Le Meilleur Pâtissier

Le Runny Amber.

Tout comme le Penguin, l'endroit avait pour réputation d'aider les Mo'ats en détresse. Mais contrairement au vaisseau corsaire qu'If'har aurait bien aimé remercier, celui ci était trouvable.

Le Capitaine s'était lancé dans une sacré croisade pour libérer son peuple et s'il pouvait libérer certains esclaves directement sur renaissance, certains, plus abîmés que d'autres, ne pouvaient pas retourner sur Mo’tanui, avaient besoin de filières autres. Peut être que le Runny Amber pourrait fournir cela au Ni'huan.

Peut être.

Pour avoir une approche, If'har avait décidé d'offrir à sa compagne, née le 29 Ti'eylanä (Natcer pour les envahisseurs) un gâteau d'anniversaire, dans la pure tradition des envahisseurs. Parce que les gâteaux, c'était bon et que pour une fois, c'était une de leurs coutumes que If'har aimait bien. Le Runny était réputé pour sa cuisine, ils pourraient bien faire un gâteau, non?

Ce 27 Ti'eylanä, le grand noir entra donc dans la taverne et se rapprocha du bar, faisant signe au Patron qu'il aimerait lui parler.

Cathwulf était au bar, regardant du coin de l'oeil Sarrazin travailler tandis qu'il coupait des légumes pour le service du soir. Le couteau tombait, régulier, sans ostentation, et les préparations se succédaient dans un calme relatif. Le RA était tranquille ce soir. Pas d'équipage en maraude, juste les habitués et un ou deux curieux qui passaient la porte comme ce mo'at aux yeux clairs qui venait d'entrer. Un grand gaillard celui-là, peut-être même plus grand que lui, même carrure imposante sans être carrée. Une assurance qui plait. Arrêtant sa découpe le patron essuya ses mains sur son tablier en simili-cuir et se leva à la rencontre de l'inconnu juste au moment où ce dernier lui faisait un signe. Il tira vers une table dans un coin, un peu à l'écart, faisant signe à l'homme de s'asseoir en face de lui.

"Bonjour l'ami, bienvenue. Je crois que c'est la première fois que je te vois parmi nous ?"

"Merci, Tavernier. Je suis If'har, du clan Mawey’txon. Et oui, c'est la première fois que je viens dans ce bar. Je ne fréquente que rarement Hope. C'est un beau bar."

Le trentenaire s'installa à la table que le patron lui indiquait.

"Dites moi. Vous êtes réputé pour votre cuisine. Mais prenez vous des commandes?"

"La Dame soit avec vous, If'har du clan Mawey'txon." Répond-il poliment, en standard mais sans accrocher le nom mo'at. Ses racines ne lui ont pas permis de vraiment parler la langue des autochtones et pourtant, il y a des prononciations d'enfance qui lui restent, le souvenir des sons dans ses oreilles et contre sa langue. Un jour peut-être il apprendra.

"De quelle genre de commande s'agit-il ? Une privatisation ? Pour un événement ? Je suis ouvert à beaucoup de choses mais il me faut plus de détails pour vous répondre."

"Et qu'Elle éclaire vos pas, Monsieur...?"

Le Mo'at a bien remarqué l'accent parfait de l'envahisseur. Il ne fit cependant pas de commentaires, se contentant de lever un sourcil, intrigué.

Puis la conversion repassa sur sa commande.

"Non, pas une privatisation. Nous ne sommes qu'un petit Sloop, nous ne remplirions pas un endroit comme celui ci. Non, je pensais à la commande d'un gros gâteau et une réservation pour une quarantaine de personnes."

"Searuweard, Cathwulf Searuweard mais on m'appelle souvent Patron vu que c'est nettement plus simple à prononcer." S'il n'a pas d'accent sur les mots mo'at, il n'en a pas non plus quand il faut prendre un ton corporatiste. Son nom n'est clairement pas autochtone et il le sait. Peut-être pourrait-il penser à l'accentuer un peu pour lui donner un air mo'at. Cat'hwulf, Cathw'ulf, Ca'thwulf. Bah. Billevesées et verres gratuits. Ca ne changerait rien à ce qu'il était au fond. "Un gâteau c'est faisable. Si vous gardez à l'esprit qu'on n'est pas une pâtisserie hein. Vous le voudriez à quoi ? Nous faisons régulièrement toutes sortes de muffins, des tartes au citron, d'autres aux fruits, des gâteaux au chocolat... mais nous pourrions tenter des choses plus complexes si vous le désirez." Et si vous êtes prêts à payer pour, évidemment. Le talent, ça se monaye.

"Cat'ulf Sar...Sarruwèd... Moui. Je ne vais pas vous faire plus insulte et je vais vous appeler Patron. Navré. Mais vous, vous prononcez remarquablement bien les noms Mojat, pour un étranger."

Une ombre passa sur le visage du grand Mo'at. Patron... C'était aussi comme ça qu'il fallait appeler les contremaitres, à la plantation. Mais il savait que ça n'avait rien a voir et que le patron d'une taverne se voulait plus serviteur de ses clients que leur maitre.

"Pourriez vous travailler le Dih'br*? Mon épouse adore ce fruit et pour son anniversaire, j'aimerais lui faire découvrir les gâteaux étrangers."

