Divenire

Outre tout ça, je ne peux pas me laisser abattre. J'ai besoin d'apprivoiser mon nouvel environnement. Faut que j'arrête de m’apitoyer sur mon sort et que je parvienne à avancer. C'est ça que voulait me dire Suu, non ? Et puis, c'est rassurant d'avoir Laylia à mes côtés. Quand elle me propose son bras, je ne sais pas trop quelle expression j'affiche. Parce qu'on m'a rarement aidé. Parce que personne n'osait vraiment me guider, là-bas, au camp. Mais depuis que je suis arrivé, je n'ai cessé de me confronter à des mains tendues. J'hésite, frôle son bras pour finalement faire un signe négatif de la tête, en resserrant ma canne dans ma main.

« _ Non, je dois pouvoir me déplacer seul. Et les chutes restent le meilleur moyen de me rappeler d'où se trouvent les pièges. Mais ça... disons que ça n'arrivera pas. C'est grand ? »

Laylia n'insiste pas, respectant le souhait du jeune homme. Elle a bien vu son mouvement d'hésitation, mais ne le soulève pas. Le courage dont il fait preuve lui crée une chaleur dans la poitrine et, déjà, la Compagnonne sait qu'elle s'est attachée à lui. Lorsqu'il est prêt, la compagnonne commence à marcher lentement dans le grand corridor des chambres privées de l'aile des apprentis. Un sourire nostalgique étire ses lèvres alors qu'elle se souvient de la première fois qu'elle a elle-même découvert ces lieux qu'elle apprendrait à aimer.

"C'est grand, oui. Il y a plusieurs étages, des salles de classe, de concert et de réunions... Mais tout est ordonné, organisé en ailes et relié à la grande salle d’accueil centrale. C'est impressionnant au début, mais en peu de temps tout le monde connait les lieux comme sa poche."

Elle fait ensuite une brève pause pendant laquelle seul le bruit de leur pas est audible, puis reprend.

"L'aile dans laquelle nous nous trouvons est celle des apprentis, comme tu le sais déjà. Les chambres, comme la tienne, sont tout au fond, et vous avez un grand espace salon sur ta droite ici. Pour les repas, c'est à l'étage inférieur. Il faut prendre ces escaliers-ci, au bout du couloir à gauche."

La Compagnonne le guide de ses paroles, mais le laisse seule trouver la rampe des escaliers. Cela ne l'empêche néanmoins pas de surveiller du coin de l'oeil qu'il ne rate pas la première marche.