After Midnight

Sawyer dirait encore que je bosse trop. Mais moi je dis que j'aime la tranquillité du vaisseau la nuit. Enfin, la nuit, façon de parler bien sûr. Dans l'espace il n'y a ni jour ni nuit, mais l’horaire du vaisseau est calqué sur le rythme des jours à terre. C'est mieux pour le moral et la santé de l'équipage. Bref, j'adore quand l'Iceberg dort. Oh, faut pas s'y tromper, j'adore aussi quand il est plein de vie! Mais il y a quelque chose de particulier dans les silences des corridors et des grandes salles normalement bondées et pleines d'activités. Dans ces moments-là, je remarque des trucs que j'avais jamais vus avant. Le début d'effritement de la peinture dans un coin du poste d'artillerie principal, le rythme régulier des lumières dans les couloirs... et aussi à quel point le vaisseau semble immensément plus grand. Et de même, j'ai l'impression qu'il y a plus de places pour réfléchir, alors il n'est pas rare que je reste travailler jusqu'à tard dans la nuit.

Là, je bosse sur des plans tactiques. J'essaie de voir comment manœuvrer plus efficacement les canons lors d'une approche en vue d'un abordage avec les dernières données fournies par l'équipe de navigation. En gros et pour faire simple. En réalité, je m'use les yeux sur des colonnes de chiffres et de calculs devant un écran holo depuis des heures. Ça semble ennuyeux à mort dit comme ça, mais j'adore mon boulot, vraiment.

Par contre, là, je commence à fatiguer. Je me lève donc pour m'étirer, et Sorewn qui dormait roulé en boule près de moi se réveille et m'imite. Je crois que j'ai besoin d'une petite pause. Et d'un thé, ouais, un bon thé noir. Je laisse donc la salle d'artillerie derrière moi et prends le chemin du mess. Ma boule de poils et de plumes vole un instant à ma suite, mais vient rapidement se poser sur mon épaule avant de s'enrouler autour de mon cou. Paresseux, va!

Dans le mess désert, je mets de l'eau à bouillir puis retrousse les manches un poil trop grandes de mon pull rayé multicolore - j'ai pas fait dans l'extravagance aujourd'hui -, avant de me hisser sur la pointe des pieds pour tenter d'atteindre l'étagère ou est rangé le thé. Urff. C'est qui le débile qui a rangé ça aussi haut? Il a aucune considération pour les plus petits que lui, ça c'est certain. Mes doigts l'effleurent, mais j'arrives pas à agripper et je ne fais que le repousser plus loin. Merde, je vais devoir monter sur une chaise, maintenant...

La plupart de l'équipage de l'Iceberg dort. Le quartier maître aurait dû en faire autant.

Un bras dans la nuque, allongé sur sa couchette, il observe pourtant, les yeux ouverts, le plafond de sa cabine personnelle. La fatigue a beau courir dans tous ses muscles comme dans ses prunelles orageuses, le sommeil ne lui fait pas l'honneur de sa présence. Pire, il le fuit ce soir, laissant tout le loisir à ses pensées de se réunir dans sa tête pour le tenir occupé et lui faire amèrement regretter de ne pas avoir prévu une double dose d'alcool de Kei lors de leur dernière halte. Sa flasque est vide. Une erreur qu'il va devoir payer jusqu'à leur prochain amarrage.

Alors après quelques heures à chercher le sommeil fuyard, il finit par se lever. Enfiler un t-shirt. Sortir. Il n'a guère de travail en retard, par contre. S'entraîner semble une bonne idée. Mais d'abord, il tient à faire fuir les restes de fatigue qui traînent et se dirige vers le mess pour un café.

Un peu surpris de ne pas le trouver désert à cette heure, il hésite un moment à faire demi-tour et l'impasse sur le café. Ce n'est qu'à la vue d'un morceau de pull multicolore entre deux armoires qu'il s'approchera de la minuscule métisse occupée à essayer d'attraper du thé trop haut pour elle. Trop occupée pour le remarquer tout de suite alors qu'il approche, et tend tranquillement le bras pour attraper la boite à sa place.

Sérieusement, la Dame pouvait pas me donner deux centimètres de plus, hein? Parce que franchement, ça aurait été...

