Will we crash and burn ? [Way'si & Hush]

Hush n'était pas au meilleur de sa forme. Il revenait tout juste du centre de Tortuga, et là, il avait eu quelques déconvenues. Un groupe de gars beaucoup trop costauds pour lui, lui étaient tombés dessus. Maintenant, ils étaient morts, et lui, il se demandait s'il avait pas quelque chose de cassé. Il saignait du haut du crâne, il avait plusieurs bleus et contusions sur l'ensemble du corps, et des douleurs notamment à la nuque, aux côtes, et au ventre. Mais sa plus grosse préoccupation concernait Tobias. Le petit garçon était resté dans ses bras pendant toute la durée du passage à tabac, et s'il avait fait de son mieux pour le protéger autant qu'il le pouvait, il était très inquiet. Dès qu'il était remonté à bord du Ni'huan, il avait directement pris la direction de l'infirmerie. Il espérait qu'il y trouverait Way'si. Il avait détaché l'enfant de son torse et le tenait entre ses bras, près à le tendre directement à la jeune médecin pour qu'elle puisse l'examiner.

Je fredonnais dans le fond d'une infirmerie presque vide. Une fièvre, voilà tout ce qui troublait le calme du Nihuan. Une fièvre, une gueule de bois et un homme qui s'était coincé un doigt dans une porte. Tranquillement, je pilais dans mon mortier une feuille avec de l'huile pour faire une pommade contre la toux. Le bruit des feuilles écrasées, leur odeur capiteuse, tout ceci me rappelait mon enfance et malgré le rythme soutenu de mon chant et de mes gestes, je me sentais apaisée. La porte s'ouvrit, je me retournais et m'arrêtais net. Hush était là, ensanglanté, tenant Tobias dans ses bras. Abandonnant ma mixture, je me levais et allait vers lui.

"Par la Dame Hush, que t'est-il arrivé ? Attend, donne moi le petit. Assied toi là." J'avais attrapé l'enfant, désigné un lit vide et tiré un rideau pour nous isoler du reste du monde. "Dit moi."

Lorsqu'Hush pénètre dans l'infirmerie, il voit immédiatement l'inquiétude se peindre sur le visage de la jeune femme. Il aimerait pouvoir la rassurer, mais elle l'entraîne tout de suite à l'écart, l'oblige à s'asseoir sur un lit, tire un rideau, après avoir pris Tobias dans ses bras. Il signe deux mots, en désignant Tobias.

"Enfant-amour."

C'est de lui dont il faut s'occuper. Vérifier qu'il n'a rien, même s'il pense que les coups ne l'ont pas atteint. C'est pour lui qu'il est inquiet, pour lui qu'il faut se faire du souci. Le reste n'a pas d'importance. Il prend quand même le temps de commencer à expliquer la situation. Il signe lentement, et puis si Way'si ne comprend pas, il sortira son carnet pour lui écrire.

"Des hommes nous ont attaqués. Ils ont frappé sur moi. L'homme aux bras de métal est arrivé avec une épée, et il les a tués."

Je ne comprends pas tout mais je crois que j'en saisi assez. Il y a eu une attaque et du métal et des morts. Oh. Il faudra en parler au Capitaine, il ne va pas aimer qu'on s'en prenne à ses membres d'équipage. Plus qu'une équipe, le Ni'huan est un clan pour ceux qui n'en ont plus. Un clan de guerre, de larmes et de violence. Un clan pour protéger Motuani. Je pose doucement Tobias sur le lit à côté de son père et attrape un linge humide pour le laver. Je procède avec douceur, inspectant au passage le petit corps maigre et juvénile. Sous le sang et la crasse, je vois quelques contusions peut-être. Une ou deux micro-coupures. Mais mes mains cherchent plus profond, palpant pour repérer des os cassés ou des organes abîmés.

Hush est extrêmement inquiet, et il l'est encore plus quand Way'si commence à palper le corps de son fils, et qu'il voit apparaître des coupures. Bon sang, il ne l'a pas assez bien protégé ! Le petit bonhomme n'a, heureusement, pas l'air si traumatisé et il rit à Way'si en répétant son nom.

- Ayziii.

