T'aimes toujours ça, les plantes ? [Mia, Billy & Dodu]

On profite d'une petite escale sur Hope pour aller voir nos parents et puis leur dire que tout va très très bien pour nous, ça oui ! On a pas beaucoup le temps de se balader un peu partout, parce qu'on a beaucoup de boulot sur le Liberty, mais bon, là on descend quand même dans les rues, et puis on va acheter nos framboises pour tenir un peu, parce que nous, on aime ça, les framboises. Et puis on a aussi besoin de deux trois plantes, parce que sur le Liberty, ils me mangent tout à une vitesse follissime. Enfin, façon de parler, ils les mangent pas toujours, mes plantes. Pour ça, on va directement demander à papa et maman. Mais avant, on en profite pour aller boire un jus de framboises dans une taverne, parce qu'on aime vraiment ça, le jus de framboises. Alors on s'installe à une table, on commande et puis Dodu et moi, on vérifie notre inventaire, comme ça, on est sûrs de rien oublier du tout.

- ... Et les giroles, on a encore ça ?

Dodu il me sort un petit pot avec encore trois feuilles dedans. Ca devrait le faire, alors j'hoche la tête et puis je continue la vérification et Dodu il me sort ce que je veux, pendant qu'on sirote nos jus.

Esperanza. Bastion de la criminalité et de la corruption, auquel aucun des trois quartiers n'avait réchappé. Là, prostitution. Ici, recel de produits volés. Au coin de la rue, un sachet glisse entre quatre mains expertes. Le crime, s'il restait discret, semblait omniprésent pour des yeux habitués. En temps normal, j'aurais été tenue de réagir, si ma juridiction ne s'arrêtait pas aux frontières du quartier impérial.

A la place, je me contentais de soupirer simplement en secouant la tête, comme l'aurait fait n'importe quelle vieille dame, avant d'entrer dans une taverne proche où, une à deux heures plus tard, je rencontrerais un autre officier en civil.

« ... Et les giroles, on a encore ça ? » En entrant, j'observais, de dos, une femme discuter avec ... ce qui semblait être un singe. Curieuse sans vraiment l'être, je la contournais pour m'approcher du bar, quand soudain ...

« ... Billy ? Billy, c'est toi ? » Il ne pouvait pas y avoir deux visages comme celui-ci dans tout l'univers connu.

Nous, on est perdus dans nos comptes, et puis je coche mes jolies petites cases sur mon carnet, et on est tout concentrés. Et puis c'est là que j'entends une voix qui m'appelle et puis j'ai pas oublié cette voix-là, ça non. Moi, j'oublie jamais les gens ! Alors je relève la tête, toute souriante, et puis je vois Madame Mia, et je me sens toute excitouillée de la voir comme ça, et puis très très contente.

- Oh bah ça alors ! Nom d'une girole argentée ! Madame Mia !

Dodu, il affiche un air sacrément curieux, parce qu'il a pas l'habitude que j'accueille des gens comme ça, et puis surtout qu'il la connait pas lui. Ca fait bien plus de vingt ans que j'l'ai pas vue, et puis Dodu, je le connaissais pas encore. Même qu'il était pas né, lui. Et que moi j'étais même pas médecin non plus !

- Venez, venez donc vous asseoir avec nous ! Bah ça alors !

Et puis je regarde Dodu avec un sourire jusqu'aux oreilles tellement je suis sapristouillement joyeuse, ça oui !

- Dodu, j'te présente Madame Mia de Moya. Madame Mia, c'est Dodu ! Allez Dodu, aide moi à ranger tout ça, on reprendra après !

Eh bien ça alors. Sans hésiter, je l'attrape dans une brève embrassade. Revoir Billy, et en bonne santé de surcroit ; voilà qui égayerait les difficiles semaines à venir. Je m'étais assise sans me poser de question, bien trop ravie de la rencontrer à nouveau, jusqu'à ... ce qu'elle ne me présente au singe.

