There's more than one way to be haunted

Il parait que c'est le jour de la fête des morts dans l'Impérium. La Calavera. J'en connais assez peu sur leur culture, mais lorsqu'on m'a dit qu'un festival avait lieu en ville, j'ai difficilement pu retenir l'envie d'aller voir. C'est assez tranquille finalement, comme célébration. Il s'agit plutôt d'un événement pour le recueillement je crois, mais la nuit tombe et l'ambiance commence à changer. Quelque chose se prépare et je suis excitée de découvrir quoi. On m'a dit plus tôt que les gens passaient la journée à visiter les cimetières, à rendre visite à des proches défunts, à leur rendre hommage et à leur faire des offrandes... J'aime beaucoup l'idée, c'est beau. J'ai une pensée pour ma mère, et bien que je ne sais pas ou son corps a trouvé son dernier repos, je vais tenter de profiter de l'occasion pour l’honorer, à ma façon.

Je crois que j'aime cette tradition des Impérieux. Mais plus encore, ce que j'aime de ce que je vois aujourd'hui, ce sont les masques. Des masques par centaines, colorés, excentriques, magnifiques. Je n'ai pas compris entièrement pourquoi les gens en portent lors de cette fête, mais apparemment c'est en lien avec éviter d'être reconnu par des fantômes perdu, et ensuite être hanté. Je crois. Mais pourquoi quelqu'un qui t'aurait connu de son vivant te voudrait du mal maintenant qu'il est un fantôme? J'en sais rien. Faudrait que je me renseigne.

Bref, comme je disais, pratiquement tout le monde porte un masque au centre-ville d'Alegria, alors qu'un grand feu de joie s'organise au centre d'une place publique. Les masques sont tous uniques, peint à la main. J'ai envie de tous les regarder, et l'étalage d'un marchand qui en vend dans la rue vient d'attirer mon regard. Je ne voudrais pas être impolie et me glisser maladroitement dans une coutume que je ne comprend pas et qui n'est pas la mienne, mais j'aimerais beaucoup avoir un masque moi aussi. Ou du moins les regarder de plus près. Il sont si joli! Comme il parait que ca ne se fait pas d'arrêter quelqu'un dans la rue simplement pour le dévisager, j'attrape la main d'Hush et l’entraîne derrière moi vers l'étalage de couleurs, des étoiles dans les yeux.

"Oh, regarde celui là! Il est magnifique!"

Je prend l'un des masque qui a été rehaussé de fleurs bleues et jaunes entre mes mains avec précautions, comme tenant un objet d'art. Hush aussi doit apprécier l'esthétique de ces masques, lui qui a toujours eu un esprit encore plus artistique que le mien. Je suis heureuse qu'il ait accepté de se joindre à moi pour la soirée, la Calavera me semblant la meilleure façon de profiter du temps ensemble dont on dispose, nos deux vaisseaux étant, chose rare, à terre au même endroit et au même moment.

Hush est heureux. Il ne pouvait pas espérer l'être plus qu'à ce moment, en réalité. Il est avec sa petite sœur et avec son fils, pour l'une des fêtes qu'il découvre pour la première fois. Une fête qu'il trouve très belle, et qui lui inspire beaucoup de choses. Il est perdu dans ses pensées, regardant avec admiration la danse des masques et des flammes, entendant au travers des rires de la foule, les murmures des défunts qui se joignent à la fête. La main d'Aeÿ'gis qui le tire sur le côté le ramène un instant sur la terre ferme. Il observe sa petite soeur avec un regard débordant d'amour et de tendresse, tandis que Tobias semble partager l'enthousiasme de sa tante.

Hush effleure le masque, et finalement, il le prend dans ses mains avec douceur, sans l'arracher de celles de sa sœur pour autant. Il admire les finitions, s'assure que tout a été bien fait. Et puis doucement, il le pose sur le visage de sa sœur, l'accrochant à l'aide des lanières de cuir prévues à cet effet.

"C'est confortable ?" signe-t-il.

Il fouille dans sa poche et sort quelques pièces qu'il donne au vendeur.

"ll est à toi."

"Ouai, et j'vois super bien en plus! Oh, ma voix sonne étrange au travers le platre, c'est drôle."

Je me tourne alors vers le mirroir installé sur l'étale pour me regarder, souriant à pleines dents derrième le masque. Il me semble qu'il ressort encore plus maintenant qu'il est en contraste avec le vert de mes cheveux. Je marque néanmoins un temps d'arrêt lorsque je remarque l'échange entre Hush et le vendeur puis le voit signer ses mots suivants.