Hush, lui, ramène ses pieds sur le lit, jusqu'à s'accroupir, observant les mouvements experts de la médecin du Ni'huan, un pli soucieux sur le front. Il grimace quand son genoux vient toucher ses côtes douloureuses, mais il ne change pas pour autant de posture.

"Alors, comment va l'enfant-amour ?" signe-t-il.

"Bonjour Tobias." Perdue dans un flot d'émotion, j'ai oublié de le saluer à voix haute mais je me rattrape à présent avec un sourire de bienvenue. Il rit. Il ne semble absolument pas effrayé par ce qu'il vient de se passer. J'admire la force de l'enfance qui passe par dessus tout. Je me demande ce qu'on en fait, une fois qu'on devient adulte. Je signe rapidement, d'une main, pour rassurer le père. "Bien." Mais je n'ai pas fini mon examen pour le moment et retourne mon attention sur l'enfant.

"Tu as mal quelque part, Tobias ?" Le petit semble ne pas comprendre alors je signe ma question en répétant à voix haute. "Tu as mal quelque part, Tobias ?" Il me montre une jambe et au dessus de l'oreille droite mais avec une telle énergie que j'ai du mal à me faire du soucis. Je tâte et regarde les deux endroits. Puis soupire de soulagement lorsque je vais me replacer devant Hush.

"Il a une bosse sur le crâne au dessus de l'oreille, mais ce n'est pas grave, une légère entorse du genou, que je vais bander. Il devra se reposer une petite semaine et il sera guéri. Ses coupures ne sont rien et seront parties demain. Toi par contre, mon frère, c'est une autre histoire. Que dirais-tu de passer à la douche pendant que je fais le bandage de ton fils et je pourrais m'occuper de toi ?"

Quand il voit avec quel professionnalisme Way'si s'occupe de son fils, Hush se détend légèrement. Il sait qu'il est entre de bonnes mains, et qu'il n'a rien à craindre. Et puis elle lui annonce ce qu'il a, et si il s'en veut de ne pas avoir su mieux protéger son enfant, Way'si se veut quand même rassurante. D'ici une semaine, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Alors ça devrait aller. Tobias est un enfant tranquille, il ne devrait pas trop souffrir de la situation. Hush joint ses mains devant lui et les pose au niveau de son coeur, en un merci silencieux. Puis, il se relève en grimaçant, dépose un baiser doux sur la joue de son fils en lui promettant de revenir rapidement, et il va se laver, comme le lui a suggéré la médecin.

Alors que l'eau coule sur lui, il voit bien qu'il y a de nombreuses marques qui ne partent pas, même s'il essaie de frotter - mais pas trop fort, parce que ça lui fait mal. Il ne s'attarde pas sous la douche, et revient rapidement vers Way'si, torse nu, et un pantalon de toile propre sur lui. Il n'a pas non plus remis ses chaussures. Sagement, il retourne s'asseoir sur le lit où il a quitté son fils et Way'si quelques minutes plus tôt.

Le temps qu'Hush revienne, j'ai terminé de laver l'enfant, ai appliqué du baume cicatrisant sur les plaies, de la crème apaisante sur les bosses et un bandage sur le genou du petit afin qu'il ne se reblesse pas par accident. Les entorses guérissent le plus souvent d'elle-mêmes mais sur les gamins, il vaut mieux bander pour éviter le faux mouvement. Ils sont si insouciants qu'ils oublient vite. L'état du père est, comme prévu, plus grave. Maintenant qu'il est vierge de toute crasse, l'on voit mieux les traces de coup. Je retiens un soupir. Je déteste qu'on blesse les miens, vraiment. Et If'har va être fu-rieux. Mais ce n'est pas le moment de penser à lui. Pas encore. Je pose doucement ma main sur un endroit vaguement intact, là où il a tenu Tobias contre lui.

"Mon frère. Je vais devoir t'examiner sur tout le corps, il faudra que tu enlèves ce pantalon. Veux-tu qu'avant je fasse appeler quelqu'un pour s'occuper de ton fils ou préfères-tu qu'il soit là ? Professionnellement, je te conseille de l'écarter, il ne faudrait pas qu'il soit plus choqué de ton état que de ce qu'il s'est passé."