"AH!"

Y a un bras qui est apparu au-dessus de ma tête, juste là. Et je crois que j'ai crié. Je me retourne d'un bloc, poussant des deux mains contre le torse tout juste derrière moi dans ma surprise. J'ai un vague souvenir désagréable de ma vie d'avant et pendant une fraction de seconde, l'air entre difficilement dans mes poumons. J'ai aussi de nouveau envie de crier et de m'enfuir à toutes jambes, j'aime pas ça du tout. Heureusement, je reconnais rapidement la tête de celui qui a simplement voulu m'aider avec la boite de thé.

"Icha, merde, tu m'as fait peur."

J'ai le coeur qui bat plus vite qu'un moteur de frégate, c'est pas sérieux. J'essaie de cacher mon malaise derrière un sourire, le temps de chasser les mauvais souvenirs. Relativise, Syenä. C'est Ichabod, pas un des fils du propriétaire de la plantation, ni un des formateurs de la Dame Blanche. Il ne veut pas me frapper, me punir ou pire encore. Il a juste voulu m'aider et il m'a surpris, c'est tout, rien de plus. Respire normalement maintenant, ouais, c'est ça. Voilà. Merde, c'est Icha... Il fallait que ce soit lui. Et moi je dois devenir rouge comme une tomate là, urff.

"Hem... merci pour le thé. T'en veux?"

Je me détourne vers la bouilloire. Au moins elle, elle se fou de voir la catastrophe que je suis présentement.

Shit... C'était pas son but, de faire peur. Le cri l'aura surpris. Le coup dans les côtes aussi. La boite de thé ne lui échappe pas, mais il recule d'un pas sous le choc (et la douleur, un peu). Il aura heureusement retenu un réflexe... Principalement à cause de la fatigue qui l'habite.

Il a la tête du gars qui a pas totalement compris ce qui venait de se passer. Du gars sorti du lit aussi, encore un peu décoiffé. Bref, un peu ahuri pour le coup. C'est pas une tête qu'on voit tous les jours chez le jeune quarantenaire. Qui vient doucement se frotter le torse là où elle l'a frappé, un air contrit soudainement lorsqu'elle lui avoue sa peur.

" Désolé, Aeÿ, j'voulais pas te faire peur "

Son regard couleur ciel d'orage se repose sur elle, désolé mais inquiet aussi. Parce qu'il a l'impression de lui avoir fait plus que peur... Elle semble à la limite de la crise de panique. Et il aurait dû savoir qu'on ne surprend pas une ancienne esclave comme ça... La culpabilité chasse un moment la fatigue et il passera sa main sur son visage pour essayer de chasser les restes visibles.

" Respire. Tranquillement. " Qu'il soufflera, d'une voix calme et tranquille, pour essayer de l'aider, avant de poser la boite de thé, doucement, à côté de la bouilloire. Il hésitera un instant à poser sa main sur son épaule, mais la garde encore un peu. " Ca va ? "

"Non non, t'excuse pas, c'est rien. C'est moi, j'suis... c'est juste que..."

Je le sens se rapprocher de moi puis j'entends sa voix dans mon dos, alors je ferme les yeux et tente de me concentrer. Je m'en veux qu'il ait vu ma dérape, je n'aime pas montré ce genre de chose de moi - surtout pas à LUI, en plus, merde - mais je m'efforce de faire ce qu'il me dit. Respirer doucement. Une fois, puis deux, et encore une fois. Voilà. Ça aide en effet et je me recentre rapidement sur le présent. Heureusement, c'était pas une grosse dérape. La dernière fois j'ai pas pu empêcher la crise de larmes, et disons que j'ai franchement pas envie que ça m'arrive maintenant, alors tant mieux. Par contre, l'entendre me parler doucement comme ça fait tout l'effet contraire que de ralentir les battements fous de mon cœur. Mais ça, c'est une autre histoire. Bref, j'arrive au moins à lui répondre sur un ton plus calme et contrôlé, quoiqu'à peine plus fort qu'un murmure.

"Ça va mieux, merci."

Je ne souhaite pas m'éterniser sur le sujet néanmoins, aussi je me tourne vers lui avec un sourire désolé. Mhe, en plus il est carrément mignon quand il est tout décoiffé, ce n’est pas du jeu.