"Mais Hush! J'aurais pu me l'acheter moi-même, t'étais pas obligé..."

Je remonte le masque sur le sommet de ma lête et viens l'enlacer quand même. Sa générosité était immense avant et l'est toujours maintenant. Je sais que j'ai plus de crétits que lui, par le simple fait qu'il n'est libre que depuis tout récement, et pourtant il n'a même pas hésité. J'en suis profondément touchée, et même si une partie de moi voudrais refusé, je ne peux m'y résoudre. C'est ce qu'il est, et un refus lui ferait plus de peine que l'inverse.

"Merci, tsmukan. J'vais l'accrocher au dessus de mon lit. Ca fera super joli, et j'penserais à toi chaques fois que j'le verrais."

Je me détache de lui et me repenche au dessus des masques exposés.

"Il t'en faut un à toi maintenant! Regarde celui là, il me fait penser à l'une de tes toiles qu'tu m'as montré la dernière fois."

Traduction mo'at:

Voir sa petite sœur heureuse est sans nul doute le plus beau de tous les présents. Il ne pense pas un seul instant à l'argent qu'il vient de dépenser. Rien ne vaut le sourire qui illumine désormais le visage d'Aeÿ'gis. Il incline légèrement la tête avec une main sur le cœur, pour signifier que son intention d'accrocher le masque et de penser à lui le touche sincèrement. Il lui fait ensuite un clin d'oeil, en regardant les masques un à un. Il les effleure du bout des doigts, et finit par attraper celui que sa petite sœur lui désigne. C'est vrai qu'il ressemble à une toile qu'il a peinte. Il le pose sur sa tête et l'attache.

"Qu'est-ce que tu en penses ?"

Il s'observe à son tour dans le miroir, la tête légèrement penchée. Il aime le concept des masques. Pouvoir être quelqu'un d'autre, pouvoir se mêler aux autres, pouvoir être frère avec la terre entière l'espace de quelques heures, sont des idées qui l'enchantent tout particulièrement. Lui, il n'a jamais voulu que la paix.

"Il en faut un pour Tobias aussi."

Il est si enthousiaste qu'il signe à toute vitesse. Il a pris l'habitude de faire des gestes lents, puisqu'il apprend sa langue aux membres du Ni'huan. Mais il n'est pas avec son équipage. Il est avec Aeÿ et Tobias. Alors il ne pense plus à faire attention à ne pas manger à moitié ses mots. Une partie de lui n'a jamais pu oublier qu'Aeÿ'gis le comprend toujours.

"Il est parfait!"

Je fais le signe pour "classe" et "beau" avec mes mains tout en offrant un sourire à mon frère, puis replonge dans les masques.

"Ceux pour enfants sont par ici, j'crois."

Je fouille l'étalage des yeux concentré à trouvé le masque parfait pour Tobias, mais des mains je signe une question à Hush.

"Quelle couleur? Bleu?"

Normalement, je parle beaucoup avec mes mains. Je suis expressive de base, mais il y a aussi le fait que j'ai appris à parler trois langue en même temps quand j'étais gamine. La langue de l'envahisseur, le mo'at et la langue des signes d'Hush. Aussi, même aujourd'hui quand je parle à quelqu'un d'autre qu'Hush, je vais souvent faire le signe pour l'idée ou le mot que j'exprime à voix haute. Quand mon frère est là, je complète mes phrases avec des signes, alternant d'une langue à l'autre dans une même phrase ou les parlant les deux en même temps. Ça fait... un joli bordel incompréhensible pour un non initié, il parait. Et à voir la gueule que tire le vendeur qui nous observe, c'est pile le cas là maintenant.

Je redresse finalement la tête vers le vendeur, peu satisfaite par la taille des masque pour enfants que je trouve et lui demande à voix haute :

"Vous avez quelque chose qui ferait pour le fils de mon frère? Peut-être quelque chose qui ne couvre pas tout le visage, par exemple? Il est un peu trop petit pour ca, je crois."

Alors puisque le masque lui va bien et qu'il plaît à sa soeur, Hush décide de le prendre. Il veut profiter de cette merveilleuse journée, et quelle manière plus douce de le faire que de se fondre totalement dans l'ambiance qui règne ? La journée est belle et douce, et son cœur chante. Tobias est très excité par toutes les couleurs, les sons, la vie tout autour d'eux. Il est stimulé, et il veut tout voir, tout toucher, tout comprendre. Sa tante haute en couleur et au cœur débordant de joie et d'amour l'y aide beaucoup. Hush se sent gonflé par une fierté innommable lorsqu'il observe son fils et Aeÿ'gis. Ils sont sa famille. A ses yeux, il n'y a rien de plus beau.

