L'amputé et amputeur

- D’accord, vous avez pas idée du challenge.

Maintenant il sourit, le Vako, absolument amusé par cette idée. Un sidekick pour draguer, quelle merveilleuse chose !

- Et si vous n’êtes pas embarrassé… Hmm. Je peux vous faire entrer dans une fête d’apprentis médecins. C’est plein de jolies filles, d’alcool et de comportements dangereux. Ca vous va, ou vous voulez autre chose ?

Zélio sourit devant la proposition.

- non je suis pas vraiment en état. Tu me raconteras l'histoire du vaisseau en détail, même les plus secret à la place. dit Zélio amusé. Enfin rien qui trahisse un secret d'état hein. Je parle des secrets d'alcôves ou des ragots.

Il précise histoire d'être bien clair.

- Une des mécanos arrive à maintenir trois relations en même temps sans qu’aucune des trois personnes ne le sache.

Balance Vako, très sérieux, le regard bien posé dans celui de son patient. Ce n’est absolument pas un mensonge cette histoire et s’il au courant, c’est juste parce qu’il est gentil avec la mécanicienne en question.

- Ce genre de secrets ? Je peux le faire sans risquer la colère de l’Impérium ou de trahir mon serment de médecin. Vendu. Je dois vous faire rougir, ou vous embarrasser au point de me dire de me taire ?

Zélio sourit en grand.
- tout a fait ce genre de secret. dit-il avec une satisfaction évidente. M'embarrasser d'une façon ou d'une autre. J'adore les paris et certains d'entre eux m'ont conduit dans des situations très embarrassantes. Donc rougir c'est juste pas une option. Et le reste est aussi peu probable. Après je reste un être humain et donc je peux avoir des manifestations d'embarras d'une façon ou d'une autre. Testons ta capacité à transpercer mon cœur de la flèche de l'embarras. met au défi Zélio.

Rougir n’est pas une option ? Il aimerait bien voir ça. Le rouge irait parfaitement à Zélio en plus… Mais il se contentera de l’embarras. Le médecin se rajuste un peu mieux sur sa chaise, sa tasse encore tiède dans les mains, et se concentre pour trouver la pire histoire qu’il aie.
Ou alors juste une histoire idiote pour essayer de prendre la température.

- Mon père m’a attrapé une fois à essayer de séduire une de ses clientes. J’étais en sous-vêtements parce que je venais de me faire mes injections, appuyé contre le mur comme un crooner quand il a débarqué dans la pièce. Avec sa masse de bricolage. J’ai eu peur, je me suis étalé sur la fille pendant qu’il hurlait de rire. Les mains dans son décolleté et le visage sur le sien, presque à poil, persuadé qu’il allait me transformer en crêpe. Et en plus c’était sa petite amie du moment mais il ne me l’a dit que deux mois plus tard, histoire que je me casse encore les dents à essayer de la mettre dans mon lit.

On a fait beaucoup plus glorieux, mais on a aussi fait bien pire. C’est un bon moyen de voir ce qui peut faire tiquer son patient.

Zélio sourit tranquillement à l'anecdote.

- je comprends bien que tu sois embarrassé dans cette situation mais personnellement de l'extérieur en tout cas. Et bien je trouve ça drôle. Ton père est génial. dit le combattant très amusé par l'humour du papa.

A ce rythme il va gagner haut la main son pari. De toute façon vu sa vie sexuelle personnelle très débridée et le fait qu'il a toujours été rebelle aux conventions sociales... c'est difficile pour lui d'être embarrassé. Pas impossible cela dit. Il a quelques événements en mémoire. Mais faut vivre le truc pour se retrouver embarrassé. Il réfléchit une seconde et un truc colle moyen dans ce que vient de lui raconter le jeune médecin. Enfin il comprend pas ce que ça vient foutre là. Une perche tendue ?

- tu te faisais des injections ? demande Zélio.

- Non, mon père est un monstre. Un mon-streuh.

Mais s’il dit ça affectueusement, personne ne croira qu’Aldéric est cette horrible personne qui torture son fils. Et ça tombe bien : il ne l’est pas et l’enfant ingrat aime tout de même énormément son parent adoptif.
Et vu son sourire actuel, il a une idée brillante qui lui passe par la tête. Elle implique Zélio, du rougissement, et… De se lever pour enlever ses chaussures, puis son pantalon, le tout avec un air imperturbable qui ne s’efface pas lorsqu’il pose le pied sur sa chaise pour montrer le côté de son fessier. Marqué par les traces que laissent les injections répétées.

- Toutes les dix semaines. Je suis un miracle médical qui tient comme ça.

Qui a besoin de faire un petit mouvement de sourcils faussement séducteur avant de remettre son pantalon en riant, semble-t-il.