Hush hésite un instant, regardant encore son fils d'un air soucieux. Même si Way'si s'est admirablement conduite et qu'elle s'est montrée très rassurante, Hush a eu très peur de le perdre, et cette peur suffit à justifier son inquiétude. Cependant, la médecin a raison, et il se fie entièrement et aveuglément à son jugement. Alors, il fait un unique geste de la main pour lui indiquer qu'il est préférable que l'on s'occupe de Tobias pendant qu'elle s'occupe de lui. Il n'a pas regardé ses blessures, mais il sait qu'il a mal, et il ne veut pas choquer ou traumatiser son fils plus qu'il ne l'est déjà.

J'appelle un membre d'équipage. Un de ceux que je connais le mieux et que j'apprécie. Tobias sera en sécurité avec lui. Doucement, je le nomme au petit pour qu'ils fassent connaissance et je les regarde partir. Hush sera nerveux, bien-sûr, il ne se sépare que rarement de son fils mais c'est pour leur bien à tous les deux. Les enfants doivent aussi apprendre que leurs parents reviendront. C'est très important comme phase. Alors, même s'il pleurera peut-être, il faut que l'on tienne bon. J'attrape un nouveau linge mouillé, propre, prête à passer à l'action. "Allez, enlève ton pantalon mon frère. N'aie pas de honte, je ne te jugerais pas, je suis là uniquement pour te guérir."

Hush voit son fils partir, et son coeur se serre, mais il sait que c'est la bonne chose à faire. Pour tous les deux. Depuis qu'ils sont partis de l'affreuse demeure de Marjolaine, il n'a pas quitté Tobias une seule seconde, sans doute par crainte qu'il lui soit arraché, ou pour compensé les premiers mois dénués d'amour qu'il a vécu. Peu importe. Tobias est entre de bonnes mains, et rien ne peut lui arriver à bord du Ni'huan.

Il hésite un nouvel instant lorsqu'elle lui demande de retirer son pantalon, mais finalement, il n'éprouve ni de gêne ni de honte à le faire devant elle. Il a confiance en elle. Elle n'est pas comme Marjolaine, et il n'a jamais eu l'impression qu'elle l'était. Alors, doucement, en grimaçant de douleur, il retire le pantalon de toile, et il le plie avant de le poser à ses côtés et de se rasseoir sur le lit.

Je commence doucement à toucher la peau abîmée de mon camarade. Mes mains sont douces mais fermes, palpant les os, les contusions. Plusieurs fois, je pense lui faire mal cependant, l'examen est important. Les envahisseurs ont des machines pour ça. Je pourrais en avoir une en demandant au Capitaine. Mais ce n'est pas pareil. J'ai fermé les yeux, pour voir au bout des doigts comme on me l'a appris. En faisant cet examen, j'apprivoise nos deux corps, afin que les remèdes fonctionnent mieux. Le visage d'abord, le cou, les bras, je passe maintenant au torse et aux côtes puis au dos et la colonne vertébrale. Les coups ont été nombreux et forts. Chaotiques. Ils auraient pu être plus efficients. Je relâche un peu ma respiration. La violence aveugle fait souvent moins de dégats que celle qui est délibérée. Il a été battu, non torturé. Je descends, examine l'aine sans marquer le moindre arrêt puis les jambes et les pieds. Une fois ce premier passage fait, je remonte, ouvre les yeux, le regarde. "Dit moi zone par zone où tu as mal."

Avec douceur et fermeté à la fois, Way'si tâte le corps d'Hush. Lui, il grimace, parfois il frémit, mais il se laisse faire. Il a une entière confiance en elle, et il sait qu'elle n'a pas d'autres choix pour l'aider, surtout si il veut pouvoir guérir rapidement. Il se crispe légèrement quand elle descend sur son ventre, mais finalement, son angoisse se dissipe assez vite. Quand elle a fini son tour d'horizon, elle se relève et lui demande de lui montrer où il a mal. Tout de suite, il y a trois endroits qui se révèlent. Le sommet de son crâne, d'où s'échappe encore du sang, ses côtes, à droite, et son ventre. Pour le reste, les douleurs sont supportables. Il effleure les endroits en frissonnant, et sans jamais quitter Way'si du regard.

Cette scène lui rappelle étrangement ce qu'il pouvait vivre en étant petit, lorsqu'il se faisait frapper parce qu'il était trop lent, trop rêveur, et que sa maman d'adoption l'examinait et le soignait, en lui parlant avec une douceur qui le rassurait à tous les coups. Alors malgré la douleur des coups, un léger sourire étire ses lèvres.