Il se laisse entraîner vers le stand que la petite mo'at désigne, et il observe tout avec attention. Il confirme que la couleur préférée de Tobias est bien le bleu. Cependant, il signe rapidement.

"Tu veux prendre Tobias dans tes bras ? Il sait ce qu'il veut."

Il signe vite, mais ne remarque pas le regard intrigué de certains passants, ni du vendeur. Hush est dans son monde, comme à son habitude. Ce qui l'importe, c'est Tobias. Et Tobias a peut-être du retard de langage et au niveau de son développement, mais Tobias sait toujours parfaitement ce qu'il veut. Il a une volonté de fer. Ca le mènera très loin dans sa vie. Alors il le détache de son torse et le tend à sa sœur.

"Bien sur. Allez, dans mes bras, petit Ngaäa!"

Je dépose les masques que je tenais pour accueillir Tobias et l'appuie contre mon épaule et mon bras replié, de sorte à ce qu'il puisse toujours regarder les étalages. Par Calypso que j'aime cet enfant. Il pourrait être le mien que je ne l'aimerait pas d'avantage, et chaque moment que je passe avec lui est précieux. Je regrette simplement ne pas pouvoir être avec lui et mon frère plus souvent. Déposant un baiser sur le sommet de ses cheveux bouclés, je pointe à Tobias quelques masques bleu particulièrement jolis.

"Tu préfère celui là? Et qu'est-ce que tu pense ce celui-ci, hmm?"

Mais l'attention de mon filleul est fixée dur comme fer sur le premier ayant attiré son attention. J'offre alors un sourire amusé à Hush et annonce :

"Je crois qu'on a un gagnant."

Hush ne pourrait être plus heureux. Il a toujours voulu que son fils puisse avoir une famille et être bien entouré, et ses proches sont tous merveilleux. Malgré les années passées loin de sa soeur, elle est toujours aussi lumineuse et pleine d'amour à offrir. Et Tobias nage dans cet amour qu'on lui offre, comme si c'était la chose la plus belle et la plus naturelle du monde.

Le petit garçon ne démord effectivement pas de son premier choix de masque, et sa tante finit par capituler. Hush se souvient encore d'une situation similaire vécue avec une peluche aussi bleue que ce masque-là, et il se souvient très bien que Tobias n'avait pas changé d'avis, peu importe les autres merveilles qu'il avait pu lui montrer. Hush rit donc silencieusement, et il prend le masque choisit pour le poser sur le visage d'un Tobias tout excité et profondément heureux.

"Je crois qu'il l'adore."

Il paye, heureux de pouvoir le faire. Il commence tout juste à être rémunéré, mais ce qu'il gagne avec la vente de ses œuvres et son boulot de navigateur lui permettent de faire plaisir à Tobias et de lui offrir tout ce dont il a besoin. L'homme capte le regard de son fils avant de signer.

"Que veux-tu faire, maintenant ?"

Alors qu'Hush paye le vendeur, j'ajuste un peu mieux le demi-masque de Tobias pour qu'il puisse bien voir ce qui l'entoure, puis dépose un baiser sur sa joue découverte.

"C'que tu peux être craquant, tu sais ca yawntutsyìp ?"

Je ris face au large sourire de mon neveu, puis mon regard est attiré par un homme grand et aux courts cheveux bruns à une dizaine de mètres plus loin dans la foule. Debout devant un stand de fleurs, il porte une simple chemise blanche, détonant ainsi dans la foule colorée, et malgré le fait qu'il tienne une sorte de collier de fleurs orangées dans ses mains, il n'y porte pas la moindre attention. Son regard est plutôt tourné vers nous. Au début, je crois qu'il observe Tobias et je souris, comme il n'est pas rare après tout que le fils de mon frère attire l'attention. Néanmoins,l'homme ne semble pas du tout attendri. Au contraire, il fronce les sourcils et ne semble même pas m'avoir remarquée. Son attention est plutôt concentrée sur... Hush. La silhouette de mon frère vient alors justement bloquer ma vue. Le coeur battant de plus en plus vite sous une montée d'adrénaline et d'inquiétude, je lui répond le plus joyeusement possible.

"Je pensais peut-être aller chercher quelque chose à manger, avant le feu de joie?"

Mais alors que mes lèvres disent ces mots, je signe ceux-ci de ma main libre :

"Un homme te regarde étrangement, derrière nous, au stand de fleurs."