« ... Je ... Euh ... Enchantée », balbutiais-je audit Dodu, un sourcil légèrement haussé. « Enfin bref, que deviens-tu, Billy ? Tes études ? Ton retour ? Tu dois tout me raconter. »

J'suis vraiment très très contente de la revoir, ça oui ! Et puis, elle a l'air en forme, mais elle est plus âgée que quand j'l'ai vue la dernière fois, ça oui !

- Eh bah, c'est qu'ça fait sacrément longtemps, y a beaucoup beaucoup de choses qui se sont passées, ça oui !

J'ai le regard tout brillant, et puis je souris comme je souris pas souvent, ça non. Et je redresse un peu mes épaules voûtées, même si je reste toute tordue.

- Eh bah, j'suis partie faire des études en dehors de Dorado, et puis y a le doyen de mon école qui m'a prise comme apprentie, alors j'ai appris avec lui, et j'ai eu mon doctorat quand j'avais vingt-cinq ans, et après je suis restée travailler là-bas avec mon tuteur, et puis je suis revenue m'installer ici et puis pouf ! Je suis médecin !

J'suis pas peu fière de lui dire ça à elle, surtout après notre rencontre, et puis tout ce qu'on s'était dit, et puis lui montrer que j'en ai été capable, eh bah c'est sacrément chouettissime !

- Et puis vous, Madame Mia, comment qu'vous allez, et puis vous avez fait quoi depuis notre dernière rencontre ?

Je l'écoute, le sourire jusqu'aux oreilles, me résumer l'aventure d'une vie. Elle l'avait fait. Je mentirais si je disais que je n'avais jamais douté de son succès ; beaucoup trop, encore aujourd'hui, réussissent au faciès plus qu'au mérite, et je n'avais aucune connaissance des talents en médecine de la jeune femme qu'elle était alors.

« Eh bien ... Beaucoup de choses », fis-je, sans vraiment oser résumer. Par quoi commencer ? L'assassinat de ma soeur ? Ma chute professionnelle ? Mes problèmes financiers ? « Disons que j'ai eu quelques mésaventures, mais je suis toujours militaire impériale, sur le Cerberus. Nous chassons des pirates, avec plus ou moins de succès. Mais raconte-moi plutôt, tu travailles donc à Hope ? En cabinet peut-être ? »

Je l'écoute parler, et puis je souris un peu moins quand elle me dit qu'elle a eu tout plein de mésaventure, et puis encore un peu moins quand elle me dit qu'elle chasse les pirates.

- Sapristouillette ! J'suis bien désolée d'apprendre que vous avez vécu des choses pas sympatouilles du tout, ça oui.

Et puis je baisse un petit peu les yeux, parce que je me demande un peu comment elle va pouvoir réagir, parce que moi, je vais pas lui mentir, ça non !

- Oh... Vous fâchez pas, madame Mia...

Je la regarde et puis je commence à gesticuler en lui parlant et en lui racontant un peu tout.

- C'est que... Dodu et moi, on a travaillé un peu partout dans la galaxie, parce qu'on aime bien soigner, et puis on soigne beaucoup aussi les gens pauvres et puis ceux qui peuvent pas trop payer, et puis aussi, on fabrique nos médicaments à nous. Et puis y a quelques mois, et bah on a soigné une madame qui était presque morte, et puis c'était une pirate. Et y avait le capitaine, et puis il nous a proposé de rejoindre son vaisseau à lui, alors nous, comme on aime bien voyager, et bah on a dit oui.

Je hausse un sourcil. Pourquoi devrais-je me fâcher ? Ses choix lui appartiennent, qu'elle soit en cabinet, ou sur le navire d'un ...

« PIRATE ?! », m'exclamais-je en sautant littéralement de mon siège, m'attirant de nombreux regards, . « Est-ce que tu es inconsciente ou simplement folle à lier ?! Tu troques ton avenir pour voyager à bord d'un navire criminel juste parce qu'ils te l'ont proposé et parce que, "oh tiens pourquoi pas, ça me permettra de voyager" ?! »

Incompréhensible. Pourquoi ?! Pourquoi elle, de surcroit ?