"J'suis désolé, je voulais pas te frapper. Foutus réflexes. Je t'ai pas fait mal au moins?"

Je pose doucement ma main à l'endroit approximatif où j'ai dû le frapper, sans trop y penser.

C'est juste que... Elle ne finit pas sa phrase, mais elle n'en a pas besoin. Il comprend. Enfin... Non, il ne peut pas comprendre. Il n'a jamais été esclave. Mais il a lui aussi son lot de réactions désagréables à tout un tas de situations qui peuvent sembler normales à tout un chacun, mais qui cachent au fond des prémices de mauvais souvenir. Alors il ne dit rien. Ses doigts de chair se contente de frôler son épaule d'abord, avant d'approfondir légèrement le mouvement vers son omoplate, dans une caresse de plus en plus appuyée sans jamais être violence.

Il la sent se calmer, sous le contact de sa main et sous l'effet de sa concentration. Son coeur semble battre encore un peu vite, mais il la croit lorsqu'elle dit qu'elle va mieux. Alors il sourit doucement, un peu rassuré, et attendri par son air contrit. Alors qu'elle pose sa main sur une côte flottante qui a encaissé le coup qu'elle lui a porté comme une grande, sa main de métal passera à côté de son visage, toujours avec la plus grande douceur dont il peut faire preuve, pour remettre une mèche rebelle en place.

Il n'a jamais été fan des cheveux verts, mais il doit avouer que ça lui va bien, à la mini métisse.

" Avec ta force de souris ? Naan. " Il frémit un peu sous sa main lorsqu'elle appuie pile au même endroit où son poing à frapper. Zut. " Ca va passer. "

J'ai jamais été douée pour cacher mes émotions. Alors bien qu'il n'y ait pas de miroir dans la pièce, je sais que mes joues rougissent lorsqu'Ichabod vient replacer une mèche de mes cheveux. C'est dingue l'effet qu'il me fait, je comprend pas comment ça peut encore être un secret pour qui que ce soit à bord. Sauf que là, j'ai encore le coeur qui bat trop vite et des résidus de panique dans les yeux, alors ça doit balancé le tout. Peut-être. Puis il frémit lorsque je le touche, et aussitôt, je regrette mon geste et j'en envie de me donner une paire de claques.

"Bon sang, je suis tellement idiote, pardon..."

Je baisse les yeux tout en croisant mes bras sous ma poitrine, question de plus faire de conneries avec mes mains. C'était quoi l'idée d'aller toucher pile là ou je viens de le frapper aussi? Qu'est-ce qui va pas chez moi? J'en connais un qui dirait que je réfléchis pas assez avant d'agir. Pour le coup, il a peut-être raison, mais je l'emmerde quand même.

Je me retourne de nouveau vers la bouilloire qui a terminée de réchauffer l'eau à la bonne température, puis verse celle-ci sur les feuilles de thé dans la théière. Je nous sort ensuite deux tasses, et, pour tenter de changer de sujet, je lui demande alors par dessus mon épaule :

"T'arrives pas à dormir?"

Un sourire indulgent se dessine tranquillement sur les lèvres du quadragénaire alors qu'il observe la jeune femme se traiter elle même d'idiote. Il ne la pense pas idiote. Et il ne lui en veut pas non plus du léger coup qu'il lui a mis. La douleur est là pour l'instant, mais elle va très vite passer.

" C'est rien, Aeÿ. T'en fais pas. "

Lui a repris ses mains sagement, et observe la jeune femme faire sans trop réagir. Son cerveau est encore un peu endormi, malgré le petit élan d'adrénaline qui lui a fait un sursaut quelques secondes auparavant. Et puis, le fait que sa tête ne pense qu'à l'alcool de kei auquel il ne peut pas avoir d'accès pour l'instant, n'aide pas à se concentrer sur l'instant présent non plus. Alors il l'observe, le regard un peu vitreux, faire du thé. Noir. Mh, c'est pas du café. Mais il peut s'en contenter.