Traduction mo'at:

Hush est heureux de ce moment passé en famille, et il est trop occupé à regarder partout et à s'émerveiller devant tout pour apercevoir le danger qui les menace. Aussi, il est réellement surpris lorsque les mots parlés de sa petite soeur ne correspondent pas à ses gestes. Il doit se concentrer pour parvenir à comprendre ce qu'elle veut dire, et fait un effort monumental pour ne pas se retourner. Il fronce les sourcils un court instant, mais retrouve directement son sourire. Il ne veut pas que ça gâche la fête. Peut-être que ce n'est rien, après tout ?

"D'accord. Marchons vers les stands de nourritures là-bas. Tu pourras voir avec ta vision périphérique s'il décide de nous suivre, auquel cas tu pourras serrer ma main. Je m'occupe de nous trouver un chemin pour qu'on soit en sécurité."

Ses mains bougent très vite, mais il est d'un calme apparemment sans failles. Il prend même le temps d'ébouriffer les cheveux de son fils avant de se mettre en route, repérant un passage au travers la foule grâce à sa grande taille. Grande taille qui n'est définitivement pas pratique lorsqu'il s'agit de fuir un danger ou de se cacher... Mais il n'envisage pas encore ce genre de scénario catastrophe. Il préfère penser que sa petite soeur s'inquiète pour rien, même s'il est loin de prendre son avertissement à la légère.

J'hoche simplement la tête, le coeur battant. Ce n'est peut-être rien, mais... quand on a été esclave, quand on a été traité comme du bétail ou des criminels toute sa vie, la moindre regard de travers représente une menace potentielle et je n'arrive pas à calmer mon sentiment d'alerte. Celui-ci ne fait que s'aggraver lorsque je vois l'homme continuer à nous suivre du regard alors qu'on s'éloigne.

Il m'a fallu longtemps avant d'arriver à sortir du vaisseau sans être terrorisée, et encore plus longtemps pour être à l'aise de m'aventurer hors des ports ou on fait escale. Aujourd'hui, bien que cela ne m'empêche pas d'aller ou de faire ce dont j'ai envie, je panique rapidement à la moindre chance qu'on me reconnaisse comme ancienne esclave. Je suis terrorisée à l'idée d'être attrapée, de nouveau mise en chaines et renvoyée dans ce monde d'horreurs, loin de ceux que j'aime. C'est mon pire cauchemar et malgré mes années de liberté, il reste aussi viscéralement violent et présent. Que ce soit Hush qui semble être la cible des regards farouches et suspicieux de cet homme ne m'aide en rien à me calmer.

Mais je me force à sourire. Je ne veux pas vendre la mèche ni inquiéter Tobias qui babille joyeusement dans mes bras. Arrivé près des stands de nourriture, je jette un rapide coup d'oeil dans la direction générale de l'homme puis serre rapidement la main de mon frère en le voyant vous suivre.

"Crêpes ou burgers?"

Hush sent son coeur battre plus vite dans sa poitrine. Il n'est pas inquiet pour lui, et ne le serait pas même s'il était sur le point de mourir. En revanche, pour son fils et sa petite soeur, ce n'est pas la même chose. Il sait qu'il les protégera jusqu'au bout, et qu'il ne laissera plus personne les emporter. Alors quand sa petite soeur lui dit que l'homme étrange les suit toujours, malgré ses tentatives pour le perdre dans la foule, il commence à sérieusement s'inquiéter. Néanmoins, comme Aeÿ, il tente de paraître tranquille et continue de sourire d'un air insouciant et détendu. Il regarde les stands de nourriture, et puis Tobias dit à sa tante qu'il veut un burger. Ils se dirigent donc vers le stand qui en propose, et Hush en profite pour signer rapidement, hors de la vue de son fils qui pourrait comprendre. Il signe rapidement, avec des gestes presque désordonnés.

"Est-ce qu'il est seul ? Armé ? Je ne sais pas si nous avons le temps d'arriver en direction du port. Tant qu'il y a du monde autour, peut-être que nous risquons moins. Commandons à manger et continuons de nous balader jusqu'à trouver une opportunité."

"Va pour des burgers alors!"

Ce qui est un bon choix, puisque le stand dispose d'un panneau réfléchissant en aluminium. Servant principalement à mieux éclairer le comptoir, la surface est également suffisamment miroir pour nous permettre de surveiller nos arrières. Peut-être qu'Hush pourra également voir l'homme derrière nous ainsi et potentiellement le reconnaître. Je lui signale donc rapidement de porter attention aux réflexions avant de répondre à ses questions.