- Ca vous impressionne ?

A tient … voilà que l'autre tente un strip tease. Ce qui ne va pas en toucher une à Zélio. Les hommes nues il connait depuis ses classes militaires et les douches communes. Ensuite certains clubs de combat n'ont pas non plus de douche individuelle et à la fin de l'entrainement les gars se retrouvent aussi nus pour se laver.

- sûr. dit Zélio C'est le rythme de mes combats. Toutes les dix ou douze semaines. Je crains malheureusement que tes piqures soient moins douloureuses que les coups de mes adversaires. Mais pour un médecin pas de doute que c'est déjà une véritable épreuve.

Zélio se frotte le menton.

- tu as une maladie grave ? qu'il demande d'un ton sérieux et concerné pour le coup.

- Un vagin.

Le tact est parti en vacances.

- C’est chiant pour un garçon.

La prudence aussi semble-t-il.
Et Vako, lui, retourne juste se faire bouillir de l’eau pour prendre un nouveau thé.

- Et des géniteurs trinitaires aussi. Mis ensemble ça devient embêtant. Vous avez pas intérêt à vouloir me frapper dessus pour ma naissance, je vous préviens.

Parce qu’on ne sait jamais. Peut-être que la bouilloire c’est aussi pour se défendre.

Zélio hausse un sourcil et prend le temps de réfléchir … parce que sur le coup il croit avoir compris et puis l'autre l'embrouille. Alors il reprend tout du début dans sa tête et fini finalement par comprendre vraiment. C'est vrai que dans l'UC il y a des gens qui vont ça il parait. Il a croisé des hommes habillés en femme, l'inverse est possible. Le traitement montre qu'elle veut vraiment devenir un il.

- je tape pas sur les médecin. Je dis pas que c'est un principe de vie parce que je peux cogner potentiellement tout ce qui marche et n'est pas un enfant. Mais il faut que je sois vraiment en rogne pour ça. Et pour me mettre en rogne il faut me faire mal. explique Zélio. Donc tu es une femme biologiquement parlant, mais dans ta tête tu es un homme alors les miracles de la science rattrape l'erreur de sexe que la nature à commise ? j'ai bien tout compris ? demande Zélio curieux.

- Absolument pas.

Vako se perche sur son bureau, sa tasse de nouveau pleine dans les mains, attentif au moindre mouvement de son patient. S’il est si méfiant c'est qu'il a l'habitude, malheureusement, que cette discussion se transforme en flot d'insultes ou en démonstrations de violence.

- Qu'est-ce qu'un homme biologiquement parlant ? Est-ce que ça se décide à qu'il a entre les cuisses ? Je peux en avoir une plus grosse que vous.

Même s'il est aussi agité qu'un lapin pris dans des phares, le médecin garde une voix égale, un ton calme. Il se force à le faire, à même faire preuve d'humour.

- Je n'ai jamais été une femme, même pas avant. Dans d'autres circonstances je n'aurais pas eu besoin de chirurgie pour… Disons être en paix avec mon corps.

Il grimace.

- Mais dans celles-ci oui, j'ai profité de la médecine pour être moi, pas pour rattraper une erreur. Si juste dire au monde que je suis un homme avait suffi, peut-être que je ne l'aurais pas fait… Dans tous les cas je reste un garçon, je suis né comme ça, je mourrais comme ça aussi. Quoi que j'aie dans mon pantalon. Et si vous vous le demandez, oui, She’lagh est au courant.

Une plus grosse que lui ? Ca le fait sourire. Pour le coup il risque d'être déçu le petit. Ou traumatisé selon. Mais bon il est pas du genre à la ramener dans se domaine. Les faits se suffisent à eux même.

- c'est ce que je viens de dire. Le mental d'un homme dans un corps dont l'adn affirme que c'est une femme. Pas ma faute si des chromosomes définissent le genre. Après ta tête dit autre chose et tu profites de la science. Tant mieux. Mais je reste sur mon idée qu'un homme dans un corps de femme c'est un raté de la nature. dit Zélio. On sait t'équiper comme il se doit pour faire ton job auprès des femmes ? demande-t-il ensuite.

Il a vraiment un côté sans gêne qui s'en tape des conventions sociales.

- Ravi de voir que vous avez fait des études de médecine.

Il se renferme, Vako. Il remonte chaque mur autour de lui, s’éloigne mentalement. Un corps de femme. Les pensées viennent, le prennent à la gorge, serrent pour le faire tomber, l’étouffer, le tuer.
Un corps de femme.
Effort énorme, horrible, pour se souvenir que ce n’est pas le cas. Qu’il n’a rien d’une femme. Que son patient se trompe.
… de femme…
Un genou à terre mais loin, loin en lui : il a envie de se mettre dans son lit et de ne plus jamais en sortir. Il lutte.
A l’extérieur il n’est plus que roche inexpressive, voix plate.
… raté de la nature…

- Et je n’ai pas envie de discuter de ma vie sexuelle.