" Non, pas vraiment. Du coup, je me suis dit que j'allais me lever. Et toi ? Toujours pas couchée ? "

Il m'en veut pas, il est tellement gentil, mais ca m'empêche pas de continuer à me traiter d'idiote en silence. Je me concentre donc sur le thé et, puisqu'il ne me touche plus, j'arrive à enfin à me détendre. Une fois les feuilles infusées, je lui tend sa tasse puis prend la mienne à deux mains, appréciant la chaleur qui s'en dégage. Puis, tout en répondant, je lui fais signe de me suivre jusqu'à ma table favorite, celle près du hublo. Le mess est d'ailleurs tellement particulier de nuit, mais j'aime cette ambiance étrange et tamisée.

"Nan. J'avais du boulot à faire et tu me connais, j'aime travailler quand les autres dorment. Ca fait moins de distraction, et l'ambiance est sympa."

Je lui offre un sourire en coin, mais penche ensuite la tête de côté pour l'observer avec une étincelle d'inquiétude dans les yeux.

"Y a quelque chose qui va pas? Pour t'empêcher de dormir?"

Il pourrait prétendre que non, mais oui, il la connait. Sans doute plus qu'il ne le devrait. En tant que quartier maître, il est sensé connaître son équipage. Peut-être pas tous les membres sur le bout des doigts, mais certainement pas aussi intimement qu'il ne connaisse Aeÿ'gis pour le moment. Jetant un coup d'oeil distrait dans un coin de la pièce, il se demande d'ailleurs si le Capitaine est au courant. Tout en se disant que tant qu'il ne lui en parle pas directement, c'est que ça ne doit pas le déranger outre mesure...

Il se rend à peine compte qu'il a pris la tasse tranquillement des mains de la jeune femme et qu'elle attend désormais une réponse à une question. Il arque un sourcil en revenant sur elle, et réfléchit une seconde... simplement pour se rappeler la question.

" Oh, des soucis de Quartier Maître. Rien de grave. Ni d'insurmontable. " Qu'il répond finalement. " Merci pour le thé. "

J'hoche simplement la tête pour répondre à son remerciement, puis fixe mes yeux sur le contenu de ma tasse de thé. J'aimerais qu'il s'ouvre à moi davantage, qu'il me fasse suffisamment confiance pour me parler de ce qui le tracasse réellement. Et puis, après tout, lui écoute et aide tout le monde, mais qui est là pour lui rendre la pareille? Je sais bien qu'en tant que Quartier Maître, plusieurs des choses qui pèsent sur ses épaules doivent rester secrètes, par confidentialité pour ceux qui se confient à lui, pour la sécurité de l'équipage... Mais Ichabod ne me parle pas du reste non plus, alors que moi j'ai envie de tout lui raconter. Ce qui doit vouloir dire que je m'y prendre comme une merde, ça ne serait pas la première fois. J'inspire donc un bon coup puis tente une nouvelle approche, la voix plus hésitante que j'aurais aimé qu'elle soit.

"Tu sais... même si c'est rien de grave, tu peux m'en parler. Parfois ça aide. Enfin, si ça te fait du bien, bien sûr. Je veux dire, seulement si t'en as envie hein, t'es pas obligé de rien, je sais que c'est compliqué parfois et..."

Bon. Je peux me noyer dans ma tasse maintenant, c'est bon? Par Calypso, je suis un putain de cas, parfois. Je fais un vague geste de la main comme pour effacer mes paroles maladroites puis relève enfin les yeux vers lui, ajoutant avec sincérité :

"Je suis là, c'est tout."

Il s'installe à côté d'elle, avec sa tasse de thé. C'est plus agréable que sa chambre vide et il arrive à cacher le très léger tremblement de ses mains autour de la tasse. Mais non, c'est vrai, il n'a pas envie de parler de ce qui le tracasse vraiment. Avec personne. Il a essayé une fois, ça s'est pas très bien terminé, et il préfère éviter de reproduire une erreur de jugement. Même s'il ne pense pas qu'Aeÿ soit pareille.

Il relève son regard de sa tasse pour l'observer alors qu'elle parle, qu'elle essaye de lui faire comprendre qu'en effet, elle n'est pas pareille. Mais elle est si innocente, si colorée... Elle ne sait pas ce qu'elle dit, et il se contente de sourire doucement, touché par ses paroles, mais ne pouvant pas y faire suite autant qu'il le voudrait.

