'j'pourrais piffrer un d'ces abrutis d'trinitaires.

Bon ça l'rend pas meilleur hein. C'toujours un gros coincé du zgeg qui doit certainement croire qu'les femmes sont des moins qu'rien. Mais il m'traite pas trop mal pour l'instant.

- sans doute parce que je suis pas un abruti. fait remarquer Enguerrand. L'ouïe fine est un must pour survivre. ajoute-t-il en tirant sur son cigare.

Décidément elle mérite des baffes. Le Vieux doit se faire des cheveux blancs.

J'fais la moue.

- Bah, c'tait un compliment. J'ai du mal avec tes confrères, y sont...

J'mets mon doigt sur ma tempe et j'tapote.

- Oh, la dernière fois, j'ai croisé un d'tes collègues là. Un connard qu'a cru qu'pouvait m'donner des ordres parce qu'j'suis une femme. C'est ceux-là, les gars qu'j'supporte pas, t'vois. Toi, tu t'es battu cont' moi même si j'suis une femme, tu m'as mis une raclée même si j'suis une femme et t'bois un verre avec moi même si j'suis une femme. Y a des chances pour qu't'ai envie d'me baffer, mais t'pas un abruti, ouais.

- n'importe quel être humain normalement constitué aurait envie de te baffer. signale tranquillement Enguerrand.

La fumée de son cigare entoure son visage et fait parfois disparaitre ses yeux. C'est déconcertant parfois. Lui de son côté garde sa vigilance habituelle, sa vision périphérique est toujours aux aguets.

- je suis partie pour de bonnes raisons. Pas croyant. Pas de complexe de supériorité sur les femmes. J'étais pas vraiment à ma place.

Et lui, on a pas envie d'le baffer p't'être avec sa gueule et ses manières d'merde là ? Non mais j'rêve, c'pas vrai. J'croise les bras et j'me vautre dans ma chaise.

- C'pas comme si t'avais tout d'l'être humain parfaitement constitué, j'ronchonne.

Non mais quel connard, j'vous jure.

Il regarde ses bras cybernétiques, non il est pas constitué comme un être humain standard. Mais il reste normal dans l'ensemble si on excepte le peu de sentiment paternel qu'il éprouve, et encore même ça est sujet à caution. Visiblement elle se plait à jouer les femmes libres et sans contraintes sociales mais aime pas qu'on lui fasse remarquer… bizarre.

- j'ai des bras cybernétiques et une tendance à rester placide lorsque d'autre éprouvent de violentes émotions. Mais j'ai des émotions, simplement elles sont rarement puissantes. Et j'ai régulièrement envie de te baffer… donc je dois être normalement constitué. démontre Enguerrand. C'est pas que tu sois une femme désagréable, mais tu as aucune manière… et pour que j'en vienne à le remarquer c'est vraiment que c'est visible.

J'm'enfonce encore plus sur ma chaise. J'suis à moitié couchée maint'nant et j'ai toujours les bras croisés. J'fais la gueule, voilà. J'vais lui en fout' des manières à lui, y va voir.

- Faut s'plaindre à mes connards d'vieux. Pas not' vieux à nous, hein. Les abrutis qu'm'ont mise au monde. J'm'en branle d'savoir qui a envie d'me foutre des baffes et c'qu'on pense d'mes manières. Y a qu'le vieux qu'y a les couilles de l'faire t'façon.

Et les aut' j'les emmerde.

- non. C'est pas un problème de courage, c'est un problème de capacité. A ce stade on doit être une petite dizaine en Dorado a pouvoir te mettre des baffes quand tu tiens une épée. Un peu plus à mains nues. signale Enguerrand. Après tu es une femme mûre, c'est ton image, c'est ton choix. hausse les épaules le Passeur.

Décidément lorsqu'il s'agit de la famille du Vieux il fait preuve d'une patience inhabituelle. N'empêche qu'elle vit dans leur conversation présente la frustration que les autres vivent lorsqu'ils conversent avec elle. Obligé de la fermer sous peine de se prendre un pain dans la figure.

Cette fois j'souris.

- J'sais qu'j'suis super balèze, ouais. Un jour j's'rai la meilleure dans mon domaine.

Mais mon sourire s'casse encore.

- Mais c'pas écrit sur ma gueule que j'vais tous les déglinguer. Et c'pas pour autant qu'on m'fout des baffes ou qu'on essaie. Même toi tu m'fous pas d'baffes. Alors j'm'en branle, j'risque que dalle.

- tu as passé l'âge des baffes selon moi, et je suis pas ton père, ni ton oncle. Je me contenterais de te mettre une raclée si tu dépasses les bornes, parce que c'est ce que je fais avec les gens qui dépassent les bornes. Tu seras la meilleure uniquement le jour ou je serais trop vieux pour suivre la cadence. Donc dans 6 à 8 ans. évalue Enguerrand.