"Tu peux voir son reflet, juste là. Chemise blanche. Je ne vois pas d'arme et je crois qu'il est seul. Tu le reconnais?"

L'homme derrière le stand prend alors ma commande, un burger de viande d'Aket'huan et fromage de chèvre, ainsi que celle de Tobias, un petit burger spécial pour enfant. J'attends de voir si Hush a besoin de moi pour traduire ce qu'il veut à l'homme, et j'en profite pour me tourner sur le coté, de sorte à avoir l'homme dans ma vision périphérique. J'avais réussi à garder une expression calme et joyeuse jusque là, mais en réalisant à quel point il s'est rapproché de nous, j'ai peur que ma tension ne soit désormais visible. Si ce n'était pas des deux couples en file derrière nous, il serait pratiquement à côté de moi. J'essaie donc de me calmer, me disant que je m'en fais surement pour rien et que cet homme n'est qu'un simple inconnu voulant lui aussi manger un burger, sans trop de succès.

Hush, sa petite sœur et son fils se dirigent d'un pas tranquille en direction du stand de burger. Le grand mo'at tâche de rester tranquille, mais il est de plus en plus inquiet. S'il n'en laisse rien paraître, il est tout de même distrait par la situation, et garder son attention sur le stand de burgers est difficile. Il note néanmoins la présence des panneaux réfléchissants, et lorsqu'il peut enfin voir l'homme, il pâlit à vu d’œil. Il se reprend comme il peut pour commander la même chose qu'Aeÿ'gis, mais il a l'appétit complètement coupé.

"Oui. Il travaillait pour mon ancienne maîtresse."

Ses gestes sont lents et maîtrisés, mais il a du mal à réprimer un très léger tremblement qui commence à prendre possession de son corps. Il ne craint pas tant l'homme en lui-même. Il n'est ni très grand, ni très fort, et ils sont sur une terre impériale. Ils ne risquent rien, en théorie. Mais il a peur qu'il y ait d'autres hommes avec lui, qui le surveille et qui attende qu'il soit dans un lieu isolé pour leur tomber dessus. Il ne s'inquiète pas pour lui, mais pour sa petite soeur et son fils. La première risque de se faire tuer si elle leur résiste, et il sait qu'elle le fera. Le dernier risque de se faire enlever et emporter loin, là où il ne sera pas heureux. Hush sourit.

"Restons en public. Ils ne peuvent rien nous faire s'il y a du monde."

Un employé de son ancienne... maîtresse. Bon sang d'merde, c'est pas sérieux?! Comment il fait pour rester aussi calme? Je sais que je ne serais absolument pas calme si je revoyais... si je revoyais le fils de notre ancien propriétaire, par exemple? J'y comprends rien, je suis terrorisée pour lui, pour moi, pour Tobias et il y a rien de rationnel dans tout ce que je peux ressentir là maintenant. Ok, calme-toi, Syenä. Respire ou tu vas encore plus paniquer, hyper ventiler et tu vas... tu vas... txa’eylu!

J'attrape la main libre d'Hush et la serre fort dans la mienne, comme l'encrage qui m'empêche de céder à la panique. C'est lui qui devrait pouvoir compter sur moi maintenant, j'en ai pleinement conscience et je m'en veux terriblement que c’est plutôt l'inverse qui se produise. Aussi, j'essaie de réfléchir rapidement à une solution, à une façon de mettre mon frère et mon neveu en sécurité le plus rapidement possible. Le port est trop loin pour servir de refuge immédiat, et bien que rester dans la foule soit une bonne solution, elle n'est que temporaire et relative.

Une idée se glisse alors dans le bordel de mes pensées et je fais signe à Hush de prendre Tobias dans ses bras, au moins pour le temps que je sorte mon HCom et communique avec des membres de l'Iceberg. J'envoie un message à Loukian en premier, puis à Ichabod, Ati... en espérant qu'ils ne soient pas loin.

Hush se sent un peu pris dans un tourbillon qu'il ne peut pas contrôler comme il aimerait le faire. Il est inquiet, mais il a du mal à réaliser la gravité de la situation. Aussi, lorsque sa petite soeur décide de prendre la situation en mains, il la laisse totalement faire, et fais de son mieux pour lui faciliter la tâche, en lui laissant le champ libre. Il prend Tobias dans ses bras et s'amuse avec lui pour que l'enfant ne se mette pas à paniquer lui aussi. Il voit bien que Aeÿ'gis n'est pas tranquille, et il ne l'est pas non plus. Tobias est un enfant sensible, qui ressent facilement le trouble autour de lui. Il n'a pas envie de lui transmettre ces émotions-là, et qu'il se mette à paniquer ou à avoir peur. Ce serait certainement le meilleur moyen pour qu'ils se fassent coincer plus rapidement encore.