Il se lève de la table, jette le contenu de la tasse dans un évier, se retient de ne pas lancer la tasse avec. Il a envie de reprendre tous ses mots, le peu de confiance accordée, de remonter le temps pour ne pas faire cette erreur.
Et il se répète, en boucle, qu’il n’est pas une femme, que son corps est celui d’un homme, que la génétique est beaucoup plus complexe qu’une bête histoire de Y quelque part et qu’il le sait, il le sait mais…
Un corps de femme.

- J’ai d’autres patients à gérer. Vous avez fini votre thé ?

Le médecin se referme comme une coquille et Zélio comprend pas.

- je n'ai pas fait d'étude de médecine. Mais depuis tout petit on m'apprend en biologie que l'ADN définit nos capacités reproductives et qu'il en dérive notre genre. Je suis tout ouïe si les choses ont changé dans ce domaine. Je me tiens en effet pas vraiment au courant des découvertes médicales. dit Zélio qui n'a pas l'intention une seconde de bouger de l'infirmerie tant que les chose ne seront pas tirées au clair avec le médecin.

Il a rien contre son choix d'être un homme. Franchement c'est un truc qu'il comprend pas, avec lequel il n'est pas assuré, mais c'est le résultat de son éducation noble. Heureusement une part de lui rebelle à tout comprend ce qu'il considère l'ultime rébellion comme admirable. Être rebelle à dame nature et à son ADN ou comment dire Fuck you au Destin. Et ça c'est classe.

Mais il ne veut pas parler. Il veut se cacher, se faire oublier, étouffer les pensées avant qu’elles ne l’étouffent, lui. Ce n’est pas le moment pour un cours de biologie ou pire, de génétique.

- On vous ment depuis tout petit.

Le médecin a toujours la voix morte, le regard éteint. Et ça tourne, tourne dans sa tête, une erreur de la nature et non, non il n’est pas ça, il n’est pas un monstre ou une abomination et certainement pas quelque chose de contre nature.

- L’ADN ne veut rien dire. Il y a des personnes au génotype féminin et au phénotype masculin. Sans chirurgie. Il y a des personnes qui n’ont pas simplement un XX ou un XY. Comment vous allez faire pour décider de s’ils sont des femmes ou des hommes, lancer une pièce ?

Vako appuie fortement sur l’arrête de son nez pour tenter de se calmer. Ca ne marche pas. L’envie de s’arracher la peau revient.

- La vie est beaucoup, beaucoup plus compliquée que “XX, fille, vagin” et “XY, homme, pénis”, monsieur de Alvadaro.

Zélio écoute et pèse à l'aune de son expérience les affirmations du médecin.

- Je vois, un peu comme j'ai découvert durant mes classes que les mathématiques que j'avais après avant comme étant absolu c'était de la merde et que le champ des possibilités était tellement plus vaste. il hoche la tête et comprend le concept.

- désolé, je sens bien que je t'ai perturbé avec mes affirmations abruptes d'ignorant. C'était pas le but hein. Du coup je suis embarrassé. Pas dans le domaine visé au départ. Mais embarrassé quand même. Dit Zélio en notant quand même le drastique changement d'ambiance. - je suis un noble renié par son père. Mais tu sais pourquoi ça ne m'affecte pas ? C'est parce que personne ne me dit qui je suis ou devrais être, personne, je trace ma route et tant pis pour les imbéciles autour de moi qui comprennent pas.

Il y a un moment qui flotte. Un instant de silence, Vako figé, les pensées qui fusent dans tous les sens. Et soudain sa voix douce, infiniment triste.

- J’avais sept ans la première fois que je me suis dit que je devais mourir.

Il est atroce son sourire, avec tout le mal-être qui en suinte, avec une absence totale de joie.

- Je suis né Trinitaire, on ne m’a appris qu’à me haïr moi-même avant même de savoir qui j’étais. J’ai dû m’enfuir quand je me suis rendu compte que si je restais j’allais y perdre ma vie. Vous savez quel âge j’avais ? Douze ans. Je ne peux pas ne pas être affecté. Je ne peux pas me dire que le regard des autres ne compte pas. J’aimerais beaucoup, mais je ne peux pas.

Il inspire en grand avant de reprendre, les yeux fermés. Il se concentre sur tous les souvenirs heureux, toutes les fois où tout s’est bien bien passé, sur la joie et le sourire fier de son père la première fois qu’il l’a vu heureux en tant que Vako.

- Mais j’existe. J’ai des amis, un père, un équipage qui compte sur moi. Je ne peux pas juste ignorer les imbéciles comme vous le faites, je me contente de vouloir vivre jusqu’à mes trente ans.