J'examine plus en profondeur les endroits désignés. La blessure à la tête saigne beaucoup. Elles le font toutes. Il va avoir besoin de sang et de repos. Les côtes se remettront s'il se tient tranquille avec un bon bandage. Mes mains s'attardent sur son ventre, tentant de retrouver les organes abîmés, d'éliminer les inutiles comme la rate et de vérifier les vitaux comme le foie et les reins. Il me faudra lui faire une prise de sang et vérifier régulièrement que les humeurs à l'intérieur sont comme elles doivent l'être. La tête d'abord. Je prends un nouveau linge mouillé et monte sur le lit pour le surplomber. Doucement, je trie les cheveux, dégage la blessure, enlève les caillots sales qui se sont formés. La plaie n'est pas très profonde mais elle est large. Je fais doucement pour ne pas lui faire trop mal.

"Tu es blessé là haut mon frère. Je vais devoir recoudre, cela évitera d'attraper des maladies. Pour cela, je vais aussi devoir couper les cheveux autour et il se peut qu'ils repoussent blancs. On ne saura que lorsqu'ils seront revenus. Veux-tu que je coupe tout le reste pour une meilleure harmonie ou préfères-tu garder ta longueur malgré tout ?" La beauté et l'estime de soi est un facteur important de guérison. Je serais stupide de ne pas le faire participer aux soins de son propre corps. C'est une faute que font les envahisseurs mais qu'un mo'at sait éviter.

Hush se laisse faire, poupée de chiffons entre les mains de la médecin. Il grimace à peine lorsqu'elle touche les endroits douloureux, frémit lorsque la douleur frôle l'insupportable. Il sait que ces moments ne sont pas agréables, mais nécessaires, et Way'si a l'air de bien savoir ce qu'elle fait. Aussi, lorsqu'elle lui parle de ses cheveux, il relève la tête vers elle, interrogateur. Il demeure silencieux et immobile quelques instants durant, et finalement, ses mains se lèvent devant lui, et il signe lentement pour qu'elle comprenne.

"Coupe - Tout"

Depuis que Way'si a formulé l'envie d'apprendre sa langue, Hush essaie de se faire comprendre par ce biais au maximum. Il sait qu'elle saisit plutôt bien ce qu'il veut dire, dans l'ensemble, et que si elle ne comprend pas, elle lui demande sans détour.

Sa blessure à la tête n'est pas celle qui le fait le plus souffrir, mais la douleur qu'elle dispense s'étend au reste de son crâne. Ce n'est pas agréable. Il reste néanmoins immobile et silencieux, tandis que ses doigts se crispent sur le bord du lit.

Je hoche la tête et m'éloigne de lui un moment, le temps d'attraper des ciseaux, une tondeuse, un rasoir, une serviette, une aiguille bien solide et du fil brun/noir de la bonne teinte. Je prend aussi un baume désinfectant et cicatrisant que j'aime utiliser et que je fais moi-même. Il n'est pas miraculeux -je connais des recettes qui le sont seulement elles sont chères et je les réserve à des urgences. L'esthétique n'est jamais ma priorité - mais il suffira pour cette plaie. Puis, doucement, j'escalade le lit, m'y met à genoux et commence mon travail. Les cheveux tombent sur la serviette et sur les draps. Je fredonne. Dans mon clan, se coiffer était plus ou moins réservé aux mères et aux amants. Il y a quelque chose de très intime dans le fait de se toucher les cheveux je trouve et pourtant, je n'y mets aucune arrière pensée. La coupe que je fais est courte, peut-être 5 mm de cheveux et rasé autour de la plaie mais ça lui va bien. Je n'ai pas cessé de fredonner, un air qui me vient du coeur, qui parle d'un oiseau et de la joie de son premier vol.