Hush se concentre donc uniquement sur son fils, laissant sa petite sœur gérer comme elle veut, ou comme elle peut. Il ne surveille pas non plus de près l'homme qui les suit. Pendant les premières secondes, il tâche de jeter des coups d’œil fréquents, mais ses troubles de l'attention l'en détourne bien rapidement, tant et si bien qu'il finit par le perdre de son champ de vision.

Je sens mon coeur battre à mes oreilles si font qu'il en assourdi les bruits de la foule autour de nous. Cette peur panique qui dévore mon ventre, je n'ai qu'un vague contrôle dessus. Tout ce qui attrait à l'esclavage, à RETOURNER en esclavage... ca me prend aux tripes comme une foutue maladie.

Je finis d'envoyer des messages, tentant du mieux que je peux de leur communiquer l'urgence de la situation sans les faire littéralement paniqués. Je suis consciente qu'objectivement, on est pas aussi en danger que ma crise de panique veut me le faire croire, parce que de un, on est en sol impérial. Les autorités ne nous arrêteront donc pas pour motif d'être d'anciens esclaves en fuite, au contraire, ils pourraient arrêter l'homme qui nous suit s'il tente quoi que ce soit contre nous là maintenant. Néanmoins, le support de l'Impérium aux mo'ats anciens esclaves est... particulièrement relatif. Sinon carrément indifférent. Je me suis plus en sécurité dans l'UC, ou les autorités prennent plus position contre l'esclavagisme. Autrement, je sais aussi que seul Hush est réellement en danger maintenant, et pas moi directement, mais si cela devrait me rassurer sur ma propre sécurité, le tout est balayé par la peur de le perdre de nouveau.

Je redresse finalement la tête et ne peut m'empêcher de lancer un rapide regard derrière nous à l'homme en blanc. Il n'est... nulle part en vue. Mon coeur ratte un battement, je blêmis d'avantage et signe rapidement à Hush :

"Où est-il?"

Hush est occupé à calmer son fils, et rapidement, les premiers pleurs angoissés sont remplacés par les babillements joyeux habituels de l'enfant. Hush se surprend à se détendre imperceptiblement, envahi par une vague de chaleur et d'amour pour le petit être joyeux qu'il tient dans ses bras. Un coin de son esprit est toujours bien au fait qu'ils sont poursuivis par les suppôts de Marjolaine, mais il n'arrive plus à s'en faire vraiment. Tout ce qui compte pour lui, c'est le bonheur de son fils. Et il sait que, même s'il était tué maintenant, il n'aurait rien à regretter. Son fils serait sûrement entre les mains de sa petite soeur, et il sait qu'elle prendrait bien soin de lui.

Alors ce n'est qu'à retardement qu'il réalise que sa soeur a signé. Il lui demande de répéter, juste avant de réaliser qu'il ne voit plus l'homme nulle part. Il ne l'a pas seulement perdu de vu ; il l'a perdu tout court. C'est comme s'il s'était volatilisé brusquement. Hush continue à jouer avec son fils pour qu'il demeure inconscient de la situation délicate et dangereuse qui les guette, mais son regard brun cherche la source de leur inquiétude. Il finit par signer rapidement :

"Je ne sais pas."

Et l'angoisse sourde de ne plus voir l'ennemi lui tord brusquement le ventre, comme quand il dormait la nuit, et qu'il sentait brusquement Marjolaine près de lui, sans l'avoir vue ni entendue entrer.

"Il faut trouver un abri."

J'hoche de la tête et tout en me mordant nerveusement la lèvre inférieure, je guide Hush au travers la foule jusqu'à un petit café isolé au coin d'une ruelle. Les fenêtres ne sont pas grandes et l'intérieur fait sur le long, s'étendant vers l'arrière. Si on se prend une table au fond, on ne nous verra pas depuis la rue, ce qui sera parfait au moins pour établir la situation, attendre des nouvelles de nos équipages et choisir comment réagir pour la suite. Je prend donc les devants et entre à l'intérieur, refermant rapidement derrière Hush après m'être assurée que l'homme n'était nulle part en vue.

