Florebo quocumque ferar [PV Croyance]

La fin de l'après-midi s'étire en nuances d'ambre, en nuages mauves lisérés d'or. Chez les gens, elle se décante en étirements discrets pour les épaules nouées par une journée de travail, en pas pressés de rentrer. Habitué au confort que procure l'invisibilité, Selvh' se faufile dans la foule - le pas léger, l'attitude copiée sur un groupe de jeunes gens non loin. Apparemment, ici, nul besoin de manoeuvres subtiles pour sembler occupé dès que se profilent les forces de l'ordre - mieux : nul besoin de faire croire sans un mot qu'il est propriété de quelqu'un. Il n'en garde pas moins le réflexe de se protéger en semblant n'être personne.

Alors, avec un plaisir presque coupable, Selvh'ën saute de trottoir en shuttle en commun, au hasard - l'oeil ouvert, parce qu'il n'est pas né sur Paradis pour rien et que l'Enfer, quelque part, sera toujours sur ses talons. Puis, à un moment ou un autre, il finira bien par trouver ce qui pique réellement sa curiosité : les étendues plus sauvages où sont ceux que le monde appelle les siens, la jungle dont on lui a promis qu'elle s'illumine la nuit, plus belle et plus subtile que toutes les lumières artificielles. Est-ce que les plantes de Renaissance, vu de suffisamment haut, ressembleront à des constellations ?

Dans ses poches roulent quelques crédits, une perle et deux plumes à offrir à la Mère des Etoiles et une poignée de fruits locaux dont il compte planter les graines si l'occasion se présente.

C'est l'habitude de guetter tout danger qui lui fait entrevoir la gamine - toute frêle, toute mince, et sans personne à côté. Pas inquiète, pas qu'il le voie, mais seule. Indécis quant à la marche à suivre, il suspend son pas.

Il fait tout noir, par là. La ville la nuit, c'est vraiment bizarre. J'avais jamais jamais vu. On aurait bien continué à marcher, Serge et moi, mais on sait pas où il faut marcher pour aller vers le bout du monde. Et peut-être que quelqu'un il a vu Modestie. J'ai essayé de parler à des quelqu'uns, mais y a personne qui m'écoute ce soir. Je tenterai ma chance demain matin, je crois que ça sara mieux. Et à un moment, je vois un garçon qui me regarde bizarre. Je crois qu'il a le même âge que Martin, ou bien Philippe, mais pas beaucoup plus. Et il est tout seul, comme moi.

- Eh ! Pourquoi tu me regardes ?

"Parce que c'est pas commun, une fille de ton âge seule."

La loi de la rue n'épargne pas les enfants, Selvh'ën l'a appris il y a quelques années de cela déjà. L'indifférence des passant pardonne moins qu'on ne le pense. Mais ce temps-là, il l'espère, est résolu. Son chemin, il le tracera dans les étoiles, si la Déesse le veut bien. Mains dans les poches, il hausse une épaule, retenu par une bribe de solidarité pour la brunette.

"Tu sais te débrouiller ?"

- Eh, t'es pas si plus grand que moi, toi. Et toi aussi t'es tout seul, d'abord.

Je croise les bras, mais je boude pas trop fort non plus.

- Ben oui ! ... Je sais pas trop, pour de vrai en fait, parce que je suis partie que depuis un seul jour ou deux, je sais plus, alors c'est pas beaucoup. Toi t'es dans la rue depuis longtemps ? Comme une semaine ou... Dix jours ?!

Je le regarde avec des grands yeux.

"Longtemps comme une semaine". Selon ses critères, il y est resté une éternité, à la rue. Il accuse le choc en silence, n'en laisse rien filtrer - parce qu'elle est trop jeune, trop neuve pour ce monde.

"J'y suis resté un peu plus que ça."

Un seul jour ou deux, qu'elle y est, elle, alors ce n'est pas très compliqué. Sous ses iris noisette, son trouble inquiet s'agite en silence. Sous ses phalanges, la perle qu'il destinait à être offrande roule, fraîche. Il la relâche pour piocher l'un des fruits qui la côtoient, le tend à la gamine.

"Et tu veux faire quoi dans la vie ? Parce que rester à la rue, c'est encore mieux quand ça s'arrête. Parole d'aîné."