" Je sais, Aeÿ. Je sais. " Sa voix est toujours grave, mais douce et tranquille. " J'ai juste du mal à dormir ces jours-ci. "

Sa voix est calme et douce. Je devrais en être rassurée, mais je ne m'en sens que d'autant plus idiote pour mes paroles nerveuses incessantes. Je lui souris néanmoins, comme un remerciement pour sa patience envers moi.

Ses paroles me font d'ailleurs un petit serment à la poitrine. Il a affirmé savoir que je suis là pour lui, et c'est déjà beaucoup pour les papillons dans mon ventre. Néanmoins, je vois bien qu'il ne me dit pas tout, et si je n’insistais pas davantage, j'en suis... blessée? Non, pas tout à fait. Déçue, peut-être. J'en sais rien. J'aimerais tellement être ce dont il a besoin, mais certaines choses ne se forcent pas, apparemment. Je dois surement lui prouver autrement qu'en paroles que je peux l'être.

À sa dernière phrase, mon sourire redevient plus sincère avec une ombre d'amusement. Je penche alors la tête de coté, cherchant ses yeux de miens. Lorsque je les trouve, je hausse un sourcil complice en une question silencieuse et ma main vient trouver la sienne contre sa tasse de thé.

"Si ce n'est vraiment que ça... peut-être que je peux t'aider."

Il la déçoit un peu... Il le sait bien, au fond. Il le voit bien, là. Elle espère plus. Elle veut qu'il se livre complètement. Elle veut percer la carapace qu'il se construit jour après jour. Pas tant pour se protéger, en réalité, que pour protéger les autres de la noirceur qui l'habite et du danger qu'il peut représenter. Il n'est pas dans l'auto destruction, quoi qu'en disent certains, mais il est dans la survivance. Il ne construit rien. Hors, Aeÿ' est de ces femmes qui, malgré ce qu'elle peut penser, ont encore tout à construire malgré les épreuves qu'elle a pu traverser. Et il l'admire pour ça.

Elle ne se démonte pourtant pas. Et il n'a pas encore touché son thé. Sa main se pose sur la sienne, et il ne rate aucun détail du mouvement. Occupé à observer sa main, il ne lèvera le regard vers le sien qu'avec un temps de retard, mais assez rapide pour voir ce petit sourire et cette ombre particulière, et, surtout, ce sourcil levé en une expression assez suggestive pour lui arracher un sourire amusé à lui aussi, fugace, parce qu'il le remplace vite avec un regard qui se veut faussement innocent.

" M'aider ? " Qu'il demandera, avec sa voix posée toujours, trop calme, toujours. Difficile d'y déceler le sous entendu amusé qui traîne dans sa voix, mais il est là.

Ichabod sourit une fraction de seconde suite à mes paroles, et bien qu'il reprend son expression innocente et calme tout de suite après, c'est suffisant pour m'encourager. Je n'en ai définitivement pas besoin de plus pour me laisser glisser sur la pente que je viens d'emprunter, ni pour que ma main qui n'est pas déjà sur la sienne vienne se glisser subtilement sur sa cuisse sous la table. Je sais qu'il y a des caméras dans les zones publiques de l'Iceberg, mais avec l'angle, le geste devrait rester entre nous.

"Exact. Tu prend toujours soin des autres, Icha. Laisse moi m'occuper de toi pour une fois."

Je ne sais pas si c'est son sourire réceptif, le fait que j'ai l'impression qu'on est seuls sur l'Iceberg en ce moment ou simplement l'heure tardive et le manque de sommeil associé qui me rendent aussi courageuse et audacieuse. Quoi qu'il en soit, ma voix descend d'un octave alors que je feint la même innocence que lui et ajoute, sans le lâcher des yeux :

"Je connais quelques trucs pour t'aider à t'endormir. Notamment, il parait que je donne d'excellents massages. Très relaxants."

Alors que la main de la petite femme aux cheveux verts se pose sur sa cuisse... Il doit se rappeler qu'ils sont dans un lieu public, et qu'il y a des caméras dans tous les coins du navire. Et il espère encore que leur aventure n'ait pas été découverte, notamment par leur Capitaine. Il redoute la réaction de ce dernier face à l'implication du quartier maître dans une relation avec la seconde maître-artilleuse... Sans avoir réellement conscience de la nature qu'elle pourrait avoir.