Je le guide ensuite jusqu'à une table au fond puis va au comptoir nous commander du thé et des biscottes pour la forme. On en peut décemment pas rester là longtemps, s'il appelle l'Inquisition, ils fouilleront très certainement les commerces alentours, mais c'est un refuge temporaire. J'essaie aussi de me raisonner et de me dire que l'Inquisition n'a que très peu de prises ici, en sol Impérial. Je sais néanmoins qu'ils ont beaucoup d'influence politique et que l'Impérium, contrairement à l'UC, n'a pas l'habitude de risquer un incident diplomatique pour éviter l'arrestation d'un ancien esclave en fuite.

De retour à la table avec la boisson chaude et la petite assiette de biscuits, je m'assois face à lui et signe :

"Tu as contacté le Ni'huan?"

Hush tâche de rester tranquille. C'est tout ce qui lui reste désormais. Tout ce à quoi il peut se raccrocher pour éviter de céder à la panique, entraînant son fils et sa petite soeur avec lui. Il sait ô combien ils sont courageux, tous les deux. Mais il sait aussi que la situation est critique, et qu'elle rappelle certainement de très mauvais souvenirs à sa petite soeur. D'autant plus qu'ils ne se sont pas retrouvés il y a si longtemps que cela, et qu'il ne veut pas la perdre à nouveau. Il tapote nerveusement du pied sur le sol, faisant sautiller Tobias en même temps, ce qui a pour don de faire rire l'enfant. Il ne quitte pas sa soeur des yeux quand elle va commander quelque chose, et il ne semble sortir de sa torpeur que lorsqu'elle lui demande s'il a contacté le Ni'huan.

Hush sort alors maladroitement son h-com de sa poche, et pianote sur le clavier. Il le laisse sur la table, et se passe une main sur la nuque, gêné de ne pas avoir eu ce réflexe pourtant simple. Moins d'une minute plus tard, son h-com émet une vibration, lui indiquant qu'on lui a répondu. Il lit le message avec empressement, répond, et signe ensuite en direction de sa petite soeur :

"Je leur ai indiqué notre position. Ils viennent nous chercher."

Personne de l'Iceberg ne m'a encore répondu, et j'hésite un instant à contacter officiellement le vaisseau, plutôt que simplement mes amis proches sur des canaux privés. Je m'arrête néanmoins, ne souhaitant pas mettre l'équipage en alerte pour rien ni causer des problèmes au capitaine. À la place, pendant qu'Hush contacte le Ni'huan, j'ouvre de nouveau ma fenêtre de conversation avec Loukian et lui envoi un nouveau message disant, plus sincèrement et sans cacher ma panique cette fois :

"On l'a perdu de vue, mais il nous cherche et on s'est réfugiés dans un petit café appelé le Carajillo. J'ai vraiment peur, Louk, où t'es?"

Comme mon frère, je repose mon HCom sur la table pour voir le moindre message qui pourrait arriver, puis je lance un regard inquiet vers la porte. Je ramène ensuite mon attention sur Hush qui me signe alors que le Ni'huan a répondu et qu'ils viennent nous chercher le plus rapidement possible, ce qui me fait pousser un lourd soupire de soulagement. J'appuie alors mes coudes sur la table et enfouis mon visage dans mes mains le temps de prendre une grande inspiration, de me recomposer une expression à peu près calme, puis passe ses mêmes mains dans mes courtes mèches vertes. Je lui offre ensuite un bref sourire et viens prendre ses doigts entre les miens avant de dire à haute voix cette fois :

"Ca va aller alors. Tout va bien aller..."

Hush ne saurait être indifférent à la panique de sa petite soeur. Malgré toutes ces années où ils ont été séparés, il n'y a que peu de personnes qui pourraient se vanter de mieux la connaître que lui. Il l'a vue grandir, il a été avec elle dans l'adversité, la joie, les larmes et la colère. Et là encore, c'est une nouvelle épreuve qui se profile devant eux. Une épreuve qu'ils vont surmonter ensemble, Hush n'en doute pas une seule seconde. Doucement, il va chercher la main de sa petite sœur, et la serre avec tendresse. Il se veut rassurant et paisible, autant que faire se peut. Tobias est à nouveau incertain de ce qu'il doit ressentir, et son père doit rapidement reporter son attention sur lui pour qu'il ne se mette pas à pleurer.

Il le fait sauter doucement sur sa cuisse, et lui offre les plus drôles de ses grimaces. Malgré lui, malgré son calme apparent, et même s'il essaie de se convaincre qu'il n'est pas inquiet, il ne peut pas s'empêcher de jeter des coups d’œil fréquents en direction de la porte et de son h-com. Il espère que les secours seront plus vifs que les ennemis. Il sait néanmoins à quel point les esclavagistes trinitaires peuvent être puissants et rapides, lorsqu'ils veulent vraiment quelque chose. Et il ne sait que trop bien à quel point Marjolaine le veut.