Hush reste immobile. Sa respiration est calme et régulière. Il y a quelque chose d'étrange dans ce moment. Voilà longtemps que personne ne s'était approché si près de lui avec son autorisation et surtout, avec son consentement éclairé. Il ne connait presque pas Way'si, et pourtant, il a l'impression de la connaître depuis toujours, et qu'elle fait partie de sa famille et de sa vie. Il a confiance en elle, tant et si bien qu'il ferme les yeux, se laissant aller entre ses mains. Lorsqu'elle chante, Hush sourit. Elle a une voix qu'il aime, et il connait la chanson qu'elle fredonne. Ses souvenirs sont lointains et flous, mais il est presque sûr que son papa la lui chanter quand il était au près de lui. Alors, si le haut de son corps demeure immobile et qu'il ne peut pas accompagner Way'si dans son chant, son pied commence à se balancer tout doucement, au rythme de cette chanson légère qui réchauffe son coeur. Il ne peut s'empêcher de penser que le geste qu'il réserve pour désigner Way'si, ce surnom choisi par son coeur, lui va à ravir. Femme-lumière. Femme-cadeau. Nul doute qu'elle est un présent envoyée par Calypso en personne. Sans elle, la vie serait plus terne, il le sait.

Le mouvement de son pied se répercute dans le corps entier et pourtant, je n'arrête pas de fredonner, restant dans ma bulle, compensant les mouvements de son crâne. Toujours doucement mais avec fermeté, je nettoie à nouveau les bords de la plaie et l'intérieur, retirant des bouts de cheveux à la pince à épiler. Le temps s'écoule lentement, sans véritable raison. Lorsque j'ai fini ma chanson, j'enchaîne sur une autre du même type. J'en connais beaucoup.

Après le nettoyage, j'applique le désinfectant puis je resserre les bords de quelques points rapidement réalisés pour faire le moins mal possible. Puis, un peu de crème cicatrisante et un pansement en spray pour recouvrir. Je redescends du lit. Me lave les mains pleines de sang, de sueur, de peau, et de cheveux. Je brosse mes vêtements rapidement, attrape une aiguille à prélèvement et des petits tubes.

"Ca va toujours mon frère ? Pour ta blessure à la tête, tu viendras tous les jours me voir au début, je changerais le pansement. Maintenant, je vais te prendre un peu de sang pour essayer de savoir si tes agresseurs t'ont blessé à l'intérieur et bander tes côtes."

Hush serre un peu les dents lorsque l'aiguille entame sa chaire. Son pied arrête de se balancer, et ses mains se referment davantage sur le bord du lit. Cependant, la douleur reste très supportable, les gestes de Way'si doux et efficaces. Nul doute qu'elle sait ce qu'elle fait. Lorsqu'elle lui demande s'il va bien, il hoche la tête, à la fois pour dire qu'il va bien, et pour lui faire comprendre qu'il est d'accord pour la suite. Puis, il essaie de lui dire quelque chose en signant, mais il a son carnet à porté de mains si jamais il faut qu'il lui explique en écrivant.

"Tes chants soignent mon âme."

Ses mouvements lui arrachent une légère grimace ; ils lui ont fait mal aux côtes. Alors, il ne bouge plus, attendant que Way'si poursuive ses soins.

Ah. Cette fois je ne comprends pas tout et pourtant, j'ai suivi ses signes avec attention. Je comprends le sens global. Il est positif et il parle de ma voix, seulement pas avec le geste de la parole. J'en déduis qu'il parle du chant. Le chant fait quelque chose de positif à son âme. Je m'écarte un peu, pour qu'il me voie et tente de signer à mon tour. "Je n'ai pas compris le..." et je refais le geste qu'il me manque, cherchant à le mimer de mon mieux. Ce faisant, je reste un peu éloignée, lui laissant la place pour écrire ce qu'il veut. En échange, je prépare plusieurs petits pots avec des solutions de plante que je connais bien et que j'étiquette rapidement. Ecrire, pour ça, ça m'a changé la vie. Je peux à présent préparer des choses à l'avance sans risquer de confondre les tubes. Cela ne m'arrivait jamais - ma mémoire étant très bonne - mais on ne sait jamais.

Hush ne s'attendait pas spécialement à ce qu'elle comprenne sa phrase ; en revanche, il est surpris qu'elle ait aussi bien deviné les trois quart de ce qu'il souhaitait lui dire. Aussi, c'est avec un sourire doux qu'il sort son carnet et qu'il commence à noter la traduction.

"Tes chants soignent mon âme.
C'est le même geste pour soin/soigner/guérir/guérisseur"

Il lui tend le carnet et les mots, et avec ses mains, il répète chaque geste avec lenteur. Puis, il enchaîne.