Il faut qu'il arrête de déblatérer ainsi avec des inconnues. Sérieusement… les pirates du Némésis ont sans doute entendu moins de mot de sa part en plusieurs mois que tout ce qu'il vient de raconter à la petite nièce au Vieux.

- T'penses déjà à prendre ta r'traite ? J'ai aucun intérêt à t'battre si t'es un vieux croulant. Nan, j'veux au moins t'donner du fil à r'tordre l'jour où tu craqu'ras et voudras m'foutre une raclée. J'dis pas qu't'y arriv'ras pas hein. Juste qu'j'me laisserai pas faire.

Innocemment j'me gratte l'visage à l'endroit où j'lui ai fait c'te belle marque.

- j'ai 44 ans. Donc oui je pense à l'âge de la retraite, enfin à ma reconversion. dit simplement Enguerrand.

En plus elle se gratte le visage, sans doute qu'elle n'a pas pris de douche depuis un moment et que sa peau l'irrite. Il a vu ça chez les plus crades de la Légion. Des mecs que les autres finissaient par jeter sous la douche de force.

Il dit rien quand j'fais semblant d'me gratter l'endroit où il a sa blessure. Soit il a pas compris soit il a plus envie d'réagir. L'un dans l'autre, ça m'arrange. P't'être qu'il aurait pu décider d'mal l'prendre, c'con.

- T'fais pas ton âge.

Nan, il fait au moins dix piges d'plus. Facile.

- T'vas t'reconvertir dans quoi ? C'veut dire qu'tu vas complètement laisser tomber les lames ?

Triste perspective, j'dois l'avouer.

- toi non plus. rétorque Enguerrand.

Elle a la gueule d'une bonne femme de 40 ans et les manières d'une adolescente. Bref un mélange improbable et pas séduisant du tout. Il hausse les épaules à sa question.

- je ne sais pas. dit-il simplement.

Il n'a pas la fibre de l'enseignant. Mais s'il forme une personne et que cette dernière prend à sa charge l'enseignement alors il pourrait ouvrir une école d'escrime militaire.

J'sais pas comment j'dois l'prendre, c'toi non plus. Alors j'décide d'l'ignorer. T'façon y a plus intéressant.

- Oh allez, j'te crois pas. J'suis sûre qu't'as d'jà au moins une p'tite idée.

Il hausse les épaules. Il a plein d'idées différentes. Mais il ne compte pas les étaler ici. La nièce du Vieux n'est pas franchement une personne de confiance. Et demain ils seront peut-être adversaire lors d'un abordage. Il aurait du la tuer d'ailleurs. Mais on tue pas les gens ici, ou alors quand on est sûr de tuer un connard. Notons que c'est une connasse, sauf que c'est une Machine "connasse" Dawind. Et on tue pas les Dawind quand on est un ex légionnaire. Enfin il y a toujours des connards partout. Mais c'est un brin débile de se mettre la Légion de Dorado à dos.

Il m'regarde sans dire qu'dalle.

- Pfff. T'pas marrant comme type, hein.

J'choppe l'verre et j'le r'tourne d'un coup sur la table.

- Bon, c'tait bien sympa mais j'ai du boulot si j'veux t'battre. S'jamais t'croises boubou avant moi, dis lui qu'j'pige vraiment qu'dalle à ses goûts en terme d'mecs.

Et j'me lève.

Il y a de bonnes chances pour qu'il la croise avant. Mais c'est pas sûr non plus alors il ne dit rien. Quand au goût de "Boubou" en terme de mec. Il est plutôt content que la truie cradingue ne le classe pas dans la catégorie des mecs intéressants.

- une bonne nouvelle dans cette soirée. dit-il tranquillement. Toujours mieux que rien.

- J't'emmerde l'passeur. A charge de r'vanche.

J'lève un doigt en sa direction pendant qu'j'me dirige vers la sortie.

Il ne sourit pas. Parce qu'il sourit rarement. Généralement quand son fils est là. Mais pour le coup il a une esquisse de sourire. Il a toujours eu son humour particulier et généralement c'est avec Icha ou un peu Boubou qu'il en fait usage, ce soir c'est la FS qui en fait les frais. Pour le coup elle l'a cherché toute la soirée même après avoir pris une raclée.

- passe le bonjour aux chochottes des FS de ma part. dit-il finalement.

Il est plutôt satisfait de sa séance d'entrainement. C'est pas tous les jours qu'il rencontre de vrais combattants d'élite. Dans le bar les clients ont l'air satisfait de voir la mégère partir. Mais ils seraient pas mécontent que celui qui était jusque là un inconnu se barre aussi. Toor'kran, c'est son nom parmi les pirates, et c'est pas un oiseau de bon augure d'après les rumeurs.