La voix d'Aëy' l'invite... Descend d'une octave, et l'invite encore. Ses yeux l'observent et soutiennent son regard, et un sourire en coin vient finalement dessiner ses lèvres, même s'il reste dans l'idée ... " innocent ". Il n'a pas besoin d'aide pour imaginer ce qui se cache derrière ce message subliminal.

Si seulement, il pouvait désactiver toutes ces caméras d'un simple claquement de doigts.

" Que dire face à une telle invitation... "

"Oui peut-être?"

Merde, maintenant je fais comment pour pas céder à l'envie de l'embrasser? La façon dont il a de me regarder là maintenant en plus, bon sang... Je me mord la lèvre inférieure, détaillant ses traits un par un comme s'ils étaient les plus belles choses que j'ai pu voir dans ma vie. J'aime la teinte sombre de ses yeux, son regard intense et la manière dont il me regarde de derrière ses longs cils noirs. J'apprécie les imperfections de sa peau, la texture différente de sa cicatrice qui semble m'inviter à glisser un doigts doucement contre elle pour la caresser. J'ai envie de passer mes mains dans ses mèches poivre et sel, pour les démêler lentement comme m'y accrocher et y créer le chaos... Ok, stop Syenä, sinon tu vas faire une connerie.

Je me lève lentement, détachant ma main de sa cuisse avec une pointe de regret, mais trop consciente des caméras et de l'envie d'Ichabod de garder notre relation secrète pour oser faire autrement. Peut-être que bientôt, ce sera différent? Peut-être qu'on pourra sans problème échanger de simples gestes ou s'embrasser à la vue de tous?

"Je peux difficilement te donner un tel massage ici, et comme ma cabine n'est pas privée, la tienne me semble la meilleure option... non?"

Comme si c'était pas comme ca qu'on faisait d'habitude, mais jouer un peu, c'est sympa. Tant qu'il se dépêche, parce que le contrôle personnel, je sais faire pendant bien deux minutes, mais après...

Elle le fixait avec un tel regard sous ses mèches vert lime… Avec ses taches de rousseur, ses lèvres pleines et dessinées, ses grands yeux verts envoûtants… Diable. Quelques centimètres en moins, et il pourrait vraiment avoir des remords de la trouver séduisante. On dirait presque une enfant. Pourtant c’est bien une femme. Toute en chair malgré sa petite taille. Une jeune femme qui cache bien son jeu sous son air pourtant si innocent.

Le souvenir de ces pertes flagrantes d’innocence en sa compagnie égare d’ailleurs ses pensées alors qu’elle lui propose une réponse plus satisfaisante que la sienne.

Et il maudit encore une fois ces caméras et toutes les raisons qui sont à l’origine du besoin de garder le secret sur leur relation.

Il se lève à son tour, lentement pour ne pas montrer d’empressement particulier, et pourtant plus vite et plus agilement qu’à son ordinaire. Elle s’éloigne et il se sent presque l’âme d’un prédateur, avec cette urgence dévorante qui le pousse à sa poursuite. Mais calme, toujours calme.

« Il semblerait, en effet »

Ce qui peut faire de l’effet, c’est sa voix qui baisse d’une octave, profonde et séduisante.

« Je te suis »

Son regard ne fait qu'augmenté en intensité, et si j'étais encore une adolescente, je crois que j'en aurais eu un vertige. Non parce que franchement, quand il me regarde comme ca, il pourrait me demander pratiquement n'importe quoi que j'accepterais sans me poser de questions. C'est dingue, comment il fait ca ? Merde, c'est injuste ce pouvoir de dingue qu'il a sur moi... Est-ce qu'il y a la moindre chance qu'il ressente au moins un peu la même chose pour moi?

Plutôt que de réagir comme une version catastrophique hormonale de moi il y a plus de 10 ans, je l'encourage en mettant tout ce que je peux de mon propre désir dans le regard que je lui retourne. Je joue également un peu avec lui en marchant tout juste hors de sa portée. Le chemin jusqu'aux quartiers des officiers n'est pas particulièrement long, mais j'ai à la fois envie de le maudire de ne pas être plus court et envie de faire durer le plaisir de cette tension entre nous. C'est hypnotisant et enivrant, comme des vapeurs d'alcool.