Il a l'air gentil. Et il me donne un joli truc.

- Ca se mange ?

Je demande ça en le prenant, parce que je sais jamais, si ça se trouve c'est pas pour manger.

- Ben je vais pas rester à la rue, moi ! Et d'abord, tu fais quoi là, si ça a arrêté d'être la rue pour toi ? Moi, je cherche ma grande soeur. Je vais la trouver bientôt, comme demain, et puis après, je serai pas à la rue. Elle, son nom c'est Modestie Profendieu, tu la connais, toi ?

Un hochement de tête sobre dissimule son inquiétude grandissante pour ce bout de fille.

"Oui. Attention aux pépins."

Et comme si une réponse avait appelé tant de questions, les mots s'enchaînent, cascade d'optimisme sociable que rien n'arrête. L'adolescent sort un fruit pour lui qu'il essuie sur sa manche, répond méthodiquement :

"Je me promène. Et je ne connais pas ta soeur mais je peux demander si quelqu'un la connait, près de moi. Tu as des indices pour la trouver ou tu cherches au hasard ?"

Parce que c'est grand l'univers, et si ça semble merveilleux à Selvh'ën, ça doit l'être moins quand on cherche quelqu'un en particulier, entre toutes les planètes de la création.

Je regarde le joli truc et puis je croque dedans et ça fait plein de jus et ça a un goût bizarre.

- Aaaah, c'est bizarre ton truc.

Mais en fait, j'aime plutôt bien, et puis surtout, j'ai beaucoup faim, alors je recroque. Et comme j'ai la bouche toute pleine, je hoche d'abord la tête et après c'est pas facile pour parler.

- Mmh-mmh. Elle a quinze ans de plus que moi, et elle a des grands yeux violets comme moi ! Oh, et puis elle s'appelle Modestie, aussi !

Ca fait trois, je crois. C'est déjà beaucoup ! Avec ça, c'est trop sûr que je vais trop vite la trouver !

- Et puis tu te promènes où, toi ? Tu cherches un quelqu'un aussi ?

Sous ses doigts, la perle destinée à Calypso roule en une prière muette pour la gamine et sa soeur, avec peut-être toute une galaxie qui se glisse entre elles et juste ce portrait de quelques phrases pour les réunir.

"Non, je ne cherche personne. Je pensais aller voir la jungle."

Il a plus souvent évité les gens, orbité autour d'eux sans entrer dans leurs vies, utilisé leurs présences comme des assistances gravitationnelles pour mieux s'éloigner.

"Elle fait quoi dans la vie, ta soeur ?"

Il va juste voir la jungle comme ça ? C'est trop coooool ! Si je dois pas chercher ma soeur, je va avec lui, c'est sûr ça !

- La jungle ? C'est par oùùùù ça ?

Elle est bizarre sa question ! Moi je sais pas ce qu'elle fait dans la vie, ma soeur.

- Ben je sais pas, je la connais pas. Je suis pas née quand elle est partie de la maison, et du coup ben je sais pas. C'est pour ça je la cherche ! Mais je suis sûre que c'est une super-héros !

"Un peu partout autour, de ce qu'on m'en a dit. Il faut juste trouver un chemin qui s'éloigne de la ville ou un toit suffisamment haut."

Il ouvre la bouche pour commenter cette idée de chercher des gens qu'on ne connait pas, la referme immédiatement : il est mal placé pour parler - lui qui cherche une jungle qu'il ne connait que de nom, terre d'un peuple qu'il ne connait qu'en chaînes et en bris d'humanité. Et avec cet angle-ci, il comprend mieux la gamine qui court derrière une ombre méconnue.

"Ce serait bien. Une super-héros, ça doit se trouver facilement. 'Faut juste que tu fasses attention, des fois qu'elle ait un ennemi juré qui essaye de t'empêcher de la trouver."

Ou juste de ces vilains à la cruauté ordinaire, dont il espère de tout son coeur d'ex enfant perdu qu'ils épargneront la petite sans pouvoir l'en préserver...

Un toit haut ? Oooooh ! Je regarde autour de moi et puis je trouve un grand maison, très très grand. Alors je le montre du doigt en regardant là-haut.