Ton Hcom vibre une fois, sans que tu n'y portes attention sur le coup, tout occupé que tu es a négocier avec un revendeur de pièce. Faut pas déconner, t'as une liste de pièces précises et un budget... Que tu vas pas laisser ce con te boulotter avant d'avoir tout ce dont t'as besoin. Et t'es une sale tête de mule quand tu t'y mets, alors le deal se fait, pas au grand bonheur du type... Et ton Hcom vibre à nouveau. Tu étouffes un petit soupire, l'attrapes pour regarder de quoi il est question... Et jurer vivement.

- J'ai une urgence, tu ramènes ce qu'on a au vaisseau, on finira le reste plus tard.

Le mécano qui t'accompagnait à tout juste le temps d'acquiescer, le regard curieux que t'es déjà disparu dans la foule.

"J'arrive. 5mins."

Tu lui envois au passage ta géolocalisation avant de fourrer l'appareil dans ta poche et de couper par les petites ruelles pour éviter les grandes artères trop populeuses et pouvoir courir. Le Carajillo. T'es jamais rentré là, mais te souviens de l'enseigne devant lequel tu es passé plusieurs fois. Si tu déconnes pas trop, en passant par ces ruelles là, tu devrais arriver par la petite rue à droite et... C'est ça. Tu te forces à ralentir, marcher. Agir de façon normal pour ne pas risquer d'alarmer de potentiels esclavagistes. Juste un mec normal qui vient prendre un bon café après une longue journée de travail.

Tu pousses la porte et rentre.

Je veux être forte pour Hush et Tobias, alors je me dessine un nouveau sourire sur les lèvres et serre les doigts de mon frère un peu plus fort. Puis l'écran de mon HCom s'allume et je vois le message de Loukian, et mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Je m'accroche alors à l'appareil avec une force qui fait blanchir les jointures de mes doigts. J'ai alors la gorge trop serrée pour parler sans trahir mon masque, aussi je signe de ma main libre :

"Un ami va venir."

Et pour ce cinq minutes d'attentes, je touche à rien sur la table, incapable d'envisager avaler quoi que ce soit. C'est absurde, je le sais, mais j'ai l'impression que dès que Loukian sera là, le danger sera beaucoup moins présent. Pas disparu, bien sûr, jamais il ne l'est quand il est question de l'Inquisition. J'essaie plutôt de maintenir les apparences en jouant des mains avec Tobias, lui faisant des grimaces et lui racontant toutes les choses légères qui me passent par la tête.

Puis, quand la porte du café s'ouvre et que je le vois, je me fige quelques instants, juste... soulagée. La seconde suivante, une nouvelle boule se forme dans ma gorge et que je me lève pour aller à sa rencontre. Si les premiers pas sont lents et calmes, les derniers sont rapidement et précipités, juste avant que je sois dans ses bras, les miens enroulés désespérément autour de son cou, sans rien dire.

Le h-com d'Aey vibre avant celui de Hush. Le jeune homme est calme - ou essaie de l'être, en tout cas. Il sent l'anxiété de sa petite soeur, et fait le nécessaire pour que son fils ne cède pas à la panique. Tobias est un enfant très intelligent, qui a aussi un don pour ressentir ce qui se passe autour de lui. Sensible, doux, il ressemble beaucoup à son père. Les cinq minutes qui suivent lui paraissent durer une éternité. Il ne sait pas qui sa jeune sœur a contacté, alors il s'attend un peu à voir une armée d'hommes musclés et sur-équipés débarquer dans l'endroit. Ils pourront les escorter jusqu'à leurs vaisseaux respectifs en toute sécurité et tout finira bien.

Alors il ne peut pas masquer une légère surprise lorsqu'il voit débarquer un homme, seul, et même pas si armé ni musclé que ça. Sa petite soeur semble soulagée de le voir, et il leur laisse ce moment d'intimité, bien que sa propre inquiétude ne soit pas vraiment calmée. Il soulève Tobias et va l'asseoir habilement sur une de ses épaules, conservant une main sur lui pour qu'il ne risque pas de tomber. Puis, doucement, il se lève, pour accueillir le nouvel arrivant comme il se doit. Il se doute qu'il s'agit du jeune homme dont sa sœur lui a déjà parlé à de nombreuses reprises. Et s'il ne se sent pas plus en sécurité, il veut quand même faire bonne figure.