Enfin ou trop rapidement arrivés devant la porte de sa cabine, je m'efface pour lui laisser la place. Je croise alors les bras contre ma poitrine - question de les empêcher de faire une connerie avant que l'on soit hors de vue des caméras - et m'appuie l'épaule contre le mur pour le dévorer des yeux. À mi-voix, joueuse, je lui glisse :

"Vous amenez beaucoup de demoiselles ici, monsieur Cook?"

Voir ce petit bout de femme essayer d'échapper à sa portée, à jouer au chat et à la souris avec lui, réveille une chaleur qui n'est pas que physique en lui. Son sourire est amusé, son regard envoûté, et son corps semble fonctionner en mode automatique. Il aimerait tellement la rattraper, la plaquer contre ce mur, ici, dans une coursive totalement publique, et l'embrasser avec toute la fougue qui ne demande qu'à s'exprimer.

Mais au lieu de ça, il ralentit presque le pas. Son corps semble détendu alors qu'il est loin de l'être. Il refrène ses instincts. Et ça semble durer une éternité avant qu'ils n'arrivent tous les deux face à la porte de ses quartiers privés.

Elle s'efface pour le laisser ouvrir. Et il a déjà presque déverrouillé la porte lorsqu'elle le taquine à mi-voix. Mais la question le surprend franchement pour le coup. Il se fige une seconde dans son mouvement et lui jette un coup d'oeil étonné. Mais il ne prend pas trop de temps pour se reprendre et finir de déverrouiller la porte.

" Vous aimeriez bien le savoir, Miss Syenä ? Seriez-vous d'humeur jalouse ? " Qu'il demande, s'écartant légèrement pour la laisser entrer. Ou non ? Elle aurait changé d'avis si rapidement ?

Oh j'ai piqué un truc? À voir la tête qu'il tire, il ne s'attendait pas à cette blague, parce que définitivement s'en était une. Quoi que, l'air de rien, je ne serais pas mécontente d'apprendre s'il joue ce jeu avec d'autres ou si je suis la seule. Urff, Calypso, je suis un cas désespéré, hein? J'hausse donc simplement les épaules, mon sourire joueur toujours sur les lèvres, et lui répond alors que je passe devant lui pour entrer dans sa cabine.

"Mmm, non, je ne suis pas du genre jalouse du tout. À moins, bien sur, que vous me donnez de bonnes raisons de l'être."

J'hausse un sourcil vers lui, comme une question muette. Ça me tue de ne pas savoir si c'est une bonne idée ou non de lui demander franchement qu'est-ce que je suis pour lui. Par question détournées, j'arriverais peut-être à en avoir une petite idée, mais... urff. C'est ridicule et j'ai l'impression d'être une trouillarde.

Lorsqu'il referme la porte et qu'on est enfin seuls, j'en ai marre de mes bêtises, marre d'attendre, et je ne veux plus que faire briller plus fort cette flamme que j'ai vu au fond de ses yeux plus tôt. Aussi, je ne rate pas une seconde et me voilà déjà près de lui, mais sans le toucher. Il est beaucoup plus grand que moi, aussi je dois lever la tête pour le regarder. Dans un souffle, je lui dis alors :

"Tu m'as manqué, tu sais?"

Il l'observe avec attention alors qu'elle passe la porte. Elle n'a pas l'air frustrée ou en colère. La remarque était certainement une blague et il l'a prise au pied de la lettre comme un adolescent. Néanmoins, sa curiosité est bien là... Elle veut vraiment savoir ? Les femmes sont étrangement masochistes parfois...

Il la laisse entrer sans répondre avant de fermer la porte dans son dos. A peine le temps de jeter un coup d'œil, sur la pièce puis sur la porte, qu'il se tourne à moitié... Et s'arrêter avant de percuter la toute petite forme de la jeune femme, qui le fixe de nouveau avec ce regard de biche qui a cette fâcheuse tendance à le transformer en loup.

Sa main glissera sur la peau constellé d'étoiles de sa joue alors qu'il reste un instant plongé dans son regard.