- Ca c'est assez grand, tu crois ? Moi je veux que je vois la jungle avec toi !

Et puis bah, je réfléchis aussi à ce que il dit sur Modestie et puis sur les super-vilains qui lui courent après. Ca c'est sûr que y en a ! Sinon c'est pas une super-héros. Alors je réfléchis encore et puis en fait, je souris.

- Si elle a des méchants jurés, je suis sûre qu'elle leur botte les fesses comme ça, POUM, PAM, POUUUUUM !

Et puis je tape dans le vide moi et ça me fait tousser un peu mais c'est pas grave alors je rigole.

- T'as des méchants jurés, toi ?

Le regard de l'ex-fugueur suit la désignation, s'accroche à l'immeuble.

"Il faut qu'on trouve comment y rentrer, mais ça doit être assez haut. Viens, si tu veux."

Quelques enseignes lumineuses de part et d'autre lui laissent l'espoir que l'endroit soit commerçant, assez pour qu'ils s'y glissent ni vu ni connu. Au pire, cependant, il y aura bien une sortie incendie à emprunter, pas vrai ? Sortant de sa poche un nouveau fruit qu'il tend à la gamine, il remercie silencieusement Calypso qu'elle n'ait pas eu l'idée de mettre des bâtons dans les roues de quiconque embêterait sa soeur, hausse les épaules à la question en se mettant en marche.

"Je ne crois pas. J'ai croisé des méchants, mais que des normaux."

Il n'ajoute pas le "heureusement" qui semblerait logique pour conclure : l'ordinaire de la cruauté qu'il a connue, il le sait, est probablement pire qu'un seul mal extraordinaire que l'on pourrait vaincre et abattre. Il hésite à confier plus, craque parce qu'elle est si jeune :

"Si tu en croises, ce qui marche bien, c'est de les laisser croire qu'ils sont plus forts ou plus intelligents. C'est plus facile comme ça de leur échapper."

Il veut bien que je viens, moi, alors je suis content, et je souris trop beaucoup. Et il me donne un autre fruit en plus, ça c'est trop gentil. Je le prends et puis je le mange et même j'en donne un peu à Serge aussi. Lui, il dit que il a croisé des méchants, et là, j'ouvre des yeux grands comme ça ! Woaaaaah ! Alors je l'écoute encore plus que avant. Il dit que si je croise un méchant, faut que je dis que c'est le plus fort et tout. Moi ça me fait froncer les yeux.

- Mais c'est des gros mensonges tout moches si je dis que c'est le plus fort alors que lui c'est juste un gros moche qui pue. T'as croisé des vrais méchants, toi ? Ca ressemble à quoi, ça ? Et il t'a fait quoi ?

Et là, nous on parle de gros méchants moches et tout, et là, ben là, dans la ombre, je crois que y a quelqu'un mais ça fait un mouvement alors moi ça me fait sursauter et après je va me cacher derrière le garçon là.

Il plisse le nez à l'idée d'un "gros mensonge tout moche" - parce que des tromperies, il en traîne probablement une nuée dans son sillage. Pas des graves, pas des nuisibles, juste des qui sauvent, quand même la vérité est un luxe que l'on ne peut assumer.

"C'est de la stratégie, ça compte pas" préfère-t-il nuancer.

Il ne bronche pas vraiment au sursaut de la petite, redresse juste le nez pour scruter les ombres - sans croiser les regards qui s'y tapissent, des fois que ça attise l'agressivité des prédateurs.

"Je suis parti avant qu'il puisse me faire quoi que ce soit." Et ça aussi, quelque part, c'est au mieux une demi-vérité. "Et les reconnaître, c'est tout le problème : ils ressemblent à tout le monde, en vrai. 'Faut faire attention et croire ton instinct."

Son attention toujours tournée vers la ruelle, il entraîne la fillette vers le premier angle qui les mettra hors de la ligne de mire des silhouettes là-bas, le pas faussement détendu et les sens en vigilance.

- Ah d'accord...

Moi je réfléchis un peu mais en fait je sais pas. Je le suis lui, mais en fait j'ai pas le choix, c'est lui il m'amène quelque part, moi je suis content et tout d'être avec lui en vrai.