*Dih'br: Agrume bleu de renaissance, ayant un gout de pomme acidulée

"Ma mère est à demi-mo'at. Elle s'appelle Ni'awtu. Quand j'étais petit, mes grands-parents me parlaient en mo'at, seulement ils sont morts trop tôt pour que j'apprenne la langue. Et voilà comment je me retrouve avec l'accent seulement. Mais j'apprendrais un jour je pense la langue de mes ancêtres, c'est important." Un jour mais pas demain, demain j'ai gâteau.

"Je peux travailler le Dih'br. Rôti avec des morceaux ou dans une crème ou en compote. Vous ne m'avez pas dit quel type de gâteau vous vouliez. Plutôt tarte ? Clafoutis ? Pièce montée ? En individuels ou à partager ? Décorés ? Alcoolisés ? vous voulez des exemples peut-être ?"

"Ah vous n’êtes pas complètement un étranger alors. Je suis sur que le jour ou vous vous y mettrez, vous y arriverez facilement. Vous avez été exposé tot à la langue."

If'har, lui, avait été exposé tôt à la langue des envahisseurs aussi. Son père comptait sur lui pour prendre la relève pour les négociations avec Vanguard et ses marchands.

"Je verrais bien un gâteau monté. Avec un gâteau coupé en tranches, avec une crème à l’intérieur et des morceaux de Dih'br rôtis dans la crème. Et pas couvert de pate à sucre, Re'ya n'aimerai spas ca, je pense. Plutôt un genre de creme. Je ne sais pas si c'est possible? "

Wynn sûrement mais lui, il en doute, il n'est pas doué pour les trucs intellectuel. Il a conscience des limites de son intelligence. Si Ni'oh lui enseigne, pourquoi pas. En plus de la danse et des prières. Entre deux abordages. "On verra bien. Faut aussi que je trouve quelqu'un pour m'instruire et puis le temps. Je connais quelques mots par-ci par-là."

Le racisme ne se fait pas que dans un sens, et les métis ne sont appréciés de personne, surtout ceux nés par amour.

"Pour votre gâteau, c'est totalement faisable, oui, euh..j'ai jamais fait mais je connais des recettes et j'ai un super pâtissier qui va m'aider. Vous voulez quelque chose de plutôt large ou haut ? Vous voulez lui en mettre plein la vue ou elle préfère les décorations sobres ? Et vous êtes prêt à payer combien ? Parce que ça va demander du temps et du matériel..."

Surtout s'il facture aussi le temps et les ingrédients pour les essais.

"On dit que vous avez pas mal de passage de Mo'ats, par ici. L'un d'eux pourrait peut être vous y aider?"

L'allusion au sauvetage de la cargaison de la Mâchoire Noire était-elle assez claire? Non, sans doutes pas.

"Je préférerais un gâteau relativement sobre et large. Elle n'est pas habituée aux pâtisseries étrangères et je préféré ne pas lui présenter un truc trop exotique. Et je pensait consacrer au gâteau lui même un budget d'une cinquantaine de crédits. Ce serait faisable?"

"Ils ne restent en général pas assez longtemps pour faire rentrer des choses aussi complexes dans ma caboche de tavernier. Changer de professeur sans arrêt n'est pas facile pour la progression."

Il sait bien que l'on ne parle plus vraiment de son envie d'apprendre le mo'at alors il glisse dans sa conversation les informations que semble rechercher son client. Avec prudence cependant. Il n'a pas envie de se mettre un gaillard pareil à dos mais, pour le moment, il n'a que sa parole qu'il est ce qu'il est. Et chez les pirates, on a rarement plus, il faut bien l'avouer. Bah, la vie sans risque ne vaut pas vraiment la peine d'être vécue.

"Cinquante crédits pour une quarantaine de personnes c'est un peu juste. Je pense que vous pourriez faire mieux. En général, je compte environ 2 crédits pour une part mais comme il s'agit d'une grosse pièce, je devrais pouvoir vous faire un prix autour de soixante crédits, plus ou moins cinq en fonction des matières premières. Cela vous conviendrait ?"

"Il se dit en effet qu'ils rentrent parfois sur Mo’tanui, en effet..."

If'har, qui ne se sentait guère doué pour cette conversation de sous entendu , mais qui p'osait pas jouer cartes sur tables se demanda un instant si il allait réussir à mener cette conversation ou il voulait. Il aurait du amener Way'si. La Conteuse aurait fait ça bien plus habilement. Elle savait parler, elle.

Puis la conversation revient autour du gâteau. C'était reposant, le gâteau.

"Je peux monter à soixante, oui."

"Okay alors on est partis pour une pièce montée pour quarante personne, plus large que haut, sobre, décoré autrement qu'à la pâte à sucre, avec des morceaux de Dih'br rôtis pour... quand déjà ?" Il ne sait plus s'ils en ont déjà discutés mais si c'est le cas, il a oublié. Il faudra aussi qu'il note de réserver un endroit spécialement pour l'équipage en question. "Vous voudriez réserver un alcool spécial pour accompagner le gâteau, chacun paiera ses boissons ou bien vous préférez que je vous fasse une formule avec quelques boissons choisies à volonté, genre deux alcools, deux cocktails et quelques softs pour un forfait ?" Il peut aussi laisser les gens choisir ce qu'ils veulent et facturer derrière avec une jolie addition mais ça, c'est vraiment cher et il lui est sympathique le Capitaine qui veut un gâteau étranger pour sa femme.