Je la regarde avec de grands yeux un peu surpris par sa réaction, parce que sapristouille, j'm'attendais vraiment pas à ça, ça non. Et je baisse un peu les yeux, et Dodu aussi il est un peu surpris. Et puis finalement, je relève les yeux et puis je les plonge dans les siens finalement, sans pouvoir vraiment masquer ma tristesse, ça non.

- Moi, je me souviens qu'une grande dame ma dit ça, un jour : "La galaxie est peut-être pleine d'injustices, mais elle est aussi remplie d'opportunités à saisir et de défis à relever." C'est pas mon travail à moi, de juger les actes et puis les gens, ça non. Moi, je soigne, et puis je fais ça parce que c'est ce que je veux faire depuis toujours. Et c'est pas grave si le blessé c'est un riche, ou un pauvre, ou un criminel, ou un vieux monsieur, ou un enfant mo'at, ou un trinitaire, ou un pirate. C'est un homme ou bien une femme et puis un enfant. Et on a du sang qui coule dans les veines, et puis un coeur qui bat, juste là.

Et puis je pointe sa poitrine d'un de mes doigts.

- Je sais pas pourquoi vous aimez pas les pirates, et puis vous avez sûrement vos raisons, et puis de penser aussi que c'est des criminels ou des sales types, ça oui. Mais moi, Madame Mia, moi, je suis médecin. Et puis moi et Dodu, on soigne et on sauve des vies.

Je me pinçais l'arête du nez tout en allant me rasseoir. Madre mia ... Comment peut-on passer d'une situation aussi plaisante à un horreur pareille en si peu de temps ? Calme-toi Mia, s'énerver ne résoudra rien. J'expirais bien trop longuement, avant de reprendre.

« Billy, ne sois pas bête. Ecoute-toi ! Tu pourrais donc soigner quelqu'un qui a blessé, tué et volé, peut-être même pire ? C'est ça que tu souhaitais faire quand tu as souhaité devenir médecin ? Aider ceux qui mettent les gens sur des lits d'hôpital ? Tu as beau romancer la chose, on a le même sang dans les veines, mais qu'on soit riche, pauvre, mo'at, humain ou métisse, si l'on commet un crime, on ne mérite pas mieux que d'être dans une cellule ou sur un peloton d'exécution. C'est ça que tu veux comme avenir ? Tu pourrais sauver des vies sur n'importe quel navire ! »

Je suis toute chamboulifiée et à nouveau, je baisse la tête, et Dodu il commence à pas être content parce qu'il aime pas quand on s'énerve contre moi et puis il voit bien que je suis toute tristou. Et puis malgré moi, et bah je sens que les larmes me montent aux yeux et je renifle bruyamment.

- Je fais rien de mal, Madame Mia... Je sauve juste des vies... Je sauve juste...

Je renifle encore et puis j'essuie une de mes joues avec ma main.

- Vous eh bah, votre travail c'est d'arrêter les pirates, ça oui. Mais moi, mon travail, c'est pas d'arrêter les pirates ni même les autres. Moi, je suis devenue médecin parce que je voulais soigner ceux qui en ont besoin. Tous ceux qui en ont besoin. Et puis tous les pirates et puis tous ceux que je soigne, ils sont pas forcément des monsieurs ou des madames qui mettent d'autres monsieurs ou d'autres madames sur des lits d'hôpitaux, ça non. Je sauve des vies de partout, madame Mia. C'est pas à moi de décider si quelqu'un il mérite de vivre ou bien de mourir. Ca non, c'est pas à moi.

J'étouffe un peu mes sanglots qui commencent à monter dans ma poitrine.

- Et vous, est-ce que vous savez combien de personnes m'ont dit que moi, je méritais rien d'autre que de mourir ? Et puis que je suis un... Un monstre ? Alors on aurait dû me laisser mourir, moi aussi ?