" À ma connaissance, tu es la seule à avoir visiter cette cabine de la façon dont on l'explore... " qu'il répondra enfin avec un sourire charmeur qui ne fait pas de secret sur l'origine de ses pensées.

Avant de se pencher pour venir enfin l'embrasser.

Si la sensation de ses doigts contre ma joue m'électrise, ses mots envoient littéralement une décharge de plaisir dans mes veines. Il est sérieux là? Je suis sa seule amante du moment? Et peut-être la seule qu'il ait eue sur l'Iceberg aussi, si je comprends bien. Je ne peux m'empêcher de ressentir une bouffée d'espoir. Parce que si c'est vrai, alors ça veut dire que je suis au moins un peu spéciale pour lui, non? Ça ne veut pas nécessairement dire qu'il me voit autrement que comme une amie, comme il m'a dit lors de notre première nuit ensemble, mais... mais peut-être que si? Je suis surement complètement folle, car je n'ai pas su m'empêcher d'en tomber rapidement raide dingue amoureuse de lui, et car maintenant je prends ses paroles pour des encouragements. Je dois sourire assez bêtement là, d'ailleurs. Heureusement qu'on a pas encore allumé les lumières.

Ichabod se penche finalement pour m'embrasser, m'enlevant toute envie de répondre autrement qu'en lui rendant son baiser avec passion. Je m'accroche rapidement à sa chemise puis passe une main derrière sa nuque pour l'attirer à moi. Lentement, je recule en le tirant à ma suite en direction de ce que je sais être son lit. Je m'arrête lorsque l'arrière de mes jambes rencontre le matelas, puis mes doigts se glissent jusqu'aux boutons de sa chemise, entreprenant de les défaire une à un sans cesser de l'embrasser. Tout contre ses lèvres, je murmure alors :

"C'est mieux pour le massage si j't'enlève ça."

Il avance alors qu'elle recule, galvanisé par ce soudain entrain à se diriger vers le seul intérêt de cette petite pièce. Sa main quitte sa joue pour descendre plus bas et saisir ses hanches, sans l'arrêter dans le mouvement. Non. Il continue à suivre ses indications. Il continue à l'embrasser.

Il lui rend sa passion, son envie, son impatience. Il ne s'emballe pas totalement, pas encore. Un sourire glisse sur ses lèvres alors qu'il sent ses mains descendre pour déboutonner sa chemise alors que ses mains à lui se sont justement égarées au même instant sous son haut. Une main chaude se glisse sur sa peau. La main de métal, elle, préfère descendre vers d'autres horizons plus bombés.

" Que je sache, tu n'as pas besoin de ça non plus pour masser " Qu'il note, taquin, alors que son propre haut remonte de plus en plus vers le haut de son corps.

Tout en continuant de l'embrasser, enivrée et incapable de lâcher ses lèvres que je goûte enfin, je ris doucement à sa réplique et le laisse faire.

"J'ai effectivement b'soin d'rien d'autre que mes mains."

Le dernier bouton de sa chemise vaincu, je passe enfin mes mains sous le tissu, inspirant brusquement en sentant la chaleur vive de sa peau sous mes doigts. Alors qu'il s'occupe de mes propres vêtements, je glisse mes mains sur ses épaules, rejetant sa chemise vers l'arrière, puis l'aide à retirer les manches. Autant j'étais heureuse plus tôt que l'on se retrouve dans la pénombre et qu'il ne puisse ainsi pas voir mon sourire un peu trop heureux et révélateur, autant je regrette le peu de luminosité maintenant. Ichabod torse nu, c'est plus qu'un plaisir pour les yeux. Et quand il est là uniquement pour les miens...

Mes mains redescendent plus bas, suivant les contours de son corps comme pour me les dessiner mentalement, puis mes doigts viennent s'accrocher à sa ceinture. Le guidant avec celles-ci, j'inverse alors nos positions, le mettant dos au lit. Je parviens ensuite enfin à me défaire de ses lèvres pour reculer la tête et le regarder dans les yeux. Il faudrait être aveugle ou complètement débile pour ne pas remarquer le désir qui doit brûler dans mes yeux, là maintenant.

"T'es plus tendu dans les épaules? Le bas du dos?"