"Femme-lumière - guérit - homme-silence"

Puis, encore.

"Femme-lumière - est - femme-guérisseuse"

Cette dernière phrase lui arrache une grimace de douleur. Il porte une main à ses côtes, la tête baissée. Il a besoin de quelques secondes pour reprendre ses esprits et son souffle.

Je comprends mieux et je souris. C'est gentil. C'est une des raisons pour lesquelles je le fais souvent et je suis contente que ça marche. La Sage du Clan me disait souvent que c'était indispensable et je ne comprenais pas bien pourquoi à part pour changer les idées du blessé. J'étais jeune alors. Je le suis encore. J'ai beaucoup à apprendre. Heureusement, je ne suis pas assez vaine pour ne pas noter la grimace de douleur de mon patient. Ses côtes le font souffrir. Et pour ça, seul le temps pourra faire son office. Je m'approche à nouveau, rangeant dans ma mémoire ce nouveau signe et palpe son torse. Deux sont cassées, une fêlée. Je pense. Il ne semble pas qu'elles se soient trop déplacées. Je pose mon oreille entre ses deux pectoraux pour écouter son souffle. S'il siffle, il y a un risque que les poumons soient touchés. Si non, c'est mieux.

Hush a un mouvement de recul naturel lorsque Way'si pose son visage contre son torse. Mais il se reprend rapidement, se répétant sans cesse qu'il n'a rien à craindre. Et finalement, il se détend progressivement. Il ressent même une drôle de paix s'installer en lui. Elle sent vraiment bon. Il aime son parfum. Il respire calmement, régulièrement, même si chacun de ses mouvements est douloureux. Ses épaules se détendent aussi, et il accueille le contact et la douleur avec sérénité, attendant simplement que Way'si continue de le soigner.

Ca ne siffle pas. S'il ne tousse pas de sang je n'ai aucune raison de suspecter le pire. Je décale doucement la tête, refusant de lui faire du mal puis lui tend une infusion froide aux plantes. S'il avait eu des lésions, j'aurais donné autre chose, d'où l'importance de savoir. En réalité, j'ai un appareil à attraper les images des os mais je n'aime pas l'utiliser. On ne sait jamais ce que ces choses technologiques peuvent faire à un organisme vivant. Je le garde pour les grandes urgences.

"Pour la douleur mon frère. Il est possible que ça t'endorme un peu mais ce n'est pas le but, ce ne sera que la fatigue naturelle qui s'exprime à présent que le mal s'en est allé."

Je fredonne à nouveau lorsque j'attrape la bande et me met à lui protéger les côtes soigneusement. Je reprends.

"Les coups ont abîmé les os devant tes poumons. Comme c'est à l'intérieur, je ne peux pas faire d'attelle alors je mets le bandage pour le protéger. Tu dois faire très attention de ne pas plier le ventre, de ne pas te cogner le torse, de ne pas trop rire ou pleurer trop fort. Je te conseille de porter Tobias sur le dos pour les deux prochaines semaines. Si jamais tu as du mal à respirer ou voit du sang dans ta bouche ou quand tu tousses ou tu craches, tu dois venir me le dire tout de suite."

Lorsque Way'si se décale de son torse, Hush prend le liquide qu'elle lui tend dans ses deux mains. Il abaisse légèrement la tête pour la remercier, et il commence à boire sagement. Et elle lui bande les côtes. Il décale ses bras, pour lui laisser tout loisir de le faire. Encore une fois, quand elle lui explique ce qu'il doit ou ne doit pas faire, il acquiesce. Il n'est pas sûr de parvenir à mettre tout en oeuvre pour bien respecter les recommandations ; il se connait trop. Il sait qu'à la moindre bribe d'inspiration, au moindre élan artistique, il oubliera tout le reste et plongera corps et âme dans son œuvre. Et puisque sa position favorite dans ces instants là est le fait d'être accroupi... Mais il avisera à ce moment-là. Il termine son breuvage et pose le pot vide sur une table, à côté du lit.

"Merci pour ton aide, ma sœur. Je veux faire quelque chose pour te remercier."

Même signer lui fait un peu mal, et lui arrache une grimace. Alors il demeure les mains en suspends quelques instants.

"Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande-moi."