« Peux-tu me jurer qu'ils n'ont jamais tué ou blessé quelqu'un qui ne faisait que son travail ? Je ne crois pas. Tu n'es pas un monstre, Billy », rajoutais-je, plus douce. « Tu es une femme qui a fait les mauvais choix. Bon nombre de gens seraient prêts à accepter qui tu es, et non pas à quoi tu ressembles. »

Je soupirais en me massant les sinus. « Ecoute Billy, si c'est du travail que tu veux, je peux t'aider à en trouver. Mais il faut que tu me promettes de ne plus jamais faire de piraterie. »

Je la regarde toujours tristouillette parce que je m'attendais vraiment pas à cette réaction là et puis j'étais vraiment bien contente de la voir et alors je regrette un peu de lui avoir dit que j'étais une pirate de l'espace maintenant. Dodu, il est toujours pas très content.

- Je manque pas de travail, Madame Mia. Depuis que je suis revenue ici, je soigne les pauvres et puis les blessés et les malades qui sont dans la rue ou bien ailleurs. On a pas beaucoup d'argent, mais on en a pas besoin, de l'argent, ça non. Nous, on se moque bien des guerres et puis des étiquettes et puis de qui est qui. Et puis, depuis qu'on est pirates de l'espace, on continue à soigner ces pauvres-là qui en ont besoin, et puis aussi, on travaille avec de grands laboratoires pour trouver des sacrés remèdes pour de méchantes maladies, ça oui. Je vous le répète, madame Mia, moi et Dodu, on est pas juges, ça non !

Je baisse encore un peu les yeux.

- Je vous demande pas d'être contente ou bien d'accepter ça, Madame Mia. Je vous dis pas non plus qu'on sera toujours des pirates de l'espace, mais nous, on tue personne et puis on aide à tuer personne. Les pirates, ils sont pas tous aussi mauvais que ceux qui vous ont fait du mal, Madame Mia, et puis les autres gens ils sont pas tous gentils non plus.

J'expirais lentement, colère rongée par la déception, acceptant tant bien que mal la nouvelle : Billy Jenkins était devenue pirate, une criminelle. Certes, elle ne tuait pas, mais elle aidait ceux qui s'en occupaient. Elle avait beau prétendre soigner tout le monde, nul doute que son Capitaine ne la laisserait pas prendre le temps d'aller sur le navire assailli pour soigner les véritables victimes.

« Tu es consciente de ce que cela signifie, entre nous. » Je laissais un temps de pause, pour lui laisser le temps de réaliser le fait. « Cela fait de nous des ennemies. Cela signifie que la prochaine que nous nous croiserons, nous équipages respectifs devront se battre. Car, quoi que tu en penses, je représente la justice, et tes compagnons, quoi qu'ils prétendent, volent, pillent, et représentent la criminalité. »

Cette fois là, moi, je sens les larmes me monter aux yeux et puis elles coulent très forts sur mes joues, et je renifle. Dodu, il vient se blottir contre moi et puis il lance un regard pas gentil à madame Mia, parce qu'il aime pas ça, qu'on me rende tristouillette moi.

- Nom d'une cârafouetouille, madame Mia... Moi j'veux pas être votre ennemie, ça non... J'suis pas méchante, j'suis pas quelqu'un de méchant, j'le suis pas. Vous... Vous me détestez ?

Je renifle encore bruyamment et puis je sanglote un peu, parce que je suis vraiment vraiment tristounette et puis que je l'aime bien moi, madame Mia et ça me fait beaucoup de peine, ça oui.

« Bien sûr que non ! », la réponse avait été jetée brusquement, comme une évidence. « Mais tu dois comprendre qu'à toute décision, il y a une conséquence. Et celle d'accompagner des pirates fait de nous des ennemies, que cela te plaise ou non, et ce quel que soit le degré d'affinité que nous partageons. Je ne t'ai pas vu depuis longtemps, Billy, mais tu es toujours aussi perdue qu'il y a trente ans. »

Je soupirais doucement, la tête dans les mains, lasse. Pourquoi fallait-il que tous ceux qui m"étaient proches passent dans le camp des perdants, des criminels ? Ils troquaient tous leur avenir contre la promesse froide de la potence.

