Au spa de la baisse de garde [Mia & Raedhun - Crust]

Je ris succintement. C'était Raedhun, et je commençais à avoir l'habitude de retrouver cette même attitude dragueuse que Felipe avait éprouvé de longues décennies durant.

« Tu me lis comme un livre ouvert, ma parole », lui lançais-je, menteuse éhontée, avant de prendre un air déçu bien trop théâtral. « Mais rien qu'à imaginer la foule de prétendants qui serait vert de jalousie, tous mes plans pour te capturer s'effondrent avant même que je ne puisse les débuter. »

- M'en parle pas, j'sais plus où donner de la tête pour satisfaire tout le monde.

Je ris sincèrement. C'pour ça que j'aime bien la grand-mère, aussi. Elle entre facilement dans mon jeu et ça devient très vite amusant. Je mets une main sur mon front d'un air théâtral.

- C'est l'inconvénient quand on est une femme et qu'on fait le choix de se balader à moitié à poil en permanence, que veux-tu.

J'le dis sur le ton de la plaisanterie, mais y a un fond de vérité, hein. Un gros, gros fond même. J'en ai pas grand chose à foutre, et il est pas difficile de se dire que Mia en a pas beaucoup plus à foutre que moi.

Ce que j'aimais bien avec Raedhun, c'est qu'elle n'avait pas peur de se présenter autrement que comme elle était. Et je ne parle pas seulement de la notion d' « à moitié à poil ».

« Là tout de suite tu m'as plutôt l'air entièrement à poil. Et vu que tu prends des bains avec tes clients - à poil, je le reprécise - je suis beaucoup moins étonnée de savoir que ton établissement marche aussi bien. »

Je marque un temps d'arrêt, mesurant la portée de ses paroles. C'est vrai que c'est pas forcément hyper pro, dans le fond. Mais c'qui est encore plus vrai, c'est que je m'en fous.

- Mmh, pas avec mes clients. Avec mes amis. C'est différent. Même si en l'occurrence tu es les deux à la fois. Et puis merde, ça sert à quoi d'être patronne si on peut pas prendre quelques libertés ?

« Loin de moi l'idée de te critiquer, je t'envie même plutot ton esprit libre. »

Je soupirais théâtralement, surjouant la tristesse.

« Certains métiers sont vraiment favorisés par rapport à d'autres ... Tu t'imagines ? Je ne peux même pas me baigner nue avec mes subordonnés ! »

Je rentre dans son jeu - parce que j'aime bien, rentrer dans son jeu à elle - prenant un air exagérément compatissant. Étonnamment, Mia est à la fois outrageusement coincée et désespérément ouverte. C'est un curieux mélange. Tellement curieux qu'on passe à côté d'un semblant d'équilibre.

- Pauvre de toi, c'est vraiment injuste. Je sais ce que tu rates, et je compatis, vraiment.

Puis, j'retiens à peine un sourire en coin.

- Mais dis... Tu t'baignes vraiment à poil avec aucun de tes subordonnés ? Même pas Felipe ?

Ouais, j'en profite. Ouais, j'suis curieuse. Et alors ?

« Surtout pas Felipe », répliquais-je probablement trop vite, avant de rebondir sur un autre sujet pour tenter d'éviter les questions qui suivraient. « Je ne désespère pas de trouver l'amant parfait, ceci dit, bien que je doute qu'il arrive un jour. Pour ne rien te cacher ce sont les histoires d'amour comme la tienne qui me laissent rêveuse. »

J'hausse un sourcil, la curiosité piquée au vif. Mais j'ferme ma gueule et je retiens la question pour plus tard. Ca a pas l'air d'être vraiment le moment de causer de Felipe. Pourtant, j'sais pas, j'les sens complices ces deux là.

- J'sais que j'ai eu du cul de tomber sur Rob'. Il est arrivé à un moment de ma vie où j'étais paumée, et comme il a de très bons goûts, il est tombé sous mon charme. J'lui dois beaucoup. Tout n'est pas toujours parfait, mais on est une équipe depuis tellement longtemps que j'sais plus ce que je ferai s'il faisait pas partie de ma vie. Pourtant, on est loin de dépendre l'un de l'autre, t'sais. Finalement, on passe presque plus de temps chacun de son côté qu'ensemble, enfin bon.

J'me rends compte que j'dois avoir l'air sacrément niaise sur ce coup, alors j'lève les yeux au ciel et j'soupire.

- Enfin bon, je répète d'une voix plus assurée. C'est quoi l'amant parfait, pour toi ?

J'hausse un sourcil.

- C'est toi qui a commencé à parler d'amant parfait. T'peux pas esquiver la question comme ça alors que tu l'as balancé.

« Ah oui ? », lui lançais-je en retour, de la malice dans le regard tout en me relevant doucement avant de m'étirer, clairement en train d'esquiver la question sans même m'en cacher. « Le meilleur bain du siècle, mais si je reste je vais me retrouver en retard. »

La garce. J'prends le temps de me relever. Son silence est particulièrement chiant, mais en même temps... Ca a le mérite d'être parlant.

- Tu paies rien pour attendre, grand-mère. Allez, ouste.

J'fais un geste de la main pour la chasser, avant d'aller récupérer mes vêtements. Putain le temps passe vite, hein ?

- Et amuse-toi surtout.

J'attrapais une serviette proche - et propre semble-t-il. Je ne m'étais même pas rendu compte qu'on nous en avait préparé.

« Si ce n'est pas le cas, j'irais me plaindre à la gérante », lâchais-je avec un petit gloussement amical et un dernier sourire. « Si on ne se revoit pas, prends soin de toi Raedhun. »

J'lui rends son sourire accompagné d'un clin d'oeil.

- T'inquiètes pas pour ça, grand-mère. Prends soin de toi aussi.

J'suis déjà rhabillée, sans avoir pris le temps de me sécher, et j'ai récupérer Waal'. J'me dirige vers la sortie, et sans même faire mine de m'arrêter, j'lance un dernier :

- Et te laisse pas malmener par Felipe !