- Mais dis, ça veut dire quoi, sragégie ?

Après, lui il dit que ça ressemble à tout le monde les méchants mangeurs d'enfants, moi ça me fait hausser les bras au ciel parce que ça aide trop pas à savoir ça. C'est vraiment tout pourri ça.

- Et c'est quoi un ninstint ? C'est le truc qu'on a dans le ventre là ? Le ninstint pour quand on avale de la nourriture ?

Moi je regarde vers le haut, c'est super haut, même.

- On fait comment pour aller là-haut, dis ?

"Stra-té-gie" corrige-t-il, articulant avec soin et sans accent. "C'est... réfléchir pour mieux combattre ?"

Il incline la tête, pas satisfait de sa définition. Elle n'est pas fausse, mais pas assez marquante pour que la petite se l'approprie.

"Tu vois quand un super-héros observe son ennemi pour éviter ses pièges, connaître ses attaques, deviner ses faiblesses ? Bah la stratégie c'est ça. C'est comme un pouvoir, sauf que tu peux l'apprendre."

Le "ninstinct" lui tire un sourire.

"Non, l'instinct, c'est plus dans le coeur." Il pose le bout des doigts sur l'emplacement. En-dessous, son pendentif comme un alibi oscille. "Et au lieu de manger de la nourriture et d'en faire de l'énergie, ça se nourrit de ce que tu ressens et ça te donne des indices sur le monde."

Un coup d'oeil dans une vitrine lui sert de rétroviseur pour s'assurer que les formes de plus tôt ne les suivent pas. Puis son regard retourne vers leur destination.

"On monte par l'escalier incendie. Mais c'est haut, alors tu me dis si tu fatigues et on fera une pause, d'accord ?"

- Stra-té-gie.

Moi je répète, je suis sage et tout, même. En plus ça a l'air trop fort la sragé... Heu, stra-té-gie. Fiouf, c'est trop compliqué ça comme mot ! Mais c'est cool, même. Ca c'est un vrai truc de super-héros, ça c'est sûr. Mais après lui, il dit c'est quoi l'instinct, ça a l'air trop le bizarre... C'est pas de la nourriture ce que je ressens moi, je crois pas. Moi ça me fait froncer les yeux un peu.

- T'es fort toi en sra... Stra-té-gie ? Et en instinct ? Dis, ça a quel goût ça, l'instinct ? C'est bon ?

Après, lui il montre l'escalier de l'incendie, c'est trop rigolo comme nom, moi ça me fait rigoler et je cours vers lui.

- Mmh-mmh !

Et moi, je commence à monter vite et tout, mais j'écoute quand même les réponses de sa question que j'ai posé à lui et tout.

Il incline la tête sur le côté dans un saccage de mèches exposées au vent. Les traits noirs de ses tatouages en profitent pour se découper sur son profil alors que, dessous, ses pensées filent. La première question est facile :

"Pas autant que je ne voudrais."

C'est d'autant plus facile que presque tous les domaines sont des domaines où il voudrait être plus fort. Le goût de l'instinct, par contre, lui fait plisser les lèvres de concentration pensive.

"Je ne sais pas. Je ne sens pas son goût, moi. Je le sens tirer, pousser, hérisser. Tu penses qu'il aurait quel goût, toi ?"

Un oeil sur les alentours, des fois qu'un adulte ne vienne tenter de les empêcher de grimper les escaliers, il emboîte le pas à la gamine.

Moi je regarde Selv et tout et après je fronce un peu les yeux et puis je réfléchis un peu mais aussi je grimpe en même temps que moi je réfléchis, moi.

- Mmmmh... En tout cas, si c'est un truc cool l'instinct, c'est sûr que ça, ça a pas le goût de nutrisoja, ça c'est sûr. Parce que c'est trop pas bon ça, et c'est pas cool de chez pas cool alors c'est sûr. Mais moi je connais pas trop des autres trucs alors je sais pas, moi... Peut-être que ça a le goût des trucs que tu m'as donné pour que je mange moi ? Ca c'est bon ça, alors peut-être que c'est ça, peut-être.

Et puis je suis trop content que nous on grimpe trop super haut et tout, moi j'adore trop ça de chez trop ça ! Mais aussi, je tourne un peu la tête pour que je vois Selv et tout, et là je vois il a des marques lui, là.