Je renifle fort fort et puis je fronce un peu les sourcils et j'essaie de me calmer un peu.

- Et puis vous, Madame Mia, eh bah vous devez comprendre que vous êtes pas obligée d'vous sentir obligée de faire des trucs ou de penser d'autres trucs, ça non.

Dodu, il me tend un mouchoir et puis je me mouche bruyamment, toute tristouillette.

- Si vous me détestez pas, eh bah on est pas obligées d'être ennemies, ça non. Et puis, c'est pas parce que je passe un peu de temps sur un vaisseau de pirates de l'espace que moi je suis une pirate de l'espace et puis ça veut pas dire non plus qu'on peut pas être amies et puis se voir et puis discuter sans que vous me grondiez, ça non.

De nouveau, un long soupir. Elle ne voulait tout simplement pas comprendre.

« Aider des malfaiteurs revient à faire ce qu'on nomme de l'association de malfaiteurs, cela fait de toi une criminelle, Billy. Et tôt ou tard ta tête finira sur une affiche de recherche, et les autorités se mettront à te rechercher, que tu le veuilles ou non. Mon travail c'est d'arrêter les criminels. J'en suis désolée, mais c'est ainsi. Même si tu ne vole pas, tu aides ceux qui volent. Du point de vue de la justice, cela s'appelle de la complicité. Je ne te déteste pas, c'est même le contraire j'ai beaucoup d'affection pour toi, et te mettre derrière les barreaux ne m'apportera aucun joie. Mais si tu persistes à suivre des voleurs et des tueurs, je le ferais, Billy. »

La diction avait été lente, factuelle. Déterminée. J'étais certes une femme, mais une impériale, une militaire de surcroit, avant tout le reste.

Billy, ô Billy, tu regardes Mia de Moya sans parvenir à masquer ta peine, ta douleur, ton incompréhension. Pour tes yeux si doux et ton coeur si pur, rien ne devrait être si compliqué ; elle t'apprécie, et tu l'aimes beaucoup aussi. Alors pourquoi ? Pourquoi devez-vous êtes ennemies ? A nouveau, tu renifles, pauvre petite chose perdue et brisée, trop sensible pour ton propre bien. Pourtant, tu ne baisses pas les bras.

- Y a quelques mois, eh bah j'étais sur Hope, et puis j'étais là pour voir mes parents, mon papa et ma maman. Et puis aussi, je travaillais dans une clinique d'accueil là-bas, on m'y connait bien parce que j'y vais travailler souvent, ça oui. C'est que, c'est pas pour me vanter du tout, mais j'suis pas une mauvaise médecin, ça non. Et puis, là, y a Jo' qui rentre. Jo', je le connais bien, je l'ai soigné plein de fois. Et puis il est tout paniqué, alors je le suis. Et là, il m'amène dans son auberge, et y a une madame mal en point, elle a une grosse blessure sur l'épaule, et elle peut bien mourir. Alors moi, je la sauve. Et puis le monsieur qui l'accompagne, et bah il me propose un poste de médecin chez lui, et alors nous, on accepte. Et puis je suis encore là sur Hope aujourd'hui, et puis je soigne les mêmes gens dans la même clinique, mais après, je repars ailleurs.

Moi j'hausse les épaules et puis je vois bien qu'elle veut pas comprendre et puis qu'on peut pas comprendre tout ça, ça non.

- Et bah, un jour, le vent, il m'emportera ailleurs, et puis je serai peut-être plus une pirate de l'espace. Peut-être bien qu'on pourra se revoir à ce moment-là, ou peut-être bien que vous voudrez quand même m'envoyer me faire couper la tête et puis à Dodu aussi, parce qu'on aura été des pirates de l'espace à un moment dans nos vies. Moi, je peux pas comprendre pourquoi vous, et bah vous vous arrêtez à une étiquette que vous collez sur les gens, et puis bah, pas à ce qu'ils sont vraiment pour de vrai dans leur coeur à eux.