Ses yeux s’ouvrent de nouveau.

- Nos situations sont très différentes, mais je retiens vos conseils. Ils m’aideront peut-être un jour ?

Le combattant écoute le jeune médecin et son histoire. Sûr qu'il a du en chier. Mais c'est la vie. Il hausse les épaules.

- on a tous des épreuves à relever mon gars, et je parle de truc où on est son meilleur ennemi, des trucs en rapports avec l'estime de soi et comment faire en sorte d'en avoir assez pour avancer. explique Zélio. Si on excepte les sociopathe et autres tarés du genre on en chie tous. La bonne méthode est de garder le dos bien droit et rester persuadé qu'il faut avancer quoiqu'il en coûte. Et je sais pas ce que c'est que vivre en ayant appris à me détester plus jeune. Mais je sais ce que c'est que de faire une erreur tellement grosse qu'on a envie de se jeter par la fenêtre de l'immeuble le plus haut des alentours. Pourtant je suis là et j'avance. Parce que c'est qu'on est censé faire, avancer. Et même si je me déteste pour ma faiblesse je continuerai à avancer.

- Oh, mais j'avance.

Il part de loin et il n'est pas prêt d'arriver mais il met un pied métaphorique devant l'autre chaque jour, chaque fois qu'il sort, chaque fois où il apprend à une nouvelle personne son passif. Parfois l'obstacle se passe tout seul.
Parfois il le fait trébucher, comme là, mais demain viendra et il continuera de se lever et d’avancer.

- Je le fais juste d'une manière différente de la votre. Parce que… Hé bien je suis moi, et pas vous.

Manifestement incontrôlée, sa main vient se planter dans sa nuque pour commencer à y frotter la peau.

- Vos conseils sont bon, ils ne sont juste pas applicables au débotté dans ma situation.

Les ongles maintenant. Il faut qu'il se sorte de là. Il faut qu'il se vide l'esprit, rien n’étant sorti.
Tout tourne encore. Il fait bonne figure mais il continue de s'effondrer comme un château de cartes.

- Vous avez fini votre thé alors… ? Il faut vraiment que je passe voir mes autres patients, c’était pas juste une manière de m'échapper.

Mais si, et il le fait encore.

- tu as l'air vraiment stressé Doc. dit Zélio embêté. Et c'est de ma faute.

Il se remet en position et se transfère sur son fauteuil à la seul force de ses bras.

- tu m'envoies désolé mon gars. Mais soit certains que personnellement j'en ai rien à faire de tout ce qui tourne autour de la génétique et des attributs apparents ou pas. Si tu dis que tu es un homme. Mois c'est tout ce qui me suffit pour te traiter comme un homme. ajoute l'impérial.

Son père se retournerait dans sa tombe s'il était mort. Les nobles impériaux sont réactionnaires dans de nombreux domaines. Celui-ci en fait parti pour ceux vivant aux frontières en tout cas. Après la capitale c'est peut-être différent. Mais lui est né rebelle. Il déteste être prévisible, il déteste qu'on lui impose des façons de penser. Et s'il sait ne pouvoir échapper complètement à la société et ses règles. Il prend un malin plaisir à prendre de face certaines d'entre elles.

Ce n’est pas qu’il est stressé, c’est qu’il est en pleine auto-mutilation légère mais ce n’est pas une chose à dire, aussi sourit-il juste un peu en tranche de courge.

- C’est tout ce que je demande.

La tasse de Zélio finit elle aussi dans l’évier. Le médecin l’observe un dernière fois d’un oeil professionnel, s’assure que tout a l’air à peu près normal pour un amputé tout récent, et finit par lever un pouce.

- Vous avez mon autorisation de sortie d’infirmerie. Repassez pour le pansement ? Et saluez ma Capitaine pour moi si vous voulez bien. Et vous me devez une soirée où vous m’aidez à draguer !

IL perde pas le nord le médecin. Zélio fait la gueule quelques secondes et grommelle. Il n'a jamais été un bon perdant.

- un deal est un deal. annonce simplement le combattant. Je la saluerais, même si je sais pas quand je la revois dans la journée. Au pire ce soir quand on sera que tous les deux.

Ajoute le combattant dans son fauteuil avant de se diriger vers la sortie.

L’avantage d’avoir déjà la tête bien prise, c’est qu’il n’imagine absolument pas ce que Zélio et She’lagh pourront bien faire ce soir en tête à tête. Son imagination reste sagement à la niche.

- Il n’y a pas d’heure d’expiration, vous êtes libre de le faire quand vous voulez.

D’un petit geste de la main, il finit de dire au revoir avant de retourner à ses tâches dans l’infirmerie pleine de blessés.