- Dis, pourquoi t'as des marques bizarres toi, dis ? Et dis, on est bientôt qu'on est arrivés ?

"Encore quelques étages et on y est" promet-il, encourageant.

Déjà, autour d'eux, les toits plus bas se découpent et prennent de la distance, entre les piétons devenus tout petits. Il prend tout de même quelques marches de réflexion avant de se prononcer sur les marques qui ornent ses tempes :

"Ce sont des tatouages - de l'encre qu'on met sous la peau. Les miens sont de vieux symboles de protection."

De clan, techniquement... Mais la communauté est une forme de protection, alors ce n'est pas tout à fait un mensonge. Un jour, il ira à la rencontre de ces gens qui partagent son encre et son sang. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il vient voir la jungle de ses ancêtres. Un pas à la fois.

Le pas suivant, justement, lui dévoile enfin la verdure, terrible et tragique dans ses différences avec les parcs et les plantations qu'il connait. Entre les bâtiments, au-delà de la ville, la promesse d'une abondance sauvage s'étend et lui serre le coeur.

Moi je commence à plus avoir trop du souffle, mais il dit qu'on y est bientôt alors ça va. Moi je continue à grimper et tout, et puis lui il m'explique c'est quoi ses marques et tout et moi je trouve ça trop coooool !

- Wooaaaah ! ... Trop... Cool...! Moi aussi... Moi... Je veux... Un... Toutouage...

Et puis nous on arrive en haut et tout, et là on voit... Tout.

- ... WOAAAAAAAAAAAAH.

Moi j'ai jamais été aussi haut de toute ma vie tout entière, et là les trucs que nous on voit c'est juste trop trop trop trop beau et trop trop trop trop cooooool !

- C'EST CA LA JUNGLE ?!

Moi je tousse un peu après.

La gamine s'essouffle, probablement à cause de l'effort, et lui garde un oeil sur elle. Heureusement que le toit coupe court aux volées de marches vertigineuses.

"C'est ça, la jungle."

Immense, verte et tellement plus colorée que dans tous ses rêves, terrible et superbe. En y regardant de plus près, les nuances de vert se découpent, chacune avec une texture différente - lianes, feuilles, dentelle de branches, plumes. Avec l'approche du crépuscule, les couleurs chatoyantes du ciel répondent à celles de la flore, chacune rivalisant et brillant doucement.

Il tapote doucement dans le dos de la petite qui tousse, incertain de quoi faire de plus, un peu inquiet.

"Doucement... ça va aller ?"

Moi je me calme du toussi et après ça va mieux, j'ai un peu mal à les poumons mais ça va, j'arrête de tousser et tout alors ça va. C'est toujours difficile que je respire mais ça c'est pas trop grave.

- Oui oui, ça va.

Et après, moi je regarde encore la jungle et tout, et puis moi je trouve ça trop trop trop trop beau.

- Woaaaaah. Dis, c'est là que tu habites toi, ou pas ? Comment tu connais cet endroit là ? Et tu crois qu'on peut y aller pour de vrai ? Moi j'ai jamais vu ça avant, jamais de chez jamais. Toi tu vois souvent la jungle, dis ?

La respiration de la fillette passe laborieusement de la toux au souffle haché et compliqué. Il garde un oeil inquiet sur elle - un peu pour sa respiration, un peu pour son enthousiasme et l'absence de rambardes alentours.

"Non, mais mes ancêtres y habitaient. J'en ai seulement entendu parler."

Il y a peut-être de la famille, mais le concept lui est presque étranger - un luxe réservé à ceux qu'on ne menace pas d'enchaîner. L'énergie de Croyance lui tire un sourire.

"C'est aussi la première fois que je la vois. Mais il vaut mieux ne pas y aller : c'est dangereux, la jungle. Les animaux y sont dangereux, les plantes y sont dangereuses... Il n'y a que les gens qui connaissent bien Renaissance qui puissent s'y aventurer."

Fasciné, il s'assoit dos à une sortie d'aération, laisse son regard glisser sur les feuillages.

"Tu viens d'une grande ville, si tu n'as jamais vu la jungle ?"