Je suis un peu déçue par madame Mia, ça oui, parce qu'elle a été un modèle longtemps dans ma vie et puis j'ai jamais oublié notre rencontre à nous, et alors là...

Elle ne comprenait décidemment rien. Une étiquette ?! Commettre des crimes, c'était une étiquette ?! Je ne réfléchissais même plus à l'en sortir, car il était clair qu'elle ne m'écouterait jamais. Malgré toute l'affection que je lui portais, elle n'était qu'une enfant perdue, peu importe son âge, dans des rêves qui n'existent que dans sa tête. Je me relevais lentement et quittait ma chaise, une rage froide au visage, le regard bas vers Billy. J'étais en colère, plus encore que face à aucun pirate : je me sentais trahie par ceux qui, je l'avais cru, m'étaient proches. Aujourd'hui, ils comprendraient qu'on ne joue pas avec le coeur des vieilles dames.

« Sache, Billy, que je compte rayer de la carte tous les navires pirates de Dorado. Quand j'en aurais fini avec le système, l'ordre et la loi seront les deux seules valeurs en vigueur dans l'espace. Et si je t'attrape sur l'un deux, Billy, tu feras partie des victimes », annonçais-je sur un ton glacial et menaçant. « Prépare-toi, car je n'aurais pas plus de pitié que ce qu'auraient eu tes compagnons si j'avais été de l'autre côté du fusil, quand je presserais la détente. Si tu dois changer de vie et de groupe, fais-le vite, car je ne t'attendrais pas pour tous vous mettre derrière les barreaux. »

Elle me fait un peu peur brusquement, mais bon, moi je comprends toujours pas pourquoi elle fait ça, et puis pourquoi tout ça, ça prend des proportions aussi faraminesqueuses. Alors je suis toute recroquivelloutée sur moi et puis pourtant, ma voix, elle tremble pas.

- Eh bah alors, pourquoi que vous me tuez pas maintenant, ça vous faciliterait sapristouillement le travail ! Et puis, même que moi, et bah je tirerai pas sur vous. Dodu et moi, on a pas peur de la mort, et puis nous, on vous ferait jamais de mal à vous ! Alors allez-y ! Saperlipopette !

Sans perdre de ma froideur, je me penchais légèrement en avant, gardant néanmoins une saine distance avec Billy et son animal.

« Ne me provoque pas, Billy. Contrairement à tes compagnons, je ne fais pas ma propre loi. Premièrement, je suis hors de ma juridiction puisque nous sommes hors du territoire impérial. De plus, je n'ai pour l'instant aucune preuve concrète que tu es une pirate, si ce n'est un aveu non enregistré, mais ça ne saurait tarder. Et dès lors que j'aurais ladite preuve, nous serons ennemies. Sauf si ... », débutais-je, pensive.

J'suis vraiment pas bien du tout, ça non. Alors que j'étais bien bien heureuse de revoir madame Mia, j'ai plus qu'envie de prendre mes gambettes à mon cou et puis de retourner voir Monsieur le capitaine, et puis lui parler de ça, parce que je suis sacrément chamboulifiée, ça oui. Sapristouillette, comment qu'ça a pu dégénérer comme ça ? J'aurais dû me taire et puis pas lui dire que j'étais une pirate de l'espace ? Et puis je sais pas, je regrette presque de lui avoir dit et puis aussi, je me dis que si j'avais pas dit ça, et bah peut-être bien qu'on serait en train de parler joyeusement et puis de rigolouiller ensemble, et qu'elle me dirait pas tous ces vilains mots-là.

- ... Sauf si...?

Je reste un peu pendouillée à ses lèvres, même si j'me doute bien que ça va pas bien me plaire ce qu'elle va me dire, et puis Dodu, il est contre moi et il regarde pas gentiment la madame. Dodu, il aime bien tout le monde pourtant, mais là, la madame elle nous crie dessus alors il aime pas ça, ça non.